Au bord du gouffre
Au bord du gouffre
Le 29 août 2005, l’ouragan Katrina a frappé avec une force incroyable les états américains de la côte du golfe du Mexique. À la vue des dommages considérables dans certaines villes, certains ont dit que c’était peut-être le pire désastre naturel à avoir affligé le pays. Des édifices ont été déplacés ou réduits en miettes. Les digues n’ont pas tenu et l’eau est montée à son niveau naturel à La Nouvelle-Orléans. Beaucoup de gens ont perdu tous leurs biens terrestres. Tout cela est tellement triste.
Quelle démonstration stupéfiante de la puissance de Dieu! Des tonnes et des tonnes de matériaux ont été soulevées et déplacées. Plusieurs vont bien sûr nier que Dieu ait quelque chose à voir dans cela. Mais la main de Dieu était en action à ce moment précis de l’histoire humaine. Tous les hommes devraient être contraints de le reconnaître. Un tel événement devrait faire frémir tous les hommes et les amener à considérer la toute-puissance du Créateur qui est capable de réduire en brindilles des centaines d’années de labeur humain. S’il-vous-plaît, qu’on cesse de parler d’une Mère Nature déchaînée et de prétendre que Dieu n’a rien à y voir.
Des catastrophes de ce genre sont une révélation à la fois de la puissance de Dieu et de la faiblesse de l’homme.
Au lieu de reconnaître l’œuvre d’un Dieu juste, nous avons tristement constaté le manque de retenue morale chez les gens. Certains sont restés sur les lieux de la tempête afin de se livrer au pillage. D’autres ont exigé avec colère de recevoir plus rapidement de la nourriture, de l’eau et des logements. Au lieu d’être reconnaissants du fait que leur vie ait été épargnée, certains se sont plaints que le gouvernement était trop lent, trop inefficace, trop parcimonieux. Les fusibles sautent facilement.
Je me suis alors demandé si bien des gens vivent si près du bord du gouffre. Lorsque la première brèche dans la digue de la loi s’est ouverte, de nombreuses personnes ont déferlé dans le crime plus rapidement que les eaux dans les rues de La Nouvelle-Orléans. Toutes les villes ont leur lot de criminalité et il faut plus qu’une catastrophe pour les ramener à de meilleurs sentiments. Mais avec quelle rapidité d’autres opportunistes, qui auparavant pouvaient être des citoyens respectueux de la loi, ont fracassé les fenêtres des magasins ou pillé des maisons pour dépouiller les autres. Certains ont attaqué les sauveteurs et les forces de l’ordre. Au lieu de dire « merci », certaines victimes laissées en rade ont crié de rage et ont maudit ceux qui ne sont pas venus à leur aide aussi rapidement qu’ils le voulaient. Quelques heures sans système de lois et sans vie normale ont suffi pour que plusieurs basculent dans le gouffre.
Oui, pour des milliers de gens dont les maisons et les biens ont été dévastés, ce fut une perte épouvantable. Et pour ceux qui ont vu périr des êtres chers, ce fut une perte angoissante. Sans nullement vouloir minimiser les pertes et les peines, on peut se demander où donc est la retenue dont on devrait faire preuve lors d’une telle perte? Où est l’humilité qui reconnaît la fragilité de l’homme et de ses biens en face du Dieu tout-puissant? Où est la gratitude envers ceux qui risquent leurs vies pour venir à la rescousse des victimes? Où est la reconnaissance envers la nation qui encore une fois déboursera afin de payer pour la reconstruction? Où sont le civisme et l’amour pour le prochain lorsque des batailles éclatent dans les abris après à peine deux jours passés ensemble? Les gens vivent-ils si près du gouffre? Ne peuvent-ils faire preuve de retenue même dans une telle tragédie? Il semble que non. Le temps nous dira ce que l’avenir nous réserve.
Je sais que la majorité des gens qui ont vécu la tragédie de cet ouragan ne se sont pas livrés au pillage et à la cupidité. Mais un nombre troublant de gens ont perdu tout contrôle d’eux-mêmes dès que l’occasion s’est présentée. On a même assisté à des meurtres et des viols perpétrés par des victimes attaquant d’autres victimes.
Peut-être après tout que bien des gens vivent si près du gouffre. Pour certains, la moindre chose deviendra un élément déclencheur et ce qui était à fleur de peau sera alors révélé. Si les choses ne vont pas comme ils veulent, ils sortent de leurs gonds. Si la figure d’autorité est partie ou oubliée pendant un instant, ils deviennent une loi pour eux-mêmes. Ça fait peur de penser que tant de gens dans notre monde sont si près de basculer dans un comportement horriblement pécheur.
Considérons comment tout cela nous touche de près.
Nous voyons ce phénomène dans les mariages où les relations sont tendues, où les conjoints sont si près du gouffre que la moindre peccadille peut les faire basculer. Ils perdent alors toute retenue et tout bon sens. La violence s’en suit. Les vœux n’ont plus d’importance.
Nous voyons ce phénomène chez certains de nos adolescents qui, une fois loin de la vue de leurs parents, perdent toute retenue dans leurs actions et font des choses qu’ils ne devraient jamais faire. Seuls d’autres yeux vigilants les retiennent. Quand le chat est sorti, les souris dansent.
Nous voyons également ce phénomène dans les Églises. Si les choses ne vont pas comme ils veulent, certains membres claquent la porte pour ne plus revenir, sans tenir compte des vœux qu’ils ont prononcés. Il arrive parfois que la doctrine même de l’Église ou la nature du culte d’adoration soient changées pour le pire par une petite minorité qui n’a pas peur de s’exprimer. La retenue que nous impose la Parole de Dieu n’est pas respectée. Certains sont si près du gouffre. Combien de temps a-t-il fallu à Israël pour forger le veau d’or alors que Moïse les avait quittés depuis quelques jours seulement?
Que ce soit dans la société, le mariage, l’Église ou la famille, la vie se déroule parfois très près du bord du gouffre, où le moindre faux pas peut nous faire basculer, où une toute petite fissure dans la digue peut entraîner des débordements sans retenue. Remercions Dieu du fait que, chaque jour, il retient les non-croyants, les empêchant d’être pires qu’ils le pourraient.
L’autorité de la loi dans une société, à la maison ou dans l’Église est souvent nécessaire pour retenir le mal. « Retenir » veut dire « empêcher » ou « prévenir ». Nous trouvons dans la Bible ce mot employé dans ce sens. Par exemple : « Avec beaucoup de paroles, on ne manque pas de pécher, mais celui qui retient ses lèvres est un homme de bon sens » (Pr 10.19).
C’est une folie de penser que l’homme peut se contenir lui-même. Ce qu’on pourrait appeler la « retenue de soi » ou la maîtrise de soi doit venir de Dieu qui agit en nous par sa Parole et par le Saint-Esprit. Proverbes 29.18 dit : « Quand il n’y a pas de vision, le peuple est sans frein; heureux celui qui observe la loi! » Paul enseigne aux Galates que s’ils ne vivent pas sans retenue, selon la chair, c’est parce que l’Esprit les retient. Galates 5.16-17 nous dit :
« Je dis donc : Marchez par l’Esprit, et vous n’accomplirez pas les désirs de la chair. Car la chair a des désirs contraires à l’Esprit, et l’Esprit en a de contraires à la chair; ils sont opposés l’un à l’autre, afin que vous ne fassiez pas ce que vous voudriez. »
Le péché, qui s’attache à nous, se tient souvent plus près de la surface que nous le réalisons.
« Oui, ils aiment vagabonder, ils ne savent pas retenir leurs pieds; l’Éternel ne les agrée pas, il se souvient maintenant de leurs fautes et il châtie leurs péchés » (Jr 14.10).
Les parents ont reçu l’autorité afin qu’ils retiennent leurs enfants, et l’échec dans ce domaine attire le jugement de Dieu. C’est ce que Dieu a dit à Samuel à propos d’Éli :
« Je lui ai déclaré que je veux moi-même condamner sa maison à perpétuité, à cause de la faute qu’il connaît et par laquelle ses fils se sont rendus méprisables, sans qu’il les ait réprimés » (1 S 3.13).
Nous pourrions conclure que la punition prévue par la loi constitue notre plus grande motivation à nous retenir de faire le mal. C’est vrai pour le non-croyant. La crainte et l’appréhension de la punition peuvent l’empêcher de basculer dans le gouffre. C’est tout simplement de l’égoïsme, et je crains que plusieurs obéissent à la loi uniquement pour cette raison. Voilà pourquoi les pilleurs passent à l’action dès que la loi disparaît. Ils n’ont pas peur d’être arrêtés.
Pour les chrétiens c’est différent. Ce qui nous motive à exercer de la retenue dans nos actions, nos paroles et nos désirs ne peut pas être l’égoïsme (la peur d’être pris). Quelle est alors notre motivation? C’est l’amour pour le Seigneur et pour sa gloire, issu d’un cœur reconnaissant. Ce qui peut sembler n’être que « la retenue de soi-même » vient en fait de la vie nouvelle que nous avons en Jésus-Christ (2 Co 5.17).
Si les non-croyants sont continuellement au bord du gouffre, prêts à tomber dans le péché (et ils le font souvent ouvertement), il est certain qu’ils sont également perchés sur le bord du gouffre du jugement de Dieu qui viendra certainement. Ils se pensent libres et sans retenue, mais en fait ils sont pris dans un esclavage épouvantable. Ils ont absolument besoin qu’on leur fasse connaître l’Évangile de la liberté en Jésus-Christ.
De même, les chrétiens sont avertis de veiller sur eux-mêmes. « Ainsi donc, que celui qui pense être debout prenne garde de tomber » (1 Co 10.12). Nous tombons de nombreuses fois et nous nous repentons. Mais ce n’est que par la grâce de Dieu que nous sommes préservés de basculer dans le gouffre pour toujours.
« Si, en effet, quelqu’un veut aimer la vie et voir des jours heureux, qu’il préserve sa langue du mal et ses lèvres des paroles trompeuses; qu’il s’éloigne du mal et fasse le bien, qu’il recherche la paix et la poursuive; car le Seigneur a les yeux sur les justes et les oreilles ouvertes à leur prière, mais la face du Seigneur se tourne contre ceux qui font le mal » (1 Pi 3.10-12).