Évangéliser c'est proclamer un message
Évangéliser c'est proclamer un message
1. Proclamer⤒🔗
Imaginons la joie de l’ancienne Jérusalem lorsque les exilés rentrèrent de Babylone. Leur anxieuse attente avait duré de longues années, des interminables décennies. Le peuple de Dieu, déporté dans la honte, plongé dans la souffrance, exilé dans un pays lointain, espérait, contre toute espérance, ce retour. Quelques survivants laissés dans la ville sainte pleuraient sa gloire passée, nourrissant un faible espoir en un avenir meilleur pour se consoler de leur triste présent. Les rachetés de l’Éternel n’allaient-ils jamais rentrer au pays?
C’est alors que se produisit l’événement prodigieux. Cyrus le conquérant, instrument entre les mains du Seigneur, publiait un décret de libération pour les captifs babyloniens. D’agiles messagers portèrent aussitôt la nouvelle, au près comme au loin. Les adultes se hissant sur les murailles ou grimpant sur les tours, les enfants montés sur les épaules de leurs aînés guettaient les colonnes d’exilés rentrant au pays. Sur la crête d’une colline apparaissait le messager, le héraut; au : « Amis, quel est le mot de passe? » succédait invariablement l’émouvante réponse : « Écoute, Sion, ton Dieu règne » (És 52.7). Quel instant extraordinaire! Ici, des gens pauvres, labourant durement les pentes des collines, là-bas des sentinelles, installées sur des murailles, communiquaient le grand message : « Voici votre Dieu, voici mon Seigneur, l’Éternel, il vient avec puissance, et son bras lui assure la domination » (És 40.9).
C’est dans de telles scènes qu’il faudrait chercher l’origine et le sens du mot évangélisation dans l’Ancien Testament. « Qu’ils sont beaux les pieds du messager qui annonce la bonne nouvelle, qui publie le salut et qui dis à Sion : Ton Dieu règne » (És 52.7).
L’apôtre Paul cite ce passage dans sa description de la mission d’évangélisation (Rm 10.15). Notre Seigneur annonce son propre ministère de proclamation « de bonne nouvelle aux pauvres », en citant un passage parallèle du prophète (És 61.1-2, voir Lc 4.17-18). Tout ce que le Nouveau Testament dit au sujet de l’Évangile comporte ces éléments vitaux, essentiels de l’Ancien Testament, de Bonne Nouvelle, comprise et interprétée comme Parole prophétique.
De tels discours pourraient-ils nous servir de fondement et orienter notre entreprise missionnaire moderne? Assurément. L’essentiel se trouve en ces mots : Évangéliser c’est proclamer un message.
L’évangélisation est une annonce publique. Le prophète chante celui qui porte, qui transmet, qui publie des nouvelles, qui parle à Sion et lui annonce des événements heureux, extraordinaires. Dans le Nouveau Testament, les verbes évangéliser et prêcher sont interchangeables. Ils comportent le sens de déclaration d’un événement. Quelque chose comme le oyez, oyez des crieurs publics de jadis. L’évangélisation est comme le bulletin d’information de dernière minute qui tombe sur l’écran de la télé ou dans les salles de rédaction des journaux.
L’acte de proclamation est tellement central qu’il serait inutile de le rappeler si le terme n’était malheureusement pas galvaudé par une certaine évangélisation moderne qui a d’ailleurs réussi à rabaisser l’Évangile lui-même. En tout cas, quelle que soit l’importance et les résultats obtenus par le « témoignage en silence », le « témoignage sans prononcer le nom », « la présence personnelle », ou les formes variés de l’action chrétienne, aucune de ces attitudes ou actions ne remplit complètement la mission à proprement parler d’évangéliser. Certes, elles sont étroitement liées à celle-ci; cependant, aucune d’entre elles prise isolément ne s’y substituera. La proclamation verbale de l’Évangile, a écrit quelqu’un, est la rencontre d’une vie avec une autre vie, avec en plus une parole, celle de l’Évangile.
2. La Bonne Nouvelle←⤒🔗
Ceci nous amène à une deuxième affirmation : évangéliser c’est annoncer une bonne nouvelle. Dans ses racines hébraïques et grecques, l’idée d’un message joyeux constitue la partie essentielle du verbe. Dans le monde antique, la bonne nouvelle avait pour sujet la naissance d’un enfant, le retour au foyer d’un être bien-aimé, la délivrance d’un misère, le signal de la victoire sur le champ de bataille. C’est exactement ce que l’on aurait fait à l’égard d’un voisin ou ami, lui criant l’heureux événement à travers la rue, par exemple : « L’opération a parfaitement réussi! » ou, « Avez-vous entendu, la guerre a pris fin! » Il s’agissait toujours de la réception d’une bonne nouvelle. Les « pieds sont beaux » de ces messagers portant d’heureuses nouvelles! « C’est la voix de tes sentinelles! Elles élèvent la voix, elles poussent ensemble des cris de triomphe » (És 52.8). Lorsque l’évangéliste Philippe a évangélisé la Parole aux gens de Samarie, « il y eut une grande joie dans cette ville » (Ac 8.4-8).
Il est bon de nous rappeler que les évangélistes apportent une bonne nouvelle qui fait naître la foi. Ce que les chrétiens transmettent au monde n’est pas toujours une bonne nouvelle; parfois, on rend des témoignages qui sont des avis personnels, parfois de bons conseils, mais ne contiennent pas nécessairement un message reçu d’en haut pour être communiqué. Il faut nous interroger sérieusement : l’Église parvient-elle à transmettre une bonne et grande nouvelle au monde? Ou même à ses propres membres? Ceux qui la fréquentent peuvent-ils dire qu’ils entendent une Bonne Nouvelle éclatante, véritablement transformatrice?
3. Du Royaume←⤒🔗
Les premiers chrétiens ont proclamé la Bonne Nouvelle du règne de Dieu.
Le début d’un régime nouveau marque souvent le commencement d’une attente heureuse. Dans le monde gréco-romain d’alors, évangéliser signifiait annoncer l’accession au pouvoir d’un nouveau monarque. C’était l’invitation à l’espérance et l’appel à la célébration d’une fête. Rappelons-nous encore des hérauts qui apportèrent de bonnes nouvelles à Jérusalem. Ils annonçaient ce que Dieu avait fait pour son peuple, le libérant du joug de l’esclavage, le faisant rentrer dans sa patrie et dans ses foyers. Pour ces messagers, la libération opérée par Dieu était accompagnée d’une vérité lumineuse : « Votre Dieu règne! »
Cette même idée du Royaume se retrouve dans l’arrière-plan de l’évangélisation selon le Nouveau Testament. Il y est également question de la proclamation d’un événement, celle des œuvres puissantes de Dieu en Christ. Jésus, disent les témoins, allait de lieu en lieu en faisant le bien, guérissant ceux qui étaient oppressés par Satan. Il fut mis à mort sur la croix et ressuscita le troisième jour. Il apparut aux témoins choisis. Dieu l’a exalté au-dessus de tous; par lui, il a répandu son Saint-Esprit. Ce même Jésus reviendra pour juger les vivants et les morts. C’est là l’événement annoncé.
L’Évangile est une histoire qui relate une grande Bonne Nouvelle. Et il est une grande et une Bonne Nouvelle à cause du sens divin que comportent ces événements. Et c’est alors l’interprétation.
« Christ est mort pour nos péchés, ressuscité pour notre justification. » Il vit pour toujours afin d’intercéder en notre faveur. Il viendra dans sa gloire « pour nous accueillir dans son règne ». En Christ, Dieu a agi en notre faveur et pour notre salut.
Malheureusement, beaucoup de chrétiens s’arrêtent à ce point-là. Ils ne voient pas que l’Évangile concerne le Royaume de Dieu, qu’il est la Bonne Nouvelle de son règne.
Dieu est venu en Jésus-Christ pour détrôner les faux maîtres et conquérir les puissances mauvaises qui asservissent l’homme. Notre libération et notre joie sont fondées dans notre soumission à son règne. Or, si souvent nous agissons et nous parlons comme si notre consolation personnelle, notre bien-être spirituel, notre succès immédiat étaient le composant essentiel de l’évangélisation, ses ultimes objectifs. Nous les transmettons comme s’ils étaient la seule bonne nouvelle à communiquer. Certes, ils le sont, en tout cas, les deux premiers. Mais ils ne constituent qu’un évangile partiel; ils servent parfois à renforcer notre égocentrisme, notre foncier anthropocentrisme, il faudrait dire. Si nous avions des oreilles pour entendre et des yeux pour voir, nous nous rendrions compte que l’espérance du monde et notre seul bien sont liés à Jésus le Seigneur, que nous lui appartenons totalement, corps et âme, dans la vie et en dépit de la mort, dans la joie ou dans la tristesse, dans le succès comme dans l’échec, dans la paix comme dans l’orage.
Ainsi, nous ne manquerons pas à chanter comme le peuple de l’Ancienne Alliance : Alléluia, car le Seigneur, notre Dieu tout-puissant, règne!