Introduction au livre de Josué
Introduction au livre de Josué
1. Généralités⤒🔗
Josué est le premier livre de la série des livres historiques de l’Ancien Testament; il aboutit au livre d’Esther, bien que le Pentateuque qui le précède contient également des parties historiques. Il faut se souvenir que l’histoire biblique n’est jamais histoire purement événementielle, mais qu’elle est toujours chargée d’une signification religieuse; elle est principalement une histoire du salut. C’est ce qui explique le choix des récits qui la composent.
Notons que le livre de Josué suit immédiatement celui du Deutéronome et lui est étroitement lié. Il lui fait historiquement suite. Il rapporte des événements qui prouvent l’accomplissement des promesses faites durant la période précédente, c’est-à-dire dans le Pentateuque. De ce fait, on parle parfois de Hexateuque, signifiant que Josué fait partie des cinq premiers livres de l’Ancien Testament qui le précèdent.
La suite historique et rédemptrice montre que — la grande figure de Moïse et des autres personnages importants de l’Exode ayant disparu — ni la loi ni les sacrificateurs ne peuvent faire entrer le peuple élu dans la terre promise. Cette mission reviendra à un conducteur, Josué, qui sera aussi un chef militaire.
La période qui est couverte par les écrits historiques va de l’entrée d’Israël en Canaan jusqu’au retour de l’Exil, puis la période post-exilique. Le début de cette période, après la mort de Moïse, est marqué par le début de sa succession avec Josué.
2. Authenticité←⤒🔗
Nous ne nous attarderons pas à des questions de critique historique, cette dernière n’accordant pas au livre une valeur historique. Nous tenons à affirmer notre foi et confiance en l’authenticité des récits historiques, émaillés de miracles, et dont la rédaction révèle le point de vue de Dieu; il s’agit d’une interprétation de l’histoire qui est divine.
Le Talmud en attribue la rédaction à Josué lui-même. L’historicité en est confirmée par diverses citations dans le Nouveau Testament :
- Josué 1.5 - Hébreux 13.5
- Josué 2 - Jacques 2.25
- Josué 6.20 - Hébreux 11.30
- Josué 6.23 - Hébreux 11.31
- Josué 14.1-2 - Actes 13.19
- Josué 21.44 - Hébreux 4.8
- Josué 24.32 - Actes 7.16
« Le titre du livre, pas plus que ceux des livres de Samuel ou des Rois, ne désigne le nom de l’auteur; il désigne le principal acteur du grand événement qui y est rapporté : l’accomplissement de la promesse faite aux patriarches et la prise de possession de Canaan.
Ce récit se rattache par une foule de liens à celui du Pentateuque (le rôle des deux et demie tribus à l’est du Jourdain; la cérémonie de la publication de la loi dans la vallée de Sichem; l’héritage de Caleb assigné en Hébron; l’établissement des villes de refuge et des Lévites, etc.). En général, tout le récit de la conquête n’est que la démonstration de la fidélité de Dieu à l’égard de ses anciennes promesses rapportées dans le Pentateuque. Aussi l’on a souvent envisagé ce livre comme ayant formé dans le début la clôture d’un grand ouvrage auquel la critique moderne aime à donner pour cette raison le nom d’Hexateuque ou les six livres.
Mais il n’existe pas de preuve historique en faveur de cette opinion. […] La notion de la loi domine trop complètement le Pentateuque et donne à cet ouvrage un caractère trop spécial pour que nous puissions ne pas y reconnaître un tout à part, destiné à conserver tout ce qui concernait Moïse et la loi » (Bible Annotée, Introduction au livre de Josué).
Le livre de Josué, pour sa part, concentre son récit sur la conquête de Canaan.
3. Caractère←⤒🔗
Cette section est tirée de la Bible Annotée (Introduction au livre de Josué et Conclusion à Josué).
Le livre de Josué est ainsi à nos yeux le premier de la série des écrits narratifs qui ont suivi. Il est à remarquer que certains archaïsmes qui distinguaient le Pentateuque disparaissent dans Josué, aussi bien que dans les écrits suivants, et qu’en échange il renferme un certain nombre de termes étrangers, ou des formes nouvelles qui ne sont pas présentes dans le Pentateuque, tels que Jéricho, au lieu de Jerécho. […] Dans certains passages, cet écrit renferme des détails que le Pentateuque semblait rendre superflus, et qui prouvent que, dans la pensée de l’auteur, son œuvre devrait se suffire à elle-même, par exemple la liste des pays conquis du temps de Moïse.
Ce livre se compose de deux parties distinctes comprenant douze chapitres chacune : le récit de la conquête (chapitres 1 à 12) et celle de la répartition du pays (chapitres 13 à 24). Cette répartition se termine par le renouvellement de l’alliance (chapitre 24), qui est comme le sceau apposé aux deux grands actes qui viennent d’être racontés.
Il nous paraît manifeste que de très antiques matériaux, dus à des contemporains des faits racontés, sont entrés dans la contexture des documents qui ont servi à rédiger le récit définitif. C’est ainsi que s’expliquent naturellement le « nous » de Josué 5.1,6; le « jusqu’à ce jour » appliqué à la présence de Rahab en Israël au moment du récit; la liste de trente-et-un rois vaincus (chapitre 12) et le cadastre détaillé des territoires assignés à chaque tribu (dès le chapitre 13). Dans d’autres cas, la formule « jusqu’à ce jour » prouve uniquement que la rédaction du fait est en tout cas antérieure à Salomon (Guézer, Jos 16.10) ou à David (Jébusiens, Jos 15.63) ou à Saül (Gabaonites, Jos 9.27). L’expression « Sidon la grande » (Jos 11.8 et 19.28) montre également que la rédaction de ces morceaux remonte à une très haute antiquité. Quant à la rédaction finale du livre, nous en ignorons l’époque.
On signale une apparente contradiction dans le récit. D’un côté, il semble parfois que la conquête soit absolument achevée, de l’autre il est dit qu’il reste encore beaucoup à conquérir (comparez par exemple Jos 21.43-45 avec Jos 23.4). Mais remarquons que deux de ces passages, que l’on dit contradictoires, se trouvent dans le même discours de Josué. Il est donc impossible qu’ils se contredisent réellement. Il faut seulement ne pas exagérer le sens des expressions employées. En un sens, la conquête a eu un caractère soudain et complet, c’est-à-dire que les deux grandes batailles, avec les expéditions qui les ont suivies immédiatement, ont livré en une seule fois le pays au pouvoir d’Israël.
Était-ce à dire que la soumission fût complète? Non. À côté de son caractère soudain et immédiat, la conquête a eu aussi un caractère progressif. Les Cananéens s’étaient maintenus dans certaines villes fortifiées qu’il fallait prendre et reprendre dans certains districts difficilement accessibles aux Israélites, et lors même que ces districts avaient été assignés à telle ou telle tribu, ils étaient loin d’être complètement soumis. La guerre générale concernant tout le pays et tout le peuple était achevée; mais les guerres particulières concernant les tribus et leurs districts devaient recommencer bientôt après le premier établissement, à moins qu’Israël ne faillit à sa mission.
Enfin, l’on découvre une contradiction apparente dans les trois explications différentes qui sont données, du fait que Dieu laissa subsister une partie des Cananéens au milieu d’Israël; d’une part, il est dit que ce fut pour empêcher la multiplication des bêtes sauvages dans un pays qui, autrement, fût resté en partie inhabité (Ex 23.29); dans d’autres passages, ce fait est mis sur le compte de la lâcheté et de l’indolence d’Israël; dans d’autres, enfin, il est dit que Dieu voulait se servir de la présence de ces peuples pour exercer la fidélité morale et développer les capacités militaires de son peuple.
On s’explique le premier motif quand on considère qu’à peu près un quart du peuple s’était fixé à l’orient du Jourdain, et quand on se rappelle ce qui est raconté sur la multiplication des bêtes féroces dans la Samarie à la suite de la prise du pays par les Assyriens (2 R 17.25). Quant aux second et troisième motifs, ils ne se contredisent pas en ce sens que la tolérance des Israélites à l’égard des Cananéens dépassa de beaucoup la mesure dans laquelle l’Éternel avait consenti à en laisser subsister quelques peuplades de ces derniers sur les confins du pays de Canaan, et comme voisins d’Israël.
Le peuple aurait dû les détruire dans son propre sein, mais il devait demeurer moralement et militairement en lutte avec eux comme ennemis extérieurs. Malgré l’existence possible de documents divers au moyen desquels a pu être composé le récit, aucune contradiction réelle ne nous paraît compromettre la vérité des faits racontés dans ce livre. (Bible Annotée).
4. Plan←⤒🔗
1. La conquête de Canaan - 1.1 à 12.24
a. La mission - 1.1-9
b. Discours de Josué au peuple - 1.10-18
c. Mission à Jéricho - 2.1-24
d. Israël au bord du Jourdain - 3.1-6
e. Traversée du Jourdain - 3.7-17
f. Autres détails; les pierres du souvenir - 4.1-14
g. Traversée achevée; monument érigé - 4.15-24
h. Circoncision et célébration de la Pâque - 5.1-12
i. Josué et le chef de l’armée du Seigneur - 5.13 à 6.5
j. Chute et interdit de Jéricho - 6.6-27
k. Violation de l’interdit - 7.1-26
l. Capture et destruction d’Aï - 8.1-29
m. Lecture publique de la loi - 8.30-35
n. La ruse des Gabaonites et alliance avec eux - 9.1-27
o. Appel de Gabaon au secours - 10.1-11
p. Arrêt du soleil et de la lune - 10.12-27
q. Conquête du Sud Canaan - 10.28-43
r. Bataille de Mérom; conquête du Nord - 11.1-15
s. Fin de la conquête - 11.16-23
t. Résumé des défaites des rois - 12.1-24
2. Le partage du pays - 13.1 à 22.34
a. Ordre divin du partage du pays - 13.1-7
b. Division de l’Est - 13.8-33
c. Division de l’Ouest et héritage de Caleb - 14.1-15
d. Héritage du Juda - 15.1-63
e. Héritage d’Éphraïm - 16.1-10
f. Héritage de Manassé - 17.1-13
g. Rejet de la plainte de Joséphites - 17.14-18
h. Division du pays à Silo - 18.1-10
i. Héritage de Benjamin - 18.11-18
j. Héritage de Siméon - 19.1-9
k. Héritage de Zabulon - 19.10-16
l. Héritage d’Issacar - 19.17-23
m. Héritage d’Aser - 19.24-31
n. Héritage de Nephtali - 19.32-39
o. Héritage de Dan - 19.40-48
p. Héritage de Josué et conclusion sur le partage - 19.49-51
q. Désignation des villes de refuge - 20.1-9
r. Sélection des villes des Lévites - 21.1-42
s. Conclusion et révision - 21.43-45
t. Départ des tribus de la Transjordanie - 22.1-9
u. Tribus de Transjordanie et le témoignage de l’autel - 22.10-34
3. Épilogue - 23.1 à 24.33
a. Les adieux de Josué - 23.1-16
b. Renouvellement de l’alliance - 24.1-28
c. Mort de Josué et d’Éliézer - 24.29-33
5. La critique moderne←⤒🔗
« La critique moderne a incriminé la narration du livre de Josué aussi bien que celle du Pentateuque. Elle a essayé de reléguer le tout dans le domaine du mythe ou de la légende et de faire commencer l’histoire vraie du peuple avec l’état d’anarchie existant au temps des juges, espèce de chaos primitif d’où serait peu à peu provenue, par un progrès interne, l’unité nationale du peuple telle que nous la trouvons établie au temps des premiers rois. Mais ce progrès vers l’unité nationale, qui eut lieu dès les temps des juges, n’a été possible que parce qu’une unité antérieure avait précédé cette époque de désagrégation. Autrement, Israël se fût de plus en plus désorganisé et amalgamé aux nations voisines, vers lesquelles l’attiraient le penchant commun à l’idolâtrie et la nécessité de chercher dans son état de faiblesse des appuis politiques. Sans les grands souvenirs du passé, qui formaient le lien moral entre les tribus, l’aspiration à l’unité politique et religieuse, d’où a procédée la concentration graduelle, n’aurait pas eu de raison d’être.
C’est sur le passé du peuple sous Moïse et Josué que repose le relèvement religieux et politique par lequel Israël est sorti de la décadence du temps des juges. La reconnaissance générale de l’autorité d’un personnage aussi faible que le sacrificateur Éli, à la fin de cette période, ne s’explique que parce qu’il profitait d’une tradition établie. Rejeter le caractère historique du livre de Josué, c’est rejeter en même temps celui de tout le Pentateuque, qui repose sur les mêmes documents, et rendre par là incompréhensible toute l’histoire d’Israël » (Bible Annotée, Introduction au livre de Josué).
6. L’histoire←⤒🔗
« Le livre de Josué nous raconte une histoire réelle. Le personnage principal n’est pas plus idéalisé que ne l’ont été Moïse et Aaron. Nous le voyons plongé dans le découragement, se livrant presque au murmure après la prise d’Aï, traitant imprudemment alliance avec les Gabaonites. Quant au peuple, il n’apparaît pas non plus sous un jour bien brillant : l’égoïsme des tribus, le manque d’appui de la part des plus forts (Ephraïm, Juda) à l’égard des autres plus faibles, dans l’œuvre difficile de la conquête de leurs territoires, ces traits-là et bien d’autres encore n’appartiennent pas à un portrait flatté et idéalisé du peuple » (Bible Annotée, Introduction au livre de Josué).
« Le livre de Josué est la clôture de l’histoire patriarcale. La famille d’Abraham, devenue un peuple durant son séjour en Égypte, a été mise en possession du lieu de repos que Dieu avait promis à ses pères et où ce peuple devra servir désormais à préparer le salut du monde » (Bible Annotée, Conclusion à Josué).
Les compilateurs bibliques ont réuni les livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois sous le nom de « Prophètes antérieurs », témoignant par là que l’histoire racontée dans ces documents n’est pas uniquement de l’histoire, mais, en quelque sorte, la servante du message prophétique, et qu’elle vise le but qui la dépasse.
Les narrations de la lutte pour la conquête du pays sont un témoignage de la souveraineté du Dieu de l’alliance sur l’histoire et sur les puissances hostiles. Ensuite, elles témoignent de la grande espérance surnaturelle qui est à la base du dynamisme particulier au peuple de Dieu, espérance en l’accomplissement total de la promesse en dépit de toutes les circonstances contraires. Et elles montrent, enfin, que le peuple animé de cette certitude et de cette espérance forme une communauté indissoluble. Telle est la pensée qui domine l’ensemble des narrations relatives à la conquête du pays.
7. Message←⤒🔗
Dégager le message particulier du livre, telle sera à présent notre tâche. Le rôle du livre est de montrer l’accomplissement des anciennes promesses. Depuis les patriarches jusqu’à la sortie d’Égypte, la promesse d’une terre apparaît comme l’un des éléments les plus marquants dans les relations d’Israël avec son Dieu.
Le motif de la promesse divine s’accomplissant dans la conquête pourra être exploité comme une figure de la promesse reçue par l’Église et accomplie dans la personne de celui dont le nom est identique à celui de l’antique conducteur Josué. Hébreux 11 nous exhorte à nous tourner vers Jésus-Christ, Chef de notre foi, avec la foi qui avait été celle de Rahab et de Josué. La terre conquise a toujours été considérée non comme le droit d’Israël, mais comme le don de Dieu, qui peut le retirer et le confier à d’autres.
L’Église doit savoir aussi qu’elle ne peut se prévaloir d’aucun droit et que les dons reçus peuvent être confiés à d’autres, qu’avec l’ancien Israël elle avait en commun le péché et l’infidélité, l’indignité face à la grâce et l’incapacité d’être l’économe fidèle de Dieu. Il faut envisager le livre, sur le plan chrétien, comme l’accomplissement des antiques promesses. Josué annonce alors celui qui est la Parole, en qui l’Église et les Juifs doivent chercher leur salut.
L’histoire de la conquête du pays a pour but d’amener le peuple de Dieu à la vraie humilité; c’est visible dans le récit de Rahab, la prostituée, qui fournit une aide précieuse à Israël. Toute la narration atteste que la conquête s’est faite sur la base de l’alliance de Dieu. C’est pourquoi le même miracle, qui avait marqué la sortie d’Égypte, se produit aux frontières de la terre promise, et la circoncision précède la conquête comme signe de l’appartenance à l’alliance. L’histoire de la conquête de Canaan peut ainsi servir postérieurement, non pas à réveiller les sentiments patriotiques d’Israël, mais à lui donner force et consolation. Dans les temps d’épreuves qu’il traverse, il est donné au peuple de savoir que son Dieu est plus puissant que tous ses ennemis.
Loin de chercher la grandeur des ancêtres dans leurs actions héroïques, il faut la considérer dans leur obéissance, ainsi que dans leur persévérance à se tenir éloignés du paganisme ambiant. Par là, l’histoire de la conquête de Canaan cesse d’être un simple mémorial de faits de guerre empruntés aux mœurs cruelles de l’antiquité, et elle devient un appel pressant, adressé au peuple de l’alliance, pour qu’il reprenne sans cesse conscience de sa vraie situation devant Dieu.
En donnant une terre à son peuple, Dieu veut y voir régner l’ordre fondé sur l’alliance et le droit qui en découle. Ayant reçu une part de la bénédiction promise, Israël doit décider comment il va l’utiliser. C’est pourquoi il lui est rappelé qu’il reste en présence du Dieu qui a élu ses ancêtres, qui a conduit son peuple hors d’Égypte, à travers le désert et les péripéties de la conquête et qui l’appelle aujourd’hui (Jos 24.14). Mais en même temps, le peuple est mis en garde contre le danger perpétuel que représentaient pour lui le pays de Canaan et sa civilisation. La décision ne se produit vraiment qu’au moment où Israël tout entier, et non pas seulement Josué, déclare en pleine connaissance de cause : « Moi et ma maison, nous servirons l’Éternel. […] Nous aussi, nous servirons l’Éternel, car il est notre Dieu » (Jos 24.15,18).
Mais ce serait une erreur de penser que la tâche de l’interprète de la Bible s’épuise par le simple exposé consacré à un livre. Le but de l’interprétation consiste à déterminer ce que son Auteur divin veut dire dans un passage donné, ce qu’il révèle pour fonder notre foi et guider notre conduite. Du fait que cette révélation nous parvient par le canal d’un écrit, nous connaîtrons les pensées de Dieu dans la mesure où nous aurons à cœur de comprendre les Écritures. Cela implique que cette dernière doit être vue dans son unité, et que chaque livre biblique doit être considéré dans ses rapports avec le tout. Ainsi, l’interprétation d’un livre dépend non seulement de ce qu’il affirme en particulier, mais aussi de la lumière que l’Écriture projette dans son ensemble.
L’Écriture est une unité organique; chaque section et chaque livre devra par conséquent se voir d’après l’angle de leur relation mutuelle de membres d’un corps un et unique. Ceci permet à la Bible de rester son propre interprète; bien souvent, tel passage biblique jette une lumière sur tel autre. Ceci est particulièrement évident lorsque l’Ancien Testament et le Nouveau Testament sont placés côte à côte. L’Ancien ne peut se comprendre correctement si l’interprète ne tient pas compte du Nouveau.
Ainsi, il y a des chrétiens qui découvrent et admirent des lectures bibliques et des interprétations de la part de certains non-chrétiens commettent la plus grave des erreurs, en pensant que ces lectures partielles et partisanes remplissent un rôle positif. Ce n’est que le Nouveau Testament qui complète l’Ancien Testament. C’est pourquoi la lettre aux Hébreux éclaire de façon brillante nombre de passages de l’Ancien Testament, notamment ceux du Pentateuque. Chaque livre de l’Ancien Testament nécessite une interprétation à la lumière du Nouveau Testament.
Notre lecture des livres historiques doit être guidée par une claire compréhension du sens de l’histoire rapportée dans les Écritures. Cette histoire est sacrée, ou de caractère saint; elle fait partie intégrante de la révélation spéciale de Dieu. Elle révèle ses pensées, non seulement par de simples paroles, mais encore par des faits, au cours d’événements ou encore à travers des personnes. Ces faits eux-mêmes nécessitent une interprétation. Nous devons y découvrir la pensée divine et ses desseins exprimés. Le dessein de rédemption a été révélé aussi bien dans les événements de l’histoire que les discours des prophètes.
Le Saint-Esprit n’a pas inspiré et inclus ces livres dans le canon biblique dans le simple but de nous faire connaître l’histoire événementielle d’un peuple vieux de trente-cinq siècles! Ces livres seront correctement compris si nous regardons Israël comme le type représentant aussi bien le Christ que son Église. Ce caractère typique, particulier, est celui d’Israël en tant que peuple, mais aussi de ses conducteurs, tels Moïse, Josué, David ou Salomon. En outre, cette histoire qui projette et préfigure une réalité supérieure n’est pas le fait d’un quelconque peuple parmi d’autres, mais celui d’un seul peuple choisi par Dieu, sous l’ancienne dispensation. Cette histoire, réelle, vraie, indiquait au-delà d’elle-même une vérité supérieure. Ces règles s’appliquent à l’interprétation du livre de Josué.
1. L’importance du passage du Jourdain (Jos 3 et 4) est évidente dans les discours préparatoires et les actes qui le précèdent. Le prophète Michée rappelait cet événement dans un passage (Mi 6.5). Mais ce passage a une importance très particulière pour les chrétiens. Si le pèlerinage d’Israël préfigure la marche de l’Église dans le monde présent, alors la traversée du Jourdain sera le type du passage qu’effectue l’Église à travers la mort et la tombe avant de parvenir à la vie éternelle.
L’arche de l’alliance présidait la traversée. Aussitôt que les prêtres mirent les pieds dans les eaux du Jourdain, celles-ci, qui barraient la terre promise aux Israélites, disparurent pour permettre à chaque Israélite de le traverser à sec. Ceci constitue une autre image de l’œuvre du Christ; le Sauveur, en s’abaissant jusqu’à la mort, a vaincu celle-ci et inaugure le chemin menant à la Canaan céleste. Cela n’est pas pure imagerie, mais encore prophétie certaine.
Les faits eux-mêmes sont prophétiques de l’œuvre que le Christ accomplira pour et dans son Église. Dieu avait d’avance ordonné que ces événements puissent avoir lieu, pour nous assurer qu’il nous guidera à travers le fleuve de la mort comme il avait guidé Israël à travers le Jourdain. De même qu’Israël devait regarder l’arche de l’alliance demeurant fixe au milieu du fleuve, de même nos regards devront se tourner vers la croix inébranlable du Christ. Ce qui se produisit dans l’ancienne dispensation (l’ombre des choses à venir) doit être répété et accompli dans la nouvelle dispensation, pour le plus grand bénéfice du nouveau peuple de Dieu, l’Église. Si nous comprenons correctement le chapitre 3 du livre de Josué, nous apprendrons que la mort sera pour nous le moyen nécessaire, inévitable, par lequel le peuple de Dieu obtiendra l’héritage céleste.
2. « On s’est scandalisé de la guerre d’extermination ordonnée par Dieu à son peuple. Mais pour comprendre une mesure aussi sévère, on doit tenir compte de deux choses : la première que dès le temps d’Abraham, l’existence de ces peuples, livrés déjà à la plus affreuse corruption (exemple de Sodome et Gomorrhe), n’était plus qu’une affaire de tolérance; voir Genèse 15.10 où Dieu dit : L’iniquité des Amoréens n’était pas encore arrivée à son comble. Elle avait atteint le degré fatal. Puis il faut considérer que, dans l’état d’infirmité morale où était encore Israël, avec ses dispositions à l’idolâtrie, à l’impureté et aux autres vices dans lesquels croupissaient les Cananéens, Dieu ne pouvait exposer son peuple à une communauté de vie avec eux sans perdre le premier, tout en ne sauvant pas les derniers. Voir Deutéronome 7.2-4 : Tu ne t’allieras point avec eux, tu ne prendras point leurs filles pour tes fils car elles détourneraient tes fils de mon service et ils serviraient d’autres dieux et la colère de l’Éternel s’allumerait contre vous et il t’exterminerait aussitôt.
C’est l’idolâtrie et la corruption que Dieu extirpe, et non les ennemis d’Israël, puisqu’il extirpera Israël lui-même, si celui-ci vient à se livrer aux mêmes péchés. Ce qui le prouve encore, c’est que Dieu distingue expressément entre la manière de procéder avec les villes des Cananéens et celles des ennemis étrangers (Dt 20.10). Un père interdit à son fils la société intime d’un camarade corrompu. Dieu n’avait pas d’autre moyen d’empêcher la communauté de vie entre Israël et les Cananéens, qui occupaient le pays destiné au premier, que de les détruire. Et il avait laissé écouler quatre siècles, jusqu’à ce que le jugement fût complètement mérité. Voilà le vrai sens des documents » (Bible Annotée, Conclusion à Josué).
Israël avait-il le droit d’agir de la sorte? Ne se rendait-il pas coupable d’une cruauté inutile? Le livre ne répond pas directement à cette question. Il rapporte simplement la destruction des populations indigènes comme un fait réel. Josué et le peuple ont obéi à un commandement direct de la part de Dieu, valable pour leur époque et avec son aide.
À n’observer ces exterminations que superficiellement, on a l’impression d’une cruauté arbitraire. Mais il faut voir ce qui est impliqué, quelle est l’interprétation de la Bible à ce sujet. Plusieurs passages bibliques rendent bien clair que le Seigneur avait traité avec une grande patience les péchés des Cananéens, et ceci durant une très longue période. Au moment où Israël pénétra le pays, la mesure de l’iniquité des habitants du pays était arrivée à son comble. Dieu, qui est le juste Juge de toute la terre, avait décidé d’annihiler ces nations et de donner la terre à Israël, bien que ce peuple ne possédât pas de valeur inhérente. Dieu exécute sa sentence principalement par l’épée israélite, non par les eaux d’un déluge ou par le feu envoyé sur Sodome. Le Nouveau Testament commente à deux reprises que Dieu a détruit ces nations (Ac 7.45; Hé 11.30).
Tout ceci implique que l’extermination des Cananéens devra être considérée comme l’exécution du jugement divin, l’accomplissement et la réalisation de la sainte et pure vengeance de Dieu. Dieu confia cette mission à son peuple, qui devint l’instrument entre ses mains. Ses armées sont celles du Dieu vivant, son épée celle du Seigneur. Le livre nous impressionne aussi par le soin méticuleux et le grand sens de responsabilité avec lesquels la tâche a été menée. En outre, il rappelle sans cesse les avertissements de Moïse de ne pas faire venir sur soi le même jugement. Si nous comprenons ainsi le comportement d’Israël, nous nous garderons aussi bien de le condamner que de le prendre pour modèle. Sa position à cette époque était unique.
Parce qu’Israël était le peuple de Dieu pendant la conquête de Canaan, il était particulièrement désigné comme son armée sur terre, ce qu’on ne pourra pas dire au sujet d’autres peuples. La même désignation appartient actuellement à l’Église, car elle a pris la succession de l’Israël de l’Ancien Testament. La vocation du premier peuple préfigure la vocation de l’Église à devenir ici-bas une Église militante. Elle résistera aux pouvoirs des ténèbres; elle rompra toute association avec le péché et des objectifs mondains; elle combattra fermement le mal pour en éradiquer les vestiges au milieu d’elle et chez chacun de ses membres, en recherchant la sanctification. L’exemple d’Israël rend clair à nos yeux que si nous renions le Seigneur nous subirons le châtiment de notre exclusion de sa communion.
Mais les succès militaires d’Israël doivent nous servir d’encouragement. Nous aussi nous livrons des batailles, assurés que, quelque puissant et redoutable que soit l’ennemi, nous remporterons la victoire sur lui, à condition de rester attachés au Chef suprême, à notre Sauveur.
3. Le partage du pays fournit un autre exemple pour nous. Chaque tribu reçoit sa portion de territoire. Un souci particulier préside le partage. Il se fait sous le regard de Dieu, parce que ce sont ses ordres qui sont exécutés. La tâche est sainte; la signification plus profonde en est la préfiguration de la distribution des bénéfices de l’œuvre rédemptrice du Christ.
Dans ce partage, Dieu ne tient pas seulement compte des tribus, mais encore des particuliers à qui justice sera faite. Tout particulier, tout fidèle particulier, est assuré de bénéficier des richesses célestes. Il recevra l’héritage destiné aux saints; chacun recevra un nom nouveau.