Cet article a pour sujet l'actualité de l'islam, son renouveau au 20e siècle, le mouvement des Frères musulmans, et des facteurs expliquant l'apparition de l'islam.

Source: Connaissance de l'islam. 8 pages.

Connaissance de l'islam - Introduction à l'islam

  1. L’actualité de l’islam
  2. Le renouveau de l’islam
  3. Les Frères musulmans
  4. Comment expliquer l’apparition de l’islam

1. L’actualité de l’islam🔗

« Parce que les pays islamiques producteurs de pétrole occupent depuis plusieurs années le devant de la scène internationale, parce que le drame d’une certaine minorité sans patrie (les Palestiniens) continue à faire du Moyen-Orient un des points chauds du globe, parce que tel religieux musulman a mobilisé depuis plusieurs années l’opinion publique mondiale, l’islam fait aujourd’hui parler de lui dans les chaumières. Le fait que les musulmans soient aujourd’hui plus nombreux en France que les protestants, que beaucoup d’entre eux revendiquent le respect de leur identité culturelle et religieuse, qu’ici ou là des communautés chrétiennes aient offert aux musulmans leurs locaux pour leurs services religieux, a sensibilisé quelque peu l’opinion des Églises à la présence parmi nous de ces croyants qui reconnaissent Abraham comme un père spirituel et Jésus comme un authentique prophète. Mais cela ne signifie pas que les chrétiens dans leur grande majorité connaissent réellement l’islam.1 »

La presse quotidienne et périodique en France notamment consacre depuis déjà plusieurs années des articles, des études et des enquêtes à l’islam, à son actualité, à ses doctrines, aux problèmes qu’il pose aux Occidentaux.

« Apprend-on encore à l’école que le sémillant Charles Martel défit les Arabes à Poitiers en 732? » s’interroge le périodique non conformiste Le Crapouillot. « C’est pourtant grâce à ce haut fait que la bannière du prophète ne flotta point sur les popotes carolingiennes. À cause de lui, il s’en fallut d’un cheveu, ou d’un bon coup de cimeterre, que nous passions à côté du zéro, si utile pour établir la facture, en pétrodollars, de notre dépendance énergétique… En 732, l’heure n’était pas, c’est le moins qu’on puisse dire, à la cohabitation entre la croix et le croissant. Cette heure a-t-elle jamais sonné? Imaginons un instant que le grand film de l’histoire se déroule devant nos yeux à une vitesse accélérée, depuis que les disciples de Mahomet franchirent le détroit de Gibraltar, jusqu’à nos jours. Nous assisterions alors, autour de la Méditerranée, à un prodigieux ballet fait de bonds en avant et de reculades, d’incursions et de replis, de longs moments d’accalmie suivis d’exodes soudains.
La dernière en date des figures de ce quadrille a vu des centaines de milliers de musulmans, tirés ou poussés vers les mecques industrielles de l’Europe, suivre les traces des pieds-noirs chassés de leur patrie et s’installer dans ces métropoles d’où partaient, au siècle dernier, les colons qui fertilisèrent le Mitidja.2 »

Plus loin, dans l’avant-propos, l’éditorialiste poursuit :

« Tout le monde sait, même si beaucoup de gens feignent de l’ignorer, que chaque musulman incarne — employons de grands mots — une certaine conception du monde. En de nombreux points, la place et le rôle des femmes par exemple, elle n’est pas comparable avec la nôtre. »

Ce même magazine donne les chiffres suivants des conversions des Français à l’islam :

« On estime à 50 000, peut-être même 100 000 le nombre de Français de souche qui, désormais, déplient le tapis et se mettent à chanter “Allah akbar!” Parmi eux des noms célèbres (un ancien membre du parti communiste, d’origine protestante, libéral, un célèbre explorateur sous-marin, un historien, le directeur d’une grande maison d’édition française, un avocat, défenseur de toutes les grandes causes tordues des dernières décennies). Environ 55 % des convertis sont des femmes, dont beaucoup ont découvert Allah avec les joies du mariage. Et pourtant 90 % des unions islamo-chrétiennes sont vouées à l’échec… Le mariage musulman… n’empêche ni la polygamie ni la répudiation… Pourquoi ces conversions? On peut imaginer que les intéressés sont attirés par une religion qui réclame davantage à ses fidèles de se plier à des rites relativement simples qu’une adhésion spirituelle à des dogmes complexes et à une morale exigeante. Pour changer de religion, c’est facile. Pas besoin même d’aller à la mosquée. Il suffit de réciter en privé devant deux témoins la formule : “J’atteste qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète”. »

C’est une approche chrétienne de l’islam que nous nous proposons dans les pages qui suivent, approche qui, nous l’avons déjà déclaré, ne sera pas exhaustive et ne prétend nullement être un travail d’érudition. Nous espérons toutefois qu’elle contribuera à faire mieux comprendre à des chrétiens cette religion dite monothéiste du Moyen-Orient. D’autre part, et dans un souci évangélique, sans rien vouloir céder sur le registre des affirmations ultimes de notre foi en Jésus-Christ, Fils de Dieu, unique Sauveur, Seigneur universel, nous chercherons — dans un respect envers ceux dont les convictions se trouvent aux antipodes des nôtres, et dans une actualité d’une infinie complexité, chargée de passions et de violence — à donner la preuve de l’amour chrétien à ceux qui, aujourd’hui comme dans le passé, présentent tous les traits d’une hostilité déterminée à la foi chrétienne. Nous sommes convaincus que l’autorité suprême de Jésus-Christ n’a nul besoin de l’apport des passions viscérales de ses disciples pour s’affirmer et se manifester.

Nous espérons que ces lignes suffiront à éclairer l’esprit dans lequel nous entreprenons cette étude. Il permettra aux chrétiens, sinon à des non-chrétiens, de se rendre compte que conviction chrétienne et respect d’autrui ne sont pas incompatibles. Nous laisserons la responsabilité de leur intolérance à ceux et à celles qui confondent zèle religieux avec fanatisme persécuteur. L’Évangile nous a appris d’autres leçons; d’où l’avantage que nous avons par rapport à toute philosophie religieuse qui ne se fonde pas sur la révélation biblique.

2. Le renouveau de l’islam🔗

Il y a quelques décennies, on aurait supposé que l’islam était moribond. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, car il est revigoré; des missionnaires musulmans sont formés en Égypte et ensuite envoyés dans le monde entier pour convertir les infidèles. On accorde des subventions pour établir des hôpitaux et fonder des écoles, en Afrique notamment. Parfois, la force politique et militaire seconde de telles entreprises. L’islam, système religieux, peut servir à des objectifs politiques. Les nations musulmanes qui cherchent à s’émanciper d’anciennes tutelles encourageront la piété religieuse en vue d’unir et d’inspirer leur peuple et de s’opposer à tout adversaire qui sèmerait la division, notamment lorsqu’il s’agit des marxistes et des chrétiens. Convertir des musulmans au christianisme sera considéré davantage comme un acte politique que comme du prosélytisme ou comme une simple offense religieuse. Même en Occident, l’œuvre missionnaire musulmane est florissante. Des mosquées sont établies dans nombre de grandes villes occidentales, souvent au frais du contribuable non musulman. La croissance numérique actuelle de l’islam s’explique sans doute davantage par la démographie galopante dans les pays musulmans que par des facteurs d’ordre externe. Quoi qu’il en soit, nous n’oublierons ni ne négligerons le fait qu’actuellement l’islam exerce son influence sur une très vaste échelle et se répand rapidement, propageant ses croyances et enseignant, voire imposant, son mode de vie, souvent même hors de ses frontières traditionnelles.

Nous sommes en présence d’une réalité religieuse d’une importance considérable, si nous nous plaçons déjà du seul point de vue du nombre et de la dispersion géographique des musulmans. En effet :

« L’islam est actuellement la seule religion non chrétienne qui progresse de façon quantitativement repérable, non seulement au Moyen-Orient, berceau du christianisme, mais aussi en Europe, dans les pays qui ont historiquement représenté le centre d’expansion de l’Évangile vers les autres continents. Pour toutes ces raisons, il est impossible, aujourd’hui, aux chrétiens de ne pas s’interroger sur la signification du message coranique et sur l’attitude à prendre dans la relation avec les hommes de l’islam.3 »

Bientôt à la fin du siècle, notre monde comptera près d’un milliard, ou plus, de musulmans4. L’islam est majoritaire dans une vaste zone du globe, depuis l’ouest tropical africain jusqu’en Extrême-Orient (Indonésie). Cette zone comprend la totalité des pays arabes, mais les Arabes en constituent moins d’un cinquième. Arabe et musulman ne sont pas synonymes, d’autant plus qu’il existe une importante minorité chrétienne au Proche-Orient (en Égypte, au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Irak), ainsi qu’une minorité juive (Maroc, Tunisie, Liban, Syrie, Irak, Yémen, Égypte).

En Europe orientale, la Yougoslavie compte une population islamique de longue date (3,5 millions de personnes). Dans les pays de la communauté européenne, on trouve une population musulmane récente de plus de cinq millions de personnes, composée de travailleurs immigrés, Maghrébins et Turcs, ainsi que Pakistanais et Indiens. Les pays de l’ancienne Union soviétique comprennent cinq républiques totalisant une population de près de cinquante millions de musulmans. En France vit la minorité musulmane la plus importante d’Europe occidentale; on en compte plus de trois millions5.

Aussi le monde entier s’intéresse-t-il à l’islam. Le diplomate, à cause des événements qui se produisent au Proche-Orient, doit se rendre compte de la puissance qu’il représente dans cette région du monde et ses répercussions sur la vie et les relations internationales. L’homme d’affaires, parce que le monde arabe présente un champ d’intérêt particulier, se rend bien compte qu’il lui faut une bonne connaissance de la pensée fondamentale et des enseignements de l’islam.

Les Églises chrétiennes à leur tour s’y intéressent. Elles sont également interpellées d’une façon très particulière par l’islam en raison des circonstances qui ont présidé à sa naissance et à son développement. Il s’agit, en effet, de la seule religion universelle qui, ayant vu le jour après le christianisme, prétend à la fois englober et dépasser le message biblique. De fait, les premiers développements de l’islam se sont produits sur les lieux mêmes où naquit le message chrétien. Successivement, toutes les Églises mères du christianisme se sont vues investies, puis supplantées par l’islam. Par ailleurs, l’islam, qui est apparu chronologiquement après le christianisme, affirme englober le message de tous les prophètes antérieurs et parachever ainsi ce qu’il appelle les religions célestes.

Depuis les premiers jours de l’entreprise missionnaire chrétienne moderne, des efforts soutenus cherchèrent à apporter l’Évangile aux peuples soumis à la foi islamique. Cependant, réalistes, nous admettrons que les Églises n’ont pas toujours regardé l’islam à la lumière de leur Bible, même si l’on connaît ses dogmes. L’approche d’une religion non chrétienne se fera nécessairement avec une pensée biblique authentique, et non, comme c’est le plus souvent le cas, avec des présupposés syncrétistes allant jusqu’à parler de l’islam, à côté du judaïsme et de la foi au Christ, comme d’une autre « religion monothéiste », originaire à son tour du Moyen-Orient. Pour ceux qui s’en tiennent exclusivement à la foi chrétienne, il est impératif de proclamer l’autorité suprême de la révélation biblique pour être à même d’évaluer les autres religions et ensuite établir une stratégie appropriée d’évangélisation. Sinon tout effort missionnaire risque d’être voué à l’échec. Avant de discuter des voies spécifiques et des méthodes d’évangélisation, l’on devrait poser des fondements solides pour la mission chrétienne, et plus spécialement en pays musulman.

Durant de nombreux siècles, après son expansion spectaculaire, l’islam tâcha de garder une attitude discrète et de rester plutôt conservateur et complaisant. Pendant longtemps, l’expansion missionnaire ne sembla pas aussi importante que la soumission scrupuleuse aux vérités révélées. Et puis, au cours du 19siècle, un célèbre chef religieux, Muhammad Abduh, offrit une direction dynamique à ceux qui se réclamaient de l’islam.

Il s’en prit à l’esprit conservateur et exigea la modernisation. L’éducation généralisée devrait préparer tout un chacun à enjamber l’ère technologique. Si l’islam ne changeait pas, avertit-il, les valeurs de l’industrie occidentale, la science et la stabilité sociale seraient niées par les pays d’obédience musulmane. Aussi était-il urgent que la société islamique change radicalement de visage. Dès lors, des esprits musulmans progressistes s’efforcèrent de trouver la bonne voie et d’établir une plus grande équité entre hommes et femmes, d’améliorer l’éducation, de tendre à la croissance industrielle, de chercher la modernisation des villes et des campagnes. Ce progrès s’est effectivement, quoique partiellement, développé durant le 20siècle.

Pendant ce temps, la modernité et l’érosion des valeurs occidentales ont fini de bousculer même certains principes chers à la Sharia (tradition islamique). Cependant, la modernisation ne réussit pas à satisfaire les musulmans, qui n’en cueillirent que les fruits amers, et en leur occidentalisation, ils pressentirent un danger potentiel. Aussi cherchèrent-ils rapidement à redécouvrir leurs racines spirituelles. Ce renouveau de l’islam est notamment plus fortement ressenti dans le Proche-Orient, qui en fait actuellement une religion missionnaire des plus agressives.

Dans sa campagne de conversion de l’Afrique noire, l’islam présente, peut-on dire, trois avantages sur les chrétiens : D’abord, il tolère la polygamie, qui est bien accueillie par les tribus africaines là où la polygamie faisait déjà partie du style de vie et des coutumes ancestrales. En outre, tout au moins dans son discours, l’islam souligne la fraternité des hommes et accueille les Noirs comme des égaux, sans racisme ni paternalisme, ce qui a souvent été reproché aux Occidentaux. (Nous savons tous pourtant que cette prétendue fraternité n’a pas empêché les marchands arabes musulmans d’être les premiers à se livrer à la grande traite d’êtres humains la plus avilissante et à vendre les Noirs comme des esclaves, pendant des siècles). Finalement, tout musulman, qu’il soit marchand ou diplomate, se considère comme missionnaire, ayant reçu vocation de répandre sa foi islamique. Indéniablement, ces trois facteurs offrent des points de contact extrêmement avantageux pour répandre cette religion. Parmi les facteurs qui encouragent l’essor violent de l’islam, mentionnons la fondation du mouvement des Frères musulmans.

3. Les Frères musulmans🔗

Selon Richard P. Mitchel et Gilles Kepel, la date de la fondation de la Société des Frères musulmans est controversée : Hassan al Banna note que ce fut en Dhu al Qi’ad 1346 de l’hégire, ou mars 1928. Résumons ces deux auteurs6.

La finalité du message des Frères, le sens de leur combat, était l’édification d’un État dont le droit aurait été la Sharia appliquée selon sa lettre. Il s’agit, au départ, d’une pensée qui tente d’appréhender un monde moderne aliénant en recourant à un système de valeurs traditionnelles et non à des doctrines plus récentes importées. Néanmoins, on imagine avec quelles difficultés un corpus de règles élaborées il y a treize siècles dans les tribus d’Arabie peut, tout interprétées qu’elles soient, prendre en compte la société égyptienne du 20siècle. Lorsque l’on demandait aux Frères musulmans s’ils étaient en faveur de l’application de la loi coranique prescrivant par exemple de couper la main au voleur, ils répondaient qu’un délinquant ne devait subir ce châtiment qu’après que la société eut pourvu à tous ses besoins. En effet, un État authentiquement musulman, selon eux, veille à ce que chaque citoyen reçoive en quantité suffisante nourriture, travail, logement, etc. Tant que cet État n’a pas vu le jour, la peine n’est pas applicable. Cette position de principe était corroborée par des condamnations sans équivoque de la « justice coranique » telle qu’on la rendait en Arabie Saoudite, « dont les dirigeants se vautrent dans l’or volé aux deniers publics et au bien-être du peuple ».

L’idéologie des Frères musulmans avait donc pour fondement le rejet de l’occidentalisation au profit de l’édification d’une société islamique idéale. Un tel mot d’ordre, simple et clair, trouva rapidement un large écho dans la masse des déshérités. Dans un langage compréhensible pour chacun, puisqu’exprimé en termes familiers à tout musulman, ce message promettait une sorte d’utopie égalitaire, tout en désignant sans équivoque la mainmise des Occidentaux sur l’Égypte comme la cause déterminée de la misère des campagnes et des villes surpeuplées. Il mettait aussi sur le compte de la dépravation des mœurs imitée des Européens les problèmes sociaux du peuple, de l’éclatement des structures familiales à la prostitution des femmes et des enfants.

Aussi, la Société fut-elle, jusqu’en 1953, le seul rival véritable du parti Wafd (l’un des plus anciens partis politiques égyptiens); mais elle préconisait, pour les mêmes problèmes, des solutions diamétralement opposées. Elle fut le seul mouvement que les officiers libres qui prirent le pouvoir en 1952 n’osèrent dissoudre légalement, à cause de sa puissance, mais qu’il leur fallut exterminer par le fer et la corde pour assurer la pérennité de leur révolution.

C’est donc parmi les déshérités urbains et ruraux que les Frères recrutèrent d’abord leurs militants. Mais le malaise spirituel et politique qui régnait dans une Égypte d’après-guerre en pleine décomposition, où le régime parlementaire connaissait un discrédit croissant, permit aux Frères, qui proposaient une alternative réelle et radicale et un idéal nouveau, de recruter dans bien d’autres milieux frappés par la crise matérielle.

Le militant devait prêter le serment d’allégeance que voici :

« Je m’engage devant Dieu à m’en tenir au message des Frères musulmans, à faire tous mes efforts pour le propager, à vivre en conformité avec sa règle, à avoir une confiance absolue en ses dirigeants, et à leur obéir aveuglément, en toutes circonstances. Je le jure devant Dieu et fais allégeance par lui. De ce que je dis, Dieu seul est le témoin. »

Dès 1937, Hassan al Banna prit conscience de l’importance de la formation idéologique et il créa une structure de base plus petite, la « famille », cellule de cinq à dix personnes dont les membres passaient ensemble une ou deux nuits par semaine à veiller, prier, réfléchir, étudier les écrits du guide suprême, afin de se constituer une personnalité totalement islamique « dans tous les domaines, éthique, social, économique, politique ». Pour Hassan al Banna, la résurrection de la société passait d’abord par la réforme de l’homme dans sa conduite quotidienne.

Mais pour que la réforme fût complète, cette nouvelle spiritualité se devait d’avoir pour support un corps rénové; tel était l’objet des organisations de jeunesse, les « pionniers » (« jawwala »), environ 40 000 en 1948, bien entraînés et mobilisables pour assurer le service d’ordre des réunions, des manifestations, et tenir le pavé face aux « chemises bleues », l’organisation de jeunesse.

Plus inquiétante encore que les pionniers était la « section spéciale », appareil secret sur lequel on possède peu d’information, mais dont on estime qu’il comprenait, vers 1948, environ un millier de membres, entraînés au maniement d’armes, au secourisme, à la filature et aux diverses formes du terrorisme urbain. Ses membres devaient prêter un serment particulier d’obéissance et de silence devant un Coran et un pistolet.

« La mort est un art », dit Hassan al Banna. Le Coran a ordonné d’aimer la mort plus que la vie. La victoire ne peut venir que si l’on maîtrise l’art de la mort. Celui qui meurt sans s’être battu ni avoir été résolu à se battre est mort d’une mort de « jâhilliya » (pour les musulmans, ce mot désigne l’état d’ignorance des Arabes avant la prophétie de Mahomet). En faisant le sacrifice de leur vie au combat contre les Anglais dans la zone du canal de Suez, contre les juifs en Palestine, en mourant déchiquetés par les bombes qu’ils posaient ou pendus sur les échafauds nassériens, les Frères musulmans étaient sûrs de subir le martyre qui ferait d’eux les héros de l’islam et leur ouvrirait les portes du paradis.

Le terme même de « Frères musulmans » est aujourd’hui agité comme un épouvantail par divers régimes du Proche-Orient que les événements ici ou là inquiètent profondément.

4. Comment expliquer l’apparition de l’islam🔗

Pourquoi l’apparition de l’islam après le Christ? C’est la toute première question qui vient à l’esprit. Si Dieu exerce son autorité souveraine et contrôle tous les actes humains, comment expliquer l’émergence de l’islam alors qu’il n’existait pour cela aucune raison apparente? Le Christ n’avait-il pas apporté la révélation ultime, complète, une fois pour toutes, dans sa personne et sa mission rédemptrice? Notre réponse à cette légitime question peut ne pas satisfaire absolument. Nous chercherons cependant à indiquer des faits, à souligner quelques facteurs qui, extérieurement, contribuèrent à la naissance de la religion promulguée par le prophète arabe. Signalons encore en passant que notre intérêt à son égard n’est pas académique. Nous nous y intéressons simplement en notre qualité de missionnaire. En posant des questions et en cherchant des réponses à la lumière de la Parole de Dieu, nous nous trouvons placés sur la bonne voie d’approche chrétienne. Quel que soit le facteur principal qui ait contribué à l’apparition de cette religion, nous sommes obligés d’en tenir compte. Tâchons aussi de ne pas reproduire les manquements et carences des missionnaires chrétiens dans leur tentative d’atteindre l’islam. Aussi, la connaissance de l’histoire du passé à cet égard, comme à d’autres égards, nous sera indispensable, voire précieuse.

Notes

1Journal des missions évangéliques, spécial islam.

2Le Crapouillot, numéro 92, entièrement consacré à l’islam.

3. Henri Teissier, Unité chrétienne, p. 27-28.

4. NDLR : En 2015, on estimait le nombre de musulmans dans le monde à plus de 1,7 milliards.

5. NDLR : En 2015, certains estimaient le nombre de musulmans en France à environ 5 millions, mais ce nombre est très approximatif.

6. Richard P. Mitchel et Gilles Kepel, L’histoire, n26, septembre 1980, p. 20ss. 5