Amos 4 - Des femmes et des vaches
Amos 4 - Des femmes et des vaches
« Écoutez cette parole, vaches de Basan qui êtes sur la montagne de Samarie, vous qui opprimez les indigents, qui écrasez les pauvres et qui dites à vos maris : Apportez, et buvons! Le Seigneur, l’Éternel, l’a juré par sa sainteté : Voici : les jours viendront pour vous où l’on vous enlèvera avec des crochets, et votre progéniture avec des harpons; Vous sortirez par les brèches, chacune devant soi, et vous vous jetterez dans la forteresse, — Oracle de l’Éternel. »
Amos 4.1-3
Nous avons constaté la rudesse, l’extrême véhémence avec laquelle le prophète Amos s’adresse à ses concitoyens. Il n’avait pas épargné les étrangers; il n’épargnera pas non plus les siens. S’il n’a pas ménagé les hommes, il n’a aucune raison d’user de mesures de clémence envers les femmes. Elles ne bénéficieront pas de traitement de faveur.
Le même discours sévère, au langage peu raffiné, accablera celles-ci. Toutes ces dames de la haute classe, maîtresses de grandes maisonnées, matrones imposantes, épouses de dignitaires ou encore élégantes courtisanes, se voient comparées… aux vaches de Basan. On ne peut vraiment pas dire qu’Amos tente de leur plaire!
Connaît-on suffisamment d’où nous vient l’idée moderne de la femme? Certains historiens nous rappellent qu’elle remonte à la Renaissance, qui a redécouvert la civilisation classique grecque, dans laquelle la femme jouissait de fort peu de considération et restait enfermée dans le rôle de maîtresse de maison et de reproductrice.
Au 17e siècle, cette idée prit les couleurs du temps et on assista à la naissance de la femme-poupée, de la femme-ornement, celle que l’on appelle aujourd’hui la femme-objet. On croit lui donner une place d’exception, mais en réalité, elle finit par être considérée comme une créature inférieure à l’homme. L’idée de la femme, à la Renaissance et aux Lumières, est due à une évolution régressive.
Cela explique la prise de conscience des femmes modernes et leur violente réaction, prenant parfois des formes aberrantes, contre les injustices dont elles ont été victimes. Et qu’on ne prenne pas, de grâce!, la « tradition judéo-chrétienne » comme bouc émissaire… Car avant le siècle dit « des Lumières » et même avant la Renaissance, les femmes occupaient une place éminente dans la société occidentale et, dans bien des domaines, étaient les égales des hommes.
La révolution moderne s’est déclenchée selon le modèle de toutes les révolutions, c’est-à-dire que lorsque l’ordre initial de la création est ignoré ou encore ouvertement bafoué, il y a sans faute bouleversement et processus régressif, parfois même un désordre épouvantable, chaotique. Il n’y a que la révélation biblique qui accorde à la femme sa place véritable et sa dignité, une dignité que rien au monde ne peut lui ôter, parce qu’elle lui a été accordée par le Créateur en personne.
Mais revenons au traitement de choc que le prophète-berger inflige aux femmes de son pays. Nous serions bien injustes de le considérer comme un affreux misogyne. En tout cas, il n’y aura pas de discrimination dans son discours. Chacun aura la part qui lui revient dans l’oracle du porte-parole divin lorsqu’il dénoncera le déclin et même la disparition de toute éthique personnelle, familiale et nationale. Déclin dont les femmes de la bourgeoisie de l’époque n’étaient pas innocentes, car l’iniquité ne se manifestait pas seulement sur la place publique; elle prenait naissance à l’intérieur des foyers avant de se déverser à l’extérieur comme un torrent aux flots pestilentiels, empoisonnant la vie sociale, politique et religieuse.
Les hommes commettaient des actes immondes, mais les femmes n’étaient pas meilleures. Au lieu d’œuvrer pour restreindre leur passion à faire le mal, elles encourageaient leurs mâles sur cette voie et devenaient les complices et même les instigatrices de leur oppression sur les pauvres.
Sur leurs instances, on vendait le déshérité pour le prix d’une paire de souliers. Véritables hyènes plutôt que vaches flegmatiques, habituées au luxe, elles menaient grand train de vie au mépris de toute décence, quel qu’en fût le prix. C’est pourquoi Amos les compare aux grasses vaches de Basan, l’une des régions les plus fertiles du pays. Dans ces riches pâturages, on y élevait du beau bétail, et le prophète compare cette abondance à celle dans laquelle évoluaient les femmes d’Israël. Pourtant, elles ne s’en contentaient pas. Plus elles possédaient, et plus elles voulaient posséder. Depuis la nuit des temps, tout le monde sait que si l’argent ne fait pas le bonheur, il peut rendre la vie plus facile et agréable. C’est là une philosophie pragmatique et universelle…
L’abondance vaut mieux que la disette, bien sûr. Malheureusement, cette profession de foi terre à terre accompagne la plupart des êtres humains tout au long de leur brève existence et les pousse à consommer toujours plus; en un mot, à tenter de combler le vide d’existences semblables au tonneau des Danaïdes.
Ainsi, derrière la scène publique, on devinait une force motrice : celle des femmes, de ces « vaches de Basan » consommant toujours davantage sans être jamais rassasiées. Combien souvent les doigts subtils et malfaisants d’une femme tirent les ficelles des intrigues!
En tout cas, les abondants pâturages de ces « vaches-là » portaient le triste nom d’oppression, de violence, de vol, d’intrigue et de rapine. Elles embellissaient leurs corps, mais nourrissaient leurs âmes de bassesse et d’iniquité. Intrigantes, vouées au mal, destructrices de foyers, elles sapaient la société et précipitaient ainsi la fin d’une époque.
La dégénérescence ne s’arrête jamais à mi-chemin, car on ne se gorge pas impunément d’injustice et d’immoralité. Celles-ci avaient atteint et ravagé le foyer, où l’homme aurait dû tenir le rôle de chef et de serviteur de la justice. Mais ces hommes qui se disaient fils d’Abraham, et par conséquent hommes libres, étaient devenus les esclaves du mal, auquel venait s’ajouter celui de leurs mégères d’épouses, qui devaient avoir comme patronne Jézabel la perverse, dont elles suivaient fidèlement les traces.
Amos ne peut que leur promettre des temps durs, un jugement d’une rigueur extrême. Ces femmes seront attrapées, dit-il, comme le poisson est attrapé à l’hameçon. À la fin, leur intelligence même, brillante, mais malfaisante, causera leur perte. L’amour sans bornes ni mesure de la richesse conduit inévitablement à l’injustice et la luxure, et celles-ci finissent toujours par amener une ruine totale et définitive sur les sociétés et les nations. Aux années fastes de vaches grasses, trop grasses, succèdent inexorablement les années néfastes des vaches maigres. Le désastre prédit par Amos sera tel que, lors du siège de la capitale, les femmes trouveront à peine une petite brèche pour s’échapper. Au séjour dans des palais luxueux suivront des années d’exil dans la honte et dans l’humiliation, sous un joug impitoyable.
Mais n’y aurait-il que des « vaches de Basan » dans le vaste monde, ou encore des femmes-poupées à la mode du 18e siècle? D’où la question que se posent encore beaucoup d’hommes, jadis et aujourd’hui. Quelle sera la femme à laquelle nous allons lier notre existence? Sera-t-elle un ange ou la mégère qui nous brûlera à petit feu ou nous entraînera dans le mal?
Nous savons que l’histoire de notre monde a été écrite en grande partie par des femmes et que beaucoup d’actions d’hommes n’ont été inspirées et entreprises que sous leur impulsion. Elles n’ont pas toutes été des Dulcinées sorties du cerveau rêveur du Don Quichotte de la Manche. Pas plus que des Jézabel, Dieu en soit loué…
Nous avons connu des mères dévouées et généreuses, des femmes chastes et fidèles, des célibataires se dévouant à des causes justes et bonnes; il y a tant de femmes qui nous inspirent du respect, de l’estime et une reconnaissance bien mérités. Pensons seulement à cette vierge galiléenne, Marie, que le Seigneur choisit pour être la mère de son Fils incarné. Pensons aussi à Monique, la mère du grand docteur de l’Église Augustin, qui pria pour la conversion de celui-ci sans jamais se décourager durant de si longues années. Pensons encore, plus près de nous, à Florence Nightingale, surnommée « l’ange des prisonniers », qui fit tant pour améliorer le sort de ceux-ci après s’être dévouée aux blessés de la guerre de Crimée. Sans parler de tant et tant de femmes qui ont donné leur vie au service du Seigneur dans les champs de mission. Sans ces figures lumineuses, l’histoire n’aurait pas été la même.
Et quel honneur pour nous si nous avons trouvé une épouse semblable à celle décrite dans les pages du livre des Proverbes : son mari « peut avoir confiance en elle », tant sa rigueur morale, pratique et religieuse est grande. Non seulement elle est capable de diriger sa maisonnée, mais encore d’administrer avec compétence les affaires extérieures au foyer. Elle « s’occupe de ses vignes » comme le ferait un vigneron expérimenté; bonne envers sa famille, elle ouvre sa bouche avec sagesse, et dans sa langue se trouve la règle de la bonté. Si la légèreté du langage et la paresse sont un luxe que s’offrent les irresponsables, la femme vertueuse, elle, « ne mange pas le pain de la paresse ». Elle n’est ni une femme-objet ni une éternelle mineure comme dans la civilisation gréco-romaine, mais la femme forte selon l’Écriture. « Ses enfants se lèvent et l’appellent bienheureuse. » Son mari la loue sans cesse.
Qui ose soupçonner la Bible de misogynie? Qui ose en accuser Amos? S’il traita les femmes de son peuple et de son temps comme il le fit, n’était-ce justement que parce qu’il avait une idée plus noble de la femme? La femme selon la Bible vit pour servir Dieu et pour veiller et prendre soin de ceux qu’il lui a confiés. Elle est l’aide et la partenaire de son mari. Sarah, Rébecca ou Rachel ont les mêmes prérogatives que leurs illustres époux. Mais c’est le Christ qui réhabilitera entièrement la femme, tombée sous le joug d’une religion légaliste et oppressive.
Dans ses rencontres, il apportera la libération et rendra la dignité aux opprimés et méprisés qui le reconnaîtront comme Sauveur; parmi ceux-là, il y aura beaucoup de femmes. Il n’est donc pas étonnant que celles-ci aient été parmi les premières à le suivre et, au moment suprême de sa mort, à se tenir près de la croix lorsque même les disciples l’avaient abandonné.
L’historien allemand Ethelbert Stauffer a écrit à ce sujet une page admirable :
« Il existe, dit-il, de nombreuses statues de femmes patriciennes à Rome, assises avec une majesté inimitable. La femme orante de la Vigna Massino est aussi une femme du monde, ainsi qu’en témoignent les habits qu’elle porte. Pourtant, elle n’a pas été immortalisée dans le marbre. Ses traits ont été dessinés dans une fresque qui orne les murs d’une catacombe. Elle avait été chassée des palais patriciens de la capitale pour mener une vie d’étrangère et de pèlerine. Ses traits sont ceux d’une femme ayant été soumise à l’interrogatoire et même à la torture. Visiblement, elle souffre moralement. Elle est littéralement devenue ce que saint Paul appelle “les balayures du monde”. Pourtant, d’elle se dégage aussi une impression de force. Quoiqu’ayant souffert des choses inouïes, cette force se reflète sur son visage. La raison en est que le Christ l’a conquise et émancipée. »
À moins que Jésus-Christ ne prenne le contrôle de notre vie, tous, hommes et femmes, nous savons que l’Adversaire de toujours, qui cherche à séparer l’homme de Dieu, parvient, ce faisant, à séparer aussi l’homme de la femme. Or, la femme croyante est cohéritière du salut, ainsi que l’écrivait saint Pierre. Elle peut écouter le Christ, qui l’appelle tout aussi bien que son compagnon de sexe masculin. En Christ, elle sera pleinement femme, telle que Dieu l’a voulue dès le début.