Cet article a pour sujet la trinité de Dieu qui est une doctrine essentielle à la foi chrétienne, qui nous est connue par la révélation du Père, du Fils et du Saint-Esprit et qui doit être reçue par la foi.

Source: La connaissance de Dieu. 5 pages.

La Trinité de Dieu

  1. Remarques générales
  2. Aspects de la révélation
    a. La déclaration de Dieu comme Père
    b. Les déclarations du Fils
    c. Les déclarations des anges
  3. La foi comme condition

1. Remarques générales🔗

« Il n’est pas exact de dire que les chrétiens croient en Dieu! Du moins : cela n’est pas exact dans la mesure où, à vrai dire, ils ne se contentent pas d’affirmer l’existence de cet être suprême, tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre que les hommes nomment Dieu (Thomas d’Aquin) et que, à travers le monde et dans l’histoire, reconnaissent aussi tant d’autres croyants. La seule chose qu’à la vérité on puisse dire si l’on veut parler avec précision, c’est que les chrétiens croient au Père, au Fils et au Saint-Esprit ou, plus précisément encore, à la Trinité d’un Père, d’un Fils et d’un Saint-Esprit qui sont ensemble l’unique Dieu vivant et vrai.
Précisément […] le dogme de la Trinité est au centre et au cœur du christianisme. Des théologiens ont pu discuter pour savoir si la foi chrétienne n’est pas plus christocentrique que théocentrique. On aurait tort de durcir l’opposition. Comment considérer qu’une perspective exclut l’autre si l’on reconnaît ces deux points essentiels de la foi chrétienne : en Jésus-Christ s’est accomplie la pleine et authentique révélation de Dieu, d’une part, et, d’autre part, on n’a pas accès à la véritable identité de Jésus-Christ tant que l’on n’a pas reconnu son appartenance à Dieu même? On le voit : c’est par rapport à Dieu, réciproquement, que se déterminent aussi l’importance, la signification et la spécificité de Jésus-Christ parmi tous les maîtres de sagesse, prophètes du divin et fondateurs de religions qu’a connus l’humanité à travers toute son histoire. […] De sorte que l’on peut dire ceci : c’est précisément dans l’exacte mesure où il est christocentré que le christianisme est théocentrique, quitte à préciser qu’il a dès lors une manière tout à fait spécifique de l’être.1 »

Le dogme trinitaire est si distinctif des chrétiens qu’il les spécifie même à l’intérieur des « religions révélées », expression commode sous laquelle, non sans approximation d’ailleurs, on regroupe parfois avec le christianisme le judaïsme et l’islam. Distinguant radicalement les chrétiens de ceux qui ne le sont pas, le dogme trinitaire les unit tout aussi radicalement entre eux, malgré tout ce qui peut néanmoins les séparer. Le christianisme, nous l’avons vu, ne pose pas le problème de la connaissance de Dieu seulement en ce qui concerne l’accès de l’homme à une réalité qui, par définition, le dépasse. Il tient qu’il y a aussi une venue de Dieu lui-même vers les hommes, c’est-à-dire, en stricte rigueur de termes, une révélation de Dieu aux hommes.

La doctrine de la Trinité est le trait distinctif particulier de la foi théiste, affirment tous les théologiens de l’orthodoxie réformée. Elle est le fondement de l’unité de Dieu, car la Trinité est essentiellement monothéiste. Bien qu’il soit vrai que dans l’Écriture la Trinité a presque toujours concerné la rédemption, cet aspect de la révélation est nécessairement fondé sur l’essentielle Trinité. La distinction entre une Trinité de révélation et une Trinité de réalité est parfois exprimée par les termes de Trinité et triunité.

Par Trinité, nous entendons l’idée spécifique et unique chrétienne de la déité. Nous devons toujours entendre la doctrine de la Trinité dans l’unité et l’unité dans la Trinité, car la Trinité doit suggérer l’unité autant que la triplicité de la déité.

On a parfois soutenu, en les opposant, que la Trinité ne pouvait se défendre sur le terrain de la raison, et qu’il ne faut l’accepter que sur celui de la révélation seulement. Toutefois, il convient de noter que l’élément du mystère dans la doctrine est en réalité dû au fait que c’est la doctrine de Dieu plutôt que celle de la Trinité (de Dieu). La nature même du cas nous fait comprendre que nous ne pouvons connaître Dieu qu’en partie et ne pourrons jamais saisir l’infinie réalité par nos possibilités limitées. Si donc notre doctrine de Dieu, mis à part de la Trinité à cause de son élément de mystère, est mise en question, dans ce cas il ne nous resterait que l’agnosticisme en tant que position radicale à opter. Ainsi, tout en acceptant le mystère associé à la doctrine de la Trinité, il est important de se rappeler que ce mystère n’est pas exclusivement associé à la conception de Dieu comme trois en un. Bien que la connaissance de Dieu comme tri-un nous vient par la révélation, néanmoins nous croyons qu’ayant reçu cette connaissance, elle peut se justifier sur un terrain parfaitement rationnel.

2. Aspects de la révélation🔗

Les notions de « Père » et de « Fils » sont corrélatives, écrit Gabriel Millon. Il n’y a pas de Père sans fils ni de Fils sans Père. La révélation du Père et celle du Fils ne pouvaient pas être séparées dans le temps. Le Fils se révélant comme Fils devait en même temps « montrer » le Père. De même, le Père se révélant comme Père devait montrer le Fils. La paternité de Dieu apparaît en même temps que la filiation. La relation existant en Dieu, entre le Père et le Fils, ne pouvait être découverte par l’homme. Une révélation était nécessaire.

a. La déclaration de Dieu comme Père🔗

Le Père nous révèle son Fils. Qu’on se souvienne des déclarations solennelles du Père lors du baptême de Jésus; de celles qu’il fit lors de la transfiguration du Seigneur sur la montagne; de celle entendue dans le Temple.

Sur l’origine de cette révélation du Fils, nous avons la déclaration de Jésus à Pierre qui avait reconnu en lui « le Christ, le Fils de Dieu » (Mt 16.16-17). On trouve dans Jean 6.45-46 un enseignement de Jésus qui, sous une forme voilée, nous apprend la même chose. Par ces paroles, on entrevoit l’action mystérieuse du Père qui, non seulement révèle le Fils, mais attire des âmes à lui et les lui donne (voir Jésus dans Jn 17.6-8). Nous parlons avec une juste raison du rôle du Saint-Esprit dans l’établissement de notre foi; mais il serait aussi nécessaire de savoir discerner l’activité du Père en faveur de son Fils dans tout le mouvement des âmes éloignées qui s’approchent de Jésus pour lui appartenir. Tout le mystère de l’évangélisation est à repenser en fonction de la relation personnelle qui unit le Père et le Fils. Il faut aussi penser à la déclaration solennelle du Père glorifiant son Fils. Paul en parle dans sa lettre aux Romains (Rm 1.4). Elle est au centre de la proclamation de la Bonne Nouvelle (Ac 2.26-29). Elle explique la position du Christ (Ép 1.19-23, Ph 2.9-11; Hé 1.13).

Sur cette révélation du Fils par le Père, nous pouvons encore rappeler l’exemple célèbre de Paul en Galates 1.15-16. Cette expérience spirituelle, sous des modes qui dépendent de Dieu, appartient à tous les enfants de Dieu, ce que nous comprenons de la lecture de 1 Jean 5.9-12.

b. Les déclarations du Fils🔗

Jésus a posé le principe de cette révélation mutuelle du Fils par le Père et du Père par le Fils dans Matthieu 11.27 et dans Luc 10.22. Nous retrouvons le même principe dans Jean 1.18. Non seulement Jésus a parlé de son Père, mais il l’a montré grâce à cette relation mystérieuse qui faisait que, même pendant sa vie terrestre, Jésus était dans le Père et que le Père était en lui (Jn 10.38). Plusieurs fois, il a déclaré d’une façon explicite son origine (Jn 6.38,46; Mt 26.63-64).

c. Les déclarations des anges🔗

Les déclarations des anges méritent également d’être retenues (voir Mt 1.20-23 et Lc 1.31-35). Cette révélation a été reçue par l’Église apostolique.

Pierre avait été au bénéfice de la révélation que le Père lui avait faite au sujet de Jésus (Mt 16.17). Il avait entendu la déclaration du Père sur la montagne de la transfiguration et en avait gardé le souvenir (2 Pi 1.17-18). Jean avait eu lui aussi cette révélation et nous la communique afin que notre joie soit parfaite (1 Jn 1.1-4). La connaissance du Père et du Fils joue un rôle capital dans son message. Le chrétien est pour lui celui qui connaît le Père (Jn 2.13) et qui a la vie éternelle parce qu’il a cru au témoignage que le Père a rendu à son Fils (1 Jn 5.10-12). La doctrine de l’origine divine de Jésus est si importante pour Jean qu’elle lui permet de définir avec force et netteté « l’antichristianisme » qui est l’hérésie radicalement opposée à la foi chrétienne (1 Jn 4.1-3; 2 Jn 1.7-11). Il y a encore bien d’autres textes qui soulignent l’importance de cette doctrine.

Nous retrouvons la même foi chez Paul. Nous avons cité ce qu’il dit au sujet du Père lui révélant son Fils. Lui qui était l’apôtre des nations, il voit les multitudes qui ne croient pas et voici comment il explique ce mystère d’incrédulité en 1 Corinthiens 2.14. Aussi Paul affirme-t-il la préexistence de Jésus (Ph 2.6); que Jésus était Créateur (Col 1.16-17); que toute la divinité habitait en Christ (Col 2.9); que le Christ est l’image du Dieu invisible (Col 1.15); que le Christ est Dieu (Rm 9.5; Tt 2.13).

Faut-il encore rappeler des textes comme le prologue de l’Évangile de Jean si clair dans sa révélation de la Parole faite chair; ou comme le début de la lettre aux Hébreux qui nous parle du Fils que Dieu a établi héritier de toutes choses, par lequel il a aussi créé le monde, qui, étant le reflet de sa gloire et l’empreinte de sa personne et soutenant toutes choses par sa parole puissante, a fait la purification des péchés (Hé 1.1-4).

Ce qui vient d’être dit pourrait suffire pour faire comprendre la portée de cette révélation mutuelle du Père et du Fils. On ajoutera cependant quelques textes qui viennent encore en préciser le sens (entre autres Mt 22.41-46).

Il y a égalité entre le Père et le Fils. Égalité de connaissance, d’opération, de gloire, de nature, telle que celui qui voit Jésus voit le Père et que le Père et le Fils sont « un » (Jn 10.30; 17.22). Il y a unité parfaite entre eux. Unité de volonté (Jn 11.42); le Père exauce toujours le Fils qui est parfaitement obéissant. Unité d’honneur et d’exécution; le Père a remis tout jugement au Fils (Jn 5.22); le Fils exige la même foi que le Père; il exige le même amour, il vient du Père, il voit le Père, il entend le Père.

3. La foi comme condition🔗

L’étude du dogme de la Trinité doit commencer par le point de vue de la foi, commune aux Églises issues de la Réforme et restées orthodoxes. Telle est la foi de l’Église apostolique. Elle repose sur le témoignage des Écritures. Nous ne partons pas du doute, mais nous voulons rendre compte de notre foi. Pour cela, il faut montrer que l’on est en communion avec l’Église apostolique décrite dans le Nouveau Testament et qui a sa succession, à travers les siècles, dans l’Église universelle.

Cette foi suppose une relation personnelle avec Dieu par sa Parole et son Esprit. Cette relation apparaît au premier plan. Nous sommes en relation avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Cette triple relation ne nous autorise pas à dire qu’il y a trois dieux. Pour nous comme pour Israël, il n’y a qu’un seul Dieu. Notre raison s’arrête en face de ce mystère : Comment, bien qu’il n’y ait qu’un seul Dieu, pouvons-nous vivre cette triple relation personnelle? Comment pouvons-nous en parler? Au cours des siècles, l’Église s’est penchée sur ce mystère et bien des théories d’inégale valeur ont été proposées. Ce que nous désirons, c’est posséder sur ce point la pure doctrine du Christ et non prendre parti pour des théories théologiques. Nous touchons à un des points les plus importants de notre foi, car de lui dépendent bien d’autres doctrines comme celles relatives à Jésus-Christ, à son œuvre, à l’Église, à notre vie dans la foi qui ne peut se concevoir en dehors de cette triple relation aux trois personnes divines.

La foi de l’Église a été très tôt exprimée dans le Symbole d’Athanase (vers 400) : « La foi universelle est telle que nous vénérons un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité. » L’Église croyait dès le début à la personnalité et à la divinité du Père, comme à celles du Fils et du Saint-Esprit. Ce qu’il y a de nouveau dans le Symbole d’Athanase, c’est l’emploi du mot « Trinité ». Cette foi était celle des Églises d’Orient comme des Églises d’Occident, malgré les longues et pénibles querelles théologiques des 3e et 4siècles. Après le 4siècle, la discussion la plus importante portera sur la relation d’origine qui unit l’Esprit au Père et au Fils. Les réformateurs et les Églises de la Réforme reçurent la doctrine trinitaire contenue dans les Symboles des apôtres, de Nicée-Constantinople et d’Athanase « parce qu’elles sont conformes aux Écritures ». C’est ainsi que s’exprime la Confession de La Rochelle.

Note

1. J. Doré, « Trinité », Dictionnaire des religions.