La Trinité d'après des textes réformés
La Trinité d'après des textes réformés
À l’article 6, la Confession de La Rochelle écrit :
« Cette Écriture nous enseigne qu’en la seule et simple essence divine que nous avons confessée, il y a trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit; le Père, cause première, principe et origine de toutes choses; le Fils, sa Parole et sa sagesse éternelle; le Saint-Esprit, sa force, sa puissance et son efficace. Le Fils est éternellement engendré du Père; le Saint-Esprit procède éternellement du Père et du Fils. Les trois personnes de la Trinité ne sont pas confondues, mais distinctes; elles ne sont pourtant pas séparées, car elles possèdent une essence, une éternité, une puissance identique, et sont égales en gloire et en majesté. Nous acceptons donc, sur ce point, les conclusions des conciles anciens, et repoussons toutes les sectes et hérésies qui ont été rejetées par les saints docteurs, depuis saint Hilaire et saint Athanase, jusqu’à saint Ambroise et saint Cyrille. »
Calvin traite du dogme de la Trinité dans l’Institution chrétienne, au livre 1er et au chapitre 13. Nous citons de larges extraits tirés de la version en français moderne1.
2. « Tout en affirmant qu’il est un, Dieu se donne à connaître à nous en trois personnes distinctes. Si nous ne considérons attentivement chacune d’elles, Dieu ne sera qu’un nom vide de substance flottant dans notre cerveau. Mais afin que nul n’imagine un Dieu à trois têtes, ou triple dans son être, ou qu’on n’aille supposer que l’essence simple et unique de Dieu est partagée ou déchirée, il nous faut chercher une définition claire et brève qui nous préserve de toute erreur. […] Nous dirons donc qu’il y a en Dieu trois hypostases. […] Les Latins ont exprimé la même idée en disant qu’il y a en Dieu trois personnes. […] Le mot grec veut dire littéralement “subsistance”, mot que certains ont confondu avec “substance”. Ajoutons que les chrétiens grecs, pour mieux manifester leur accord avec les Latins, ont eux-mêmes employé le mot latin “personnes” dans leurs écrits. En tout cas, quelles que soient les nuances des mots, ils expriment tous la même vérité. »
3. « Les hérétiques peuvent bien aboyer contre le mot personne qu’ils disent inventé par les hommes, […] c’est de la mauvaise foi de rejeter des mots qui n’expriment pas autre chose que ce qu’atteste l’Écriture. Ils prétendent néanmoins qu’il vaudrait mieux limiter notre vocabulaire, comme nos pensées, à ce que dit l’Écriture, sans employer des termes venus d’ailleurs et porteurs de disputes et de dissentiments, de querelles de mots épuisantes où la vérité se perd en contestation et où la charité est détruite. Mais en condamnant comme étrangers à l’Écriture les mots qui ne s’y trouvent pas en toutes lettres, ils nous imposent une règle tout à fait déraisonnable, puisqu’ils condamnent ainsi toute prédication qui ne serait pas tirée mot à mot de l’Écriture. […] Certes, nos paroles, comme nos pensées, doivent être soumises à la règle de l’Écriture. Mais qui nous empêchera d’exprimer par des termes plus clairs ce qui dans l’Écriture est à demi voilé, à condition que ce que nous dirons serve à exprimer fidèlement la vérité de l’Écriture, avec scrupule et à bon escient? »
5. « Si donc ces mots n’ont pas été inventés arbitrairement, il serait arbitraire de les rejeter. Et pourtant, je les verrais volontiers disparaître, si seulement tous les hommes avaient cette certitude : que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul Dieu; toutefois, que le Fils n’est pas le Père et que l’Esprit n’est pas le Fils, mais qu’ils sont distincts par ce qui est propre à chacun. Pour le reste, je ne m’acharnerai pas à susciter de grands combats pour de simples mots. Car je vois que les Pères de l’Église, bien qu’ils parlent de cette manière avec un si pieux respect, ne sont pas, dans l’usage des termes, toujours d’accord entre eux, ni, pour certains, toujours d’accord avec eux-mêmes. […] Si certains se font un scrupule d’accepter ces mots, nul toutefois, en dépit qu’il en ait, ne pourra nier ceci : quand l’Écriture parle d’un seul Dieu, il faut comprendre qu’il y a une unité de substance; quand elle dit que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois, elle distingue trois personnes dans cette Trinité. Quand cela sera affirmé sans astuce, nous n’attacherons pas d’importance aux mots. »
6. « Mais quittons les querelles de mots et abordons le fond de la question. En premier lieu, j’appelle personne “une résidence”, c’est-à-dire une réalité résidant dans l’essence de Dieu qui, bien que liée aux autres, s’en distingue par ce qui lui est propre. Le mot de résidence doit être pris en un autre sens que celui d’essence. Car si la Parole était simplement Dieu et n’avait rien qui lui soit propre, saint Jean n’aurait pas pu dire qu’elle a toujours été en Dieu. Quand il ajoute, tout aussitôt, qu’elle est elle-même Dieu, il parle de l’essence unique de Dieu. Mais puisqu’elle est, ainsi que nous l’avons dit, une subsistance, elle est inséparablement liée à l’essence, quoiqu’elle s’en distingue par une marque spéciale.
J’ai dit aussi que chacune des trois “résidences”, ou “subsistances”, bien qu’elle soit en relation avec les autres, en est distincte par ce qui lui est propre. Nous employons ici le mot de relation parce que, lorsqu’on parle de Dieu sans rien spécifier, ce nom ne convient pas moins au Fils et au Saint-Esprit qu’au Père; mais que, lorsqu’on parle du Fils par rapport au Père, chacun est distingué par ce qui lui est propre.
En troisième lieu, j’ai ajouté que ce qui est propre à chacun n’est pas communicable aux autres, parce que tout ce qui distingue le Père ne peut appartenir au Fils ni lui être transféré. Au reste, la définition de Tertullien ne me déplaît pas, à condition qu’on lui donne son sens véritable; il appelle la Trinité des personnes “une disposition en Dieu, ou un ordre, qui n’altère en rien l’unité de l’essence”… »
17. « Il convient de traiter avec toute la prudence et tout le respect qu’exige un si grand mystère les indications que nous donne l’Écriture sur la distinction du Père et du Fils, du Fils et du Saint-Esprit. J’aime beaucoup ce que Grégoire de Naziance dit à ce sujet : “Je n’en peux concevoir un sans en voir briller trois et je ne peux en distinguer trois sans qu’aussitôt un seul occupe mon esprit.” Gardons-nous d’imaginer Dieu une Trinité de personnes qui absorbe notre intelligence sans la ramener à cette unité.
Certes, ces mots de Père, Fils et Saint-Esprit expriment une distinction véritable. Il ne s’agit pas de noms différents attribués à Dieu, de simples changements de désignation. Mais nous devons bien comprendre qu’il s’agit d’une distinction, et non d’une division. […] Le Fils a une propriété qui le distingue du Père : pour être la Parole de Dieu, il fallait qu’il fût autre que le Père et il n’aurait pas partagé la gloire du Père, s’il n’avait été distinct de lui. Le Fils énonce lui-même cette distinction lorsqu’il dit qu’un autre lui rend témoignage. Ce n’est pas le Père qui est descendu sur la terre, mais celui qui est sorti de lui; ce n’est pas le Père qui est mort et ressuscité, mais celui qu’il a envoyé. […] Et le Saint-Esprit est distingué du Fils par le mot autre, par exemple quand Jésus-Christ annonce qu’il enverra un autre Consolateur, et en plusieurs autres passages. »
18. « Je ne sais s’il est légitime, pour faire comprendre cette distinction, d’emprunter des comparaisons aux choses humaines, comme l’ont fait certains Pères de l’Église. […] Il convient en tout cas de mettre en lumière ce qu’en dit l’Écriture : au Père ont été attribués le commencement de toute action, la source et l’origine de toute chose; au Fils la sagesse, l’ordre et la conduite qui organisent tout ce qui est; au Saint-Esprit la puissance et l’efficacité de toute action. De plus, bien que l’éternité du Père soit aussi l’éternité du Fils et du Saint-Esprit, puisque Dieu n’a jamais pu être sans sa sagesse et sa puissance et que l’éternité ne comporte ni premier ni second, l’ordre des trois mots : Père, Fils et Saint-Esprit, n’est pas indifférent. Il est normal que le Père soit nommé le premier, ensuite le Fils, qui vient de lui, enfin le Saint-Esprit, qui procède des deux. En fait, le jugement de tout homme incline naturellement à considérer d’abord Dieu, puis sa sagesse et finalement sa puissance par laquelle il exécute ce qu’il a décidé. Pour cette raison, on dit que le Fils procède du Père seul, l’Esprit de l’un et l’autre… »
19. « Ces appellations distinctes, dit saint Augustin, dénotent les relations réciproques des personnes et non leur substance, qui est la même. […] En un autre endroit, Augustin, montrant admirablement la cause de la diversité qui est en Dieu : Considéré en lui-même, le Christ est appelé Dieu; mais par rapport au Père, il est appelé le Fils. Il dit encore : Le Père, considéré en lui-même, est appelé Dieu; mais par rapport au Fils, il est appelé le Père. Étant appelé Père par rapport au Fils, il n’est point le Fils, et de même le Fils, par rapport au Père, n’est point le Père. Mais l’un et l’autre étant nommés Dieu par rapport à lui-même, ils sont le même Dieu. »
20. « C’est pourquoi ceux qui aiment la sobriété et se contentent de ce qui est nécessaire à la foi trouveront ici, en résumé, ce qu’ils ont besoin de savoir : quand nous affirmons que nous croyons en un seul Dieu, le mot Dieu désigne une essence unique dans laquelle sont comprises trois personnes ou hypostases; ainsi, toutes les fois que le mot Dieu est employé absolument, sans complément, le Fils et le Saint-Esprit s’y trouvent compris aussi bien que le Père, la relation de l’un à l’autre est impliquée et elle entraîne la distinction des personnes. […] Nous tenons pour acquis que l’essence du Dieu unique ne peut se diviser, bien qu’elle appartienne au Père, au Fils et au Saint-Esprit; et en outre que le Père diffère par quelque propriété d’avec le Fils, et le Fils d’avec le Saint-Esprit. »
29. « J’ai confiance que mes lecteurs trouveront que cette question a été honnêtement expliquée, pour peu qu’ils tiennent en bride leur curiosité et qu’ils n’aient pas un goût excessif pour les discussions pénibles et compliquées; car je ne peux m’engager à apaiser ou contenter ceux qui prennent plaisir à d’interminables spéculations. »
Note
1. Jean Calvin, L’Institution chrétienne. Édition abrégée en français moderne rédigée par Henri Evrard, Presses bibliques universitaires, 1985.