Les principaux écrits de Heinrich Bullinger
Les principaux écrits de Heinrich Bullinger
1. L’importance de la Réformation suisse⤒🔗
Je suis convaincu que le christianisme moderne ne peut comprendre son héritage spirituel sans connaître la Réformation suisse en particulier. Je reconnais que la Réformation allemande a joué un certain rôle, mais le luthéranisme qui a été transmis aux protestants contemporains était souvent trop étroitement associé à de nombreux principes du catholicisme romain.
Par exemple, le catholicisme romain et le luthéranisme enseignent tous deux la doctrine de la grâce infuse lorsque l’on est baptisé ou que l’on reçoit la cène. En ce qui concerne la cène en particulier, la différence entre la doctrine catholique romaine de la transsubstantiation et la vision luthérienne de la consubstantiation est mince comme un cheveu.
En outre, il n’est pas rare de voir dans certaines églises luthériennes des crucifix représentant le Christ immobile sur la croix ou des images du Christ. La notion de liturgie est différente entre les réformés et les luthériens, et il y a une grande différence entre la formulation réformée des « deux royaumes » et celle de Luther et des luthériens. Tout cela pour dire que notre héritage est nettement plus solidement ancré en Suisse. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas redevables des travaux d’Olevianus et d’Ursinus, en particulier de leurs efforts à produire le Catéchisme de Heidelberg dans le Palatinat allemand, ou des huguenots en France, ou de Cranmer et des autres réformateurs anglais, ou de Knox en Écosse. Nous pourrions également accorder une mention honorable à l’Italie, qui a produit Pierre Martyr Vermigli, et à la Hongrie, qui a accepté presque immédiatement la Seconde Confession helvétique. Tous ces réformateurs et tous les pays influencés par la Réformation ont apporté des contributions significatives au christianisme et à la civilisation occidentale. Mon objectif particulier est toutefois de concentrer notre attention sur l’héritage inestimable que nous a transmis la Réformation suisse. J’ai remarqué que très peu de protestants connaissent, même de loin, les noms de ces réformateurs, sans parler de ce qu’ils ont enseigné sur l’essence du christianisme.
Dans mon article précédent1, j’ai mentionné le nom de Huldrych Zwingli (1484-1531). Si nous prenions le temps de lire ses premières contributions aux efforts de réforme ecclésiastique en Suisse, nous serions, je pense, agréablement surpris. Nous ne voulons pas laisser passer ce don spécial que Dieu a fait au protestantisme contemporain, même si l’on peut raisonnablement affirmer que nous avons échangé cette contribution doctrinale et éthique contre une bouillie plus orientée vers les « sentiments ».
Le sujet de cet article n’est toutefois pas Zwingli, mais les contributions apportées par Heinrich Bullinger. Dans mon article précédent, j’ai donné une brève biographie de Bullinger.
2. L’alliance unique et éternelle de Dieu←⤒🔗
Il suffit de mentionner le mot « alliance » dans de nombreux cercles protestants aujourd’hui pour attirer des regards perplexes. Quoi? L’alliance? Qu’est-ce que c’est? La réponse courte est qu’il s’agit d’un outil d’interprétation indispensable pour comprendre toute la Bible.
Peu après son arrivée à Zürich et sa nomination comme pasteur de l’Église de Grössmunster, Bullinger a rédigé l’un des meilleurs exposés de la doctrine biblique de l’alliance jamais écrits. Si vous n’avez pas lu cet ouvrage, il est disponible en anglais2. Charles McCoy et Wayne Baker ont coédité un ouvrage intitulé Fountainhead of Federalism: Heinrich Bullinger and the Covenant Tradition [La source du fédéralisme : Heinrich Bullinger et la tradition de l’alliance]. L’ouvrage est divisé en deux parties. La première partie comprend cinq chapitres, le premier (« Heinrich Bullinger et les origines de la tradition fédérale ») étant, à mon avis, le plus important de cette section du livre. La deuxième partie contient l’article de Bullinger écrit en 1534 (« Brève exposition du Testament unique et éternel ou de l’Alliance de Dieu »).
Je dois expliquer que, lorsque Bullinger voulait discuter de l’unité de l’Écriture, il disait ce qui suit : « Le Christ et les apôtres n’ont rien prêché ou enseigné que les prophètes avant eux n’aient prêché ou enseigné. Les prophètes n’ont rien prêché ou enseigné que Moïse avant eux n’ait prêché ou enseigné. » Les paroles de Bullinger ne sont qu’une paraphrase de ce que les Écritures enseignent dans le dernier chapitre de l’Évangile de Luc. Dans Luc 24.27, nous trouvons l’aboutissement d’une conversation que Jésus a eue avec les deux disciples qui se rendaient au village d’Emmaüs. Ces derniers n’avaient pas la moindre idée qu’ils parlaient avec Jésus, mais celui-ci leur a patiemment expliqué ce que l’Ancien Testament avait si clairement déclaré à propos de ce qui arriverait au Messie. Le point culminant de cette conversation se trouve au verset 27 : « Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait. » En d’autres termes, Jésus a expliqué que la totalité de la Bible parle de lui.
Plus tard, alors qu’il était avec ses disciples, nous lisons dans ce même chapitre de Luc ces paroles du Sauveur ressuscité : « C’est là ce que je vous disais lorsque j’étais encore avec vous; il fallait que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes » (Lc 24.44). En d’autres termes, l’ensemble de l’Ancien Testament concerne Jésus. Dans un langage clair, simple et compréhensible, Bullinger décrit patiemment la centralité et le caractère indispensable de la relation d’alliance de Dieu avec son peuple. Il nous explique ce que signifie le mot hébreu que nous traduisons par alliance (berith) et pourquoi il est important. Il décrit l’alliance de Dieu avec les descendants d’Abraham. Il identifie soigneusement qui sont ceux qui constituent la « semence » d’Abraham et explique comment les saints de l’Ancien Testament étaient véritablement un peuple spirituel qui recevait des promesses spirituelles de Dieu dans le cadre de l’alliance. Les devoirs ou obligations de ceux qui sont en relation d’alliance avec Dieu sont présentés, montrant que, si l’alliance est pleine de promesses glorieuses, elle comporte aussi des exigences ou des obligations pour le peuple de Dieu.
Bullinger se lance ensuite dans un long exposé des raisons pour lesquelles il est convaincu que la doctrine de l’alliance est « le sujet de toute l’Écriture ». C’est la « cible » visée par toutes les Écritures. L’idée de l’unité de l’alliance est également examinée et expliquée. Il va sans dire que Bullinger consacre beaucoup de temps au sacrement de l’alliance dans l’Ancien Testament, à savoir la circoncision, ce qui vaut le prix du livre lui-même. La nature du signe et du sceau de l’alliance du Nouveau Testament, à savoir le baptême, et plus particulièrement le baptême des enfants, fait aujourd’hui l’objet d’un profond malentendu. Les réformés croient-ils que le baptême des enfants sauve l’enfant? Que se passe-t-il si une personne est baptisée en tant qu’enfant et que, plus tard, elle rejette la foi chrétienne? Son baptême n’a-t-il pas « marché »? Bullinger répond à toutes ces questions dans son traité sur l’alliance. J’ai trouvé particulièrement utile son explication de la centralité de Genèse 17 dans son traité. De manière simple, claire et compréhensible, Bullinger parcourt minutieusement les points les plus saillants de l’établissement par Dieu de la circoncision, qui est le signe et le sceau de l’alliance dans l’Ancien Testament. Au-delà de cette section particulière de son traité, l’ouvrage de Bullinger est truffé de citations des Écritures, ce qui le rend si convaincant.
De nos jours, la nature des sacrements de l’Ancien Testament, notamment en ce qui concerne leur nature spirituelle, suscite une grande confusion. En d’autres termes, les sacrements de l’Ancien Testament étaient-ils simplement physiques ou étaient-ils aussi spirituels que les sacrements du Nouveau Testament que sont le baptême et la cène? Bullinger fournit deux textes clés dans le débat, à savoir Deutéronome 10.16 et Jérémie 4.4, qui annoncent tous deux aux saints de l’Ancien Testament la nécessité de circoncire le prépuce de leur cœur. Le résultat de tels commandements dans l’Ancien Testament était de démontrer que « l’alliance entière était contenue dans le sacrement de l’alliance; de la même manière, l’essence entière de l’alliance renouvelée est contenue dans nos sacrements, le baptême et l’eucharistie ». Bullinger rappelle à ses lecteurs que le groupe qu’il appelle « les anciens » parlait des sacrements comme des signes visibles de la grâce invisible.
Y a-t-il donc une différence entre les saints de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau Testament? Oui et non. La réponse négative concerne l’appartenance à l’Église de Dieu. Les croyants font partie de l’Église de Dieu. Les réformateurs ont enseigné que l’Église n’a pas commencé avec l’avènement du Seigneur Jésus, mais qu’Adam et Ève ont été les premiers membres de l’Église de Dieu. En outre, Dieu a donné la circoncision et la Pâque à l’Église de l’Ancien Testament, mais à l’Église du Nouveau Testament, ces rites d’alliance ont été modifiés et sont maintenant le baptême et l’eucharistie ou la cène du Seigneur. De manière positive, les saints du Nouveau Testament vivent en regardant l’œuvre accomplie du Messie de Dieu, tandis que les saints de l’Ancien Testament vivaient dans l’attente de son avènement.
3. Autres écrits←⤒🔗
Si la lecture et l’assimilation des vérités bibliques et théologiques contenues dans le traité de Bullinger de 1534 sur l’alliance sont nécessaires pour les protestants, il existe d’autres ouvrages tout aussi importants qui ont été traduits en anglais ou en français et qui valent la peine d’être lus par les chrétiens. J’en citerai trois pour votre édification. Tout d’abord, il y a le magistral ouvrage de Bullinger, Les Décades3. Cet ouvrage se compose de cinq livres, chacun contenant dix « sermons ». Ceux-ci semblent être des sermons si l’on s’en tient à la façon dont Bullinger les commence et les termine, mais ils ne sont pas ce que le chrétien moderne pourrait décrire comme des sermons typiques. Ils sont remplis d’exposés sur les vérités fondamentales du christianisme, y compris un excellent exposé sur les dix commandements.
Deuxièmement, je suggère la lecture de ce que l’on appelle le Consensus Tigurinus ou Consensus de Zürich4. Il a été rédigé conjointement par Calvin et Bullinger dans le but d’unifier la communauté réformée au sujet de la présence du Christ dans la cène. Après une longue correspondance et de nombreux échanges, Calvin arrive à Zürich et rencontre personnellement Bullinger. À l’issue d’une discussion de deux heures, ils parviennent à un accord ou à un consensus sur la nature de la cène. Ils se sont mis d’accord en 1549 et le Consensus a finalement été publié en 1551. Ce document répondait-il à toutes les questions concernant la cène? Non, mais il constitue une bonne explication de sa nature.
Il est impératif de comprendre les articles présentés dans ce document parce qu’il y a si peu de discussions autour de la cène à notre époque, ce qui signifie que de moins en moins de personnes sont conscientes de ce qui se passe lorsque nous célébrons le sacrement. Vous pouvez trouver le Consensus Tigurinus (ou Consensus de Zürich) à l’adresse déjà indiquée. Ce livre devrait être une lecture obligatoire pour tout chrétien protestant sérieux.
Enfin, je suggère la méditation de la Seconde Confession helvétique5 de Bullinger. Il s’agit d’une théologie parvenue à maturité et à son meilleur. Cette Confession est concise, mais solide. Elle distille l’essence de la vérité réformée en trente courts chapitres. Elle constitue une excellente lecture pour le jour du repos. Chaque dimanche, l’individu ou la famille peut lire et discuter un ou deux chapitres de cet ouvrage de 1566. Il s’agit d’un festin théologique et, presque immédiatement après sa publication, cette Confession a été largement lue et utilisée dans toute l’Europe, y compris en Grande-Bretagne.
Je prie pour que, vu le triste état de la chrétienté à notre époque, beaucoup reviennent à la lecture quotidienne des Écritures et à la prière. En outre, je prie pour que beaucoup découvrent le trésor de vérité biblique que Dieu nous a transmis par l’intermédiaire de Heinrich Bullinger.
Notes
2. La traduction anglaise du traité de Bullinger sur l’alliance De testamento seu foedere Dei unico et aeterno publié en 1534 se trouve dans Charles S. McCoy et J. Wayne Baker, Fountainhead of Federalism: Heinrich Bullinger and the Covenant Tradition [La source du fédéralisme : Heinrich Bullinger et la tradition de l’alliance], Louisville, Kentucky, Westminster/John Knox Press, 1991, p. 101-138.
3. Cinq Décades qui sont cinquante sermons… contenant les principaux points et lieux communs de la religion chrétienne, Genève, Michel Blanchier, 1564, 733 pages. The Decades of Henry Bullinger, Cambridge, 1849-1852 : The First and Second Decades (1849, 435 pages), The Third Decade (1850, 432 pages) The Fourth Decade (1851, 408 pages), The Fifth Decade (1852, 592 pages). Réimpression moderne : The Decades of Henry Bullinger, Grand Rapids, Michigan, Reformation Heritage Books, 2004, 432 pages (v. 1), 602 pages (v. 2).