2 Corinthiens 5 - Demeure terrestre et demeure céleste
2 Corinthiens 5 - Demeure terrestre et demeure céleste
Si vous demandez à l’homme de la rue ce qui constitue la chose la plus certaine dans sa vie et si cette personne n’est pas totalement stupide, elle vous répondra sans doute que la chose la plus certaine qu’elle sache, c’est qu’elle devra mourir un jour ou l’autre. On ne peut pas, en effet, être sûr de beaucoup de choses quant au déroulement de sa vie, mais personne ne peut douter que le terme de la vie, c’est la mort. Les jeunes gens non mariés ne peuvent savoir à l’avance s’ils se marieront et avec qui ils se marieront. Lorsqu’on est jeune, on ne peut dire avec certitude que l’on amassera des richesses; on ne peut pas non plus dire avec certitude si l’on gardera la même occupation professionnelle dans dix ans, si l’on aura des enfants, et combien : combien de filles ou combien de garçons. Mais chacun sait bien qu’il devra un jour ou l’autre mourir. Ce phénomène est si inévitable qu’il est étonnant que tant de gens vivent sans s’en préoccuper, sans s’y préparer. Beaucoup pensent que la mort constitue un terme au-delà duquel il n’y a plus rien, plus de conscience, plus d’être, plus d’existence, au mieux le souvenir, bon au mauvais, qu’on laisse chez ceux qui vous ont connu. Il n’est donc pas besoin de se préoccuper de la mort, si ce n’est peut-être des frais pour son propre enterrement…
Ce n’est certes pas en ces termes que la Bible nous parle de la mort. D’abord, la mort est décrite dans la Bible comme la conséquence fondamentale du péché qui habite tous les hommes depuis le premier. Cette condition de pécheur, nous l’avons héritée de nos parents, lesquels l’ont héritée de leurs propres parents. Le phénomène naturel de la mort, que la médecine peut expliquer par la déchéance des fonctions organiques vitales, relève bien sûr des explications scientifiques, mais au-delà, il relève d’une condition spirituelle commune à tous les hommes.
L’apôtre Paul en parle de cette manière dans sa lettre aux chrétiens de Rome :
« Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé sur tous les hommes, parce que tous ont péché » (Rm 5.12).
Ailleurs, dans cette même lettre, il déclare sans équivoque : « Car le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 3.23). La raison profonde de la mort, au-delà des explications biologiques, qui nous parlent du comment, mais pas du pourquoi profond, c’est une condition d’aliénation vis-à-vis de Dieu, le Créateur de toutes choses, et en particulier de la vie humaine. La mort est avant toute chose un jugement de Dieu sur sa créature en état de rébellion contre lui. La mort physique préfigure une mort spirituelle éternelle, c’est-à-dire une aliénation éternelle loin de Dieu.
Cela nous concerne tous, depuis le jour de notre conception, puisqu’en effet dès ce moment nous sommes voués à la mort, qui surviendra tôt ou tard. Que cela puisse nous révolter ou nous effrayer, rien d’étonnant à cela. Pouvons-nous échapper à un tel jugement? Pouvons-nous être réconciliés avec Dieu? Oui, déclare la Bible sans ambiguïté, par la foi en Jésus-Christ nous le pouvons. Cela signifie que notre mort physique n’aboutira pas nécessairement à cette aliénation éternelle loin de Dieu. Le message d’espérance de l’Évangile est que la réconciliation avec Dieu a été opérée par Jésus-Christ, le Fils incarné de Dieu. Dès maintenant, il est possible d’avoir l’assurance que Dieu nous a d’ores et déjà accordé la vie éternelle, si nous croyons simplement au salut qu’il a préparé pour nous.
Pourtant, la mort physique, la mort d’un être cher, cause toujours de la souffrance à ceux qui en sont les témoins, même lorsque l’on sait que l’être cher en question vivait des promesses de Dieu et était assuré de cette réconciliation avec Dieu. La Bible ne nie pas une telle souffrance, elle ne tâche pas de faire comme si cette souffrance n’était au fond pas si grave. Lors de son passage sur terre, Jésus-Christ lui-même a pleuré devant la tombe de son ami Lazare décédé. Qui plus est, la vie elle-même semble à beaucoup ne pas valoir la peine d’être vécue. Vaut-il mieux vivre ou mourir? De plus en plus d’hommes et de femmes, désespérés par une vie qui n’a pour eux pas de sens, choisissent de mettre volontairement fin à leurs jours.
Dans sa deuxième lettre aux chrétiens de Corinthe, l’apôtre Paul parle aussi de la tension qui existe en lui entre la vie et la mort. Mais il n’en parle pas du tout comme ceux qui n’ont pas d’espoir et qui lorgnent du côté du suicide. Il en parle en termes de demeure terrestre, qu’il compare à une tente, et de demeure céleste, comparée à un édifice solide. Je citerai le début du chapitre 5 de cette lettre :
« Nous savons en effet que si notre demeure terrestre, qui n’est qu’une tente, est détruite, nous avons dans les cieux un édifice qui est l’ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n’a pas été faite par la main des hommes. Aussi nous gémissons dans cette tente, désireux de revêtir notre domicile céleste par-dessus l’autre, si du moins nous sommes trouvés vêtus et non pas nus. Car tandis que nous sommes dans cette tente, nous gémissons, accablés, parce que nous voulons, non pas nous dévêtir, mais nous revêtir, afin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie. Et celui qui nous a formés pour cela, c’est Dieu qui nous a donné les arrhes de l’Esprit. Nous sommes donc toujours pleins de courage et nous savons qu’en demeurant dans ce corps, nous demeurons loin du Seigneur — car nous marchons par la foi, et non par la vue —, nous sommes pleins de courage et nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur. C’est pour cela aussi que nous mettons notre point d’honneur à lui être agréables, soit que nous demeurions dans ce corps, soit que nous le quittions. Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal du Christ, afin qu’il soit rendu à chacun d’après ce qu’il aura fait dans son corps, soit en bien soit en mal » (2 Co 5.1-10).
Paul, dans ce passage de sa lettre, parle de soupirs et de gémissements. Et il est vrai que ces soupirs et ces gémissements ont un lien avec l’idée de la mort. Déjà au début de sa lettre, le célèbre apôtre décrit comment il a approché de très près la mort :
« Nous ne voulons pas, en effet, vous laisser ignorer, frères, au sujet de la tribulation qui nous est survenue en Asie, que nous avons été accablés à l’extrême, au-delà de nos forces, de telle sorte que nous désespérions même de conserver la vie. Mais nous, en nous-mêmes, nous avions accepté notre arrêt de mort, afin de ne pas placer notre confiance en nous-mêmes, mais en Dieu qui ressuscite les morts » (2 Co 1.8-9).
Pourtant, immédiatement après, Paul exprime très clairement le fait que Dieu est celui qui l’a sauvé d’un tel danger et qui le délivrera de la mort. Comme nous venons de le lire, il déclare aussi sans ambages que tout cela lui est arrivé afin qu’il ne mette pas sa confiance en lui-même, mais en Dieu qui ressuscite les morts. À la vérité, toute cette lettre adressée aux Corinthiens a pour thème la faiblesse des croyants qui demeurent pourtant forts en Jésus-Christ. Ils ne connaîtront aucune gloire avant d’avoir fait l’expérience de la croix de Jésus-Christ. Il n’y a pas de place, dans cette lettre de Paul, pour un quelconque triomphe facile. Au contraire, son message à ses lecteurs est qu’il faut arrêter de penser à sa propre vie chrétienne de manière triomphaliste. Acceptez votre faiblesse, soupirez, gémissez et sentez-vous opprimé. C’est bien là l’expérience de tous ceux qui perdent un être cher, n’est-il pas vrai?
Pourtant, si vous avez bien suivi le passage de la lettre de Paul cité plus haut, vous aurez remarqué que les soupirs de Paul, le sentiment d’oppression qu’il évoque, sont mêlés à quelque chose d’autre. Il décrit la mort, qu’il a vue de près, en termes de nudité, un état qui, pour les Juifs de son temps, était horrifiant. Rappelez-vous les paroles de Job, par excellence l’homme opprimé dans l’Ancien Testament : « Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu j’y retournerai » (Jb 1.21). Oui, c’est bien nu que l’on entre dans la mort, sans argent, sans possessions ni habits. Paul n’aime pas du tout cette idée de nudité de la mort, il souhaite ardemment qu’il ne lui soit pas nécessaire d’apparaître nu devant Dieu. Mais voilà que ses soupirs, son attente, reçoivent un autre contenu, qui n’a pas simplement affaire à la mort physique. En fait, Paul attend de recevoir le corps glorifié promis par Jésus-Christ, lorsque celui-ci reviendra dans sa gloire, comme il l’a assuré à ses disciples. Car si cela arrive maintenant, Paul n’aura pas à faire l’expérience de la mort nue, il pourra dès à présent entrer dans le bâtiment solide éternel qui est ce corps de gloire promis par Christ. Le corps mortel sera absorbé par la vie éternelle, si le Seigneur revient maintenant dans toute sa gloire. Voyez-vous, si Paul gémit et soupire, c’est qu’il voudrait que cela arrive maintenant.
Mais notez aussi que l’idée de la mort qu’a Paul est tout à fait différente de celle des païens, de ceux qui ne connaissent pas le vrai Dieu. De son temps, ces païens croyaient — au mieux — à une âme immortelle, qui serait délivrée de tout élément matériel après la mort. En contraste avec cette idée, Paul parle d’un bâtiment solide. Un bâtiment que Dieu nous prépare et qui remplacera la tente provisoire sous laquelle nous demeurons à présent. Paul, qui était lui-même fabriquant de tentes, savait très bien ce que cela signifiait d’habiter sous une tente. C’est pourquoi il compare notre corps présent, dans cette période de temps qui se déroule après le péché du premier homme, à une tente qui doit finalement être démontée. Il fait aussi cette comparaison parce que les Israélites avaient l’habitude de célébrer la fête dite des tentes. Chaque année, ils commémoraient ainsi la longue errance d’Israël dans le désert. Avant d’entrer dans le pays que Dieu leur avait promis, ils avaient dû habiter sous des tentes, qu’ils devaient chaque fois démonter avant de partir pour un autre lieu. Il en va de même pour notre corps présent. C’est une demeure provisoire qui est lentement mais sûrement en voie de dégradation, jusqu’à ce que nous parvenions à notre demeure éternelle, ce bâtiment solide promis par Dieu.
Notre méditation ne peut prendre un sens que si nous acceptons de soumettre notre esprit à la vérité biblique, par la foi. Cela, des générations de chrétiens l’ont fait depuis deux mille ans et ne s’en sont jamais trouvées déçus. La vie et la mort sont certainement les thèmes les plus fondamentaux qui puissent occuper l’esprit humain, mais si l’on peut spéculer à n’en pas finir sur de tels thèmes, où trouver une réponse certaine à nos questions les plus cruciales, voire les plus angoissées? C’est dans l’assurance que la Bible est une révélation vraie et digne d’être reçue avec une entière confiance que nous fondons notre message sur le texte déjà cité de la deuxième lettre aux Corinthiens.
Il y a pourtant, dans ces paroles de Paul bien plus que soupirs et gémissements devant la nudité totale que représente la mort. Même si nous gémissons aussi avec Paul, car nous aussi nous souhaitons ardemment être transformés dès maintenant, en tant que croyants nous ne ne vivons pas comme des gens qui n’ont pas d’espoir. Le fait que Dieu ait donné son Esprit comme prémices de sa promesse à ses enfants nous est d’un réconfort sans pareil. En Jésus-Christ et par son Esprit, Dieu se donne à nous afin de nous assurer que ce qu’il a promis s’effectuera vraiment. Au plus profond de notre cœur, le Saint-Esprit témoigne que Dieu lui-même nous a formés pour nous faire habiter dans cette demeure céleste. C’est bien ce que nous lisons au verset 5 de notre texte : « Et celui qui nous a formés pour cela, c’est Dieu, qui nous a donné les arrhes de l’Esprit. »
Or la Parole de Dieu ne crée pas seulement le réconfort, mais aussi le courage. Dans ce passage, Paul dit à plusieurs reprises que nous ne perdons pas courage, mais qu’au contraire nous demeurons remplis de courage. En fait, la promesse de Dieu concernant notre demeure céleste est si ferme et si formidable, qu’un grand changement intervient dans le discours de Paul. Les soupirs et les gémissements que la pensée de la mort nue amène avec elle font place à une attitude toute différente. Lisons le verset 8 à nouveau :
« Nous sommes donc toujours pleins de courage et nous savons qu’en demeurant dans ce corps, nous demeurons loin du Seigneur — car nous marchons par la foi, et non par la vue —, nous sommes pleins de courage et nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur. »
La tente terrestre constituée par notre corps ici-bas, tente destinée à être démontée, à disparaître, n’est pas la perspective finale sur la vie véritable. Il existe en effet une perspective bien meilleure!
Comparez alors la différence d’attitude qui existe entre les croyants et les non-croyants. Les non-croyants sont perpétuellement en train de rechigner contre Dieu, d’une manière ou d’une autre. Comme ils savent qu’ils devront mourir, ils placent toute leur énergie dans cette vie présente, comme si elle pouvait leur donner toute la satisfaction qu’ils en attendent, comme si tout le bonheur qu’on peut espérer devait leur être accordé ici et maintenant. Et pourtant, dans cette quête frénétique de satisfaction, de pouvoir, de richesses ou de plaisirs, ils se rendent bien malheureux et font naufrage de manière tragique. En contraste, les vrais croyants vivent pleins de courage, même au milieu de circonstances éprouvantes, ils n’ont pas peur de la mort, car ils possèdent une espérance meilleure. Ils savent aussi fort bien, comme Paul l’écrit dans sa première lettre aux Corinthiens, que « ce qui est corruptible ne peut pas hériter de l’incorruptibilité ».
En fin de compte, cette satisfaction spirituelle véritable fait que Paul ne concentre plus ses pensées sur ce que lui désire, mais sur ce que Dieu veut pour lui. La promesse incomparable de Dieu, qu’il scelle en nos cœurs par son Saint-Esprit, fait que le centre de nos pensées change de direction. Comment pourrions-nous douter de notre espérance, puisqu’elle est scellée en nous par le Saint-Esprit de Dieu? Ce qui compte maintenant, c’est ce que Paul affirme au verset 9 : « C’est pour cela aussi que nous mettons notre point d’honneur à lui être agréables, soit que nous demeurions dans ce corps, soit que nous le quittions. » La vie d’un chrétien n’est pas centrée sur la mort, mais bien plutôt sur la vie. Que ce soit ici, sous cette tente terrestre, ou là, revêtu de notre demeure céleste et éternelle, le centre de notre vie doit être l’obéissance à Dieu, en pleine communion avec lui.
Il est bien vrai qu’une telle obéissance fait encore l’objet d’un combat en nous. Pourtant, nous recevons encore une consolation lorsque nous voyons comment des croyants meurent dans le Seigneur après avoir persévéré jusqu’au bout : leur exemple est là pour nous montrer qu’une telle persévérance n’est pas impossible. Le même Esprit qui a scellé en nous la promesse d’une demeure céleste nous mènera aussi vers cette obéissance. Oui, aussi pénible soit-elle pour nous, la mort de croyants dans la foi reste un signe extraordinaire de l’amour de Dieu, qui reste fidèle à son alliance. Nous sommes faits témoins de ce qu’il accomplit son œuvre en nous, en dépit de notre faiblesse naturelle. La puissance de Dieu se manifeste dans les êtres faibles que nous sommes. C’est pourquoi, comme Paul l’a dit, c’est en Dieu seul que nous pouvons nous glorifier, c’est-à-dire trouver notre force, notre raison d’exulter et de nous savoir vainqueurs.
C’est en tant que vainqueurs que nous paraîtrons alors devant le siège du grand Juge, Jésus-Christ, comme le dit l’apôtre à la fin du passage de sa lettre sur lequel nous méditons. Considérons à nouveau ces paroles : « Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal du Christ, afin qu’il soit rendu à chacun d’après ce qu’il aura fait dans son corps, soit en bien, soit en mal. » Le croyant qui sait qu’en Christ il a déjà été pardonné ne redoute plus ce jugement. Il progresse sur la voie de l’obéissance à la volonté de Dieu, sous la direction du Saint-Esprit. Mais que dire des incroyants, des rebelles à Dieu, de tous ceux qui ne se repentent pas? Ne croyez pas que votre vie s’écoule dans l’oubli, au fur et à mesure qu’elle se déroule, comme si tous nos actes, nos paroles et nos pensées, une fois accomplis ou prononcés, s’évanouissaient dans l’air ou n’intéressaient que la mémoire d’autres hommes. Depuis le commencement de votre existence, chacun de vos actes est comme noté dans un livre de comptes, qui sera ouvert devant Dieu et mis publiquement sous les yeux de tous.
C’est là le message de la Bible, la Parole de Dieu, et il ne sert à rien de tenter de l’éluder. Dieu est Dieu et il exerce sa justice divine. Nous rendrons compte de tout ce que nous aurons fait dans notre corps, soit en bien, soit en mal. Mais le temps de notre vie terrestre, de notre passage sous la tente, est le temps de la patience de Dieu. Il est encore temps de se repentir, de se mettre à l’écoute de la volonté de Dieu, de se mettre au bénéfice de sa grâce et de son pardon manifestés en Jésus-Christ. Au jour du départ final, au jour où votre tente terrestre sera démontée, quand vos fonctions organiques vitales auront cessé de fonctionner, il sera trop tard pour entreprendre quoi que ce soit. C’est maintenant le moment d’être réconcilié avec Dieu; c’est maintenant le temps d’entrer dans l’espérance de la demeure éternelle qu’il a préparée pour tous ceux qui croient et espèrent en lui, en s’efforçant de lui obéir sous la conduite de son Esprit.