Christologie (7) - Jésus est Seigneur
Christologie (7) - Jésus est Seigneur
La vie de Jésus sera placée à la lumière de sa préexistence, avons-nous reconnu. Ici même, soulignons l’importance de sa résurrection et de l’ascension, pour saisir encore mieux le sens de son ministère terrestre. La préexistence du Christ est d’une importance capitale, son état d’exaltation l’est au même titre. L’objet de notre foi n’est pas uniquement le Christ du passé, mais encore le Seigneur d’aujourd’hui. Sa résurrection et son ascension constituent le point de transition entre le Jésus d’hier et le Seigneur vivant d’aujourd’hui. En dehors d’elles, l’histoire de l’Église demeurerait incompréhensible. Or, c’est précisément la résurrection du Christ qui a créé l’Église, ce n’est pas l’Église qui aurait fabriqué la résurrection. Si le Christ n’était pas sorti vivant du tombeau, celui-ci renfermerait non seulement le cadavre d’un homme, mais encore l’espoir de millions de chrétiens et d’une Église qui dure depuis des générations. Ce serait le tombeau des enthousiasmes évanouis et des espoirs tournés en désillusions.
Bien que la question de l’historicité de Jésus soit très importante pour notre foi, il est d’une égale importance de savoir que Jésus n’est pas purement un personnage historique (un Père ecclésiastique expliquait qu’il n’était pas « psilos anthrôpos », simple homme). Parce que la crucifixion a été suivie de la résurrection et de son ascension au ciel, Jésus est radicalement différent de toutes les grandes figures du passé. Vivant, il exerce son influence directe et immédiate. Son influence formatrice, à la fois pour la vie des individus et celle des institutions, est la même, quoiqu’infiniment plus grande, que celle qu’il a exercée au cours de son ministère terrestre. Le secret de la foi chrétienne réside précisément dans le fait qu’elle met les hommes en relation avec le Christ vivant, que les chrétiens peuvent s’adresser à lui avec confiance, fonder en lui leur espérance, croire qu’il est capable de sauver ceux qui, par son intermédiaire, désirent rencontrer Dieu. Il intercède en leur faveur.
Que Jésus-Christ soit plus qu’un personnage historique, les pages du Nouveau Testament le rendent suffisamment clair, même au lecteur le moins averti. Ainsi, dans la préface de son livre des Actes des apôtres, Luc écrit que dans son premier livre (son Évangile), il avait parlé de ce que Jésus enseignait et accomplissait jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel. À présent, il a l’intention d’exposer l’action présente de Jésus. En fait, si Luc avait donné un titre à son deuxième livre, il l’aurait sûrement nommé : « Actes de Jésus-Christ, le Seigneur ressuscité ».
À ses yeux, les apôtres ne sont que des instruments au travers desquels le Seigneur poursuit son action de salut. Ce même point de vue est partagé par tous les écrivains du Nouveau Testament. Tous les livres de ce recueil ont été rédigés après l’ascension de Jésus. Tous les auteurs sans exception sont convaincus que le Christ est vivant (1 Pi 1.3-8). Or, Pierre, dans ce dernier passage, ne parle pas en son nom personnel, mais au nom de l’Église primitive. Aussi le Nouveau Testament ne perdra pas son actualité, car il nous transmet la déclaration : « Je suis celui qui est vivant, j’étais mort, mais je suis vivant pour toujours » (Ap 1.18). Celui qui est le même, qui a ressenti des émotions humaines et les ressent encore; celui qui a pensé et agi continue à penser et à agir; non seulement il fit preuve d’un pouvoir exceptionnel, mais il le détient et le déploie encore aujourd’hui. Non seulement il a reçu les pécheurs d’autrefois, mais il reçoit ceux qui, dans la repentance, s’adressent à lui maintenant.
Aussi nous nous intéresserons à l’existence de Jésus comme Seigneur, car il a un droit souverain sur nos existences et sa volonté est souveraine pour notre conduite. De telle sorte que la question essentielle ne sera jamais « qu’est-ce qui est efficace? », mais « quelle est la volonté de Jésus? », « que veut-il de nous? » Qu’il ait été et qu’il reste le Seigneur est un fait qui éclate dans les pages de l’Écriture. Cette vérité fut annoncée avant même sa venue parmi nous. L’Ancien Testament est plein de déclarations à ce sujet.
Jésus revendique personnellement pour lui son droit et son statut de Seigneur. Preuves en sont par exemple les événements du jour précédant son arrestation, lors de son entrée triomphale à Jérusalem. Il l’a affirmé à maintes reprises après sa résurrection. À la suite des premiers témoins de Jésus, toutes les Églises ont confessé la seigneurie de Jésus. Certaines divergeront sur l’interprétation à donner. Ainsi, une grande partie du christianisme affirme que cette seigneurie s’exerce au moyen d’un représentant humain. Cela veut dire, en définitive, que Jésus aurait délégué tout son pouvoir à un simple homme mortel. Quant à nous, nous estimons qu’il n’existe nulle trace de cela dans la Bible, aucune raison valable pour soutenir une thèse semblable. Le Seigneur entre avec nous dans une relation directe et sans intermédiaire. Nous sommes personnellement responsables devant lui.
La seigneurie de Jésus-Christ est largement ignorée et même méprisée; autour de nous, combien d’hommes, ne serait-ce que par leur comportement, sinon par leurs discours, nient et se moquent de celle-ci? Par conséquent, nous devons distinguer entre son règne « de facto » et celui « de jure »; entre l’obéissance qui lui est effectivement rendue et celle qui lui revient de droit. Mais les choses ne resteront pas ainsi. Le jour viendra où Jésus-Christ, le Seigneur, fera valoir ses droits sur tout homme. Le temps est proche où, bon gré mal gré, toute âme devra reconnaître sa souveraineté absolue. Que personne ne s’imagine que celle-ci dépend de son propre vouloir ou n’est valable que pour celui qui la reconnaît! Ce pouvoir du Christ n’est limité par aucune longitude ou latitude. Où que nous allions, nous nous trouverons sous sa juridiction et nous serons redevables devant son autorité. Son pouvoir peut causer notre malheur ou notre bonheur, nous apporter perte ou avantage, la mort ou la vie. Il attend l’obéissance de la part de tous, et ce, dans tous les domaines de leur existence.
Il se peut que cet aspect soit oublié ou ignoré, même par les siens, car combien parmi eux ont compartimenté leur vie et conservé jalousement des domaines hermétiquement clos… Comme s’ils pouvaient se soustraire à la juridiction du seul Seigneur! Or, s’il est le seul Seigneur, il doit être le Chef suprême partout, tant dans le domaine privé que dans le domaine public. Toute pensée doit lui être amenée captive. Nous placerons l’accent sur nos devoirs plutôt que sur nos droits. Songeons bien particulièrement au domaine politique. Le Christ est-il celui qui préside aux décisions ou ne l’est-il pas? Je ne prétends pas que l’Église, en tant qu’institution, doive s’occuper de politique. Mais c’est s’opposer à la seigneurie du Christ que de lui soustraire ce domaine politique, devenu diabolique par excellence.
En tant que Seigneur, le Christ nous accorde soutien et protection, et peu importent notre faiblesse et notre insignifiance. Peu importe la force de ceux qui nous résistent ou la violence de nos adversaires. Nous n’avons pas à craindre. Celui qui est pour nous est plus et plus fort que tous nos ennemis réunis. Nous n’avons pas à nous prévaloir de notre capacité, mais seulement du pouvoir du Seigneur. En dépit des armées ennemies, qui ne cessent de proférer des menaces et de nous accabler de leur haine, nous tiendrons ferme. Celui qui veille sur nous et prend notre défense détient tout pouvoir sur la terre et dans les cieux. Les portes mêmes du séjour des morts n’auront pas droit sur nous.
Quelle est notre attitude envers cet unique Seigneur? L’Évangile n’est pas un bon conseil, mais une bonne nouvelle qui proclame que le Christ est le Seigneur victorieux. « Il est venu chercher et sauver les pécheurs. » Cette déclaration résonne-t-elle à nos oreilles avec une note triomphante? Pour les premiers chrétiens, elle constituait la plus élémentaire et la plus décisive des vérités, le fondement de leur espérance et l’unique assurance dans la vie et dans la mort. Si vous n’avez pas la conviction d’être pécheur, ayant besoin du pardon de Dieu, cette déclaration vous laissera de glace. Mais si vous êtes le malade spirituel que Jésus est venu chercher et guérir, alors tout change pour vous.
À cette seigneurie du Christ, ajoutons une autre dimension, que nous appellerons la dimension cosmique. Car l’idée que nous nous faisons de lui, même nous autres chrétiens, risque d’être fort étriquée. La dimension cosmique de sa mission et de sa seigneurie échappe à notre attention ou n’est mise en évidence que de manière incidentelle. L’axe de notre intérêt pour Jésus se polarise autour d’une relation purement privée. Quant à son rapport avec l’univers, il semble qu’il soit ou bien ignoré ou bien minimisé.
Que la relation personnelle de la foi ait une importance essentielle est l’évidence même; nous l’avons affirmé clairement; chacun d’entre nous a été baptisé en son nom. Il est cependant fort possible que, même avec le plus grand attachement et une grande loyauté envers sa personne, nous ne voyions en lui qu’un Sauveur pour notre salut individuel. Le quadruple Évangile et l’ensemble du Nouveau Testament portent un témoignage global à sa personne et sa mission. Le prologue de Jean nous offre l’affirmation christologique la plus classique et la plus élevée. Dans un texte fort connu (Ph 2.6), Paul le déclare l’égal même de Dieu. Un autre passage moins bien connu (Col 1.15-17) déclare le Christ l’image du Dieu invisible. Bien que ceci puisse paraître paradoxal, non seulement les textes du Nouveau Testament confirment ce qui vient d’être dit, mais encore dépassent tout ce que nous pouvons imaginer sur lui. Comment en serait-il autrement? Le Christ n’est pas une créature. Il ne doit son existence à personne. Il est engendré du Père. Il ne naît pas. En outre, il se trouve à l’origine de la création de l’univers, tant visible qu’invisible. Les myriades d’étoiles, les galaxies, les êtres célestes, les trônes, les dominations, les puissances et les principautés, autant que nos vies personnelles, lui doivent leur existence et leur subsistance. Cette seigneurie préserve l’unité de l’univers créé et toute la réalité; elle fait en sorte que celui-ci ne se dissolve en un amas de matière informe et ne sombre dans le chaos définitif.
L’univers créé par lui le fut pour lui. Ce sont là deux éléments de pivots du Nouveau Testament qui nous permettent d’affirmer qu’il ne faut pas réduire nos rapports avec le Christ seulement en ce qui concerne son rôle de Sauveur individuel. Bien qu’il le soit, il faut le connaître comme le Seigneur véritablement cosmique. Jésus de Nazareth, le Christ de notre foi, est à la fois le Créateur de l’univers et son point final. « Je suis l’Alpha et l’Oméga », affirme-t-il au disciple emprisonné de l’île de Patmos (Ap 1.8). Pour éviter tout malentendu concernant ces deux dimensions, Christ Sauveur et Christ Seigneur, ajoutons aussitôt que, plus nous contemplerons en Christ notre Sauveur personnel, mieux nous saisirons la dimension de son autorité universelle. L’une et l’autre nous empêcheront de faire de Jésus-Christ une image d’Épinal ou, ce qui est pire, une figure de « show-business », de l’assimiler à un doux hippie ou à un révolutionnaire idéaliste, en quête d’un royaume terrestre. Les raisons bibliques de confesser le nom du Christ cosmique sont multiples; énumérons-en les principales :
1. Mentionnons d’abord la foi en l’incarnation. La foi biblique est l’unique foi rédemptrice. Croire en l’incarnation n’est pas reconnaître au cours de l’histoire la présence d’un géant en dépassant d’autres. L’incarnation a fait habiter Dieu parmi les hommes, devenu chair de notre propre chair. Elle lui a coûté le dépouillement et la fragilité du petit enfant, les peines et les privations de l’homme adulte, la souffrance du rejeté et la torture du supplicié. Grâce à ce dépouillement et au sacrifice de la deuxième personne de la Trinité, de la même essence que le Père et que le Saint-Esprit, la présence de Dieu est descendue parmi les mortels et les pécheurs que nous sommes.
2. Du fait qu’il occupe dans l’univers une place prééminente, le Christ a le droit de recevoir l’honneur que notre foi lui attribue. Il demeure l’objet exclusif de notre adoration, de notre allégeance, de notre attachement loyal et sans partage. Sa position dans l’univers comme dans nos esprits et dans nos existences est celle qui revient à Dieu. L’acclamer comme Seigneur (en grec « Kurios »), c’est lui attribuer l’un des titres que l’Ancien Testament réservait exclusivement au Dieu tout-puissant.
3. Le fait qu’il occupe dans l’univers une telle place fait de notre foi la forme unique, exceptionnelle et définitive de la révélation que Dieu accorde aux humains. Toute tentative pour la dépasser ou pour l’associer à d’autres formes religieuses plus ou moins élevées, ou encore la recherche d’une symbiose de la foi chrétienne avec tel ou tel monothéisme, sont des tentatives vouées à l’échec. Il n’y a de révélation de Dieu qu’en Jésus-Christ, et elle est claire, suffisante, irremplaçable et définitive. Seule la foi chrétienne dans la confession de l’Église universelle peut rendre témoignage au Dieu révélé en Jésus-Christ.
4. Le Jésus cosmique soutenant l’univers par son autorité suprême permet de nous rendre compte de la bonne et harmonieuse relation entre la nature et la grâce. En nous exprimant en termes modernes, nous prendrons l’analogie et le rapport entre la foi et la science. L’une et l’autre dérivent de la même source. La grâce ne vient pas se surajouter de manière artificielle à la nature, ainsi que le concevait la théologie médiévale, laquelle exerce toujours par ses prolongements, jusqu’à nos jours, des dégâts irréparables dans les mentalités des chrétiens, voire des non-chrétiens. Elle établit des antithèses aussi inutiles que dangereuses pour la foi et pour la science. Comme si le chrétien vivait dans un édifice à deux étages, étrangers l’un à l’autre! L’opposition réelle se trouve entre le péché et la grâce et non entre la nature et la grâce. La grâce vient restaurer, réparer et transformer le monde et la nature. Elle ne s’y oppose pas. La nature ne serait pas dégradée sans la chute. Selon la révélation biblique, nature et grâce, au lieu d’être des entités antagonistes ou même artificiellement juxtaposées, sont vitalement liées. Le Christ est le Seigneur et le Maître dans le Royaume de la grâce autant que le Seigneur sur le terrain de la nature. Aussi, aucune véritable découverte scientifique ne troublera jamais le disciple. Il aura à déplorer et à dénoncer les fausses interprétations matérialistes, naturalistes, historicistes ou psychologistes de la réalité créée, qui cherchent à s’opposer aux fanatismes religieux et qui, sachons-le, ne relèvent nullement de la foi au Christ.
5. Le Christ cosmique adresse une vocation et désigne les tâches que nous sommes appelés à entreprendre et à mener à terme. Il ne vient pas nous arracher du monde pour nous transporter dans un paradis, construit par et dans notre imagination. En tant que Maître à qui appartient l’univers, il exerce son autorité sur des sphères que nous appellerons, à la suite de H. Ridderbos, les sphères inclusives (l’Église) sur lesquelles la seigneurie du Christ est pleinement reconnue, mais également sur des sphères extensives (le monde) vers lesquelles il envoie son Église pour œuvrer et achever en son nom les tâches confiées. Le monde en soi n’est pas mauvais en dépit de la chute; il demeure le champ dont Jésus-Christ réclame la propriété jusqu’à la dernière parcelle. Ainsi, chacune des œuvres accomplies en son nom pourra transformer jour après jour le visage du monde, comme signe et comme témoignage rendu à la radicale transformation entreprise et qu’il achèvera dans la plénitude des temps.
« Tout est à vous…, le monde, la vie, la mort, les choses présentes, les choses à venir. Tout est à vous, et vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu » (1 Co 3.21-23). La seigneurie cosmique du Christ ne nous appelle pas à mener une vie d’ascèse divorcée du monde; au contraire, elle nous engage à un combat dangereux mené avec un équipement adéquat afin que toutes les parcelles de la vie occupées par l’ennemi, les manifestations fragmentées de l’art, du travail, de l’économie, de la culture, de la politique, de la science, des études en général et les travaux ménagers eux-mêmes, puissent devenir le champ où nous laissons le Christ Roi porter le sceptre de sa souveraineté. Lorsque nous aurons saisi cette importance de notre confession du Christ Seigneur, nous aurons toutes les raisons pour vivre dans la confiance, en sachant que notre travail n’est pas vain dans le Seigneur (1 Co 15.58).
En apportant la délivrance aux opprimés, en appelant à la repentance, en renouvelant notre reconnaissance à l’autorité de la Parole écrite (et non en s’y référant de façon vague ou tronquée), en renouvelant l’obligation de l’évangélisation, la préoccupation du monde et son bien-être, nous proclamons cette universelle seigneurie du Christ. S’il est vrai que le nombre de chrétiens de nom décroît, celui des chrétiens confessants s’accroît et, même si cela n’est pas en proportion égale, il est certain que les entreprises de ces derniers sont en nette augmentation, plus lucides et plus consacrées; des chrétiens modernes vont à l’assaut de forteresses considérées jusqu’à présent comme imprenables, par exemple celle de la culture humaniste et sécularisée. Si, jusqu’à présent, l’œuvre missionnaire consistait à envoyer des missionnaires vers l’extérieur (nous n’avons aucune raison de la supprimer), depuis peu, les chrétiens conscients de leur mandat culturel agissent de manière à amener toute pensée captive à l’obéissance de Jésus-Christ. La Parole fait entendre : « Qui enverrai-je et qui ira pour nous? » L’Évangile offre la libération réelle et une qualité de vie authentique. La foi et la piété se concrétisent dans le geste. Un système d’éthique moderne reste impensable sans les normes de la loi et de l’Évangile du Dieu Rédempteur.
Le marxisme classique a accusé les Églises de ne prêcher qu’un avenir mythique et de laisser choir les affaires urgentes de la terre. Cette accusation n’a aucun fondement. L’eschatologie communiste, elle, ne voit pourtant la fin de l’histoire qu’en tant que processus où l’homme lutte et s’acharne à améliorer le monde, sans avoir jamais la certitude d’y parvenir. Et l’individu, déchiré par des tiraillements sans fin, se voit tel un pion sur l’échiquier géant appelé lutte de classes. Les accusations portées contre les chrétiens ne peuvent ignorer que le Christ a chargé son peuple d’accomplir une responsabilité sociale et culturelle.
Tout chrétien n’est pas missionnaire; déjà, l’Ancien Testament soulignait les devoirs sociaux du peuple de l’Alliance. Les prophètes annoncèrent la volonté de Dieu relative à la justice humaine. Leur discours visait déjà l’établissement futur du Royaume eschatologique sur terre. Le Christ en personne a déployé une activité caritative prodigieuse. Ses paraboles et tout son discours indiquent ces devoirs « sociaux » du disciple. Néanmoins, l’activité prioritaire du disciple du Seigneur cosmique reste la prédication. Elle annonce la grâce et prédit aussi le jugement.
Le monde actuel, plus que celui du passé, recherche ardemment l’unité dans et par le progrès afin de pouvoir survivre. Les savants ont créé leur propre communauté universelle, et les politiciens leurs lobbies internationaux. Pour la première fois dans l’histoire, on peut légitimement parler d’histoire mondiale. Auparavant, il n’y avait que des histoires nationales. On est généralement d’accord, là où prévaut un certain « sens commun », que c’est ensemble que les hommes survivront ou succomberont. Pourtant, la recherche de l’unité dans le Royaume de Jésus-Christ est la seule promise à une réalisation. L’unité ne se fera pas par une concentration gigantesque de pouvoirs humains, par l’accumulation de connaissances de nature scientifique et par leur application d’ordre technologique, ou par l’universalisation de la culture. Il ne se fera qu’à l’heure de Dieu, « quand les temps seront accomplis », lorsque le Fils incarné, déclaré autorité suprême dans l’univers, interviendra au cours de l’histoire mondiale comme dans la vie privée des individus, préparant le nouvel et véritable ordre des choses. Il l’établira définitivement lorsque l’ancien sera déchu, ruiné, condamné à l’anéantissement.