Parents, école et communauté dans l'Ancien Testament
Parents, école et communauté dans l'Ancien Testament
Dans cet article, je désire illustrer comment, dans l’Ancien Testament, le Seigneur a confié aux parents la responsabilité première de l’éducation des enfants. Cette tâche ne reposait cependant pas uniquement sur les épaules des parents. Dans le contexte de l’alliance, le Seigneur a établi d’autres personnes conjointement responsables de certains aspects de cette tâche d’éducation et de l’environnement dans lequel elle devait s’accomplir.
1. Les parents⤒🔗
Dans l’Ancien Testament, la tâche d’élever la prochaine génération revenait aux parents. Adam et Ève avaient la tâche d’être féconds, de se multiplier, de remplir la terre et de la soumettre (Gn 1.28). De toute évidence, c’était à eux de faire connaître à leurs enfants le monde de Dieu et de leur transmettre leur mandat culturel. C’est aux parents que revenait la responsabilité première d’élever leurs enfants, non seulement parce que c’était l’ordre naturel des choses, mais aussi parce que Dieu l’avait décrété ainsi pour Israël en Deutéronome 6.4-9. Le Psaume 78 reprend le même principe et le livre des Proverbes y fait allusion à plusieurs reprises. Les mères devaient instruire leurs enfants (Pr 1.8; 6.20; 31.1) et les pères devaient enseigner à leurs fils les paroles de l’alliance et l’histoire de la rédemption (Ex 10.2; Dt 4.9; 32.46-47; Pr 3.1-2; 4.4; 7.2). Les pères enseignaient un métier à leurs fils et les mères enseignaient à leurs filles comment être de bonnes épouses et prendre soin de leur foyer.
Les Écritures demandent explicitement aux pères de répondre aux questions de leurs fils. Quand un fils posait des questions au sujet des douze roches empilées dans le Jourdain, le papa devait lui expliquer que les eaux du Jourdain avaient été coupées devant l’arche de l’alliance de l’Éternel (Jos 4.1-7). Lorsque l’enfant posait des questions au sujet de la signification du sacrifice de l’agneau pascal et de tout le cérémonial qui l’entourait, le papa devait répondre que cela représentait le sacrifice de la Pâque en l’honneur de l’Éternel, qui était passé par-dessus les maisons des Israélites en Égypte lorsqu’il avait frappé les Égyptiens et qu’il avait préservé leurs maisons (Ex 12.26; 13.8). Lorsqu’à l’occasion de la fête des huttes, par exemple, le fils demandait ce que signifiaient les pèlerinages à Jérusalem ainsi que les lois et les prescriptions de l’Éternel qui y étaient rattachées, le papa devait expliquer que l’Éternel avait fait habiter les Israélites sous des huttes après les avoir fait sortir du pays d’Égypte (Lv 23.43).
2. Réponses de l’alliance←⤒🔗
Ces réponses en elles-mêmes n’étaient pas très détaillées — la traversée du Jourdain, par exemple, pouvait sans doute devenir plus significative si le père ajoutait que le Jourdain était un torrent déchaîné par les pluies printanières lors de la traversée —, mais ces réponses faisaient tout de même référence à tout ce que le Seigneur avait fait pour son peuple au cours des jours, des mois et des années précédentes, à tout ce qu’il avait fait ce jour-là et à tout ce qu’il ferait dans les temps à venir. Les douze pierres étaient des rappels que le Seigneur était en train d’accomplir les promesses qu’il avait faites à Abraham, à Isaac et à Jacob et que rien ne pourrait l’arrêter. Ces pierres leur rappelaient l’alliance de Dieu à Horeb, la délivrance que Dieu leur avait accordée lorsqu’ils avaient été attaqués et sa miséricorde lorsqu’ils s’étaient rebellés. Elles soulignaient l’importance de l’arche de l’alliance comme élément central de cette traversée, symbole que Dieu seul pouvait leur apporter le salut et leur permettre d’entrer dans la terre promise. Le monument dans le Jourdain signifiait que Dieu était le Dieu d’Israël et qu’eux, tous ensemble, étaient son peuple. Les explications du papa à son fils les plaçaient tous les deux au cœur même du contexte de l’alliance de Dieu avec son peuple.
De même, la Pâque rappelait bien davantage que la mort des premiers-nés égyptiens et la survie des Israélites. La fête de la Pâque rappelait également l’amertume de l’esclavage ainsi que la menace de mort et d’anéantissement. Elle rappelait la puissance de Dieu, son jugement et sa miséricorde, qui en avaient conduit certains à la mort et d’autres à la vie. Elle annonçait la venue du Messie dont le sang serait versé pour la rédemption, procurant la délivrance de l’esclavage du péché et de l’emprise de Satan. Lorsque les pères expliquaient tout ceci à leurs fils, ils étaient tous en communion les uns avec les autres, tout comme Dieu était en communion avec le peuple tout entier, une communion non brisée, tout comme les os de l’agneau pascal.
La fête des huttes rappelait elle aussi bien davantage que le simple fait que le peuple avait vécu dans des tentes pendant quarante ans. Les Israélites devaient se souvenir qu’ensemble ils formaient le peuple de Dieu et que c’était Dieu qui leur avait donné la vie et les avait maintenus en vie. Il avait agi ainsi parce que l’expiation allait un jour être accomplie à travers la venue du Messie et parce que l’abondance de sa miséricorde, illustrée par les moissons, serait un jour pleinement révélée en son Fils. Ici aussi, il s’agissait d’une fête communautaire, célébrée par toute la communauté de l’alliance, dans la présence de Dieu. Les parents avaient la tâche explicite d’enseigner leurs enfants, mais ce qu’ils enseignaient et la façon dont ils le faisaient prenaient toute leur signification dans le contexte de l’alliance de Dieu avec son peuple.
3. La communauté←⤒🔗
Comme les gens devaient vivre en communauté, Dieu avait évidemment prévu dans son plan que les parents ne seraient pas les seuls à exercer une influence sur le développement de leurs enfants. Cependant, l’antithèse de Genèse 3.15 avait créé une division entre les gens qui servaient Dieu et ceux qui ne le servaient pas, entre ceux qui, par amour pour Dieu, répondaient au mandat culturel qui leur était confié et ceux qui ne le faisaient pas. Que ce soit dans le cadre de leur foyer ou à l’extérieur de la maison, les enfants devaient donc non seulement apprendre tout ce qui concernait le monde de Dieu et le mandat qu’ils avaient reçu de lui, mais ils devaient aussi apprendre à discerner si les gens étaient consacrés à Dieu ou non. Cet aspect représentait tout un défi. Les descendants de Seth avaient humblement invoqué le nom du Seigneur, mais les descendants de Caïn avaient exalté leur propre nom avec arrogance et, en peu de temps, la société n’avait plus encouragé le discernement antithétique. L’enivrement de Noé a rapidement fourni la preuve que le problème n’a pas disparu lors du déluge.
Dieu a pourvu un cadre en Israël dans lequel les gens pouvaient être encouragés à demeurer dans ses voies. Les enfants pouvaient apprendre le discernement en entendant ce que les anciens enseignaient et les jugements que les juges prononçaient aux portes de la ville (Dt 6.9; 21.18-21). Aux abreuvoirs, ils pouvaient entendre les porteurs d’eau chanter les actes de justice de Dieu (Jg 5.10-11). En route pour Jérusalem, ils entendaient les pèlerins chanter les cantiques des montées (Ps 120 à 134). Ils voyaient souvent sur les bords des vêtements des gens les franges avec leurs cordons violets (Nb 15.37-41). Joseph et Marie avaient pu présumer que Jésus était en bonne compagnie (Lc 2.44) et les enfants avaient la permission de jouer les uns avec les autres (Za 8.5; Mt 11.16). La société exerçait une influence sur les enfants, pour le meilleur ou pour le pire.
La communauté était également responsable de pourvoir un environnement dans lequel les parents pouvaient enseigner à leurs enfants à développer un discernement antithétique. Le contexte de Deutéronome 6 montre bien que ces paroles s’adressaient à toute la communauté et non pas seulement aux parents ou à certains dirigeants. Tout Israël devait aimer l’Éternel, son Dieu, de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force (v. 5). C’est à tout Israël qu’il était dit : « Et ces paroles que je te donne aujourd’hui seront dans ton cœur » (v. 6). Le commandement selon lequel « tu les inculqueras à tes fils » (v. 7) s’adressait à tous. Tous recevaient les instructions suivantes :
« Tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. Tu les lieras comme un signe sur ta main et elles seront comme des fronteaux entre tes yeux. Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes » (v. 7-9).
Dieu a établi une norme pour son peuple : ils devaient constituer une société dans laquelle toute chose et toute personne étaient consacrées à Dieu et dans laquelle tous devaient aider à la garder ainsi. La consécration à l’Éternel leur Dieu était leur vie, leur salut, leur justice (Dt 32.47).
De même, au Psaume 78, Asaph rapporte ce qu’il a appris de son père. Lorsqu’il parle de « nos pères », de « leurs fils » et de la « génération future » (v. 3-4), il semble vouloir instruire le peuple pour qu’ensemble, comme société, ils ne soient pas « comme leurs pères, une génération indocile et rebelle, une génération dont le cœur n’est pas ferme et dont l’esprit n’est pas fidèle à Dieu » (v. 8). Asaph parle clairement de l’éducation dans le contexte de l’alliance.
4. Érosion et rappel←⤒🔗
Tout au long de l’histoire d’Israël, la réalité d’une communauté qui apporte son soutien, tel que l’avait prescrit Dieu, a souvent souffert d’érosion. Un des thèmes du livre des Juges est que chacun faisait ce qui lui semblait bon. Lorsque la communauté s’éloignait de Dieu, celui-ci leur envoyait des ennemis pour les opprimer. Par la suite, il suscitait des prophètes et des juges pour leur indiquer la voie à suivre. Ces prophètes et ces juges ont prononcé des jugements contre l’apostasie et ils ont annoncé la rédemption à ceux qui étaient fidèles. Leur message, qui s’adressait tout autant aux plus âgés qu’aux plus jeunes, était qu’une nation est bénie seulement lorsqu’elle sert l’Éternel. Plus tard, lorsque des jeunes de Béthel se sont moqués du messager de Dieu (2 R 2), la réponse punitive a été immédiate, un rappel que la Parole de Dieu et ses messagers sont à prendre au sérieux.
L’Ancien Testament ne fait pas que présenter l’éducation de la prochaine génération comme une responsabilité dans l’alliance, qui doit se faire dans le contexte de l’alliance, il assigne également des tâches spécifiques d’enseignement à certaines personnes en dehors du contexte de la famille immédiate, par exemple aux anciens (Dt 32.7). Les prêtres devaient enseigner le peuple et, tout comme d’autres conseillers, ils étaient souvent appelés « père » lorsqu’ils exerçaient ce rôle (Gn 45.8; Jg 17.10; Jg 18.19; 2 R 2.12). Samuel a été instruit par Élie et le roi Joas par le prêtre Yehoyada (1 S 2; 2 R 12.2-3). Au neuvième siècle av. J.-C., le roi Josaphat a envoyé des sacrificateurs, des Lévites et d’autres personnes occupant des rôles officiels partout en Juda pour enseigner le livre de la loi (2 Ch 17.7-9). Après l’exil, Esdras a prié devant des hommes, des femmes et des enfants tout en pleurs à cause de leur infidélité (Esd 9 et 10.1). Plus tard, il a lu la loi à « tous ceux qui comprenaient ce qu’ils entendaient » (Né 8.2).
5. En résumé←⤒🔗
Dans l’Ancien Testament, les parents avaient de nombreuses occasions d’expliquer dans les détails à leurs enfants l’alliance que Dieu avait faite avec son peuple, la délivrance qu’il leur avait accordée, les soins qu’il leur prodiguait et la façon dont ils devaient vivre en attendant la pleine rédemption. Bien naturellement, tout comme Adam et Ève avaient la tâche d’enseigner à leurs enfants le plan de Dieu ainsi que leur mandat culturel, la responsabilité d’élever les enfants dans la crainte du Seigneur revenait tout d’abord aux parents (Dt 6.4-9). C’était dans le contexte sécuritaire de la famille que les principes de base des tâches des enfants, la signification des monuments, des différentes fêtes et même des lois et des prescriptions du Seigneur devaient être enseignés. Cependant, les parents devaient accomplir leur tâche dans le contexte de l’alliance d’amour et de grâce de Dieu, c’est-à-dire au sein de son peuple, ce peuple qui avait reçu le mandat d’apprendre à faire preuve du même amour et de la même grâce les uns envers les autres. Ils s’aidaient mutuellement à demeurer saints devant Dieu et à maintenir un environnement dans lequel les enfants pouvaient apprendre le discernement et pouvaient grandir dans la crainte de Dieu.