Anesthésié
Anesthésié
Je ne me souviens pas combien de fois j’ai été anesthésié, que ce soit sur la chaise du dentiste, dans la salle d’opération ou pour la redoutable colonoscopie. En ce qui me concerne, je peux dire que je suis heureux d’avoir été anesthésié dans chacun de ces cas. Après la piqûre initiale de l’aiguille, je ne ressentais plus aucune douleur, je n’avais plus aucune sensation. Je suis reconnaissant que des substances anesthésiantes soient offertes à des gens comme moi qui n’apprécient pas particulièrement la douleur.
La Bible nous met en garde contre ceux qui s’anesthésient eux-mêmes à tort… avec l’alcool ou la drogue. Ils deviennent insensibles à leur environnement. Proverbe 23.35 décrit bien ce qui résulte de l’engourdissement à l’alcool : « On m’a frappé… je n’ai pas eu de mal! On m’a battu… je n’en ai rien su! Quand me réveillerai-je?… J’en demande encore! » Ce genre de désensibilisation est un péché.
La Bible nous parle aussi d’un autre type de perte de sensibilité, encore plus grave et envahissant. Certains produits anesthésiants nous font du bien, mais le péché nous mène à la misère. La perte de sensibilité que produit en nous le péché vient de la chute de nos premiers parents. L’ironie dans tout cela, c’est qu’elle est très sélective. Nous devenons insensibles aux choses qui sont pures; par contre, nous estimons souvent que les choses mauvaises sont sensationnelles. Écoutons ce que dit l’apôtre Paul en Éphésiens 4.17-19 :
« Voici donc ce que je dis et ce que j’atteste dans le Seigneur : c’est que vous ne devez plus marcher comme les païens, qui marchent selon la vanité de leur intelligence. Ils ont la pensée obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux et de l’endurcissement de leur cœur. Ils ont perdu tout sens moral, ils se sont livrés au dérèglement, pour commettre toute espèce d’impureté jointe à la cupidité. »
La perte de sens moral ne réfère évidemment pas à une perte de sensibilité à la douleur physique, mais à la perte de sensibilité à la douleur que nous devrions ressentir quand nous péchons. La personne non régénérée pèche sans crainte d’être punie. Le péché a engourdi son cœur à tel point qu’elle ne ressent plus la douleur que devrait susciter le péché en elle.
Les non-croyants sont extrêmement sensibles à l’utilisation des mots « Dieu », « Jésus » ou « Christ », lorsqu’ils sont employés par des chrétiens. Pour eux, c’est intolérable! Par contre, comme ils souffrent de sensibilité sélective par rapport à ce qui est mauvais, ils n’ont pas de problèmes avec des choses telles que les blasphèmes et la pornographie.
Voici donc le problème auquel nous faisons face. Le péché a tendance à se glisser furtivement dans nos vies et à s’y implanter progressivement. Que ce soit à l’épicerie ou dans les bars, on entend partout des vulgarités, des obscénités et des blasphèmes sortir de la bouche des gens. De nombreux programmes télévisés utilisent le nom de notre Dieu saint en vain, sans aucune retenue (par exemple : « Oh, mon Dieu! »). Le problème, c’est que lorsque nous sommes exposés continuellement et partout à ce langage, nous y devenons progressivement insensibles. Ce qui autrefois coupait le souffle aux gens, leur fait maintenant à peine relever les sourcils, ou pire encore, les laisse complètement indifférents, ces comportements faisant maintenant partie de ce qu’ils acceptent. C’est le syndrome du « tout le monde le fait ».
Non seulement vivons-nous dans une société où les paroles ordurières abondent, nous faisons également face à un autre problème qui vient saper la vérité même de la Parole de Dieu. Quand nous voyons des doctrines et des principes moraux pour lesquels les gens étaient autrefois prêts à donner leur vie être maintenant considérés comme acceptables par les chrétiens, nous savons que nous sommes en train de devenir insensibles à la pure Parole de Dieu. La fausse doctrine n’est pas moins péché que le blasphème. Paul a écrit à Timothée :
« Mais l’Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, pour s’attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons, par l’hypocrisie de faux discoureurs marqués au fer rouge dans leur propre conscience » (1 Tm 4.1-2).
Une « conscience marquée au fer rouge » n’a plus de sensibilité à ce qui est vrai ou à ce qui est juste.
Nous entendons parfois dire que « la familiarité engendre le mépris ». Au lieu de tenir en haute estime les doctrines de nos confessions chrétiennes, beaucoup recherchent les nouveautés (voir Ac 17.21). Je me demande si ce n’est pas ce qui est arrivé à certaines des doctrines les plus précieuses de la foi réformée. Les écarts doctrinaux ne nous font plus sursauter d’horreur. La sensibilité à la vérité absolue de la Bible ou à la sainteté absolue de Dieu décline lentement dans la vie de beaucoup de gens qui se laissent désensibiliser par rapport à la Bible pour devenir de plus en plus sensibles à toute nouveauté. Paul nous met en garde contre ceux qui finiront par ne plus supporter la saine doctrine, mais qui auront « la démangeaison d’écouter » des fables et des fausses doctrines (2 Tm 4.3-4).
Dieu seul peut nous donner le bon type de sensibilité. Dieu seul, par la régénération et la sanctification opérées par le Saint-Esprit, peut nous donner un cœur nouveau, un cœur sensible à la présence du Dieu saint et de sa Parole sainte. Joseph, fils de Jacob, vivait dans une terre païenne et il aurait pu simplement suivre le courant, mais il était tellement sensible à la volonté du Dieu saint que, lorsqu’il a été placé devant la tentation de l’adultère, il a dit : « Comment ferais-je un aussi grand mal et pécherais-je contre Dieu? » (Gn 39.9).
Le péché, inné dans le cœur de tout homme, a entraîné de manière universelle un engourdissement du cœur et de la sensibilité par rapport à tout ce qui est pur. Être mort dans ses péchés signifie être mort pour pécher. Être vivant en Jésus-Christ, c’est vivre pour Jésus-Christ et pour sa gloire. C’est seulement par la grâce de Dieu que le chrétien reçoit un cœur nouveau et une vie nouvelle remplis de la connaissance du Dieu saint. Les sentiments ne peuvent jamais remplacer la foi, mais la foi produit en nous des sentiments ou une sensibilité qui nous mènent à désirer que toutes choses soient à la gloire et à la louange de Dieu.
Comme chrétiens, il est parfois bon que notre corps soit anesthésié. L’anesthésie de l’âme, elle, n’est jamais bonne.