Introduction au livre d'Aggée
Introduction au livre d'Aggée
1. Auteur⤒🔗
Les deux sections suivantes (1 et 2) sont tirées de la Bible Annotée (Introduction à Aggée).
Le nom du prophète, Chaggaï, qui signifie « solennel », de Chag, « fête solennelle », n’a été porté par aucun autre personnage de l’Ancien Testament, et l’histoire ne nous a transmis sur lui que cette simple indication : « Aggée, le prophète ». En Esdras 5.1 et 6.14, Aggée et Zacharie sont cités au même titre comme ayant été appelés à relever le courage du peuple et à l’engager à reprendre son œuvre interrompue.
Il est permis de croire qu’Aggée, revenu avec Zorobabel lors du premier retour des Juifs à Jérusalem, était déjà fort avancé en âge lorsqu’il s’adressa à ses concitoyens au nom de l’Éternel. Aggée 2.3 ferait supposer qu’il avait connu l’ancien temple de Salomon, et ce fait expliquerait l’autorité particulière avec laquelle il s’adresse aux chefs temporels et spirituels de la nation et le désir qu’il manifeste de voir le relèvement de ce sanctuaire dont il avait contemplé l’ancienne splendeur.
Mais si l’histoire se tait relativement aux circonstances de la vie du prophète, la tradition renferme à son sujet un grand nombre de légendes; on le fait venir tout jeune de Babylone à Jérusalem et on imagine de trouver dans son nom une signification prophétique : « mes fêtes ». Ce nom lui aurait été donné par ses parents pour indiquer par avance la part qu’il aurait au rétablissement des fêtes juives lors du retour de l’Exil. Ou bien encore, on voit en lui un ange ayant revêtu une forme humaine pour parler aux Israélites de la part de Dieu. Cette légende repose sur une fausse interprétation d’Aggée 1.13. D’autres données fabuleuses font de lui un des membres de cette grande synagogue qui (au dire des rabbins) recueillit les divers livres de l’Ancien Testament et en fixa le canon.
Aggée inaugure une nouvelle période prophétique. Avec Zacharie et Malachie, il appartient à l’époque post-exilique. C’est le premier prophète que Dieu a suscité à son peuple après le retour de l’Exil.
Le Nouveau Testament cite une fois textuellement le prophète Aggée dans Hébreux 12.26 (Ag 2.6).
2. Circonstances←⤒🔗
Aggée est le premier prophète connu qui se soit fait entendre depuis le retour de l’Exil babylonien. Pour comprendre clairement les motifs qui ont déterminé son entrée en scène et ses discours, il faut revenir 16 ans en arrière. La prise de Babylone, en 538, avait fait passer l’Empire de l’Asie des mains des Chaldéens dans celle des Perses; Darius le Mède, allié des Perses, n’avait régné que deux ans, et Cyrus lui avait succédé en 536. Après lui était venu son fils Cambyse (529), qui fit la conquête de l’Égypte. C’est durant cette expédition lointaine que le mage Smerdis réussit à s’emparer du trône, en 522; il ne régna que quelques mois et, en 521, Darius, fils d’Hystape, descendant de la race royale persane, prenait possession de Babylone. C’est sous ce dernier règne qu’apparaissent en Juda les prophètes Aggée et Zacharie.
L’Édit de Cyrus, promulgué en 536 au début du règne de ce prince (2 Ch 36.22), avait octroyé aux Juifs la permission de retourner dans leur patrie; 42 360 d’entre eux, accompagnés de 7337 esclaves et de 200 membres du corps de musique du temple, se décidèrent à reprendre le chemin de leurs foyers, sous la conduite de Zorobabel, fils de Schealthiel, gouverneur civil, et de Josué, fils de Jotsadak, grand sacrificateur. La première action des nouveaux colons, dès qu’ils se furent installés dans le pays, fut de rétablir l’autel des holocaustes (Esd 3.3) et de commencer la reconstruction du temple détruit. Le fondement fut posé et consacré par une fête solennelle qui laissait augurer favorablement les dispositions du peuple et de la suite de l’entreprise.
Mais les travaux commencés avec tant de zèle furent bientôt interrompus par une circonstance inattendue. Les peuples d’alentour, en particulier les Samaritains, mélange de Juifs dégénérés et de colons étrangers amenés dans l’ancien territoire des dix tribus pour repeupler la contrée, voulurent avoir part aux travaux du temple et s’adressèrent pour cela à Zorobabel (Esd 4). Leur but était sans doute d’arriver à conduire une alliance défensive avec des Juifs contre les nations du voisinage, ou peut-être aussi de rétablir l’unité extérieure de Juda et d’Israël et de donner ainsi plus de stabilité à leur nouvelle situation.
On répondit à leur demande par un refus. En effet, les admettre à prendre part à l’œuvre commencée, c’était compromettre d’emblée la restauration du vrai culte par l’introduction d’éléments idolâtres et corrompus. La leçon infligée par l’Éternel à son peuple avait porté ses fruits. Juda voulait désormais demeurer à l’écart de ces influences extérieures qui avaient jadis causé sa ruine. Le refus opposé par Zorobabel aux prétentions des nations d’alentour produisit chez ces dernières une profonde irritation; elles cherchèrent à se venger en intriguant à la cour de Cyrus, afin de produire sinon la révocation formelle de l’édit de 536, du moins l’arrêt des travaux commencés à Jérusalem.
Telle fut bien la conséquence des manœuvres employées; l’interruption se prolongea pendant tout le règne du roi Darius. Ce ne fut pourtant qu’en 522 que fut prononcée l’interdiction formelle de continuer les travaux commencés. Du reste, il est à remarquer que cette interdiction ne se rapportait pas spécialement à la construction du temple, mais à celle de la ville et de ses murailles, ce qui explique comment Aggée, en raison de l’édit de Cyrus qui avait ordonné expressément le rétablissement du temple (2 Ch 36.23), put engager sans scrupule ses compatriotes à reprendre ce dernier travail, interrompu en partie par leur propre faute. Un édit de Darius, rapporté dans Esdras 6.6, ne tarda pas, d’ailleurs, à sanctionner la reprise des travaux.
Les travaux avaient donc été abandonnés pendant 16 ans, années fâcheuses à bien des égards encore; le pays avait souffert de sécheresse prolongée, le sol avait peu donné à ses habitants, le ciel était resté comme fermé au-dessus de leurs têtes, et l’on peut conclure que le découragement, en pénétrant dans les cœurs, avait entraîné à sa suite l’indifférence pour la restauration du culte et du temple et la préoccupation égoïste des intérêts matériels. C’est à ce moment-là qu’apparaissent Aggée et Zacharie, chargés tous les deux de la mission spéciale d’encourager le peuple à reprendre l’œuvre encore peu avancée, de lui inspirer un nouveau zèle et de lui donner l’assurance que les promesses de l’Éternel demeurent les mêmes pour les siens. (Bible Annotée).
3. Plan←⤒🔗
- Premier message Réveil du peuple - 1.1-15
- Deuxième message Appel à la foi et au travail - 2.1-9
- Troisième message Appel à la sanctification - 2.10-19
- Quatrième message Promesse - 2.20-23
- Premier discours engageant le peuple à reprendre les travaux interrompus.
- Deuxième discours, dans lequel Aggée énonce à nouveau les promesses de l’Éternel.
- Troisième discours occasionné par deux questions que le prophète adresse aux prêtres.
- Quatrième discours adressé à Zorobabel en sa qualité de descendant de la famille de David.
4. Message←⤒🔗
« La reconstruction du temple de l’Éternel, tel est le motif essentiel qui inspire les quatre discours dont se compose le livre d’Aggée. La nécessité de cette restauration ressortait pour le prophète de la place considérable qu’occupait le sanctuaire dans la vie de la nation élue. C’était, en effet, le signe matériel de l’alliance conclue au Sinaï entre l’Éternel et Israël, le symbole de l’habitation de Dieu au sein de son peuple. Le temple renversé devait ainsi représenter sous une forme visible la rupture de cette alliance, la cessation plus ou moins complète des rapports qui unissaient le Seigneur à la nation tout entière. La reconstruction du sanctuaire devenait dès lors, aux yeux du prophète, une obligation sacrée entre toutes et qui devait s’imposer à la conscience de ses contemporains » (Bible Annotée, Introduction à Aggée).
Il est de nouveau permis au peuple de Dieu de penser à ses lieux saints, signes de l’alliance. Il lui est permis de reconsidérer toute son histoire et toute son existence dans la perspective de la pédagogie divine. Le prophète sait d’une certitude surnaturelle que la communauté des fidèles a besoin de se réunir. Même si le culte extérieur présente un danger — danger que n’ont cessé de dénoncer tous les prophètes antérieurs, d’Amos à Jérémie — il n’en reste pas moins une grâce, puisqu’il manifeste la condescendance de Dieu à l’égard de son peuple. Ce n’est pas quand tout sera redevenu normal et que toutes les affaires d’ordre privé auront été réglées que le peuple de Dieu pourra enfin songer à s’occuper de son lieu du culte. Cela doit être sa première préoccupation.
En outre, la situation exige une discipline sévère. Le prophète connaît le caractère passager de l’enthousiasme religieux. Dieu ne demande pas d’enthousiasme, il exige l’obéissance et la fidélité à son alliance. C’est pourquoi Aggée oppose un non catégorique au zèle des gens compromis avec le paganisme qui croient pouvoir servir Dieu à leur façon. Il annonce enfin au peuple que toute son existence est dominée par l’espérance du salut qui vient.
Le prophète affirme donc que Dieu et le culte qui lui est dû passent avant toutes choses. En apparence, le message de ce prophète semble être en contradiction avec celui d’un Ésaïe qui déclare que Dieu n’a pas besoin d’un temple. En fait, ces deux témoignages sont inséparables : s’il est vrai que Dieu n’a nul besoin d’un culte extérieur, il est également vrai que son Église, elle, ne peut vivre sans ce moyen de grâce. Aggée est le prophète appelé à restaurer les cadres de la vie communautaire. De là l’importance du temple pour ce témoin dont on peut dire que le zèle de la maison de l’Éternel le dévore.
Le message d’Aggée nous met en garde : Contre le danger de nous contenter d’un état de choses anormal dans le Royaume de Dieu et d’attendre passivement un temps favorable. Contre le danger de vivre dans le passé; Dieu est avec nous aujourd’hui, le temps de ses interventions n’est pas passé. Contre le danger de se contenter d’une réforme extérieure qui n’amène pas une vraie régénération du cœur (Ag 2.10-15). Enfin contre le danger d’être paralysé par la crainte des forces adverses, oubliant qu’un jour Dieu les balaiera et établira son règne (Ag. 2.20-23). Considérez donc attentivement vos voies, écrit-il (Ag 1.5,7; 2.15-18). Fortifiez-vous, ajoute-t-il (Ag 2.4); travaillez, exhorte-t-il (Ag 2.4).
Le prophète prédit en outre que la gloire du second temple, dont l’édification est alors entreprise, dépassera celle du premier, par l’intérêt qu’y prendront sans doute toutes les nations, mais plus encore par ce que ni Aggée ni ses contemporains ne peuvent imaginer clairement, mais que prépare le présent renouveau; la cité restaurée et sanctifiée par la présence du temple verra la réalisation du grand espoir d’Israël. C’est cet espoir messianique que ranime le dernier message d’Aggée. Il salue en la personne de Zorobabel, de la lignée de David, celui que l’Éternel a choisi pour assurer l’accomplissement de la promesse.
La promesse contenue dans Aggée 2.9 annonce le rôle crucial du second temple dans le dessein rédempteur de Dieu. Hérode le Grand a, plus tard, dépensé des sommes faramineuses pour bâtir le troisième temple, et il fut rempli par la gloire du Fils incarné chaque fois que le Christ a visité Jérusalem.
Le Messie est annoncé dans la figure même de Zorobabel :
« En ce jour-là, oracle de l’Éternel des armées, je te prendrai, Zorobabel, fils de Chealtiel, mon serviteur, oracle de l’Éternel, je ferai de toi comme un sceau; car je t’ai élu, oracle de l’Éternel des armées » (Ag 2.23).
Celui-ci devient le centre de la lignée messianique et il est tel un anneau qui scelle les deux branches ensemble. La mission spéciale confiée par Dieu est de galvaniser en action un nouvel effort pour accomplir sa volonté. Des arguments tirés du passé et du futur doivent servir cet objectif.
Aggée ne se polarise pas autour d’une reconstruction purement matérielle, mais ce qui est matériel annonce un contenu spirituel. Il ne s’intéresse pas dans le gravier et le béton. Tel un spécialiste médecin des pieds qui ne négligera pas l’état général du patient, du cœur et du reste, de même Aggée ne perd pas de vue l’ensemble des devoirs religieux du peuple où la reconstruction du temple devient la matérialisation de sa spiritualité. Pour lui, l’œuvre religieuse vitale se trouve derrière l’œuvre temporaire de la reconstruction. Aussi voit-il le jour venir avec joie. Il voit en Zorobabel la préfiguration du Christ Messie. Il prévoit la gloire future d’un royaume vers lequel accourront les nations et la gloire de Dieu remplira tout l’univers de même que les eaux remplissent l’océan. Aussi, son appel vibrant, rude même, veut épargner au peuple de Dieu une léthargie paresseuse. Aggée à sa manière rappelle la parole du Christ : « Cherchez premièrement son Royaume et sa justice et tout cela vous sera donné par-dessus » (Mt 6.33).