Ésaïe 11 et Ésaïe 65 - L’interprétation de deux prophéties d’Ésaïe sur les derniers temps
Ésaïe 11 et Ésaïe 65 - L’interprétation de deux prophéties d’Ésaïe sur les derniers temps
Ésaïe 11.6-9
Ésaïe 65.17-25
Ma discussion de la compréhension amillénariste du millénium comprend les sujets suivants : l’interprétation du livre de l’Apocalypse1, l’interprétation d’Apocalypse 20.1-62, un regard sur deux passages de l’Ancien Testament généralement considérés comme prédisant un royaume millénaire terrestre (dans cet article), une brève esquisse de l’eschatologie amillénariste et une déclaration résumant certaines des implications de l’eschatologie amillénariste3.
Il existe une différence fondamentale dans la méthode d’interprétation biblique employée par les prémillénaristes et les amillénaristes. Les prémillénaristes, en particulier ceux de la persuasion dispensationaliste, sont attachés à ce que l’on appelle communément l’interprétation « littérale » de la prophétie de l’Ancien Testament. John F. Walvoord, éminent porte-parole du point de vue prémillénariste dispensationaliste, définit la méthode herméneutique de cette école d’interprétation :
« La position prémillénariste est que la Bible doit être interprétée dans son sens ordinaire, grammatical et historique, dans tous les domaines de la théologie, à moins que des raisons contextuelles ou théologiques ne montrent clairement que ce n’était pas l’intention de l’auteur.4 »
Dans sa discussion de ce principe, Walvoord admet que parfois un passage de l’Ancien Testament contient des indications selon lesquelles certaines parties ne doivent pas être interprétées littéralement, mais figurativement, par exemple, « le sceptre de sa parole » avec lequel il est dit que le Christ frappera la terre en Ésaïe 11.45.
Les amillénaristes, en revanche, croient que, si de nombreuses prophéties de l’Ancien Testament doivent effectivement être interprétées littéralement, beaucoup d’autres doivent être interprétées de manière non littérale6. En théorie, un amillénariste pourrait être d’accord avec la définition de la méthode herméneutique prémillénariste donnée par Walvoord. La différence entre un interprète amillénariste et un interprète prémillénariste apparaît lorsque chacun essaie d’indiquer quelles prophéties doivent être interprétées littéralement et quelles prophéties doivent être interprétées dans un sens non littéral. Sur cette question, il y aura de grandes divergences d’opinions.
Il n’y a pas de place dans ce court chapitre pour approfondir ces différences d’interprétation. Il nous sera cependant utile d’examiner brièvement deux passages de l’Ancien Testament qui sont généralement compris par les prémillénaristes comme illustrant un futur règne millénaire terrestre. Ce faisant, nous verrons que l’interprétation prémillénariste de ces deux passages représentatifs n’est en aucun cas la seule possible.
Examinons tout d’abord Ésaïe 11.6-9 :
« Le loup séjournera avec l’agneau,
Et la panthère se couchera avec le chevreau;
Le veau, le lionceau et le bétail qu’on engraisse seront ensemble,
Et un petit garçon les conduira.
La vache et l’ourse auront un même pâturage,
Leurs petits une même couche;
Et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille.
Le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère,
Et l’enfant sevré mettra sa main dans le trou de l’aspic.
Il ne se fera ni tort, ni dommage
Sur toute ma montagne sainte;
Car la connaissance de l’Éternel remplira la terre,
Comme les eaux recouvrent le fond de la mer. »
Dans la Nouvelle Bible Scofield de 1967, le titre au-dessus d’Ésaïe 11, qui couvre les versets 1 à 10, se lit comme suit : « Le royaume davidique qui sera restauré par le Christ : son caractère et son étendue. » Une note de bas de page au verset 1 indique ceci : « Ce chapitre est une image prophétique de la gloire du futur royaume, qui sera établi lorsque le Fils de David reviendra dans la gloire. » Il est donc évident que la Nouvelle Bible Scofield interprète ce passage comme décrivant la future ère millénaire.
John F. Walvoord, un prémillénariste contemporain représentatif, est d’accord avec cette interprétation du chapitre :
« Ésaïe 11 dépeint l’image saisissante du règne du Christ sur la terre, une scène qui ne peut être confondue avec l’ère actuelle, l’état intermédiaire ou l’état éternel si elle est interprétée dans un sens littéral normal. Tel qu’il est présenté, il décrit la terre millénaire. […] La description [que l’on trouve dans ce chapitre] décrit des animaux tels que des loups, des agneaux, des léopards, des chevreaux, des veaux, des jeunes lions, qui sont tous des créatures de la terre et non du ciel, et les représente en outre dans un temps de tranquillité tel qu’il ne peut s’appliquer qu’à la terre millénaire.7 »
On peut facilement comprendre que, si une personne croit en un futur millénium terrestre, elle verra ce millénium décrit dans ces versets. Une telle interprétation est cependant loin d’être la seule possible. Nous savons que la Bible prédit qu’à la fin des temps il y aura une nouvelle terre (voir, par exemple, És 65.17; 66.22; Ap 21.1). Pourquoi, dès lors, ne pas comprendre les détails de ces versets comme des descriptions de la vie sur la nouvelle terre8? C’est particulièrement probable si l’on tient compte de la vision panoramique que donne le verset 9 : « La connaissance de l’Éternel remplira la terre, comme les eaux recouvrent le fond de la mer. » Pourquoi faudrait-il penser que ces paroles ne s’appliquent qu’à une période de mille ans précédant la nouvelle terre? Ne représentent-elles pas la perfection finale de la création divine?
L’autre passage de l’Ancien Testament que je voudrais citer à ce propos est Ésaïe 65.17-25 :
« Car je crée de nouveaux cieux et une nouvelle terre;
On ne se rappellera plus les événements du début
Ils ne remonteront plus à la pensée.
Réjouissez-vous plutôt et soyez à toujours dans l’allégresse,
À cause de ce que je crée;
Car je crée Jérusalem pour l’allégresse et son peuple pour la joie.
Je ferai de Jérusalem mon allégresse et de mon peuple ma joie;
On n’y entendra plus le bruit des pleurs et le bruit des cris.
Il n’y aura plus là de nourrisson vivant quelques jours seulement,
Ni de vieillard qui n’accomplisse pas ses jours;
Car le plus jeune mourra à cent ans,
Et le pécheur âgé de cent ans sera considéré comme maudit.
Ils bâtiront des maisons et les habiteront;
Ils planteront des vergers et en mangeront le fruit.
Ils ne bâtiront pas des maisons pour qu’un autre les habite,
Ils ne planteront pas pour la nourriture d’un autre;
Car les jours de mon peuple seront comme les jours des arbres,
Et mes élus jouiront de l’œuvre de leurs mains.
Ils ne peineront pas en vain
Et n’auront pas des enfants pour l’épouvante.
Car ils formeront la descendance des bénis de l’Éternel,
Et leur progéniture sera avec eux.
Et alors, avant qu’ils m’invoquent, moi je répondrai;
Ils parleront encore, que moi j’exaucerai.
Le loup et l’agneau auront un même pâturage,
Le lion, comme le bœuf, mangera de la paille,
Et le serpent aura la poussière pour nourriture.
Il ne se fera ni tort ni dommage
Sur toute ma montagne sainte,
Dit l’Éternel. »
Dans la Nouvelle Bible Scofield, le titre au-dessus du verset 17 se lit comme suit : « Nouveaux cieux et nouvelle terre ». L’intitulé des versets 18 à 25, en revanche, est le suivant : « Conditions millénaires sur la terre renouvelée, la malédiction ayant disparu. » Il semblerait que les éditeurs de cette Bible, bien que contraints d’admettre que le verset 17 décrit la nouvelle terre finale, restreignent le sens des versets 18-25 de manière à ce qu’ils ne se réfèrent qu’au millénium qui doit précéder la nouvelle terre finale. Walvoord, de la même manière, comprend Ésaïe 65.17-19 comme décrivant l’état éternel9 et les versets 20-25 de ce chapitre comme décrivant les conditions durant le millénium10.
Une fois de plus, on peut observer que, si quelqu’un ne croit pas à un futur millénium terrestre, il ne sera certainement pas contraint de l’accepter par la lecture de ces versets. Si, par contre, quelqu’un croit en un tel millénium, il peut très bien estimer qu’il est décrit ici. Toutefois, pour ce faire, il devra surmonter un obstacle exégétique assez sérieux.
On ne peut trouver une description du millénium dans ce passage qu’en négligeant délibérément ce que nous trouvons dans les versets 17-18. Le verset 17 parle sans ambiguïté des nouveaux cieux et de la nouvelle terre (que le livre de l’Apocalypse dépeint comme marquant l’état final). Le verset 18 invite le lecteur à « se réjouir et être à toujours dans l’allégresse » — pas seulement pour mille ans — dans les nouveaux cieux et sur la nouvelle terre dont il vient d’être question. Ésaïe ne parle pas ici d’une nouveauté qui ne durera pas plus de mille ans, mais d’une nouveauté éternelle! Ce qui suit au verset 19 est directement lié à ce qui précède : « Je ferai de Jérusalem mon allégresse et de mon peuple ma joie; on n’y entendra plus le bruit des pleurs et le bruit des cris » (voir Ap 21.4). Rien n’indique qu’à ce stade, ou aux versets 18 ou 20, Ésaïe passe soudainement à la description d’une ère millénaire précédant la création des nouveaux cieux et de la nouvelle terre!
Au verset 25, en fait, nous avons une description du monde animal qui nous rappelle l’image de l’état final que l’on trouve dans Ésaïe 11. À la fin de ce verset, nous entendons un écho de ce que l’on trouve dans Ésaïe 11.9 : « Il ne se fera ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte, dit l’Éternel. »11 C’est vraiment une belle description de la nouvelle terre! On n’y verra un millénium que si l’on a préalablement mis ses lunettes millénaristes!
Notes
1. Voir mon article intitulé L’interprétation du livre de l’Apocalypse.
2. Voir mon article intitulé L’interprétation d’Apocalypse 20.1-6.
3. Voir mon article intitulé Une brève esquisse de l’eschatologie amillénariste.
4. John F. Walvoord, The Millennial Kingdom [Le royaume millénaire] (Findlay, Ohio : Dunham, 1959), p. 128.
5. Ibid. p. 130.
6. Voir Martin J. Wyngaarden, The Future of the Kingdom in Prophecy and Fulfillment [L’avenir du royaume dans la prophétie et l’accomplissement] (Grand Rapids, Michigan : Zondervan Publishing House, 1934) pour une explication et une démonstration de la méthode amillénariste d’interprétation des prophéties. Cet ouvrage est particulièrement précieux dans la mesure où il montre comment le Nouveau Testament spiritualise de nombreux concepts de l’Ancien Testament : Sion, Jérusalem, la semence d’Abraham, Israël, le temple, les sacrifices et ainsi de suite.
7. Walvoord, p. 298.
8. Le commentaire de Walvoord selon lequel les animaux mentionnés ici sont des créatures de la terre et non du ciel n’exclut pas la possibilité que ces mots soient une description prophétique des conditions sur la nouvelle terre.
9. Walvoord, p. 325.
10. Ibid. p. 253, 318-19.
11. Notez qu’en Ésaïe 11.9, Ésaïe ajoute la raison pour laquelle « ils ne feront ni tort ni dommage » : « Car la connaissance de l’Éternel remplira la terre, comme les eaux recouvrent le fond de la mer. » Il est certain que cette condition ne sera réalisée que sur la nouvelle terre dans la vie à venir (voir Ap 21.27; 22.14-15). Les derniers mots cités ne peuvent pas être une description du millénium puisque pendant le millénium, selon l’enseignement prémillénariste, il y aura encore des nations désobéissantes qui devront être gouvernées avec une verge de fer.