Cette fiche de formation a pour sujet les ressemblances et différences de l'homme et de la femme, leur égalité, réciprocité, interdépendance et complémentarité; leur différence de vocation est inscrite dans l'ordre créationnel.

Source: Pastorale de la famille. 9 pages.

Pastorale de la famille (2) - Homme et femme il les créa - Plus semblables et plus différents qu'on le pense

  1. Toujours corriger
  2. L’égalité et la réciprocité
    a. Le désir de l’autre (1 Co 11.11-12)
    b. La réciprocité (1 Co 7.2-5)
    c. La soumission mutuelle (Ép 5.21)
    d. Ni homme ni femme (Ga 3.28)
  3. La différence et la complémentarité
    a. Paul se compare tour à tour à une nourrice et à un père (1 Th 2.7-8)
    b. Dieu, Christ, l’homme, la femme (1 Co 11.3)
  4. Ni hommes ni femmes?

1. Toujours corriger🔗

Il se pourrait qu’au cours de cette étude, quelqu’un éprouve une sorte de vertige. Ce serait peut-être bon signe. Je pense à Jacob qui s’est réveillé après avoir fait un songe, la tête posée sur une pierre, et qui s’est écrié : « Certainement, l’Éternel est en ce lieu, et moi, je ne le savais pas! Il eut peur et il dit : Que ce lieu est redoutable! » (Gn 28.16-17). Je pense aussi à Job qui dit, après que Dieu lui eut révélé la grandeur de sa création et de sa sagesse : « J’ai parlé sans les comprendre de merveilles qui me dépassent et que je ne conçois pas. […] C’est pourquoi je me condamne et je me repens, sur la poussière et sur la cendre » (Jb 42.3,6). Oui, nous pourrions bien avoir le vertige, une fois ou l’autre, en considérant la manière avec laquelle nous avons agi sans prendre conscience de l’importance, de la portée, des conséquences de nos paroles ou de nos actes…

L’apôtre Paul évoque précisément cela au début de sa lettre aux Romains : « Se vantant d’être sages, les hommes sont devenus fous » (Rm 1.22). Il mentionne deux effets de cette folie : la confusion entre le Créateur et la créature (dimension verticale), avec tout ce qui relève de l’idolâtrie (une abomination), et la confusion dans les relations entre hommes et femmes (dimension horizontale), notamment avec l’homosexualité (une autre abomination).

Il vaut la peine de relire ce passage.

« Ils ont changé la vérité de Dieu en mensonge et ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur. C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes : car leurs femmes ont changé l’usage naturel en celui qui est contre nature; et de même, les hommes, abandonnant l’usage naturel de la femme, se sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire que méritait leur égarement » (Rm 1.25-27).

Notons qu’un tel passage permet d’envisager une gradation dans la gravité du péché. Un homme qui couche avec une femme en dehors du mariage commet un péché : il transgresse un principe d’alliance. Mais un homme qui couche avec un autre homme commet un péché plus grave encore : il transgresse un principe créationnel.

Plus l’homme s’éloigne de Dieu, plus il a du mal à imaginer la portée de ce qu’il fait. Nous vivons au milieu d’une génération qui ne considère que ce qui se voit avec les yeux. La Bible nous instruit autrement.

Songez par exemple à ce que dit l’apôtre Pierre :

« Maris, montrez à votre tour de la sagesse dans vos rapports avec vos femmes [dimension horizontale], comme avec un sexe plus délicat1; honorez-les, comme devant hériter avec vous de la grâce de la vie. Qu’il en soit ainsi, afin que rien ne vienne faire obstacle à vos prières [dimension verticale] » (1 Pi 3.7).

« À vos prières », vous avez bien entendu. Cela indique clairement qu’il y a un lien entre la vie du couple et la prière ou le culte!

Ce verset atteste qu’il y a une différence réelle entre l’homme et la femme (en partie mystérieuse, il est vrai, et cela requiert d’autant plus d’attention) et une parfaite similitude (en termes d’espérance, notamment, ce qui n’est pas rien).

Luther a dit : « L’homme est un cavalier ivre : tantôt, il penche à droite, tantôt il penche à gauche, et toujours Dieu doit le remettre en selle. » C’est ce que fait la Parole de Dieu avec nous, en effet, et ce que nous devons faire avec elle (2 Tm 3.16). En l’occurrence, on constate deux dérives opposées et tout aussi graves l’une que l’autre : nier la différence entre l’homme et la femme ou nier leur similitude2. La Bible nous contraint d’affirmer avec une égale force l’importance de la différence et l’importance de la similitude. Cela est porteur de beaucoup d’implications.

Depuis quelques décennies, la mixité est de mise partout, en Occident. On pourrait penser que cela a permis une grande familiarité et une meilleure compréhension entre les sexes. À mes yeux, l’incompréhension demeure très fréquente, source de nombreux dépits, de nombreuses blessures, de nombreuses solitudes.

2. L’égalité et la réciprocité🔗

Commençons par cela, en écho au premier récit de la création (Gn 1). Dieu crée l’homme (Adam) à son image, il le crée homme (ish) et femme (isha). La première page de la Bible affirme d’emblée une égalité d’origine, de nature, de condition et d’honneur entre l’homme et la femme. L’un et l’autre sont créés par Dieu, à sa ressemblance. Après avoir achevé sa création, « Dieu vit tout ce qu’il avait fait; et voici, cela était très bon » (Gn 1.31).

Ainsi, nous savons de manière certaine que l’existence de l’homme au masculin et au féminin n’est en aucune manière le résultat de la chute ou d’une dégradation (Genèse 1 se situe avant l’événement de la chute) : c’est le fruit du dessein parfait de Dieu. C’est donc, normalement, un sujet de joie! En d’autres termes, ce n’est pas la différence entre les sexes qui est source de problèmes, c’est le péché! Il faudra le rappeler souvent.

Il s’agit, en affirmant l’égalité foncière qui existe entre l’homme et la femme, de corriger le défaut qui consiste à accentuer tellement la différence entre eux que cela aboutit à une forme de déshumanisation de l’un ou de l’autre, déshumanisation qui peut se traduire par le mépris, la domination, la manipulation, l’exploitation, l’aversion ou… paradoxalement par une sorte d’adulation, de sublimation, d’idolâtrie. Ces comportements sont malheureusement fréquents, parfois voilés, parfois criants, parfois maîtrisés, parfois pathologiques. Dans tous les cas, ils sont la source de beaucoup de souffrances, que celles-ci soient visibles ou pas.

Cette déshumanisation se traduit de manières diverses, souvent repérables par la place et le contenu des paroles échangées. En effet, l’image de Dieu dans l’être humain est manifestée de manière particulière par l’usage de la parole. Quand un homme et une femme se parlent de manière respectueuse, sensible, responsable, ils se disent l’un à l’autre : Je reconnais en toi une pleine humanité. Certes, tu es un homme ou une femme et je ne te comprends pas toujours aisément, mais en humanité nous sommes égaux, parfaitement égaux. Un homme ne devrait pas parler à son épouse comme on parle à une servante. Nous avons vu cela affirmé clairement par l’apôtre Pierre (1 Pi 3.7) : dans un même verset, il souligne la différence (plus fragile ou vulnérable) et l’égalité (commune espérance)3.

Il faut dire un mot sur la sexualité, elle aussi source de joies, mais aussi de dépits. Je crois que notre époque décomplexée n’a pas forcément résolu la question de la culpabilité liée à la sexualité. Il n’est pas sûr qu’un doute ne subsiste pas à ce sujet, pour plusieurs raisons. On a beau avoir dit que la fonction sexuelle était une fonction ordinaire, purement biologique, je crois que la plupart des hommes (et des femmes) n’en sont pas convaincus. Le caractère « sacré » de ce domaine ne peut pas être aboli si facilement et un doute existe probablement sur l’usage sain qui lui est réservé. Le déferlement de l’immoralité (facilitée par Internet), tout en banalisant ce qui ne devrait pas l’être, crée des consciences et des comportements troublés, parfois pathologiques et portant des fruits amers (Rm 1.27; 2.15)4.

Rappelons que la sexualité en elle-même est voulue par Dieu et donc bonne. Cela n’implique pas que tout usage de la sexualité soit légitime. Dans un cadre sain (c’est-à-dire non seulement dans un couple marié, mais dans un couple marié fidèle et aimant), la sexualité valorise les personnes et renouvelle le lien d’alliance que Dieu a voulu. Dans un cadre inapproprié (hors du couple marié et hors d’un amour fidèle et respectueux), les mêmes gestes risquent de nier la valeur des personnes et donc de blesser au lieu d’édifier5. Puis-je en une phrase rendre attentif à l’importance des mots qu’on échange, pendant la relation sexuelle6?

L’apôtre Paul, que l’on a parfois voulu faire passer pour un misogyne, parle de l’égalité et de la réciprocité de manière non équivoque. Je voudrais évoquer quatre textes dans ce sens.

a. Le désir de l’autre (1 Co 11.11-12)🔗

L’objectif de l’apôtre, en 1 Corinthiens 11, est de rappeler la manière de se conduire dans l’Église. Certains chrétiens s’étaient sans doute imaginé que, puisque « en Christ, il n’y a plus ni homme ni femme » (Ga 3.28), les différences entre les sexes étaient bel et bien abolies dans l’Église7. On entend cela parfois aujourd’hui. Paul rappelle qu’il n’en est rien. Dans sa première lettre aux Corinthiens, il montre que l’ordre de la création demeure8 et que la vocation de l’homme et celle de la femme ne sont pas en tous points identiques et donc pas interchangeables. Son affirmation de la différence est si forte qu’il semble craindre qu’elle soit retenue au détriment de l’égalité. C’est pourquoi aussitôt il rectifie en quelque sorte et rappelle l’égalité. Ce qu’il dit est très beau :

« Toutefois, dans le Seigneur, la femme n’est pas sans l’homme ni l’homme sans la femme. Car de même que la femme a été tirée de l’homme, de même l’homme existe par la femme et tout vient de Dieu » (1 Co 11.11-12).

Paul fait apparaître ici une forme de symétrie dans l’interdépendance. Chacun a besoin de l’autre, c’est inscrit dans la profondeur de l’être, c’est la source du désir, de la fragilité et de la joie dans la rencontre. Que dit l’apôtre encore? Pour la femme, il se réfère au deuxième récit de la création : elle a été tirée du côté de l’homme. N’est-ce pas ce qui explique son désir de trouver son repos sur l’épaule d’un époux, à ses côtés, près du lieu d’où elle a été tirée? L’origine de l’homme est d’un autre ordre : chaque naissance la rappelle, car tout homme est né d’une femme. N’est-ce pas ce qui explique cette sorte de fascination que l’homme peut avoir pour le sexe féminin, ce lieu mystérieux par où il a été introduit dans le monde? La symétrie n’est pas parfaite (la création originelle et chaque naissance, l’épaule et le sexe), mais l’interdépendance et la réciprocité, elles, sont indiscutables.

b. La réciprocité (1 Co 7.2-5)🔗

La réciprocité dans le cadre du couple est clairement affirmée dans la première lettre aux Corinthiens au chapitre 7.

« Pour éviter le désordre, que chacun ait sa femme et chaque femme son mari. Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari. La femme n’a pas autorité sur [ne dispose pas de] son propre corps, mais c’est le mari; et pareillement, le mari n’a pas autorité sur [ne dispose pas de] son propre corps, mais c’est la femme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour un temps, afin d’être disponibles pour la prière; puis retournez ensemble » (1 Co 7.2-5).

Cela a été écrit il y a 2000 ans9. Ici, la symétrie et la réciprocité sont parfaites. Cette égalité dans la dépendance mutuelle rend possible et même nécessaire la réciprocité qui est mentionnée à plusieurs reprises.

c. La soumission mutuelle (Ép 5.21)🔗

Nous sommes ici dans le cadre de l’Église. Au chapitre 5 de la lettre aux Éphésiens, juste avant le rappel des engagements spécifiques de l’homme et de la femme dans le couple, Paul écrit : « Soumettez-vous les uns les autres dans la crainte de Christ » (Ép 5.21). L’expression « les uns les autres » comprend les hommes et les femmes. Cela nous dit que la pensée ou la volonté de Dieu peuvent se dévoiler au travers des paroles d’un chrétien ou d’une chrétienne et qu’il revient à chacun, à tout moment, de la discerner et de la recevoir. La Bible ne fait jamais de la femme un être mineur spirituellement. Cela n’est pas contredit par le fait que la femme devrait avoir la tête couverte quand elle prend la parole dans l’Église (1 Co 11), et qu’il ne lui est pas permis de prendre autorité sur l’homme (1 Tm 2).

d. Ni homme ni femme (Ga 3.28)🔗

Pour ce qui est de l’égalité — et donc de la réciprocité ou de la soumission mutuelle —, il convient de rappeler la parole de Paul déjà citée : « En Christ, il n’y a ni homme ni femme » (Ga 3.28). Cela ne concerne pas tous les domaines (puisque des prescriptions spécifiques sont également données aux hommes et aux femmes), mais tout particulièrement le domaine de la vie spirituelle : pour ce qui est du péché, de la grâce, de la foi, de l’accès à Dieu dans la prière, de l’amour, de l’Esprit, des dons de l’esprit, de l’espérance… il n’y a aucune différence entre l’homme et la femme. Le plus utile sera celui ou celle qui est le plus fidèle. Et celui ou celle qui, en définitive, aura la plus grande autorité sera celui ou celle qui vivra la plus grande soumission à Dieu!

3. La différence et la complémentarité🔗

Nous l’avons dit : aussi grande que soit l’égalité entre l’homme et la femme (en un sens, elle est totale), elle n’abolit pas la différence qui demeure entre eux. Cette différence, sur la terre, est irréductible, comme est irréductible la différence entre l’homme et Dieu10. Elle reflète, nous l’avons dit, quelque chose qui est en Dieu. Elle est donc riche et belle. Elle est simplement, comme tout ce qui a été créé, perturbée par les effets du péché dans les cœurs (Gn 3.16). Il faut le redire : le problème n’est donc pas la différence entre l’homme et la femme, le problème c’est le péché!

Cette différence fait l’objet de nombreuses recommandations dans l’Ancien Testament. Ainsi, l’homosexualité est-elle regardée comme « une abomination » aux yeux de Dieu, au même titre que l’idolâtrie (Lv 18.22, 26-30)11. L’altérité homme-femme dit quelque chose, nous l’avons vu, de l’altérité homme-Dieu12.

Cette différence, cette répartition de la richesse qui est en Dieu entre les hommes et les femmes, correspond à des vocations différentes et complémentaires. Il ne s’agit pas ici de forcer le trait en accentuant exagérément la différence (chez nous, on dirait : papa gronde et maman fait les câlins). Cela ne serait pas juste. Il n’empêche — et dans ce domaine beaucoup de psychologues confirment les données bibliques — que l’homme et la femme portent en eux (ou reçoivent de Dieu) des mandats différents et complémentaires.

Au sujet de la différence et de la complémentarité, je cite deux passages de l’apôtre Paul.

a. Paul se compare tour à tour à une nourrice et à un père (1 Th 2.7-8)🔗

Il écrit d’abord :

« De même qu’une nourrice prend un tendre soin de ses enfants, nous aurions voulu, dans notre vive affection pour vous, non seulement vous donner l’Évangile de Dieu, mais encore nos propres vies, tellement vous nous étiez devenus chers » (1 Th 2.7-8).

Ce passage nous instruit sur l’amour de Dieu qui ressemble à celui d’une mère. Beaucoup de passages bibliques parlent de la tendresse de Dieu, de sa compassion, de ses entrailles qui s’émeuvent. Le Psaume 103 évoque la compassion de Dieu (v. 13). Le mot compassion, en hébreu, désigne les entrailles maternelles (ou l’utérus!) ou le sein qui se penche vers l’enfant. Le prophète Ésaïe parle très précisément dans ce sens (És 49.15; 66.13).

Ce passage nous instruit sur l’amour que la mère porte à son enfant comme à une partie d’elle-même. La mère a nourri son enfant dans son ventre, elle l’a nourri avec ses seins : son corps même est constitué pour cela, quand bien même elle n’aurait pas d’enfant. Jamais un homme ne vivra cela. Ce passage nous parle ainsi du mandat que Dieu donne aux mères, mandat magnifiquement résumé par cette parole de Luther : « C’est Dieu qui lange l’enfant et lui donne la bouillie; mais il le fait par les mains de la mère. »13 La société occidentale ne valorise pas spécialement ces gestes; elle le devrait. Ce passage nous parle très précisément de l’attitude du berger qui pourvoit, qui prend soin, qui regarde son troupeau comme étant aussi précieux que lui-même.

Paul nous fait savoir que son ministère d’apôtre, et après lui celui des pasteurs et des diacres, consiste à prendre soin de la part de Dieu à la manière d’une mère dévouée. L’expression « prendre soin » ne traduit pas toute la vocation pastorale, mais elle en désigne une composante importante. C’est par excellence la vocation des diacres, que ce soit dans le soutien aux ministères pastoraux ou dans le soutien aux membres les plus fragiles de l’Église.

Ce même passage nous dit aussi quelque chose sur la dimension paternelle de l’amour de Dieu, présentée ici sous le registre de l’exhortation, de la prise de responsabilité. Quelques versets plus loin, en effet, le même Paul se compare à un père :

« Vous savez aussi que nous avons été pour vous ce qu’un père est pour ses enfants, vous exhortant, vous consolant, vous conjurant de marcher d’une manière digne de Dieu, qui vous appelle à son royaume et à sa gloire » (1 Th 2.11-12).

La vocation exposée ici n’est pas opposée à la précédente, elle est complémentaire. Les psychologues le disent ainsi : la mère a un amour enveloppant, le père a un amour émancipateur, séparateur, en vue de rendre l’enfant autonome. La maman dit à son enfant : Couvre-toi bien et sois prudent. Le papa dit : Il est grand, il peut le faire tout seul. Chacun comprend que ces deux dimensions sont nécessaires, constructives, et qu’elles ne doivent pas se contrarier mutuellement14. Certes, la mère peut aussi reprendre l’enfant et le responsabiliser! Mais cela ne contredit pas l’existence de vocations spécifiques.

Il me paraît évident que cela a une incidence sur la reconnaissance des ministères dans l’Église. J’en déduis que les diacres ont un ministère de type féminin : pourvoir (Rm 12.13; 2 Co 9.1, 12), même si des hommes y sont engagés. J’en déduis que le ministère pastoral (pasteurs et anciens) est un ministère de type masculin, même si une part de leur tâche reflète aussi la préoccupation « féminine » de Dieu : consoler, prendre soin. Leur mission spécifique, en effet, est de diriger, ce qui implique l’exercice d’une autorité : dans l’enseignement et pour les décisions importantes.

Ce n’est pas que la femme soit dépourvue d’autorité : celle-ci sera en fonction de la fidélité de sa foi, de la fiabilité de ses conseils, de la maturité de ses jugements. Heureuse l’Église, heureux les hommes qui peuvent écouter les conseils avisés que les chrétiennes auront à formuler. Cependant, la charge de l’autorité dans l’Église est clairement confiée aux hommes15. Paul donne à cela deux raisons qui n’ont rien de culturel (1 Tm 2.12-14) : l’homme a été créé le premier (Gn 2), et la femme a péché en premier (Gn 3).

b. Dieu, Christ, l’homme, la femme (1 Co 11.3)🔗

Ces raisons sont appuyées par d’autres, plus mystérieuses, il faut le dire, mais pas moins importantes. Paul écrit : « Je veux que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme [andros], que l’homme est le chef de la femme et que Dieu est le chef de Christ » (1 Co 11.3). De ce passage, nous comprenons que le mot « chef » n’est pas ici connoté négativement, comme s’il résultait d’une injustice due au péché ou d’une volonté de pouvoir équivoque, puisqu’il est aussi appliqué à la relation en Dieu, entre le Père et son Fils Jésus-Christ. Que nous n’en comprenions pas nécessairement toute la dimension ne peut que nous inciter à la respecter. Nous voyons aussi que, bien que chef, Christ s’est fait serviteur. Paul conclut ce passage ainsi : « Si quelqu’un se plaît à contester, nous n’avons pas cette habitude, non plus que les Églises de Dieu » (1 Co 11.16).

Il serait urgent que de nombreux chrétiens (hommes) puissent faire la démonstration qu’un chef n’est pas un profiteur, et qu’on ne corrige pas ce défaut-là par la passivité. L’image donnée par le passé n’est pas nécessairement remarquable : la domination des seigneurs, des maîtres, du clergé, des maris, des patrons, des instituteurs a été telle, parfois, qu’elle a pu nourrir des sentiments de révolte et de revendication. La réponse à ces déviations est-elle la conquête du pouvoir par les femmes comme on le voit aujourd’hui? Va-t-on corriger un défaut par un autre? Au lieu de parler en termes de pouvoir, il conviendrait de parler en termes de responsabilité et de complémentarité, d’esprit de service.

L’Église peut-elle devenir un modèle à cet égard? Il le faudrait.

4. Ni hommes ni femmes?🔗

Nous avons déjà dit un mot sur cette mention. Certains pourraient se demander, puisque « en Christ, il n’y a plus ni homme ni femme » (Ga 3.28), si l’Église n’est pas appelée à régler la question en devenant une communauté « asexuée » ou en tous points égalitaire. Ce n’est certainement pas le cas.

En rappelant l’égalité de condition entre l’homme et la femme (tous deux créés à l’image de Dieu, pécheurs, au bénéfice de la grâce et du salut, également témoins et serviteurs, etc.) la Bible et l’Église ont une dimension prophétique : dans le Royaume de Dieu accompli, il n’y aura plus ni homme ni femme (Mc 12.25). Mais cette égalité de condition n’abolit pas la différence de vocation inscrite dans l’ordre créationnel qui demeure aujourd’hui.

Aux hommes de l’Église de Corinthe, Paul dit : « Soyez des hommes! » (1 Co 16.13), rappelant qu’il leur revient de démontrer la parfaite compatibilité de la fermeté et de l’amour, à l’image de Christ. Quant aux femmes, leur attitude spécifique est décrite à plusieurs reprises (1 Co 11; 1 Tm 2; 1 Pi 3) et renvoie à la position de l’Église par rapport au Seigneur. Dans ce registre, l’Église et le Seigneur, bien qu’unis, ne sont pas équivalents.

L’esprit de sacrifice qui doit marquer l’attitude des maris (des hommes chrétiens d’une manière générale) rappelle à tous (chrétiens et non-chrétiens) la manière avec laquelle le Seigneur a aimé son Église et s’est livré pour la sauver (Ép 5.25-28).

L’esprit de soumission qui marque l’attitude des épouses (des chrétiennes) rappelle à tous la manière avec laquelle l’Église (hommes et femmes!) répond à l’amour du Seigneur par une soumission paisible et confiante (Ép 5.22-24)16.

Dans les deux cas, il y a un don de soi; mais ils ne sont pas de la même nature. Un des deux serait-il plus aisé à vivre que l’autre? Qui oserait le soutenir! Ainsi apparaît tout à la fois la similitude de ces dispositions de cœur et la nécessité de la foi (le sacrifice est bien une forme de soumission, la soumission est bien une forme de sacrifice) et leur différence : le modèle de référence n’est pas le même.

Ainsi, affirmer l’égalité et affirmer la différence ont-ils l’un et l’autre une dimension prophétique, dès lors que cela est fait et vécu de manière conforme au projet de Dieu.

Il y a une sorte d’intelligence spirituelle ou de discernement qui doivent permettre de comprendre la mesure d’égalité et la mesure de différence qui seront ainsi respectées, selon le Seigneur, avec les implications pratiques qui en découlent. Que ce soit dans le cadre de l’Église ou celui de la maison, ou encore dans le cadre professionnel, elles ne doivent être oubliées ni l’une ni l’autre. Nous n’oublierons pas l’avertissement de l’apôtre Pierre : « Afin qu’il n’y ait pas d’obstacle à vos prières » (1 Pi 3.7).

Notes

1. Le terme grec pourrait se traduire ainsi : qui peut être bousculé plus facilement. Ce verset pourrait paraître étonnant à certains. L’expérience ne montre-t-elle pas — à ceux qui sont attentifs tout du moins — que les hommes sont au moins aussi fragiles que les femmes, que bien des femmes savent se montrer plus résistantes et volontaires que bien des hommes? Retenons néanmoins ce que dit Pierre, sans oublier que la fragilité des hommes est grande elle aussi. Bien des femmes ignorent ce qu’une parole méprisante peut détruire dans le cœur d’un homme.

2. Noter qu’il est également très préjudiciable de nier soit la ressemblance entre l’homme et Dieu, soit la différence. Or, cela arrive constamment.

3. Remarquons (et ce n’est pas un détail) que la fragilité semble avoir un caractère temporel (la condition actuelle; voir Mc 12.24-25) tandis que l’égalité a une dimension d’éternité.

4. Voir le livre de J.-C. Guillebeau : La tyrannie du plaisir (Éditions du Seuil).

5. Je crois que le rapprochement avec les réalités spirituelles est légitime. Invoquer le nom du Seigneur est chose excellente. Mais il ne faut pas le faire « en vain » (Ex 20.7). Prendre le pain et le vin de la Cène est excellent, mais il y a une manière de le faire qui est indigne et qui ne sera pas sans conséquence (1 Co 11.27-32). Il faut « discerner le corps de Christ »; le corps, là, c’est la personne tout entière!

6. Une relation sexuelle sans paroles peut devenir déshumanisante.

7. D’autres avaient imaginé que, dans l’Église, la réalité de certains mariages était devenue obsolète (1 Co 7.12-16).

8. Est-ce seulement l’ordre de la création? Ce passage se réfère aussi au rapport entre le Christ et Dieu (1 Co 11.3).

9. Il y a bien plus longtemps encore, il a été écrit : « Honore ton père et ta mère » (Ex 20.12); et encore : « Écoute, mon fils, l’instruction de ton père et ne rejette pas l’enseignement de ta mère » (Pr 1.8).

10. C’est la raison pour laquelle l’apologie de l’homosexualité est si grave.

11. Il semble juste et important, pastoralement, de distinguer entre l’homosensibilité (crainte du sexe opposé et attirance vers le sexe semblable) et l’homosexualité (qui revendique l’usage de la sexualité entre personnes de même sexe).

12. Voir mon article intitulé Quelques considérations sur l’homosexualité. Sous le régime communiste en URSS, l’abolition de cette différence (la femme étant regardée simplement comme une collaboratrice de l’homme dans l’entreprise) était censée abolir peu à peu la notion de Dieu.

13. Jean Calvin, avec des mots différents, ne dit pas autre chose : « Dieu met l’enfant dans les bras de la mère et lui dit : Prends soin de lui de ma part maintenant. »

14. Une sociologue a fait remarquer qu’aujourd’hui beaucoup d’enfants ont en quelque sorte deux mamans, car les pères (quand ils sont là) s’occupent de leurs enfants… comme des mamans. Ainsi l’enfant, jusqu’à l’âge de 20 ans ou plus, est-il habitué à ce qu’on pourvoie à ses besoins et aura du mal à ce que ce ne soit pas constamment le cas ensuite…

15. Avec les risques que cela implique. Paul demande aux enfants d’obéir à leurs parents, mais il commande aux pères de ne pas irriter leurs enfants (Ép 6.1-4).

16. Cet enseignement démontre l’importance non seulement de se marier entre chrétiens, mais aussi de s’assurer d’une compréhension suffisante de ces vérités. Si un homme ou une femme ont à souffrir de la négligence de leur conjoint, c’est auprès du Seigneur qu’il conviendra de rechercher ce qui manque, plutôt que d’exprimer des reproches.