Ésaïe 55 - Le festin gratuit
Ésaïe 55 - Le festin gratuit
Le monde dans lequel nous vivons nous semble à bien des égards impitoyable, d’une rapacité sans pareille. À tel point que l’on se demande parfois s’il vaut la peine de mettre au monde des rejetons, car à peine les voilà nés qu’ils sont soumis à toutes sortes d’exigences auxquels nul ne les a préparés convenablement. Le tribut réclamé par la société organisée par des hommes pécheurs est exorbitant : droits à payer à une administration vorace pour le simple fait de vivre et de respirer; cotisations de tout ordre, impôts disproportionnés; frais de scolarité inabordables. Sans parler de la contribution financière forcée à l’abominable corruption qui règne dans tant de pays et de régimes dépravés. Là, seul compte le pouvoir despotique soutenu par la force des armes et la terreur quotidienne. Malheur à qui ne se soumet pas aux diktats des autocrates corrompus! Nourrir les gardes prétoriennes, la famille, les concubines et les proches de tels despotes, voilà le sort de populations entières, tentées à leur tour par la corruption généralisée. La richesse sans pareille de certains pays n’existe que pour le bien-être d’une clique ou d’un groupe ethnique donné, jusqu’à ce que la prochaine clique ou le prochain groupe ethnique concurrent l’emporte à son tour. Savez-vous qu’il fut un temps dans l’histoire de France, durant lequel un impôt sur les portes et fenêtres de chaque maison était exigé? Pourquoi ne pas lever un impôt sur le nombre de doigts des mains et des pieds de chaque individu, en s’estimant encore heureux de n’être pas nés avec onze ou douze doigts au lieu de dix?
La Parole de Dieu n’a que très peu de sympathie pour les tyrans et exploiteurs de tous acabits, ainsi que leurs régimes inhumains. Elle est sans appel à leur égard et les invite plutôt à la conversion, à reconnaître que tout homme ou femme que Dieu a placé en position d’autorité a des comptes à rendre au Souverain suprême, au Créateur et au Juge qui juge avec droiture et justice.
Je voudrais vous présenter dans cet article le contraste saisissant qui existe entre le Dieu souverain et miséricordieux et les hommes rapaces ainsi que leurs sociétés qui dévorent le bien des uns et des autres. Nous lisons ces paroles dans le chapitre 55 du livre du prophète Ésaïe, dans l’Ancien Testament :
« Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau! Et même vous qui n’avez pas d’argent, venez, achetez et mangez! Venez acheter sans argent, oui sans paiement, du vin et du lait! Pourquoi dépensez-vous votre argent pour payer ce qui ne nourrit pas? Pourquoi travaillez-vous pour une nourriture qui ne rassasie pas? Écoutez, oui écoutez-moi, alors vous mangerez ce qui est bon, vous vous délecterez d’aliments savoureux. Tendez l’oreille, venez à moi, écoutez-moi, et vous vivrez. Car je conclurai avec vous une alliance éternelle, celle que dans ma bienveillance et ma fidélité j’ai promise à David. Voici, j’ai fait de lui un témoin pour les peuples, un chef pour commander aux peuples. Oui, tu appelleras une nation que tu ne connais pas; et à cause de moi, moi, l’Éternel, ton Dieu, moi, le Saint d’Israël, une nation qui ne te connaît pas va accourir vers toi. Tournez-vous donc vers l’Éternel, tant qu’on peut le trouver. Adressez-vous à lui tant qu’il est proche! Que le coupable abandonne sa voie, et l’homme malfaisant ses mauvaises pensées! Et qu’il revienne à l’Éternel qui aura compassion de lui, à notre Dieu qui lui accordera un pardon généreux » (És 55.1-7).
Une invitation à un banquet, à un festin, voilà de quoi il s’agit dans le passage de l’Écriture sainte que nous venons de lire. Mais il ne s’agit pas de n’importe quel festin, car l’hôte qui invite n’est pas n’importe qui et, de plus, il ne réclame pas à ses invités un prix exorbitant pour leur participation : bien au contraire, il offre gratuitement. Ce n’est pas que ceux auxquels il s’adresse soient nécessairement exploités par d’autres, mais qu’ils le soient ou non, ils n’ont jusque là pas trouvé satisfaction dans ce qu’ils ont acheté. Ils ont dépensé en vain le peu qu’ils avaient, et ils sont restés sur leur faim. Ils se sont échinés en vain. Pourquoi? Parce qu’ils n’ont pas trouvé le dispensateur suprême de tous biens, celui qui seul peut rassasier. Et voilà, c’est lui en personne qui leur adresse maintenant cette invitation exceptionnelle. Ce qu’il leur demande, c’est de tendre l’oreille, d’écouter sa Parole. Et ils vivront…
Ce Dieu parle en termes d’alliance, c’est-à-dire d’un accord fondé sur des promesses mutuelles. Mais c’est lui qui instaure une telle alliance. Et la vie qu’il promet, le festin qu’il a préparé, sont pour tous ceux qui rentrent dans cette alliance. Un seul mot peut caractériser cette alliance : le mot « grâce ». Car comment décrire autrement un tel accord, un tel traité qui nous invite, vous et moi, à avoir part à un tel festin, sans rien débourser? Qui plus est, ce festin est ouvert à toutes les nations, tous les peuples. Ce passage de la Bible a bien été adressé au peuple d’Israël en premier lieu, mais il déclare sans ambiguïté que tous les peuples, et pas seulement Israël, seront les bienvenus dans l’alliance conclue par Dieu. Écoutez à nouveau les paroles de l’Éternel : « Oui, tu appelleras une nation que tu ne connais pas; à cause de moi, moi, l’Éternel ton Dieu, moi, le Saint d’Israël, une nation qui ne te connaît pas va accourir vers toi » (És 55.5).
Ainsi donc, nous pouvons nous sentir directement concernés par une telle invitation. Elle nous parvient depuis une époque très ancienne, mais elle reste toujours valable. Pourtant, cette invitation ne saurait durer indéfiniment. Il y a urgence à l’accepter, car qui sait si le temps ne viendra pas où la possibilité d’entrer dans cette alliance ne nous sera pas retirée? Au verset 6, nous lisons : « Tournez-vous donc vers l’Éternel, tant qu’on peut le trouver. Adressez-vous à lui tant qu’il est proche! » Nous vivons le temps où le Seigneur est proche, où sa Parole nous est connue, proclamée. Ceci est un appel dramatique. Quelle inconscience de s’en détourner, de refuser d’entrer dans la seule alliance qui offre la vie!
Mais le Seigneur n’accepte pas non plus les hypocrites dans son alliance. Un changement de vie est nécessaire : « Que le coupable abandonne sa voie, et l’homme malfaisant ses mauvaises pensées! Et qu’il revienne à L’Éternel qui aura compassion de lui, à notre Dieu qui lui accordera un pardon généreux » (És 55.7). Certes, la vie promise en abondance dépend du pardon offert par Dieu, et les bienfaits dont il est question dans le festin ont trait à la réconciliation que Dieu instaure.
La Bible reprend le thème du banquet à plusieurs reprises. La moindre n’étant pas la parabole du festin que Jésus raconta à l’un de ses hôtes, un des dirigeants du parti pharisien qui l’avait invité à un repas chez lui, un jour de sabbat. Je citerai cette parabole telle que l’évangéliste Luc nous la rapporte :
« Un jour, un homme avait organisé une grande réception. Il avait invité beaucoup de monde. Lorsque le moment du festin arriva, il envoya son serviteur dire aux invités : “Venez maintenant, tout est prêt”. Mais ceux-ci s’excusèrent tous l’un après l’autre. Le premier lui fit dire : “J’ai acheté un champ et il faut absolument que j’aille le voir. Excuse-moi, je te prie.” Un autre dit : “Je viens d’acquérir cinq paires de bœufs et je m’en vais les essayer. Excuse-moi, je te prie”. Un autre encore dit : “Je viens de me marier, il m’est donc impossible de venir.” Quand le serviteur fut de retour auprès de son maître, il lui rapporta toutes les excuses qu’on lui avait données. Alors le maître de la maison se mit en colère et dit à son serviteur : “Dépêche-toi! Va-t’en sur les places et dans les rues de la ville et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles, les paralysés…!” Au bout d’un moment, le serviteur vint dire : “Maître, j’ai fait ce que tu m’as dit, mais il y a encore de la place.” Eh bien, lui dit le maître, va sur les chemins, le long des haies, fais en sorte que les gens viennent, pour que ma maison soit pleine. Une chose est sûre : pas un seul des premiers invités ne goûtera à mon festin » (Lc 14.16-24).
Voyez-vous, cette parabole se situe en droite ligne de la prophétie d’Ésaïe que j’ai déjà citée : le festin dont il s’agit ici est donné par le même Maître, le Seigneur tout-puissant. Il est urgent de répondre à l’invitation dès que nous la recevons, autrement nous en serons définitivement exclus. Mais lorsque nous sommes à l’écoute de l’Évangile, il devient clair aussi que la réconciliation et la communion avec Dieu qui sont incluses dans la parabole du festin sont dues à la personne et l’œuvre de Jésus-Christ lui-même. C’est lui qui nous invite à participer au repas de la sainte Cène où le pain et le vin qu’il nous offre sont les symboles de son corps et de son sang, c’est-à-dire sa vie même donnée pour nous, afin qu’étant greffés en lui par la foi, nous ayons accès à sa vie et possédions ainsi la vie éternelle. Et ce repas de la sainte Cène est déjà, pour ceux qui croient, l’expression d’une communion restaurée entre Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit. C’est l’image réelle du banquet auquel nous sommes tous conviés, durant lequel nous jouirons d’une communion parfaite avec le Maître, Dieu en personne.
Tout à fait à la fin du Nouveau Testament, au livre de l’Apocalypse, la promesse et l’invitation à boire l’eau gratuite dispensée par Dieu sont réitérées par deux fois :
« Alors celui qui siège sur le trône déclara : Voici que je renouvelle toutes choses. Il ajouta : Écris que ces paroles sont vraies et entièrement dignes de confiance. Puis il me dit : C’en est fait! Je suis l’Alpha et l’Oméga, le commencement et le but. À celui qui a soif, je donnerai, moi, à boire gratuitement à la source d’où coule l’eau de la vie. Tel sera l’héritage du vainqueur. Je serai son Dieu et il sera mon fils » (Ap 21.5-7). « Que celui qui a soif vienne. Que celui qui veut de l’eau de la vie la reçoive gratuitement » (Ap 22.17).