La Parole comme moyen de grâce
La Parole comme moyen de grâce
L’importance du thème est évidente. Mais nous la soulignerons encore en rappelant les grandes lignes de la pensée et de la piété réformées au sujet de la Parole et des sacrements. À côté de l’Église et de sa prière, la Parole et les sacrements sont des moyens de grâce par lesquels Dieu entretient et fortifie notre foi et atteste à celle-ci la réalité et la permanence de la rédemption (Rm 10.17). S’il est vrai que Dieu, dans sa liberté, peut nous parler autrement (et il le fait dans sa révélation générale, Ps 19.2; Rm 1.20), du fait du péché de notre cœur qui a obscurci toute notre intelligence spirituelle et nous a fermés ainsi à la grâce, il a plu à Dieu de nous parler clairement dans un langage humain, sans équivoque ni erreur, dans la Bible. Il a choisi ce moyen et c’est sur les pages du Livre saint que nous entendons l’appel de Dieu; c’est grâce à l’Écriture qu’il nous fait connaître qui il est, qui nous sommes et à quoi il nous destine.
L’Écriture sainte répond aux questions fondamentales de notre existence. Elle nous révèle notre destinée comme une intention, une décision et une œuvre divines. Elle nous invite à placer notre foi et toute notre espérance dans le Royaume de Dieu (Mt 4.17 et 25.34). Dieu nous appelle à lui, bien que nous ne soyons pas dignes de son offre ni même en mesure de l’entendre correctement et de la recevoir avec toute la dignité qu’il mérite. C’est sa parole activée et rendue vivante par le témoignage intérieur du Saint-Esprit qui nous rend capables de l’entendre et de croire en lui. Tout est ainsi pure grâce.
Notre foi se fonde sur l’affirmation de la Parole. Nous n’avons pas à le découvrir, car, dans sa grâce imméritée, il nous a parlé le premier. Il nous a trouvés dans la misère de nos égarements et, par sa Parole, il nous a engendrés à la vie nouvelle (voir Jn 1.1; Gn 1.1; Ép 2; Jc 1.18; 1 Pi 1.23-25). Non seulement sans la Parole nous n’aurions qu’une foi hésitante, voire « doutant » et « au prix du doute », mais encore nous serions irrémédiablement perdus dans l’idolâtrie naturelle de notre cœur pécheur et rebelle.
L’Église n’existe que grâce à la Parole qui existait avant l’Église. C’est elle qui l’a appelée à l’existence, car l’Église n’a pas le droit d’exister en elle-même. Elle est le fruit de la volonté de Dieu, de son élection éternelle. Elle est née non d’une semence corruptible d’homme, mais par la semence incorruptible de Dieu. Elle est libérée aussi pour proclamer son origine divine et transmettre au monde le message définitif et absolu de Dieu. Une Église fidèle ne parlera jamais et en aucune circonstance en son nom propre. Sa tâche est de proclamer et de transmettre fidèlement la Parole de son Seigneur, d’inviter les hommes à lui obéir, et non pas de les amener à se soumettre à elle-même.
Dieu s’est révélé dans la Bible, mais cette révélation ne se trouve pas dans la vie, dans l’attitude ou dans le comportement des hommes de la Bible. Ceux-ci ne sont pas nos exemples en tout. Leurs faits et gestes ont été consignés pour nous conduire vers l’autre, lequel s’adresse aujourd’hui encore par leur moyen. Cette affirmation ne relativise nullement l’importance et le rôle de l’Écriture en tant que récit et histoire d’hommes et d’événements. Si elle n’existait pas, l’Église risquerait de n’écouter qu’elle-même, de ne dialoguer qu’avec elle-même et donc de soliloquer. Elle vivrait de ses propres desseins et non pas dans l’obéissance de la foi (Rm 16.26). Même en prétendant écouter le seul Saint-Esprit, elle tomberait dans l’erreur et le mal, et l’exemple des sectes, grandes ou petites, voire d’Églises grandes et officielles, sont là pour nous en donner la preuve.