Jacques 1 - Le vrai miroir
Jacques 1 - Le vrai miroir
« Pratiquez la parole et ne l’écoutez pas seulement, en vous abusant de faux raisonnements. Car si quelqu’un écoute la parole et ne la pratique pas, il est semblable à un homme qui regarde dans un miroir son visage naturel, et qui, après s’être regardé, s’en va et oublie aussitôt comment il est. Mais celui qui a plongé les regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui persévère, non pas en l’écoutant pour l’oublier, mais en la pratiquant activement, celui-là sera heureux dans son action même. »
Jacques 1.22-25
Vous serez sans doute d’accord avec moi si je vous dis qu’une des actions que nous pratiquons plus d’une fois par jour consiste à se regarder dans un miroir. Nous pouvons le faire de plusieurs manières : en vitesse si nous sommes en retard pour aller à notre travail ou en classe; avec intensité lorsque nous essayons de percevoir si nous avons gagné ou perdu du poids; avec une certaine satisfaction si nous pensons que nous sommes attrayants pour les autres (et particulièrement pour le sexe opposé); ou bien, au contraire, avec désespoir lorsque le miroir ne nous renvoie pas l’image de la personne à laquelle nous aimerions bien ressembler. Combien d’adolescents se trouvant dans cet état d’esprit avant un rendez-vous important, n’ont-ils pas désiré briser ce miroir par colère ou amertume… Mais, quel que soit notre état d’esprit quand nous nous regardons dans un miroir, une chose est certaine : nous cherchons à obtenir une information, une connaissance sur nous-mêmes.
En fait, se connaître soi-même est probablement l’un des plus grands défis de l’existence. Et s’il y a une question qui a préoccupé les penseurs et philosophes depuis le début de l’humanité, c’est bien celle de connaître sa propre identité : Qui suis-je, comment puis-je parler de moi-même de manière crédible, vraie, et comment puis-je trouver des informations fiables sur moi-même? Le philosophe grec Socrate donnait le conseil suivant à ses élèves : « Connais-toi toi-même. » Et à sa suite, notre propre époque a développé de multiples sciences censées percer le secret de l’identité humaine : la psychologie, la sociologie, l’histoire, l’anthropologie, etc. Pour ces sciences dites « humaines », une telle connaissance peut être acquise par un monologue que l’homme tient avec lui-même. Selon ces sciences, nous serions parfaitement en état de savoir qui nous sommes, en posant la question et en y répondant nous-mêmes.
Cependant, tel n’est pas l’avis de la Bible. L’Écriture sainte tout entière nous enseigne que, pour reconnaître à quoi ressemble notre propre visage et découvrir véritablement qui nous sommes, il nous faut nous regarder dans le miroir de la Parole de Dieu. Nous ne pouvons fournir une réponse satisfaisante simplement en entrant dans un monologue avec nous-mêmes. À sa manière, Jacques développe ce thème. Il nous dit que la connaissance que nous pouvons obtenir en explorant le miroir de la loi parfaite de Dieu peut nous rendre parfaitement heureux, parfaitement bénis.
Le grand réformateur de l’Église, Jean Calvin, a très bien compris cela lorsqu’il écrivit, dans la toute première phrase de son livre qui s’appelle L’Institution de la religion chrétienne :
« À peu près toute la sagesse que nous pouvons obtenir, et qu’on peut à bon droit qualifier de vraie et entière sagesse, consiste en deux points : c’est qu’en connaissant Dieu, chacun de nous aussi se connaisse. »
Comme vous le voyez, selon Calvin nous avons affaire à deux pôles : Dieu et nous-mêmes. Un dialogue est donc possible. Mais Calvin croyait, et je le crois avec lui, que Dieu ne peut être véritablement connu qu’au travers de sa Parole. C’est pourquoi le réformateur français aimait beaucoup employer l’expression « le miroir de la doctrine divine », expression que l’on retrouve très souvent sous sa plume. C’est dans ce miroir que nous pouvons apprendre qui nous sommes et comment nous devons nous conduire. Car lorsque nous prenons notre propre personne comme point de départ pour savoir qui nous sommes, nous ne contemplons pas un miroir parfaitement poli (comme l’est la loi parfaite de Dieu), mais au contraire nous contemplons un miroir brisé en mille pièces. Le miroir s’est brisé dans une chute désastreuse… Et personne n’a jamais été capable de détecter son image de manière satisfaisante dans un miroir brisé! Au mieux, on peut apercevoir quelques reflets de notre image dans un miroir brisé. Et d’une certaine manière, des sciences telles que la psychologie, la sociologie ou l’anthropologie, même présentées de manière non chrétienne, nous offrent quelques reflets de connaissance sur nous-mêmes. Mais pas davantage. À l’opposé, le miroir parfait de la doctrine de Dieu nous donne une image fidèle de qui nous sommes réellement. Mais il fait davantage encore : il restaure en nous l’image de la personne que Dieu a faite de nous : des hommes et des femmes qui pratiquent sa Parole.
Voyons en premier lieu, à la lumière de la Parole de Dieu, qui nous sommes réellement. Jacques est un bon connaisseur du cœur humain : il sait que les gens aiment beaucoup s’examiner eux-mêmes, qu’ils sont possédés par une sorte de démangeaison concernant leur propre personne. Mais il sait aussi que cette curiosité est souvent vaine et stérile : comme si les gens, pendant qu’ils se contemplent intensément pour trouver leur identité, grattaient à qui mieux mieux l’endroit où cela démange, agrandissant ainsi la blessure. Se gratter ne leur donne jamais satisfaction. La curiosité religieuse est de même nature. Elle peut vous amener à passer des heures entières à discuter et réfléchir sur certaines graves questions, sans toutefois amener aucune réponse. Même la fréquentation régulière d’une Église peut ne devenir qu’un vain et futile exercice. Si vous n’y allez que par curiosité et ne parvenez pas à être remplis d’une connaissance qui vous donne satisfaction, alors vous aussi vous êtes la proie de ce processus de démangeaison et de grattage… Et pourtant Jacques nous dit (au verset 25) que la parole que nous entendons est la loi parfaite qui donne la liberté.
Alors, dans quel sens est-ce une loi parfaite? Comment peut-elle me donner la liberté? En premier lieu, elle est parfaite parce qu’elle parle de Dieu et de nous-mêmes en termes qui sont vrais. Elle nous dit que nous sommes comme les pièces brisées d’un miroir, mais en même temps, elle nous restaure en un tout uni, en nous éclairant sur notre véritable condition devant Dieu. Ainsi, la loi de Dieu ne nous traite pas comme de simples fragments brisés, même si elle nous dit que nous sommes effectivement ces fragments brisés. Car si nous sommes des fragments brisés par la chute et le péché, la loi de Dieu, elle, n’est pas un miroir brisé, mais au contraire un miroir parfaitement poli qui nous donne une vision juste de notre nature.
L’apôtre Paul ne dit rien d’autre, lorsqu’il écrit, dans sa lettre aux chrétiens de Rome :
« Nous savons, en effet, que la loi est spirituelle; mais moi, je suis charnel, vendu au péché. Car ce que j’accomplis, je ne le comprends pas. Ce que je veux, je ne le pratique pas, mais ce que je hais, voilà ce que je fais. Si ce que je ne veux pas, je le fais, je déclare, d’accord avec la loi, qu’elle est bonne » (Rm 7.14-16).
La loi est la vraie révélation de notre état de pécheurs : elle ne peut nous le révéler que parce qu’elle est la loi parfaite de Dieu nous présentant un pôle de perfection. Mais les vrais enfants de Dieu se réjouissent en la loi de Dieu, même s’ils savent qu’ils sont pécheurs. Ils désirent obéir à cette loi parce qu’ils comprennent qu’une telle obéissance assure protection et justice pour l’humanité. Les enfants de Dieu se réjouissent dans la loi de Dieu, car ils savent que s’ils étaient en état d’obéir parfaitement à cette loi, ils vivraient aussi en parfaite communion avec Dieu, celui qui a donné la loi parfaite. Une obéissance parfaite à la loi leur assurerait la vie véritable.
En fait, en parlant de la loi parfaite qui donne la liberté, Jacques se fait l’écho du passage le plus long du livre des Psaumes, le Psaume 119, dans lequel la soif de connaissance et d’obéissance à la loi parfaite de Dieu est exprimée si clairement. « Je me réjouis en suivant tes statuts, comme si je possédais toute richesse » (Ps 119.14). « Ouvre mes yeux, pour que je contemple les merveilles de ta loi » (Ps 119.18). « Je cours dans la voie de tes commandements, car tu mets mon cœur à l’aise » (Ps 119.32-33).
« Combien j’aime ta loi! Elle est tous les jours ma méditation. Ton commandement me rend plus sage que mes ennemis, car je l’ai toujours avec moi. Je suis plus avisé que tous mes maîtres, car tes préceptes font ma méditation » (Ps 119.97-99). « Tes préceptes sont merveilleux; c’est pourquoi mon âme les garde » (Ps 119.129).
À travers tout le Psaume 119, le psalmiste implore l’assistance de Dieu afin qu’il le guide et l’amène à suivre les lois et statuts de Dieu. Car le psalmiste sait que ces commandements sont parfaits et il se délecte à les lire et à les méditer. Comme nous venons de le lire, au verset 32, il reconnaît qu’il peut courir sur la voie des commandements de Dieu, car Dieu a mis son cœur à l’aise, il a ouvert son intelligence et l’a ainsi libéré. Qu’en est-il de nous? Dieu a-t-il libéré notre cœur, notre intelligence afin que nous puissions courir sur la voie de ses commandements? Oui, il l’a fait.
Il y a en effet une autre raison pour laquelle Jacques peut parler de la loi parfaite de Dieu qui donne la liberté. Elle est parfaite, parce qu’en Christ, Dieu est venu accomplir la loi pour nous : Christ l’a amenée à la perfection en accomplissant toutes ses exigences, tout ce que ni vous, ni moi, ni même Paul, n’aurions pu accomplir. C’est pourquoi ce qui était une défaite pour moi, pour vous et pour Paul, est devenu une victoire lorsque Christ est mort sur la croix à Golgotha après avoir dit : « Tout est accompli » (Jn 19.30). Par là, Christ a libéré nos cœurs, il les a mis à l’aise, et il nous a donné la possibilité de devenir des personnes qui mettent la Parole en pratique. Telle est désormais notre vocation.
Désormais, nous ne sommes plus des gens qui écoutent la Parole par pure curiosité sans pouvoir être remplis et satisfaits, et dont la démangeaison perpétuelle provoque un incessant grattement. La parole que nous avons entendue nous dit comment Christ a accompli les exigences de la loi. Et maintenant, par son Esprit, il nous rend capables de pratiquer la Parole. Ceci ne veut pas dire que nous avons entendu une théorie et que nous devons la mettre en pratique, comme on entend parfois dire. La Bible ne connaît pas une telle distinction entre théorie et pratique. Elle n’est pas un livre rempli de théories que nous devrions mettre en pratique. La Bible est la Parole vivante et active de Dieu que le Saint-Esprit utilise comme une épée puissante.
« La parole de Dieu est vivante et efficace, plus acérée qu’aucune épée à double tranchant; elle pénètre jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles; elle est juge des sentiments et des pensées du cœur » (Hé 4.12).
Une telle parole vous semble-t-elle de la théorie que vous devez mettre en pratique? Non, et ce n’est d’ailleurs pas ce que Jacques nous dit lorsqu’il écrit à ses lecteurs qu’ils doivent littéralement devenir des « faiseurs » de la parole, c’est-à-dire la mettre en pratique.
« Celui qui a plongé les regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui persévère, non pas en l’écoutant pour l’oublier, mais en la pratiquant activement, celui-là sera heureux dans son action même » (Jc 1.25).
Jacques nous dit que si nous ne pratiquons pas la Parole, cela signifie que nous avons oublié ce qu’elle nous dit. Il nous parle dans la même foulée de regarder intensément dans la loi parfaite de Dieu et de faire ce que la Parole demande. Il ne sépare pas le tout en deux parties successives, la théorie et la pratique, qui se suivraient l’une l’autre. Donc nous ne pouvons pas dire que nous avons « la théorie », si nous nous contentons simplement d’écouter la Parole sans faire ce qu’elle dit de faire, car dans ce cas-là, nous avons tout simplement oublié tout ce que dit la Parole! Nous avons même oublié à quoi ressemble notre visage, notre véritable identité. Quand nous ne faisons pas ce que dit la Parole, nous ne nous connaissons plus comme des gens brisés ayant besoin d’une restauration complète. Et même, nous ne nous connaissons plus comme des personnes qui sont totalement restaurées parce que Christ a accompli pour nous toutes les exigences de la loi parfaite de Dieu. Que reste-t-il alors? La démangeaison et le fait de se gratter, rien d’autre. Lorsque nous ne pratiquons pas la Parole en manifestant l’Esprit du Christ dans nos vies, nous retombons dans l’ignorance totale.
Devenir un « faiseur » de la Parole est aussi la vocation de l’Église aujourd’hui. Cette vocation, cet appel impliquent de s’engager activement dans l’évangélisation. Pourquoi particulièrement ceci? Parce que nous avons été appelés à aider les autres, les masses d’hommes et de femmes de notre temps qui sont désespérément à la recherche de leur identité. Nous avons été appelés à les aider à découvrir où se trouve leur vraie image, celle qui est brisée et celle qui est restaurée : dans la Parole rédemptrice de Dieu. Les masses sont plongées dans l’autocontemplation : elles sont prisonnières du miroir de leur propre image brisée, de leur « Moi », et aussi de l’image déformée que beaucoup de sciences leur renvoient. Mais l’Église aussi aime souvent se contempler elle-même; elle se referme sur elle-même, incapable de tendre la main vers l’extérieur pour atteindre ceux qui en ont besoin. Si nous devenons les prisonniers d’une vue étroite de l’Église, nous tombons nous aussi dans ce monologue stérile avec nous-mêmes, ayant perdu la perspective de notre vraie image révélée dans la loi parfaite de Dieu.
Quelqu’un a récemment écrit :
« Dans les rangs moribonds, institutionnels, introvertis de nos Églises chrétiennes, nous entretenons un dialogue privé avec nous-mêmes, pendant que les hommes plongent de manière suicidaire dans l’absurdité et le désespoir. »
Beaucoup d’Églises chrétiennes devraient se poser la question suivante : Ont-elles regardé dans le miroir de la loi parfaite de Dieu et, oubliant ce qu’elle dit, ont-elles immédiatement oublié à quoi ressemble leur propre visage? Regardons-nous avec intensité dans cette loi parfaite qui donne la liberté, en persévérant et n’oubliant pas ce qu’elle dit, mais en le pratiquant?
Aujourd’hui, Jacques nous éveille à cette réalité. Il nous enseigne que le miroir de la doctrine divine est correctif : comme une paire de lunettes pour des yeux qui ne voient pas clairement, le miroir de la doctrine divine nous enseigne qui nous sommes. Il est aussi correctif en ce sens qu’il nous guide vers ce qui est réellement important. Ce miroir parfait conduit nos mouvements, il nous amène à accomplir les gestes qui nous restaurent, un peu comme une physiothérapie. Mais Jacques nous présente aussi la perspective extraordinaire de la bénédiction de Dieu : celui qui est un « faiseur » de la Parole de Dieu sera béni par Dieu dans ce qu’il fait, nous dit le verset 25. Une telle personne connaîtra la joie, le bonheur de celui ou celle qui a recouvré et retenu une identité auparavant perdue. Cette personne sait qu’elle n’est pas une série de fragments brisés, mais une personne restaurée. Elle se connaît elle-même dans l’unité de la Parole entendue et mise en pratique. Dans cette nouvelle condition restaurée, créée et maintenue par l’Esprit puissant de Dieu, cette personne est bénie, car désormais elle vit en pleine communion avec le Dieu de vie.