L'organisation du mariage
L'organisation du mariage
- L’évolution du mariage
- Les époux chrétiens cohéritiers de la vie éternelle
- La guerre des sexes
- Un aperçu de l’histoire de la dégradation de la femme
- L’Évangile libérateur réhabilite la femme
- Le rapport d’autorité et de soumission entre le mari et la femme
- Le rôle du mari
1. L’évolution du mariage⤒🔗
À l’examiner de près, on verra que le mariage a connu une grande évolution. Tout n’a pas été négatif dans les mutations qu’a subies le mariage moderne, même si, hélas!, le taux de divorces s’accroît sans cesse et que l’adultère est loin d’être disparu des mœurs courantes… Nous constaterons aussi que nombre d’hommes et de femmes cherchent sincèrement à faire de leur union conjugale le lieu où ils puissent s’épanouir et cultiver un amour dans la fidélité et le respect mutuels. À cet égard, on parle de « mariage ouvert » (rassurons-nous, ce terme n’a rien à voir avec ces « mariages ouverts » synonymes de débandade et de débauche). Ils se veulent « ouverts » par rapport au mariage de type « patriarcal », supposé d’être préjudiciable, pour ne pas dire écrasant pour la femme, et dans lequel un mari autoritaire, sinon despotique, trône et asservit la personnalité sensible de l’épouse, parfois allant jusqu’à miner la santé de celle-ci. Le « mariage ouvert » en question veut balayer définitivement l’image du mari « maître et seigneur ».
Preuve en soit ce jeune couple qui fera la vaisselle ensemble et dont le mari participera aux courses du ménage, s’occupera du bain de bébé ou de son biberon et lavera même, à l’occasion, les couches ou la tétine. Les épouses ne sont plus choisies, de nos jours, d’après l’image absolutisée de la chère maman. Elles ne sont pas non plus disposées à jouer le rôle de la femme-objet pour satisfaire les caprices d’un homme dépourvu de toute sensibilité affective. Avouons qu’il y a du positif du côté de certains mariages modernes.
Mais n’allons pas nous imaginer que tous les problèmes ont été résolus, loin de là. Le rusé Béelzébul continue, hélas!, à se dévouer furieusement au service des affaires matrimoniales et il trouble sans cesse même les ménages et les mariages les plus « ouverts ». Il ne suffit pas d’être mutuellement « ouverts », de respecter les droits et la liberté de son conjoint, ni même d’être ou de s’imaginer être plus évolué que ses parents pour faire de la vie conjugale une entreprise parfaitement réussie. Combien de couples modernes ayant adopté ce nouveau style ne connaissent-ils que l’ennui, la routine, voire la lassitude. L’indifférence est aux aguets, sans relâche.
« Aimer, écrivait naguère l’un de nos grands essayistes, n’est pas de se regarder l’un l’autre, mais regarder tous les deux dans la même direction. » Je devrais presque m’excuser de rappeler cette phrase, tant de fois citée, d’Antoine de Saint-Exupéry. Mais, si je me le permets, c’est dans l’intention de la compléter. Je veux bien qu’on regarde dans la même direction. Encore faudrait-il préciser avec soin de quelle direction il s’agit. Quel est l’objectif visé? Un mariage peut se vouloir « ouvert » et le couple qui le forme ne regarder cependant que vers le vide!
2. Les époux chrétiens cohéritiers de la vie éternelle←⤒🔗
Le mariage véritablement ouvert est celui qui regarde en la direction de Dieu. Le sceptique pourra s’interroger : N’a-t-on pas déjà trop mêlé mariage et religion? Le mariage des chrétiens serait-il meilleur que celui des non-chrétiens? La Bible n’est-elle pas beaucoup trop exigeante, voire absolue dans ses demandes? Qui pourrait observer parfaitement les règles de la fidélité monogame, de la pureté jusqu’à dans les pensées intimes, du don de soi sans réserve, de la patience angélique et du pardon à chaque offense? L’interdiction du divorce, l’interdit de l’adultère, même passager, ne vont-ils pas décourager l’homme ou la femme qui se veulent modernes, et surtout libres? N’est-ce pas la Bible qui affirme une certaine supériorité du mari par rapport à la femme? Un mariage chrétien et biblique, ce doit être une affaire bien trop délicate et bien décourageante, concluront l’homme et la femme qui ont avalé tout ce qui s’est écrit ces dernières décennies, depuis Le deuxième sexe jusqu’à La révolution sexuelle.
Je n’ignore rien des exigences absolues de la Bible en ce qui concerne le mariage. Mais prêtons bien attention à la lettre de l’apôtre Pierre :
« Vous de même, femmes, soyez soumises chacune à votre mari, afin que, même si quelques-uns n’obéissent pas à la parole, ils soient gagnés sans parole par la conduite de leur femme, en voyant votre conduite pure et respectueuse. N’ayez pas par parure ce qui est extérieur : cheveux tressés, ornements d’or, manteaux élégants, mais la parure cachée du cœur, la parure personnelle inaltérable d’un esprit doux et tranquille; voilà qui est d’un grand prix devant Dieu. Ainsi se paraient autrefois les saintes femmes qui espéraient en Dieu, soumises à leur mari, telle Sara qui obéissait à Abraham et l’appelait son seigneur. C’est d’elles que vous êtes devenues les descendantes, si vous faites le bien, sans vous laisser troubler par aucune crainte. Vous de même, maris, vivez chacun avec votre femme en reconnaissant que les femmes sont des êtres plus faibles. Honorez-les comme cohéritières de la grâce divine, afin que rien ne fasse obstacle à vos prières » (1 Pi 3.1-7).
Nous rencontrons l’élément surprenant du texte à la fin : l’auteur fait allusion à l’égalité entre maris et femmes, et je crains que cette note échappe souvent à nombre de lecteurs. Saint Pierre parle du mari et de la femme comme étant les héritiers de la grâce divine. « Elles sont cohéritières avec vous », écrit-il aux époux chrétiens jaloux de leurs prérogatives spirituelles. Cohéritiers de la grâce divine, voilà ce qui fait du mariage une entreprise de communion, une ouverture salutaire de l’un envers l’autre. L’homme et la femme formant un couple chrétien sont plus que mari et femme, ils sont encore frère et sœur dans le Seigneur, cohéritiers ensemble de la grâce.
Un jour, Jésus a rappelé la dimension éternelle de l’existence. On était venu l’interroger, pire, lui tendre un piège par une question perfide, lui demandant à qui appartiendrait la femme qui, ayant épousé sept frères, se trouverait au ciel en leur présence. Dans le Royaume, répondit Jésus, il n’y aura ni femme ni mari, « mais ils seront comme des anges » (Mt 22.30). Mais précisons tout de même que, s’il n’y aura pas de couple marié au ciel, la différenciation sexuelle ne disparaîtra pas, et nous verrons pourquoi.
C’est un fait nouveau qui crée une égalité véritable entre époux. Le couple chrétien forme une équipe de prière. Le mari intercède pour sa femme; l’épouse prie pour son mari. L’un et l’autre sont au courant de leurs faiblesses. Mais leur liberté individuelle ne sera pas pour autant menacée. Le Dieu tout-puissant, qui a créé le monde et donné la vie, sait de quelle manière notre mariage peut se consolider, s’épanouir, vivre en beauté. Dans un mariage ouvert vers Dieu, l’égalité n’est pas affaire de calcul mesquin, de cinquante pour cent pour chacun. L’égalité n’appartient pas au domaine des proportions quantitatives, mais à celui de la nature de la qualité des relations rétablies par le Christ.
Songeons par exemple à ce qui adviendrait au mariage s’il n’y avait point de chef. Il serait vite destiné à la dissolution pratique en tous les cas. C’est précisément sur ce point-là que réside la cause de tant d’échecs, même parmi les mariages modernes se voulant « ouverts ».
Il n’y a d’égalité, de respect authentique, de liberté dans la vie en général, et dans celle du couple en particulier, que ceux que Dieu donne dans sa grâce. Pour réussir notre mariage, nous n’avons pas à adopter un quelconque modèle de mariage dit moderne. Il suffit de lire et de méditer les propos de l’apôtre Pierre, de se rappeler que mari et femme sont cohéritiers de la grâce divine.
Il semble parfois que certains chrétiens modernes, atteints par la contagion des idées sur la sexualité, considérée comme un absolu, ramènent eux aussi leur mariage aux seules relations sexuelles. Ils ont oublié le facteur spirituel, la dimension éternelle de leur existence, dont le mariage devrait être le signe le plus concret. Couples chrétiens, depuis quand avez-vous cessé de prier ensemble? De prier l’un pour l’autre et les deux ensemble pour vos enfants? « Si l’Éternel ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain » (Ps 127.1). Cohéritiers de la grâce, vous êtes liés pour le temps, mais aussi en un certain sens pour l’éternité. Pourquoi ne pas vous considérer à partir de maintenant, plus que par le passé, comme frère et sœur dans le Seigneur? Votre mariage connaîtra un nouveau départ, un renouveau réel, un bonheur plus grand que celui que vous avez vécu depuis votre lune de miel.
Le plus important dans la vie c’est de choisir Jésus-Christ et de le suivre comme disciple. Jésus-Christ n’est pas n’importe qui, mais le Fils même de Dieu, le Sauveur mort et ressuscité. Il accorde la grâce divine et nous conduit ensemble, mari et femme, à la vie éternelle.
La question primordiale dans la vie n’est pas la rencontre du parfait partenaire, mais celle du Sauveur parfait, celui qui refait notre vie et en répare tous les gâchis. À sa façon, la vie conjugale doit devenir une préparation à la vie éternelle. C’est pourquoi Dieu tient à ce que le mariage reste indissoluble. « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni » (Mt 19.6). Revivre notre mariage sous son regard le rendra plus beau et plus fort; plus saint aussi, ainsi que nous le reconnaissions dans le chapitre précédent. Demandons pardon à Dieu de ce que nous n’avons pas su faire de notre vie conjugale le signe de sa grâce divine et le témoin de la gloire à venir.
3. La guerre des sexes←⤒🔗
Examinons à présent ce que nous appellerons « un combat sans raison : la guerre des sexes ».
Un grand nombre d’ouvrages de féministes notoires, à la rhétorique exaltée, utilisent des mots tels que « égalité des sexes », « unisexualité », « mouvement de libération de la femme » et l’inévitable terme « phallocratie »… Les passionarias de la « libération de la femme », en adaptant sans cesse leur vocabulaire aux modes du jour, parfois en le radicalisant, s’acharnent toujours à faire parler d’elles. Mais l’observateur attentif constate que l’enthousiasme n’est plus au rendez-vous. L’ennui et le scepticisme gagnent du terrain, comme la rouille le fer exposé aux intempéries. Quelques retardataires poursuivront encore un combat d’arrière-garde. Avec un tel départ, la guerre des sexes ne pouvait aboutir autrement qu’à ce lamentable échec. Y avait-il cependant une raison valable pour la déclencher?
Il faut simplement constater que, dans toute cette entreprise, quelque chose ne cadrait pas avec la réalité. En dépit des slogans, tel celui de la chanteuse américaine qui clame quelque part : « je suis femme, je suis invincible », nous ne voyons, en réalité, qu’un troupeau de femmes désabusées, déçues et profondément blessées, sans doute découragées à jamais devant le constat d’échec de leur cause. Qui s’en réjouirait? Des maux réels et des injustices flagrantes ont fait que bien des femmes modernes sentent, avec plus d’acuité que leurs sœurs de jadis, qu’elles sont victimes d’un statu quo qui n’est ni réaliste ni humain. Il faut écouter avec beaucoup de sympathie leur cri de douleur et ne pas se boucher les oreilles sous prétexte qu’elles lancent des cris de révolte stridents, allant jusqu’à inciter parfois à la haine du « mâle ». Réduites trop souvent au statut d’objets de plaisir et cible d’immondes convoitises, on a souvent fait d’elles une vile marchandise, non seulement là où on les vend carrément, mais encore dans la littérature, sur le grand ou le petit écran et dans la publicité qui salit les murs de nos villes et pollue notre vue et celle de nos enfants. Toutes les entreprises des proxénètes modernes dégradent la femme et perpétuent les injustices perpétrées à son égard.
Certes, le statut social de la femme a quelque peu changé. Elle accède actuellement à des positions de responsabilité, exerçant des professions jadis réservées uniquement aux hommes ou à des consœurs privilégiées par la naissance et la fortune. Il existe aujourd’hui des premiers ministres femmes, de même que jadis il y avait des reines et des régentes. On les reconnaît souvent plus fines et plus rigoureuses que leurs partenaires masculins. Les hommes de bonne volonté ne peuvent que s’en féliciter et, ne serait-ce que pour cette raison-là, la bataille des sexes ne devrait pas avoir lieu, ou tout au moins ne pas revêtir cette forme d’agressivité de beaucoup de femmes modernes envers leurs partenaires masculins.
Mais ce qui est certainement moins réjouissant dans cette promotion sociale est l’idée totalement naturaliste de l’existence qui la préside et qui la caractérise. Les motifs ainsi que les solutions proposées à la situation de la femme sont en général fonction des théories évolutionnistes. Il semble en effet que tout doive s’expliquer impérieusement par ces mêmes motifs évolutionnistes, par le dogme devenu dictature de la prétendue idée scientifique de l’évolution. La nature de la femme et le rôle qu’elle doit tenir ne sont expliqués à leur tour que par ces motifs-là. On s’imagine que toute conviction biblique et chrétienne devrait s’incliner et abjurer devant ce nouveau tribunal de l’Inquisition, affublé d’oripeaux pseudo-scientifiques, sans se rendre compte à quel point cette position est bêtement rétrograde et obscurantiste. Laissons alors ce terrain, qui est celui d’une bataille sans raison, pour mieux examiner les données bibliques. Nous avons promis de nous tenir sur ce terrain-là, dont l’éclat éclaire chacun des aspects de nos relations et guide tous nos pas dans l’aventure qui s’appelle vie conjugale, dans l’institution divine du mariage.
Placés sur ce terrain-là, nous nous apercevons que la grande désorganisation du mariage et l’absurde bataille entre les sexes proviennent de l’ignorance ou du refus de l’ordre qui devrait régir les rapports entre l’homme et la femme. La fausse idée dans laquelle ils sombrent à ce sujet reste la source principale de l’échec de tant de couples modernes. C’est cette raison précise qui nous incitait à commencer cette étude par une recherche aux sources de l’idée biblique du mariage. Il fallait passer outre l’actualité sociologique de l’union conjugale pour remonter aux origines et rétablir partout où ils sont menacés l’ordre et l’harmonie du couple, dans leur véritable vocation conjugale.
Cet ordre et cette harmonie sont fonction de l’ordre hiérarchique qui régira le rapport entre l’époux et l’épouse. Ainsi l’homme, chef de la femme, exercera une autorité de service envers son conjoint. L’épouse, elle, est invitée à se placer sous la protection de ce dernier, et ce, dans l’intention que respect et dignité lui soient assurés. Mettre cet ordre en question, pour en contester le fondement et la validité sous prétexte qu’il serait un résidu de mentalité primitive, une survivance arbitraire et despotique, ne peut que faire surgir nombre de difficultés insurmontables.
La plupart des théories sociologiques ou psychologiques modernes, avec leurs présuppositions évolutionnistes, qui cherchent des solutions au conflit du couple, ne sont pas simplement inadéquates, elles ne valent même pas le prix du papier sur lesquelles elles s’impriment. L’une d’elles veut que le mariage soit la participation commune de deux êtres sur un pied d’égalité totale. Elle s’entoure, certes, de l’auréole du « progressisme » offerte à peu de frais sur le marché des idées gratuites. Elle convaincra les naïfs qui ne jurent que par l’idée caricaturale d’un modus vivendi du couple appelé démocratique. Or, une telle pratique n’engendrerait qu’une espèce de monstre à deux têtes, dépourvu de cœur, plutôt qu’un couple harmonieux (ce cœur qui devrait animer et ranimer le souffle de l’union conjugale). Dans le cas précité, ni le mari ni la femme ne sont plus « chefs ». Cette théorie soutiendra que l’idée biblique et chrétienne du mariage, dans l’ordre hiérarchique que nous venons de lui reconnaître, ne sert qu’à renforcer la suprématie abusive de l’homme sur la femme.
Reconnaissons que l’histoire du couple, dès ses origines, est davantage la chronique d’une exploitation de la femme par le mari, auquel elle a dû trop souvent se soumettre servilement, que l’accomplissement du dessein de Dieu. À cet égard, il est intéressant de noter que le récit biblique n’ignore pas cette conséquence de la chute, précisons-le bien, la conséquence de la chute, car la pratique ne cadre nullement avec le dessein initial du Créateur. Certes, le texte de la Genèse prédit la suprématie de l’homme et la soumission de la femme, dans les mots bien connus : « Tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi » (Gn 3.16), mais sans la préconiser. Le désordre s’est installé à partir de ce moment-là, mais ce n’est pas le discours biblique, ni la foi, ni la morale chrétienne qui la légitime. L’Évangile ne s’en accommodera jamais. Il n’endossera pas le fait que l’homme, se disant le « chef », ait pu instituer les coutumes les plus barbares, telles la pratique de brûler la veuve sur la tombe de son mari défunt, la pratique de la polygamie ou encore la pire d’entre toutes : l’organisation de la prostitution. Tout ceci au nom de la suprématie masculine!
L’Évangile s’oppose à toute domination arbitraire, de quelle nature que ce soit, et que les « forts » cherchent à exercer abusivement sur les faibles. Il prend la défense de la femme comme celle de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin. Il n’est pas étonnant que partout où l’Évangile fut annoncé, les femmes furent les premières à l’accueillir et à bénéficier de sa force libératrice. Elles formèrent aussi les premiers groupes chrétiens. Elles se rendaient parfaitement compte que l’Évangile de Jésus-Christ opérait, dans la vie sociale autant que dans la vie privée, une révolution sans précédent et que l’ordre ancien auquel elles étaient soumises était à jamais périmé. À présent, avec leurs époux, elles pouvaient jouir de toutes leurs prérogatives de créatures créées à l’image de Dieu, se sachant cohéritières du salut éternel. Avec quel empressement n’avaient-elles pas accueilli la déclaration de leur émancipation! Elles faisaient confiance aux promesses qu’en Christ « il n’y avait ni homme ni femme ».
4. Un aperçu de l’histoire de la dégradation de la femme←⤒🔗
En examinant l’histoire de la période qui a précédé l’apparition du christianisme, nous nous rendons compte de la place insignifiante accordée aux femmes. Les femmes de cette époque n’auraient pas pu accomplir une œuvre sociale ou politique de quelque envergure ni aucune œuvre de valeur et de signification permanentes. Qu’on se rappelle le sort des femmes dans l’Empire romain. Dans Family and Social Life (« Famille et vie sociale »), au chapitre sur l’héritage de Rome, Hugh Last écrivait :
« Les nouveaux idéaux introduits de l’Orient et surtout de la Grèce, où la vie au foyer était à peine connue, l’emportèrent sur la répugnance romaine à accorder à la femme une place subalterne et finirent par se répandre à Rome, ce qui provoqua une licence morale qui finalement la conduisit au bord du désastre. Selon la conception grecque, la femme devait être soumise à son époux telle une esclave. Cet “idéal” introduit à Rome, où l’effacement de la femme était jadis considéré comme impossible, contribua à développer une vie au foyer plutôt laxiste et engendra un type de femmes déplaisantes qui encombrèrent l’histoire de l’empire : intrigantes, empoisonneuses, adultères et, finalement, destructrices des foyers romains; pour elles, chacun devait vivre pour soi. Dans l’image sordide que présente cette époque, l’unique trait “encourageant” fut la promesse d’extinction… de la société de cette époque à la faveur de l’égoïsme.
Vers la fin de la République, le suicide se présentait déjà comme une grande menace et la législation sociale cherchant l’accroissement démographique fut un des aspects les moins réussis de la politique de l’empereur Auguste. Ce fut contre une licence de cette dimension que s’éleva aussi la protestation chrétienne. À l’âge apostolique, l’attitude chrétienne envers la femme n’était pas sévère. Mais lorsque le christianisme se rendit compte à quel point la licencieuse liberté accordée aux femmes de l’empire aboutissait à des conséquences désastreuses, les hommes d’Église réagirent violemment, beaucoup moins libéraux sur ce chapitre que la loi romaine elle-même.
Les circonstances rendaient cette réaction compréhensible, sinon absolument indispensable. D’où l’urgence de mettre un terme à l’émancipation anarchique de la femme romaine. De là, la réapparition de “l’idéal” grec de la femme, considérée à nouveau comme inférieure à l’homme. »
Une autre ère, plus proche de la nôtre, a révélé à son tour comment la femme, au nom même de la considération qu’on lui accorde en dehors des normes bibliques, est privée de son statut de créature de Dieu à part entière. Elle retourne de nouveau à une position inférieure par rapport à l’homme. Il s’agit du Siècle des Lumières.
Le siècle du rationalisme n’accordait ou ne reconnaissait d’autorité qu’à la seule raison humaine autonome. Consciemment et délibérément, cette ère s’opposera à la foi et à l’éthique bibliques. Au fur et à mesure que le Siècle des Lumières avance et, avec lui, le retour à l’idéal classique grec, la femme redevient un être mineur et entièrement dépendant de l’homme. La « religion », considérée comme une occupation inutile et appartenant au domaine de l’irrationnel, devient de plus en plus le domaine de la femme et elle lui est quasi exclusivement dévolue! Plus est grande la victoire du rationalisme dans une culture, plus le rôle de la femme se réduit.
Il n’y a rien eu de plus dégradant pour la situation des femmes que la « contribution » à leur cause apportée par ce siècle. C’est à partir de ce moment que la femme a été considérée, dans la civilisation occidentale, comme une « femme-poupée », créature de luxe à peu près inutile (à moins de faire partie des classes pauvres, où le travail était alors son lot) et ne jouissant presque d’aucun droit. Ceci contraste de manière choquante avec sa situation antérieure où, dans certains pays de l’Europe occidentale, les femmes pouvaient s’occuper d’affaires, administrer des biens, s’engager dans le commerce, la manufacture et dans nombre d’autres métiers.
Jusqu’au 18e siècle, les femmes apparaissaient habituellement dans les affaires comme les partenaires de leurs maris sur un pied d’égalité, sans qu’elles fussent considérées comme mineures. La révolution légale leur accorda un statut inférieur, et la conception qui, au cours du 19e siècle, voudra soudain arracher la femme à sa « longue nuit d’infériorité » sera une fausse émancipation. Comme dans le siècle précédent, la femme continue à incarner les émotions, tandis que l’homme est capable de raisonner, donc supérieur à la femme.
La lutte pour les droits de la femme surgit comme un drame, parce que ce mouvement veut corriger le mal fait aux femmes en partant sur des bases humanistes fallacieuses. Il contribue à l’aggravation de leur statut plutôt qu’à leur restauration, qui serait de mettre la femme à sa place initiale, celle qui lui revient par sa création à côté de l’homme et qui lui est redonnée par Jésus-Christ.
L’âge dit de la raison n’a fait qu’introduire et instaurer la suprématie irrationnelle de l’homme et déclencher de la sorte la bataille des sexes. Les lois actuelles, dans les pays occidentaux, régissent non pas pour établir l’ordre de la création, mais pour favoriser tantôt l’un tantôt l’autre sexe, suivant le cas, au détriment de l’un ou de l’autre.
La discrimination à l’égard de la femme ne peut donc être supprimée sur un seul terrain. Même lorsque l’on joue la carte du favoritisme à son égard, la femme continue à être la principale victime de pareilles lois. Ainsi que le rappelle Last, les prédécesseurs païens des humanistes modernes ont dû payer un prix exorbitant pour leur « politique sexuelle », ayant ébranlé de la sorte la stabilité du mariage et des foyers romains. Nul doute que leurs successeurs modernes, avec leur obsession du sexe, y parviendront eux aussi. L’obscénité remplace de plus en plus le plaisir sexuel légitime, et l’exhibitionnisme, dans un sens très large, se substitue à toute activité sexuelle normale. La femme post-chrétienne refuse violemment son rôle d’épouse et, subsidiairement, de mère, pour adopter celui d’objet de plaisir, qu’elle récuse pourtant dans ses théories.
5. L’Évangile libérateur réhabilite la femme←⤒🔗
Le christianisme avait cependant donné naissance à une nouvelle race de femmes; de celles-ci, Ethelbert Stauffer, l’historien allemand, écrivait :
« Il existe de nombreuses statues de femmes patriciennes de Rome, qui se penchent sur leurs chaises en un geste d’une inimitable majesté. La femme orante de Vigna Massimo est aussi une femme du monde, ainsi qu’en témoignent les habits qu’elle porte, mais elle n’a pas été “immortalisée” dans le marbre. Ses traits sont dessinés dans une fresque qui orne les murs d’une catacombe. Elle avait été chassée des palais patriciens de Rome pour mener une vie solitaire “étrangère sur terre” (voir 1 Pi 2.11; Hé 11.1). Son visage est caractéristique d’une femme soumise à l’interrogatoire, torturée, subissant une souffrance morale et physique indicible, devenue littéralement “balayures du monde” (1 Co 4.13). Pourtant, elle est forte au milieu d’épreuves aussi inouïes. Cette force est, elle aussi, reflétée sur son visage en même temps que sa souffrance, car le Christ l’a conquise et l’a émancipée. »
Créée à partir d’Adam, la femme selon l’Écriture reflète la même image de Dieu que son mari. En ce sens, elle est l’aide initialement conçue, la contrepartie de l’homme. Aussi serons-nous d’accord avec Roussas John Rushdoony pour dire que l’époux chrétien ne peut espérer trouver une aide et une compagnie dans aucune femme non chrétienne. La femme musulmane ou hindoue ne peut lui servir d’aide, car, au regard de ces religions, le travail n’est qu’une vaine occupation, tout au plus une voie inférieure de l’existence. Elle ne saurait par conséquent devenir une bonne gérante de la création de Dieu aux côtés de son mari.
Les femmes de la Bible sont en outre chastes et fidèles à leurs maris. Elles vivent pour servir Dieu et non pour s’adonner aux convoitises d’une nature rebelle. Elles sont l’aide de leurs époux. Si on ne lit que superficiellement l’Ancien Testament, la position de la femme passera, au regard de nos contemporains, pour une position subalterne par rapport à celle de son mari. Pourtant, tout l’Ancien Testament nous révèle le dessein de Dieu à son égard, qui la place au même niveau que l’homme et lui accorde une valeur égale à celui-ci. Sara, Rébecca, Rachel ont les mêmes prérogatives que leurs illustres époux dans l’alliance que Dieu conclut avec eux. Miriam jouit de la même estime que ses frères, Moïse et Aaron, au milieu de son peuple. Débora, au temps des juges, est prophétesse et même chef des armées israélites.
C’est naturellement au portrait de la femme dessiné dans le chapitre 31 du livre des Proverbes que nous songerons encore. Son mari peut avoir confiance en elle, tant dans sa compétence morale, commerciale, religieuse, que dans les affaires pratiques de la vie quotidienne. Non seulement elle est capable de diriger sa maisonnée, mais elle administre encore avec succès des affaires extérieures au foyer. Elle achète et elle vend comme une excellente femme d’affaires. Elle s’occupe de ses propriétés de façon expérimentée; la femme vertueuse ne mange pas le pain de la paresse; elle n’est pas une femme-objet. Bonne envers sa famille, bonne aussi envers les nécessiteux, elle parle avec sagesse; sur sa langue se trouve « la règle de la bonté », car la légèreté de la langue est un luxe que ne peuvent s’offrir que les irresponsables. Son époux la loue et ses enfants l’appellent bienheureuse. Qu’elle est différente de la « poupée » créée depuis le 17e siècle par le rationalisme moderne!
La conception biblique de la femme ne lui refuse pas moins de rationalité qu’à l’homme. Elle est aussi intelligente que celui-ci, quoique son intelligence est plus concrète qu’abstraite. Elle est davantage orientée de manière « personnelle ».
En outre, l’Écriture parle aussi avec admiration de la beauté physique de la femme, même si c’est la beauté intérieure qui doit être la marque dominante de la femme, selon l’Écriture.
C’est le Christ qui a pleinement réhabilité la femme. Dans ses rencontres, il produira un changement merveilleux dans la vie des opprimés, des méprisés, des laissés pour compte… donc aussi dans la vie des femmes. Il vient apporter cet Évangile libérateur qui impose à l’homme des obligations considérables envers son épouse. La législation de l’Ancien Testament, rédigée avec le souci principal de restreindre, si ce n’est d’extirper le pouvoir arbitraire dans la vie sociale et individuelle d’Israël, sera reprise et complétée par le Christ. Il placera cette loi sous la lumière du dessein premier de Dieu, devenu à nouveau possible par la rédemption.
Nous pensons donc que c’est à tort que les femmes modernes croient qu’elles peuvent se passer de l’Évangile et du message qu’il apporte concernant leur destinée, car il reste leur meilleur allié, la source de toute liberté authentique et pleine. N’est-il pas justement le message que Dieu adresse aux opprimés, hommes ou femmes, la guérison qu’il accorde aux malades, la libération offerte aux captifs enchaînés? Tout ce qui est actuellement véritablement positif, aussi bien dans les rapports sociaux qu’individuels, nous le devons à l’Évangile.
6. Le rapport d’autorité et de soumission entre le mari et la femme←⤒🔗
Il reste cependant un point important : l’ordre hiérarchique dans le couple marié. De quelle manière convient-il de comprendre et d’interpréter ce rapport entre homme et femme, rapport d’autorité et de soumission?
Avant d’examiner plus en détail le texte bien connu de la lettre aux Éphésiens (chap. 5), rappelons quelques autres données bibliques relatives à ces rapports. Disons cependant dès à présent que quiconque tiendrait l’apôtre Paul pour un misogyne, à cause de cette célèbre, mais fort mal comprise « soumission » de la femme au mari, ferait bien aussi d’examiner le langage de saint Pierre. Les termes de celui-ci ne diffèrent pas de ceux que nous trouvons sous la plume de Paul.
Dieu créa l’homme d’une manière autre que les animaux. Ces derniers sont apparus séparément et simultanément. Mais, en entreprenant la création de l’homme, Dieu, avec une intention bien précise, procéda autrement. Adam fut créé le premier et Ève ensuite. Le nom même que l’homme donne à son épouse, « femme », signifie, dans l’original, qu’elle est tirée de l’homme. Nous ferons remarquer à cet endroit que le péché d’Ève s’aggrave parce que, créée pour devenir l’aide de ce dernier, être sa compagne et le seconder, elle lui offre le fruit défendu. Contrairement à cette vocation, elle tint le rôle inverse. Bien qu’Adam ne puisse aucunement se justifier en rejetant la faute sur sa femme, il a pourtant raison de signaler à Dieu qu’il a transgressé par contagion, si l’on peut s’exprimer de la sorte, par celle qu’il avait reçue comme aide.
Bien que ce ne soit pas l’intention du livre de la Genèse de nous donner un compte rendu scientifique des faits et gestes du premier couple, nous savons que leur histoire fonde notre propre histoire et nous en saisissons l’essentiel : la femme est principalement définie comme l’aide de l’homme. On peut rendre ce terme, ainsi que nous l’avons déjà fait, par « contrepartie » de l’homme. Elle est comme une image reflétée dans un miroir (ce qui nous rappelle exactement l’expression paulinienne dans 1 Co 11.1-6).
La raison qui motive Dieu à prendre une « côte » d’Adam pour former Ève — ce langage pittoresque rend pourtant parfaitement compte de la réalité — montre donc l’intention divine d’établir un certain ordre hiérarchique dans le couple. On a déjà maintes fois fait remarquer que Dieu ne prend pas une partie de la tête de l’homme ni une partie de ses pieds pour faire une femme. Dans le premier cas, elle lui serait supérieure, et dans le second, infiniment inférieure. Cette matière première montre qu’Ève est placée dans une position de dépendance par rapport à son mari. Nulle trace ici de supériorité masculine. Que de femmes faibles l’aient cru et se soient laissées assujettir à l’arbitraire de l’homme, voilà qui ne se justifiera pas sur le terrain biblique. Et Paul qui affirme ce rapport hiérarchique est pourtant le même à rappeler que l’homme, lui aussi, dépend de la femme, puisqu’il naît d’elle (1 Co 11.12).
Qu’il nous soit permis de nous hasarder dans un domaine assez particulier; bien que nous répugnons à le faire, une certaine pensée théologique nous contraint à parler du sexe de… Dieu. C’est un langage irrévérencieux et même ridicule, qui veut que Dieu ne puisse se dire seulement Père, mais encore Mère, ce qui reviendrait à spéculer sur la masculinité et la féminité de Dieu. À défaut d’arguments bibliques, la spéculation des modernes a fait un bond en avant dans ce domaine, surpassant l’ingéniosité des théologiens du Moyen Âge. Ces derniers se contentaient de discuter du sexe des anges. Les modernes préfèrent s’occuper de la sexualité du Dieu Créateur et Rédempteur… (on n’arrête vraiment pas le progrès!).
La révélation biblique ne souffre pas de complexe cryptoféministe. Le « genre » de Dieu y est clairement dévoilé. Elle nous introduit dans la présence du Dieu Père (rarement du Dieu qui se compare à une mère, comme dans le livre du prophète Ésaïe). Lorsque la deuxième personne de la Trinité s’incarne, elle sera appelée Fils de Dieu. Jésus-Christ est né homme et non femme. Dieu n’est pas du genre neutre et pas davantage du genre féminin. Il s’est révélé, si l’expression est correcte, dans des attributs masculins. Or, pour nous tous, les mots de la Bible ne sont pas choisis en fonction des mentalités de leurs auteurs masculins, mais pour nous dire qui est Dieu, comment il est. Si, en succombant à la séduisante théologie néo-libérale selon laquelle l’Écriture ne serait que le produit d’une mentalité primitive à jamais révolue, nous ne devions lui reconnaître ni inspiration ni autorité d’aucune sorte, alors la Bible cesserait d’être Parole de Dieu, norme absolue, tant pour la conduite de la foi que pour la formulation de celle-ci en articles et en propositions doctrinales.
Ce n’est pas à proprement parler la sexualité masculine ou féminine qui nous arrête dans ce chapitre. Nous y reviendrons dans le suivant. Ici, nous n’en considérons que la nature « spirituelle ». Comme nous avons pu le comprendre par ce qui précède, l’ordre hiérarchique existant dans le couple se fonde sur l’antériorité ou la priorité de l’homme lors de sa création. L’homme mâle apparaît le premier. Cette priorité peut s’expliquer par une analogie empruntée à l’être de Dieu. Selon l’Écriture, et l’Église universelle le confesse ainsi, les trois personnes de la Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, sont égales entre elles.
Ce serait une hérésie, et il n’en a pas manqué au cours des siècles, depuis les sabelliens et les subordinatiens jusqu’aux modalistes anciens et modernes, d’affirmer que l’une de ces personnes est supérieure aux deux autres. Il existe cependant un ordre biblique, nous dirions une certaine séquence, dans la révélation de Dieu. Il se révèle d’abord comme Père, ensuite comme Fils et enfin comme Saint-Esprit. La priorité de l’homme se fonde donc sur cette analogie de l’être de Dieu, même lorsque l’homme n’est pas en mesure d’assumer pleinement ses responsabilités. Le fait qu’il ne soit pas toujours à la hauteur de sa tâche de chef ne change rien au fait qu’il ait reçu une vocation de chef. Dans le langage biblique, devenir chef n’est pas principalement une affaire de fonction, mais de statut, de titre, de position, d’office.
Abordons à présent, avec ce qui précède, le texte tellement controversé de la lettre de Paul aux Éphésiens. Précisons d’emblée que la lecture de ce texte nous invite davantage à une conduite éthique dans la vie conjugale qu’elle n’offre, à proprement parler, des arguments bibliques en faveur de la suprématie de l’homme. Comme dans toutes ses lettres, l’exhortation apostolique vient compléter, voire couronner l’explication théologique. Ici, plus qu’ailleurs peut-être, l’apôtre invite ses lecteurs, hommes et femmes, à vivre de manière conséquente à leur vocation.
Pour bien saisir la pensée de saint Paul, l’exégèse sera placée, comme il se doit, dans le contexte immédiat autant que dans le cadre général du message biblique. Ainsi, nous rendrons justice au principe réformé de l’interprétation biblique qui veut que l’Écriture s’interprète elle-même.
Offrons dans un premier paragraphe un résumé de la pensée de l’apôtre. L’idée principale en est : soumettez-vous réciproquement l’un à l’autre, à cause du Christ.
« Femmes, soyez soumises chacune à votre mari comme au Seigneur, car le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l’Église, qui est son corps et dont il est le Sauveur; comme l’Église se soumet au Christ, que les femmes se soumettent en tout chacune à son mari. Maris, aimez chacun votre femme, comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier après l’avoir purifiée par l’eau et la parole, pour faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut. De même, les maris doivent aimer leur femme comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même. Jamais personne, en effet, n’a haï sa propre chair; mais il la nourrit et en prend soin, comme le Christ le fait pour l’Église, parce que nous sommes membres de son corps. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l’Église. Du reste, que chacun de vous aime sa femme comme lui-même et que la femme respecte son mari » (Ép 5.22-33).
Exprimé au verset 21, le thème principal du texte exhorte à la soumission mutuelle. Mais elle n’est pas assujettissement servile de l’un à la domination de l’autre. Interpréter ce texte de la sorte serait faire injustice à la pensée de l’apôtre, lui faire dire ce qu’il ne dit nullement. Au contraire, il tient à souligner que l’un ne devrait pas dominer sur l’autre. Au lieu de cherche chacun son propre intérêt, il doit le soumettre à celui de l’autre conjoint. Déjà Éphésiens 4.25-32 plaidait pour cette forme d’unité chrétienne.
La bonté et le pardon produisent une communion plus totale entre les chrétiens, car de telles qualités placent l’intérêt d’autrui au-dessus de l’intérêt propre à soi-même. Cette idée du don mutuel de soi-même, sans se considérer comme supérieur à autrui, est ce dont Paul fait mention ailleurs (Ph 2.3-4). Autrui doit être tenu pour meilleur que soi-même. Ainsi, on peut affirmer qu’Éphésiens 5, à la suite d’autres textes pauliniens où il est aussi question d’affection et de communion chrétiennes, ne laisse pas d’argument pour une quelconque priorité de l’un des conjoints sur l’autre. Ce passage est un appel clair à s’offrir à son prochain, et en l’occurrence à son conjoint.
Notons cependant qu’à travers ce même texte la femme ne reçoit pas le droit de réclamer… son droit, mais plutôt d’exercer elle aussi son devoir. Le fondement de cet intérêt envers autrui et la soumission réciproque se trouvent en Christ et doivent se faire en son nom. Le thème « à cause du Christ » est assez fréquent dans le Nouveau Testament, de même que dans toute l’Écriture, où la « crainte du Seigneur » n’est pas la peur terrifiée de l’être suprême, mais la relation avec le Dieu de l’alliance de grâce. De cette consécration au Christ naît par conséquent celle envers l’autre conjoint. Ainsi, de l’amour envers Dieu naît nécessairement l’amour pour le prochain. L’engagement pour le prochain suit immédiatement comme la conséquence spirituelle l’engagement pour Dieu.
À cette exhortation générale à témoigner de l’intérêt pour autrui s’ajoute une règle particulière pour la famille chrétienne : femme, mari, enfants, maîtres, esclaves chrétiens reçoivent leur part d’exhortation, suivant leur situation particulière. À cet endroit, nous nous intéressons plus spécialement à l’avis que Paul donne sur l’attitude de la femme. Quoique le verbe invitant à cette soumission n’apparaisse pas dans le verset 22, il est évident que l’intention est présente dans l’emploi du même participe au verset précédent.
(Note : Certaines variantes textuelles ne comportent pas de verbe : les manuscrits Chester Beatty et le Vaticanus l’omettent; le Sinaiticus, l’Alexandrinus et nombre d’autres manuscrits le retiennent. Il est probable que plusieurs copistes anciens aient pensé que le verbe devrait être inclus, même s’il ne figurait pas dans l’original. De toute manière, la soumission ou la consécration à laquelle l’épouse est invitée témoigne du même désintéressement pour soi auquel le verset précédent invitait. Les femmes doivent se soumettre à leur mari comme au Seigneur, ce qui donne l’écho de la phrase précédente.)
Rappelons-le encore : le don de soi du chrétien s’inspire et s’ancre dans la consécration fondamentale au Christ. Cette consécration est aussi nécessaire pour cette raison seconde qu’est la priorité du mari, le chef de la femme. La femme lui doit obéissance, comme au Christ, en toutes choses. Pour comprendre cette autorité du mari sur la femme, nous devons nous rendre compte que, dans cette épître, la seigneurie du Christ sur l’Église ne signifie jamais domination sur celle-ci. Certes, il gouverne toutes choses, y compris l’Église. La création lui est soumise et sera récapitulée en lui. Mais ceci ne s’effectuera qu’au moyen de la seigneurie, directement visible, qu’il exerce sur son Église. Elle est l’image de la servante parfaite, plus concrètement l’agent terrestre par qui la création tout entière est appelée à la réconciliation eschatologique.
Il est clair que cette domination du Christ sur l’Église n’est pas un totalitarisme asservissant. Sa domination est le signe et le témoignage le plus sûr de son union avec elle. C’est en commençant par son corps, l’Église, qu’il récapitulera toutes choses. Et on peut dire que déjà l’Église, prémices de la création récapitulée, annonce cette récapitulation eschatologique universelle.
De même, l’épouse chrétienne s’offrira à son mari en toutes choses, non parce que le mari la domine, mais parce que, par sa soumission, le mariage chrétien trouvera sa véritable signification et son authentique et complète unité.
On suppose que l’apôtre s’adresse à cet endroit à des femmes qui tenaient à user exagérément de leur liberté, reconquise par le Christ. Elles savaient, par l’intermédiaire de l’apôtre, qu’en Christ il n’y a plus ni homme ni femme. Mais elles se servaient de cette libération pour affirmer leur individualité et certaines épouses allaient jusqu’à nier toute priorité à leurs époux. Elles contredisaient ainsi l’idée chrétienne d’unité et d’amour, dans un ordre voulu par Dieu. Plutôt que de se consacrer à renforcer l’unité conjugale, elles contribuaient à créer des facteurs de rivalité par et dans leur mariage. Saint Paul s’adresse à des femmes cherchant l’émancipation et essayant de construire leur personnalité sur d’autres fondements que celui de l’amour pour leur mari, donc en dehors de leur dépendance envers le Christ. Ainsi, elles se séparaient de la racine de la solidarité : la communion avec leur époux. Leurs intérêts propres les préoccupaient plus que l’intérêt de leur conjoint. L’apôtre les exhorte à oublier leur indépendance personnelle et leur égoïsme féminin, poursuivis au détriment du mariage. Leur vocation conjugale consiste, au contraire, à se consacrer chaque jour davantage à bâtir leur mariage, résumé en la personne de leur mari, et à renforcer son unité. Cette exhortation se trouve tout à fait dans la ligne de toutes celles adressées aux chrétiens de rechercher par tous les moyens l’unité en Christ.
La meilleure approche à cette question consistera en l’examen de l’exhortation paulinienne adressée aux esclaves, dans le chapitre suivant : « Serviteurs, obéissez à vos maîtres selon la chair, avec crainte et tremblement, dans la simplicité de votre cœur, comme au Christ » (Ép 6.5). À première vue, il pourrait sembler que ce passage accepte et même établit l’esclavage, comme s’il fut voulu et décrété par Dieu. Mais notons que le ton de l’exhortation est le même que plus haut, lorsqu’il s’agissait de la soumission des épouses. Il ne viendrait à l’esprit de personne de soutenir l’esclavage, se fondant sur ce passage, comme une institution ordonnée par Dieu. Au contraire, nous pensons que saint Paul s’adresse à cet endroit dans un langage propre à la situation de son temps, et celle-ci, comme ses institutions, n’avait pas nécessairement reçu l’approbation de Dieu. Nous croyons pouvoir affirmer que ce passage, et celui-ci seulement, non celui concernant la femme chrétienne, est conditionné de manière culturelle.
Néanmoins, il nous sera possible de reconnaître le parallèle remarquable entre les deux passages. Ni l’un, concernant les conjoints chrétiens, ni l’autre, s’adressant à des esclaves nouvellement convertis, n’établissent la supériorité d’une personne sur une autre. Selon Paul, toutes les relations personnelles se fondent sur la loi chrétienne de l’amour. Une autre manière de considérer ce parallèle est de voir la similarité du conditionnement culturel d’où il est issu. D’une part, il y a l’institution de l’esclavage qui décrétait que le statut social devait être déterminé par la naissance d’une personne. Si un homme était « barbare », les Romains ne voyaient aucun inconvénient à en faire leur esclave. Mais ce serait faire une mauvaise lecture du texte de la lettre aux Éphésiens. D’autre part, nous avons le texte sur l’institution du mariage, qui a longuement insisté sur le fait que le statut social de la femme devrait être établi par sa naissance. Si une personne est femme, elle est censée se soumettre à son mari. Elle est simplement née pour occuper une position inférieure dans sa relation avec l’homme. Ce genre de pensée est faussement justifié sur la base du passage que nous examinons.
Nous ne reviendrons pas sur la question des rapports entre esclaves et maîtres. L’essentiel est de savoir que le chrétien doit assujettir son propre intérêt et ses désirs pour réaliser sa communion avec d’autres chrétiens. Paul accepte le rôle de chef de l’homme, à l’intérieur de la relation conjugale, comme une présupposition au message qu’il désire partager dans cette section de sa lettre. C’est pourquoi il compare l’homme au Christ et la femme à l’Église, l’implication claire étant que le don de la femme à son mari doit être autant celui de l’obéissance que celui de la consécration. La femme se doit à son mari, afin que l’unité du mariage puisse se réaliser pleinement. À notre avis, le terme de consécration convient tout autant aux rapports conjugaux entre époux et épouses chrétiens que celui de soumission. Il permet de placer à l’arrière-plan l’idée de l’autorité de l’homme.
Le reste du passage parle directement du mari. Le fait que l’avis le concernant est plus long que l’avis donné à l’épouse indique l’abus perpétré par l’homme dans le mariage. Tandis que les efforts de certaines femmes pour se libérer de la domination de leur mari ont pu être une menace pour le mariage, l’attitude autocratique de la part du mari était probablement un obstacle encore plus grand pour réussir une véritable union conjugale.
Pour faire face à ce problème, Paul conseille à présent aux hommes de respecter leurs engagements contractés au sein du mariage. Il commence par leur demander la différence entre la soumission exigée des femmes et l’amour exigé des hommes. Cependant, il n’y a pas là une différence qualitative. Le don de soi chrétien consiste exactement dans ce type d’intérêt pour autrui et dans la consécration au partenaire conjugal qui est demandée aux femmes.
Vécue dans l’Évangile du Christ, la soumission est inséparable de l’amour véritable. L’amour pour autrui signifie accepter l’autre comme une personne, comme « tu », et non pas comme « le » ou « la ». Une personne n’est jamais un objet. Le « tu » doit revêtir suffisamment d’importance pour que l’égo de son interlocuteur, le vis-à-vis, garde le silence à cause de l’intérêt de l’autre.
Ainsi, les femmes doivent se consacrer à leur mari, les maris doivent à leur tour aimer leur femme dans un don total de leur personne, dans le sens le plus complet de ce sentiment. Mais cette insistance sur le rôle du mari révèle encore la présupposition de l’apôtre, que nous ne saurions nier par aucune exégèse truquée qui ferait de l’homme, en tant que tel, un être supérieur à la femme. C’est la raison pour laquelle Paul appelait l’épouse à se consacrer à son mari. Mais au-delà de cette présupposition, dont nous aurons constamment à tenir compte, l’amour demandé à l’homme est exactement la même attitude de consécration qui est attendue de la part de la femme.
Sur cette lancée éthique, Paul poursuit son analogie entre le mariage chrétien et la relation du Christ avec son Église. Comme l’Église se consacre à son Chef, de même la femme se soumet à son mari. Comme le Christ aime et sert son Église, de même l’homme aimera et servira son épouse. Mais l’amour du mari envers sa femme est mesuré par un extraordinaire superlatif du sacrifice de soi-même, lorsqu’il est comparé à celui du Christ pour son Église. Paul va tout aussi loin en décrivant la voie dans laquelle le Christ se donne sans réserve pour le bien-être de l’Église. Cet amour pour l’Église a pour but la purification et la consécration de celle-ci pour la faire paraître devant lui sainte et sans reproche. En bref, toute sa relation avec l’Église est totalement désintéressée; il cherche uniquement l’édification de celle-ci. Ce que Paul dit en réalité, en faisant l’analogie entre l’œuvre rédemptrice du Christ et la seigneurie du mari, est que le mari doit être le chef, à la manière dont le Christ est le Chef de son peuple racheté. Il exerce une seigneurie de type particulier, puisqu’il se donne pour la partenaire qu’il s’est choisie. Il fait tout pour elle (Ép 5.25-27). Il la sauve totalement de la solitude et de l’aliénation, de la faute et du mépris, de la misère et de l’abandon. Finalement, il la glorifie. Le Christ seul montre ce que signifie réellement aimer son prochain comme soi-même.
Le message reçu par le mari est clair. Il doit aimer sa femme. Il est utile de rappeler ici l’emploi de l’adjectif possessif réfléchi avec ces verbes. L’homme doit aimer sa femme comme son propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime soi-même. Cette accumulation de « héautos » (« soi-même » en grec) semble indiquer et souligner l’irrésistible unité de la relation conjugale. L’épouse est tellement la propre chair du mari qu’il n’existe pas de distinction entre elle et son propre mari. Paul ne parle même pas au sujet de deux individus, mais s’adresse fondamentalement à l’ensemble unifié, la « seule chair », dont il était déjà question dans la Genèse.
L’ensemble de ce passage montre qu’il n’est pas question de traiter les relations conjugales, ou autres, sur une base individualiste, mais plutôt sur une base corporative. Ce ne sont pas les droits de l’époux ou de l’épouse qui sont soulignés, mais l’obligation mutuelle. Lorsque le mari pense à sa femme, il pense naturellement à lui-même. L’union conjugale est aussi intime que cela!
Paul aussi fonde son argument de l’indissolubilité du mariage sur le décret divin de l’unité rapporté dans Genèse 2.23-24. Il cite directement ce passage dans le verset 31. Mais il l’a déjà à l’esprit lorsqu’il dit : « Celui qui aime sa femme aime son propre corps. » Dans le récit de la création, la femme est tirée de la chair du mari, selon une description dont l’intention souligne l’absolue unité du mariage. De même que la femme était à l’origine dans une unité absolue avec l’homme, de même l’union conjugale restaure l’unité originelle voulue par Dieu. Paul le souligne encore plus fortement alors qu’il va citer le verset contenant la définition biblique fondamentale de l’union conjugale : « Pour cette raison, l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme. » Le mariage ne consiste pas en deux individus en compétition ni même en association de deux intérêts communs, mais dans l’unité des deux individus devenus un ensemble intimement lié. Paul conclut cette section en notant que le moyen par lequel deux personnes peuvent devenir une seule chair est un grand mystère, en effet, mais il précise que ce mystère concerne les rapports de l’Église avec le Christ. Cette analogie explique ce grand mystère de l’union entre le mari et la femme.
Le point important apparaît cependant par l’emploi du petit mot « plen » (« sauf », « excepté » en grec) au début du verset 33. L’analogie n’est pas la chose la plus importante, le message réel de Paul affirme que chaque homme doit aimer sa femme comme il s’aime soi-même et que la femme doit aimer son mari, en le respectant à travers cet amour. La dernière partie de ce verset 33 est d’habitude traduite : « Et que la femme respecte son mari. »
D’après la construction grecque, il est aussi correct que naturel de répéter pour la femme la même injonction que celle adressée au mari d’aimer (« hina phoebetai ton andra », c’est-à-dire « afin qu’elle respecte son mari »).
À cet égard, nous constatons une nature de rapports conjugaux merveilleuse. Si, concernant l’esclavage, nous disions que Paul, homme de son époque, avait utilisé un langage propre à sa culture, s’agissant des rapports entre mari et femme chrétiens, il énonce des vérités permanentes, qui ne sauraient être expliquées ni même rejetées sous prétexte qu’elles furent énoncées dans un conditionnement culturel propre à son temps. Quoique la situation soit la même, l’exégèse des deux passages que nous avons rapprochés un instant sera différente.
Il en est ainsi, car si les hommes ont échappé — là au moins où l’Évangile a pénétré et transformé les structures sociales — au conditionnement culturel et, par voie de conséquences, à la mentalité de l’esclavage inné, il n’en est pas de même en ce qui concerne la position et le rôle de la femme. Car l’essentiel du message paulinien, à cet endroit, réside dans le fait que l’homme et la femme se complètent l’un l’autre. Bien qu’aucune idée de suprématie ne vienne compromettre l’harmonie et bien que le rapport hiérarchique existe dans le couple, notre texte souligne aussi et surtout la vocation à l’unité que tout mariage chrétien doit rappeler. Il illustre le rapport du Christ avec son Église, et là n’existe pas d’égalitarisme.
Selon l’Écriture, toute autorité est soumise à l’autorité de Dieu qui les transcende toutes. Toutes les autorités subalternes en dérivent. À cette lumière, la subordination de la femme apparaît comme le témoignage rendu à l’autorité de Dieu. L’homme et la femme sont mutuellement dépendants. L’un ne saurait exister sans l’autre. La femme a été créée à partir de l’homme, mais l’homme naît d’elle. Sur ce terrain biblique, on comprend pourquoi les cheveux de la femme peuvent être considérés comme sa gloire. Lorsqu’elle les porte dans les limites permises par la décence, c’est même un plaisir réel pour le regard. Sa soumission-consécration devient aussi le signe de l’autorité qu’elle possède en tant qu’aide et soutien du vice-gérant de la création. Ceci est tout à fait autre chose que de la tenir subordonnée dans une position inférieure. Bien que la femme puisse exercer certaines fonctions, comme l’homme, son rôle principal restera plus encore que celui de mère, celui d’épouse. L’homme et la femme sont engagés ensemble dans une alliance pour soumettre et dominer la terre.
La procréation cesse de devenir le but principal du mariage. S’il y a l’ordre « croissez et multipliez », il faut garder à l’esprit que, même sans les enfants, le mariage ne cesse d’être une authentique et pleine union conjugale.
7. Le rôle du mari←⤒🔗
Concluons ce chapitre en revenant plus particulièrement au rôle du mari. En général, peu d’attention a été accordée au rôle de l’époux. À cet égard, les épouses font la une de l’actualité et peuvent se sentir quelque peu privilégiées par rapport à leur partenaire masculin. On caricature à peine en disant qu’en définitive, l’impression générale de nos jours est que le mariage est une affaire éminemment féminine! Nombreux sont les conseils prodigués aux femmes; il ne manque même pas ceux destinés à séduire leur mari, afin de se l’attacher fidèlement… Nous ne voulons pas nous opposer à cela. Mais combien il est étonnant que rien, ou presque, ne soit dit à l’époux sur le rôle qui est le sien! Celui-ci est associé à l’idée de la profession, à celle des affaires et à tout ce qui est activité extérieure. Jadis, il était chasseur ou guerrier. Actuellement, et malgré le changement de mœurs, il reste toujours en premier lieu le gagne-pain et le soutien financier du foyer. Si cette lacune le tracasse et s’il tient à assumer ses responsabilités à part entière, le pauvre cherchera en vain la raison de tant de négligence. À moins qu’il ne s’accommode fort bien de ce statu quo et ne tire qu’avantage d’une situation aussi imprécise que confortable… Nous craignons que ce soit souvent le cas.
D’une manière aussi opportune qu’impérative, la Bible vient lui « tirer les oreilles », lui rappeler que ni la dureté, ni la démission ou la fuite, ni même une joyeuse anarchie ne siéent au métier d’époux, le plus important qu’il soit appelé à exercer. Personne ne peut échapper à l’obstination de la Bible à s’immiscer dans les domaines les plus intimes et les plus imperméables. Elle rappellera fort inconfortablement à messieurs les époux leurs devoirs les plus élémentaires. Et si l’époux ne prête pas attention à ce rappel, il n’aura qu’à s’attendre, et nous tous avec lui, à la disparition pure et simple de ce qu’on appelle la vie conjugale. Ce ne sont pas les conseils juridiques qui le tireront d’affaire, ni sur le divan des psychanalystes qu’il trouvera la solution de ses problèmes, pas plus que dans les conseils de sexologues patentés le secret d’un hypothétique épanouissement conjugal. On aura beau raccommoder les déchirures ou ravaler superficiellement les façades, les lézardes profondes ne disparaîtront pas; il est urgent d’entendre l’avis biblique.
Nous devons convenir que nous rencontrons ici toute autre chose qu’une esquisse théorique sur les rapports conjugaux. Saint Pierre, de son côté, rappelle des vérités éminemment pratiques. Il entre dans le vif du sujet, cela nous étonne presque. Comme si nous attendions de lui et de la Bible des énoncés généraux abstraits, des propositions sans rapport immédiat avec l’existence concrète.
Le texte de l’apôtre Pierre prononce des vérités presque banales. Comportez-vous avec intelligence, tact et sérieux. Accordez à vos épouses une attention totale. Restez sensibles à leurs humeurs; tenez compte de leurs réactions. S’il est vrai que le plus grand commandement biblique pour nous aimer ordonne d’aimer le prochain comme nous-mêmes, alors notre plus proche prochain restera toujours l’épouse. Le mariage est l’occasion et l’endroit privilégié où l’on peut cultiver, maintenir et développer l’intérêt et la considération pour autrui. Plus encore que dans nos relations de famille antérieures, davantage que dans le cercle de nos amis et plus que dans l’entourage professionnel, c’est dans la vie conjugale que compréhension, égard et soutien seront prodigués. C’est cela qui permettrait à l’époux de bien connaître son épouse.
La Bible vient donc tout à fait à propos avertir, corriger et réparer les carences ou les fautes. La raison précise pour laquelle l’époux doit se comporter avec sagesse envers l’épouse est que les femmes sont « le sexe faible ». Cette assertion n’a rien de nouveau en elle, quoique personne de nos jours n’oserait l’affirmer. Nos oreilles sont tellement habituées aux slogans sur l’égalité des sexes, ou même leur confusion, qu’on s’imagine que le « sexe faible » a disparu, comme par enchantement, de la surface de la terre! À l’époque de saint Pierre, le rôle des femmes consistait surtout à enfanter et vaquer aux soins du ménage et de la famille. À cause des difficiles conditions de la maternité, nombre d’entre elles mourraient en couches ou étaient emportées, jeunes, par l’épuisement physique. Et si cela a bien changé depuis un certain nombre d’années dans les pays technologiquement avancés, la condition fondamentale de la femme reste la même.
L’Écriture nous rappelle donc que la femme reste fondamentalement « le sexe faible ». Jadis, compte tenu précisément de cette « faiblesse », beaucoup d’époux se considéraient comme supérieurs et méprisaient leurs femmes. Même si la Bible ne fait pas d’abstraction de la constitution et de la nature particulière de la femme, n’imaginons surtout pas que celle-là y soit considérée comme inférieure par rapport à l’homme. L’Écriture emploie le comparatif : l’homme n’est pas le « sexe fort »; lui aussi, il est faible. Faible devant l’unique qui reste fort, à savoir Dieu. Et c’est précisément devant lui qu’il se tient tout d’abord, avec sa faiblesse malgré son rôle de chef à côté de son épouse… En présence de Dieu, les droits à l’égalité, ou à la supériorité, disparaissent.
L’homme va pourtant contracter quelques obligations envers sa compagne : il doit remplir son rôle d’époux sans réticence, et cela veut dire en tout premier lieu qu’il doit agir en tant que le seul partenaire sexuel de son épouse. Ainsi, il veillera à ce que sa femme ne soit pas exposée à la tentation et ne succombe pas à l’adultère. « Le mari n’est pas le maître de son corps », écrivait saint Paul (1 Co 7.4). Qu’il n’y ait pas d’abstinence de longue durée, pouvant nuire et compromettre la vie conjugale, et que le mari tienne compte des changements d’humeur et de l’émotivité de sa femme. Combien d’époux sont avenants et polis hors du foyer, mais à la maison, ils se comportent comme des malappris et parfois même comme des brutes…
Depuis la lettre de l’apôtre, le mari n’a pas beaucoup varié dans son comportement… Il reste égoïste comme toujours. Mais quelque chose a cependant changé : l’idée qu’il se fait de son origine. Il croit qu’il fait partie du monde animal. S’il en est ainsi, quelle raison l’époux aurait-il d’être plus attentionné vis-à-vis de son épouse? Une conception naturaliste du couple n’inspire aucun sentiment de noblesse. Mais le chrétien sait qu’il se trouve devant Dieu en position d’égalité avec sa conjointe. Lui et elle, ensemble, portent l’image divine.
Si donc on est mauvais mari, la raison en est qu’on est mauvais chrétien, ou même pas du tout. Le premier pas, dans ce cas, c’est de se tourner vers celui qui transforme la nature égoïste de tout homme et de toute femme, pour faire de lui et d’elle des personnes disponibles pour leur prochain, pour faire de l’époux celui qui imite l’Époux par excellence de l’Église, le Christ. Le mari, selon l’éthique de l’Évangile, se forme jour après jour par l’Esprit et par la Parole du Christ qui, par la plume de l’apôtre Pierre, nous exhorte depuis deux mille ans : « Maris, montrez de la sagesse dans vos rapports avec vos femmes, comme avec un sexe plus faible. »
À l’époque du Nouveau Testament, la psychologie populaire, tant grecque qu’hébraïque, admettait que l’homme raisonnait, non pas avec sa tête, mais avec son cœur. Pour l’apôtre Paul, être la tête de sa femme, analogie s’inspirant de l’exemple du Christ, signifie plus simplement se donner par amour à sa femme. Par conséquent, devenir la tête de sa femme implique pour lui une responsabilité. Le mari a des obligations à assumer envers sa femme. Il prendra la direction de la conduite spirituelle du mariage. Il est redevable ou responsable de son mariage devant Dieu.
En outre, le mari peut tenir cette position dans la mesure où il vit et se conduit par la foi au Christ. Il aimera sa femme comme le Christ a aimé son Église. Jamais épouse n’aura autant vénéré son époux que l’Église son Maître.
La soumission, voire la consécration de la femme envers son mari, ne se fera pas à n’importe quel prix ou condition. Car il ne s’agit pas de se soumettre à n’importe quel mari, mais au mari chrétien, celui qui assume pleinement et consciemment sa responsabilité d’époux et répond à sa vocation. La soumission est recommandée à condition que le mari ne trahisse pas le modèle qui lui est donné par l’Écriture, c’est-à-dire l’exemple même du Christ. C’est une soumission dans l’amour réciproque, car, comme nous l’avons déjà rappelé, le mari, pour sa part, est appelé à aimer sa femme comme Christ a aimé l’Église. Jamais, au grand jamais, la soumission biblique n’est servilité ni avilissement. L’obéissance de l’épouse à son mari n’est pas non plus du même ordre que celle des enfants envers leurs parents. Qu’il soit donc clair aux épouses chrétiennes que nulle d’entre elles n’est tenue à l’impossible…
L’Évangile lui accorde la dignité et la liberté. Il rehausse sa position même lorsqu’il lui adresse la vocation de se soumettre à son mari.
En termes chrétiens, une telle soumission-consécration témoigne de celle que tout chrétien, homme ou femme, doit manifester envers Jésus-Christ. Ce sera alors une obéissance « douce et légère ».