Psaumes et louange (3) - Apprends-nous à bien compter nos jours
Psaumes et louange (3) - Apprends-nous à bien compter nos jours
Psaume 90
Nous avons entamé ensemble un parcours du livre des Psaumes, dans l’Ancien Testament de la Bible, soulignant dans un premier article consacré à ce sujet que les Psaumes sont l’expression la plus achevée de la foi des croyants et de la prière qu’il convient d’adresser à Dieu. Ils révèlent toutes les faces de l’âme du croyant, et depuis leur rédaction ils ont servi de modèles de prière et de méditation à des générations d’hommes et de femmes habités par l’intense besoin d’épancher leur cœur devant le Dieu très haut.
Nous allons maintenant lire le Psaume 90 et méditer sur ce texte assez exceptionnel attribué à Moïse, qui nous parle de notre condition humaine limitée et mortelle, en opposition à l’être éternel de Dieu. Commençons donc par lire en entier ce Psaume :
« Ô Seigneur, d’âge en âge tu as été notre refuge. Avant que soient nées les montagnes, et que tu aies créé la terre et l’univers, de toute éternité et pour l’éternité, toi tu es Dieu. Tu fais retourner l’homme à la poussière, et tu dis aux humains : “Retournez-y!”, Car mille ans, à tes yeux, sont comme le jour d’hier qui est déjà passé, comme une seule veille au milieu de la nuit. Tu balaies les humains comme un peu de sommeil qui s’efface à l’aurore. Ils sont pareils à l’herbe qui fleurit le matin, qui passe et qui, le soir, se fane et se flétrit. Nous sommes consumés par ta colère, ta fureur nous effraie : tu as mis devant toi tous nos péchés, et tu mets en lumière tout ce qui est caché. Tous nos jours disparaissent par ta colère, et nos années s’effacent comme un murmure… Le temps de notre vie? C’est soixante-dix ans, au mieux quatre-vingts ans pour les plus vigoureux; et leur agitation n’est que peine et misère. Car le temps passe vite et nous nous envolons. Qui peut connaître l’intensité de ta colère, qui te respecte assez pour tenir compte de ton courroux? Apprends-nous donc à bien compter nos jours, afin que notre cœur acquière la sagesse! Tourne-toi de nouveau vers nous, ô Éternel! Jusques à quand tarderas-tu encore? Aie pitié de tes serviteurs! Rassasie-nous tous les matins de ton amour, et nous crierons de joie, pleins d’allégresse, tout au long de nos jours. Rends-nous en jours de joie les jours de nos épreuves, et en années de joie nos années de malheur! Que ton œuvre apparaisse envers tes serviteurs! Et que leurs descendants découvrent ta grandeur! Que la tendresse du Seigneur, notre Dieu, repose sur nous tous! Fais prospérer pour nous l’ouvrage de nos mains! Oh oui! Fais prospérer l’ouvrage de nos mains! » (Ps 90).
S’il vous fallait identifier le seul point commun sur lequel tous les humains sont sans doute d’accord, quelle réponse donneriez-vous? N’est-ce pas le fait que tous les humains savent qu’ils vont mourir un jour ou l’autre? Le Psaume 90 exprime très fortement cette idée, mais il le fait en contrastant cette mort qui est notre sort à tous depuis le moment même de notre conception, avec l’éternité de Dieu, qui n’est pas soumis au temps et pour qui mille ans sont comme un jour : « Avant que soient nées les montagnes, et que tu aies créé la terre et l’univers, de toute éternité et pour l’éternité, toi tu es Dieu. » Dieu n’est pas soumis aux aléas et aux changements qu’amène le temps, car il est lui-même le Créateur du temps, comme du reste de toute la réalité.
En ce qui nous concerne, le cours de notre vie depuis son commencement peut être comparé à un sablier, dont le sable s’écoule de la partie supérieure à la partie inférieure à travers l’étroit goulot central, sans que rien ne puisse arrêter ou ralentir cette chute inexorable. Le temps de notre vie est mesuré et limité. Ceux qui sont encore jeunes pensent souvent à tort qu’ils disposent encore d’une grande quantité de sable dans la partie supérieure du sablier; ils reconnaissent sans doute que le temps de leur vie s’écoule comme n’importe qui d’autre, mais ils s’imaginent qu’ils disposent encore de larges réserves de temps pour accomplir ce qu’ils veulent et pour jouir à leur gré de la vie. Quelle grave erreur de jugement! Car personne ne sait exactement combien de temps il lui reste à vivre : vous avez 20 ans, et demain vous mourrez subitement dans un accident; aujourd’hui, alors même que vous faites de grands projets pour le futur, les derniers grains de sable de votre sablier personnel sont en train d’achever leur chute, et vous ne vous doutez de rien…
Le Psaume 90 va cependant bien plus loin que de faire cette constatation désabusée. Il insiste sur la cause de notre condition mortelle et temporelle : c’est la colère du Dieu Créateur qui ramène les hommes à la poussière dont ils ont été tirés :
« Nous sommes consumés par ta colère, ta fureur nous effraie : tu as mis devant toi tous nos péchés, et tu mets en lumière tout ce qui est caché. Tous nos jours disparaissent par ta colère, et nos années s’effacent comme un murmure… Qui peut connaître l’intensité de ta colère, qui te respecte assez pour tenir compte de ton courroux? »
Mais pourquoi une telle colère de la part de mon Créateur, demanderez-vous? Qu’ai-je donc fait pour la mériter? Si les criminels, les monstres que l’histoire a engendrés, méritent cette colère, moi je n’ai rien fait de tel! Autre erreur de jugement… Dieu connaît tout ce que nous avons fait dit ou pensé, il mesure et juge tout cela à l’aune de sa perfection divine; or, aucun de nos actes, aucune de nos pensées ou de nos paroles ne peut subsister devant sa perfection et sa sainteté. C’est cela que le Psaume 90, et avec lui la Bible tout entière, appelle le « péché » : un état de rupture radicale entre Dieu et ses créatures, amenant le terrible jugement divin. La mort de tous, qu’elle soit dite naturelle ou pas, qu’elle intervienne à l’âge de 20 ans ou de 80 ans, est l’expression de ce jugement. Quelles qu’en soient les causes médicales — que les spécialistes peuvent déterminer avec précision —, la mort que nous connaîtrons tous est le fruit d’un jugement de Dieu sur notre condition de pécheurs. Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Paul l’affirme sans ambages dans sa lettre aux Romains : « Le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 3.23).
Aussi, le psalmiste appelle son lecteur à considérer tout cela avec sagesse et à se tourner vers Dieu : « Apprends-nous donc à bien compter nos jours, afin que notre cœur acquière la sagesse! » Car il n’est pas seulement un Dieu de colère et de jugement contre tout ce qui porte atteinte à sa perfection et à sa sainteté, il est aussi un Dieu compatissant et plein de miséricorde, un Dieu qu’on peut invoquer, supplier. Chaque matin de notre vie peut revêtir une dimension toute nouvelle, pleine de joie lorsque Dieu est présent dans notre vie. En nous réveillant, nous considérerons alors la journée nouvelle non pas comme une étape inéluctable vers notre mort prochaine, mais comme une occasion de nous réjouir à cause de la proximité de notre Créateur :
« Rassasie-nous tous les matins de ton amour, et nous crierons de joie, pleins d’allégresse, tout au long de nos jours. Rends-nous en jours de joie les jours de nos épreuves, et en années de joie nos années de malheur. »
Le psalmiste parle même de la tendresse de Dieu, un mot qui s’applique à l’amour d’une mère pour son enfant : « Que la tendresse du Seigneur, notre Dieu, repose sur nous tous! » Et il conclut sur le thème que nous avons déjà rencontré au Psaume 127, à savoir que, sans la bénédiction de Dieu, toutes nos œuvres sont vaines et ne mènent qu’à une fatigue et à des efforts inutiles : « Fais prospérer pour nous l’ouvrage de nos mains! Oh oui! Fais prospérer l’ouvrage de nos mains! »