Luc 11 - Prier Dieu aujourd'hui
Luc 11 - Prier Dieu aujourd'hui
« Seigneur, enseigne-nous à prier. »
Luc 11.1
L’auteur d’un article de presse donnant des raisons pour prier aujourd’hui prétend que les gens ressentent le besoin de prier parce qu’ils sont constamment assaillis, agressés de l’extérieur par ces forces contraignantes que sont devenues le travail, les communications, la correspondance, le désordre de la circulation, la radio, le cinéma, etc., et le tout, dans une précipitation croissante. Ils doivent donc dresser un barrage entre eux et l’avalanche d’impressions qu’ils reçoivent sans cesse afin de protéger leur existence. La meilleure façon de ne pas se laisser emporter par ces vagues serait de créer un état intérieur comme contrepartie à l’agitation de la vie moderne. Cet « état intérieur » serait l’équivalent de la prière chrétienne! Naturellement, si on s’engage dans un tel soliloque, il n’y a plus aucun besoin de s’adresser à Dieu en l’appelant « tu ». Il suffirait, en réalité, de s’adresser à soi-même pour mettre de l’ordre dans son esprit et de la clarté dans ses idées.
Quelle illusion tragique que ce désir d’une prière qui, en réalité, refuse l’exaucement! Derrière ce comportement réside toute la tragédie de l’homme qui a perdu son Père céleste. Sa situation intérieure, reflétée dans les lignes de l’article cité plus haut, ressemble à la marche d’un homme dans la forêt inextricable de la vie, au milieu d’une nuit opaque… Il a l’impression que des fantômes se cachent autour de lui et il entend des voix étranges qui l’effraient. La forêt enténébrée est pleine de dangers. L’homme moderne appelle cela l’anxiété de la vie, la peur même d’exister… Or, il donnerait n’importe quoi pour savoir que quelqu’un l’accompagne, place sa main sur son épaule et lui dit : « Ne t’inquiète pas, je suis avec toi, je connais les embûches, je sais où se trouvent les endroits dangereux et les sables mouvants, je sais où se cachent les brigands…, je te conduirai sain et sauf jusqu’à ta destination. »
L’homme moderne donnerait tant pour savoir cela, pour éprouver cette présence! Mais il ignore que ce guide et protecteur existe. Il s’imagine seul. Il se met alors à prier à haute voix en s’adressant à lui-même, tel un enfant qui descend dans la cave obscure et qui veut chasser sa peur par l’écho de sa propre voix. Mais personne ne s’y trouve et il reste seul et apeuré. Pourtant, Jésus-Christ nous dit que nous pouvons appeler Dieu « Père », « notre Père ». Il existe donc une voix, réelle et audible, qui répond « me voici, mon enfant ». La prière commence avec Dieu, parce que Dieu est au centre de notre vie.
C’est bien la raison pour laquelle l’Écriture emploie tant de superlatifs en parlant de la nécessité de la prière. Elle nous invite, nous exhorte vivement à prier, à prier sans cesse. À travers ses pages, le peuple de Dieu nous est présenté comme l’assemblée d’hommes et de femmes qui ont prié. Ce peuple ne peut vivre un seul instant sans y avoir recours. Elle est le souffle même de sa vie, qui le propulse en avant dans la ligne de l’Alliance de grâce, afin d’en saisir toutes les promesses. Elle cherche la communion de son Dieu et Seigneur et appelle, dans sa détresse, le Libérateur à son secours. Elle loue aussi celui dont la bonté, les exploits et les actes puissants lui ont permis de devenir le peuple élu. Jésus-Christ en personne insiste pour que les siens prient Dieu, leur Père. Non seulement il insiste, mais encore il donne le modèle parfait de la prière.
Dans la bouche de tous les témoins de Dieu, d’Abraham à Moïse, en passant par les prophètes et jusqu’aux apôtres, une grande richesse de termes et d’expressions multiples désigne la conversation que les enfants du Père ont avec lui : supplication, cri de détresse, sollicitation de secours, imploration de pardon, vivante adoration ou humble confession des péchés. Un seul terme résumera pourtant parfaitement l’ensemble de toutes ces expressions : la confiance en Dieu.
Il nous faut apprendre et réapprendre à prier avec tous les témoins du Dieu vivant. Ce disciple qui, s’approchant du Maître, lui demandait : « Seigneur, enseigne-nous à prier » (Lc 11.1) tenait à recommencer son instruction religieuse, dès le début, à l’école du Maître. Ses idées sur la prière et sur la pratique de celle-ci semblent radicalement remises en question et appelées à être renouvelées de fond en comble. Les mêmes raisons nous commandent de ne pas trop facilement présumer de notre « aptitude à prier ». Même après vingt siècles d’acquis chrétien, nous ne pourrons pas faire l’économie de l’apprentissage de la prière.
Or, on peut dire que la prière est un art, avec des principes qui lui sont propres. Art que le chrétien, à l’écoute de la Parole et conduit par l’Esprit, apprendra à exercer comme une offrande apportée par son cœur et par ses lèvres à celui qu’il confesse dans la reconnaissance comme son Dieu et comme son Rédempteur.
Nous aurons à réapprendre à prier, car combien de questions élémentaires se posent toujours et à nouveau au sujet de la prière! Qu’est-ce que prier? Qui faut-il invoquer au juste? Quelle attitude devrais-je adopter et, question essentielle, quel en sera le contenu? Pourquoi faut-il prier? L’une des réponses, à vrai dire d’une simplicité évangélique, mais tout à fait suffisante, se trouve dans cet excellent Catéchisme de Heidelberg, qui rappelle que la prière exprime toute notre gratitude envers Dieu, qui nous exauce en Jésus-Christ. Nous nous adressons au Dieu véritable, celui que nous connaissons par et dans sa Parole révélée.
Écartons toutefois de notre pensée l’idée selon laquelle nous pourrions récompenser Dieu au moyen de notre prière, le rémunérer, voire accomplir quelque chose pour lui… Ce faisant, nous nous placerions au centre de notre vie religieuse, sombrant dans un subjectivisme qui tuerait à coup sûr tout véritable esprit de prière, la prière en Esprit. Ose-t-on imaginer quelqu’un s’approchant d’une fontaine pour s’y désaltérer en cherchant simultanément à la remplir? Le Dieu de la Bible est précisément la source et la fontaine de tout bien. Une telle conception du rôle de la prière n’amoindrit aucunement la valeur et la nécessité des bonnes œuvres. Or, nos prières, elles aussi, sont partie intégrante de ces « bonnes œuvres » qui témoignent de notre conversion à lui, de notre aversion à l’égard du péché, de notre joie de vivre pour lui dans sa communion ainsi que d’une confession de foi vivante et sereine, par laquelle nous reconnaissons que nous appartenons corps et âme, dans la vie comme dans la mort, à notre unique Sauveur.
Il est urgent de réapprendre à prier. Lorsque le disciple s’approcha de Jésus lui demandant d’être enseigné, le Maître ne lui dit pas : « va prier et prie n’importe comment, pourvu que tu pries »! Il lui donna, au contraire, les précisions qui s’imposaient pour le préserver de toute fantaisie se substituant à la communion intime et réelle avec Dieu. Il écarta de même toute conception erronée de la spontanéité, qui souvent obscurcit et rend inintelligible le discours de la communication. À la lumière de cet enseignement, nous saurons réexaminer nos prières pour distinguer ce qui fait l’authenticité de notre expérience chrétienne de toutes ses contrefaçons afin d’en exclure les éléments parasitaires et d’en balayer les scories qui la rongent.
Mais qu’il est rassurant de savoir que le Saint-Esprit de Dieu œuvre sans relâche dans nos esprits, qu’il nous enseigne à prier et qu’il va jusqu’à prier avec nous, parfois même à notre place… Dieu donne son Esprit et sa grâce à celui qui désire et cherche constamment sa présence. Il attend que nous ayons faim et soif de sa personne. Il est disposé à nous nourrir et à nous combler de ses richesses d’après la mesure qu’il a décidée. Il ne nous décevra point. Source de vie, il dispense chaque jour ses bontés. Il n’autorise pourtant aucun de ses enfants à faire une provision de celles-ci, une réserve manipulable dont l’orgueil et la convoitise du cœur humain rebelle, même chez le croyant, pourraient abuser.
Nous savons à présent qu’il nous faut prier sans cesse, sans nous décourager. Que la prière soit le pivot, dans notre vie individuelle aussi bien que dans celle de l’Église, qui permette un développement harmonieux. Qu’elle soit une rencontre fréquente avec Dieu et l’occasion surtout de nous redire qu’à chaque instant nous subsistons par sa seule grâce.