Christologie (21) - Le triple office du Christ
Christologie (21) - Le triple office du Christ
- L’office de Médiateur
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Le triple office du Christ
a. Le Christ est Prophète
b. Le Christ est Sacrificateur
c. Le Christ est Roi
Dans la deuxième partie de la christologie, nous parlerons de la nature de l’œuvre du Christ (les offices de Christ), du progrès dans cette œuvre (les états de Christ) et du contenu de cette œuvre (l’établissement du Royaume de Dieu, la réconciliation).
1. L’office de Médiateur⤒🔗
La tâche de Christ est d’être le Médiateur entre Dieu et nous. Christ est appelé le Médiateur d’une Nouvelle Alliance (Hé 8.6 à 9.15). C’est pourquoi cette Nouvelle Alliance est qualifiée de supérieure à l’Ancienne dont Moïse était le médiateur. Christ est le Médiateur entre Dieu et les hommes (1 Tm 2.5). Il unit les deux parties, il enlève la culpabilité séparant l’homme de Dieu. Ce passage de 1 Timothée 2.5, qui parle de l’homme Jésus-Christ le Médiateur, ne veut pas dire que Christ est seulement Médiateur d’après sa nature humaine. Son ministère de médiation se fonde en sa personne. Il ne se trouve pas seulement entre deux parties. Il unit ces parties en sa personne. Le salut avait également son fondement en Christ pendant la période de l’Ancien Testament. En ce sens, Christ était le Médiateur entre Dieu et les hommes avant son incarnation. Alors déjà, il était le garant de l’Alliance parce qu’il s’était obligé volontairement à accomplir l’œuvre médiatrice.
On a souvent dit que l’œuvre médiatrice de Christ est l’accomplissement d’un office, ceci pour exprimer que l’œuvre de Christ est une tâche imposée par Dieu. Son œuvre est soumise à une obligation divine. Cette obligation s’applique à toute la vie de Christ, à son chemin de la souffrance à la gloire (voir par exemple Lc 24.26). Christ a fait une œuvre dont il était chargé par le Père (Jn 4.34; 5.36; 17.4). Son travail consiste en l’accomplissement de la volonté de Dieu (Mt 26.42; Jn 4.34; 5.30; 6.38; Hé 10.7,9). Cette volonté de Dieu envisage le salut de ceux que le Père a donnés à Christ (Jn 6.38-39).
L’idée de l’office de Christ fut empruntée à l’Écriture. Christ a accompli un office parce qu’il n’est pas venu pour faire sa volonté, mais pour faire la volonté de celui qui l’a envoyé.
Selon certains, Christ serait le Médiateur seulement d’après sa nature humaine; ou encore, Christ a emporté la justice divine essentielle en sa nature humaine. Il infuse cette justice par la foi. C’est ainsi qu’il justifie. Cette idée insiste partiellement seulement sur la nature divine dans l’œuvre médiatrice.
2. Le triple office du Christ←⤒🔗
Bien que l’on connaisse déjà avant Calvin l’idée du triple office, c’est surtout le grand réformateur qui lui a assuré une place importante dans la théologie selon laquelle Christ est Prophète, Sacrificateur et Roi. Cependant, il ne faut pas séparer les trois offices de Christ. Il s’agit de trois aspects de sa tâche. Christ n’a jamais été uniquement Prophète, uniquement Roi ou uniquement Sacrificateur. L’œuvre messianique de Christ peut entièrement être décrite comme une œuvre prophétique, entièrement comme une œuvre royale et entièrement comme une œuvre sacerdotale.
En sa qualité de Prophète, Christ nous prêche le salut de Dieu. Il accomplit cela aussi par l’acte de sa souffrance et de sa mort et par son acte de la victoire sur le péché et sur la mort. Christ ne révèle pas seulement Dieu par ses paroles, il le fait aussi par tout ce qu’il fait. Il est la vérité dont il témoigne. Celui qui rejette sa doctrine le rejette lui-même. Ce qu’il dit dépend essentiellement de ce qu’il est. Cela apparaît par exemple dans l’autorité avec laquelle il parle. Il est le Prophète qu’il est en réalité, parce qu’il est le Sacrificateur et le Roi. Toute sa prédication est en rapport avec sa personne. Cela s’applique à sa publication de l’année de grâce (Lc 4.19), mais aussi à sa prédication de la nouvelle justice (Mt 5 à 7) et de son appel à la conversion. Car tout cela est lié au Royaume qui vient en Christ. Christ ne prêche pas une vérité religieuse générale, mais l’Évangile du Royaume. Il se prêche lui-même par ses paroles comme le Roi de ce Royaume. C’est pourquoi Jésus n’est pas seulement un des prophètes. Il est le but et l’accomplissement de toute la prophétie (Mc 14.61-62; Jn 4.19-26; Hé 1.1).
D’autre part, on ne peut pas non plus restreindre l’accomplissement de la tâche de Sacrificateur à une partie de l’activité messianique de Christ. La réconciliation implique nécessairement le message de la réconciliation. Les hommes ne peuvent véritablement être réconciliés avec Dieu sans que Christ prêche la réconciliation. Le ministère sacerdotal de Christ suppose aussi la majesté avec laquelle il fait son œuvre, de sorte qu’il puisse sanctifier pour toujours par un seul sacrifice.
Enfin, la tâche royale de Christ implique aussi que Christ fait connaître la volonté de Dieu (la volonté aussi du salut; Christ est un Roi paternel) et qu’il vainc le péché, la souffrance et la mort.
Aucun acte de Christ ne peut être détaché de sa personne, toujours soumise au triple devoir de révéler le nom de Dieu, d’être péché à notre place et d’établir le Royaume de Dieu. Chaque acte a toujours affaire à la tâche totale de Christ, bien qu’un certain aspect de cette tâche puisse nous apparaître au premier plan. Celui qui considère Christ uniquement comme un Prophète comprendra mal l’œuvre prophétique de Christ.
Cette distinction entre trois points de vue selon lesquels on peut considérer l’office de Christ n’est pas un schéma a priori. Nous parlerons dans les trois paragraphes suivants des passages bibliques qui donnent le droit de parler du triple office. Nous ferons déjà remarquer qu’il n’est pas étonnant que Christ ait exercé justement les trois offices dont Dieu a aussi chargé des hommes pendant la période de l’Ancien Testament. Car l’histoire de l’Ancien Testament est une préparation et une préfiguration de l’œuvre de Christ. L’onction y est une image et une participation à l’Esprit qui sera donné à Christ sans mesure. Le peuple d’Israël a voulu avoir un roi à la manière des païens (1 S 8.5). Mais Dieu a changé le péché du peuple en bien. Il leur a donné un roi qui pouvait être un « type » de Christ. Chaque véritable accomplissement de l’office sacerdotal, royal ou prophétique dans l’Ancien Testament n’est pas seulement une préfiguration de l’œuvre messianique de Christ, il possède également son fondement dans cette œuvre.
a. Le Christ est Prophète←↰⤒🔗
Nous ne traiterons pas ici de l’œuvre du Christ en sa qualité de Prophète. Il s’agit dans ce paragraphe plutôt du fait que la Bible attribue à Christ l’office de Prophète. Christ est explicitement appelé Prophète (Dt 18.15; Ac 3.22-23; 7.37; voir Hé 1.1). Il était personnellement conscient d’être Prophète (Lc 4.43-44; 13.33). Il a été envoyé comme tel par le Père (Jn 3.34; 5.30). Il est venu pour révéler le Père (Jn 1.18; 12.45; 14.9; 17.6). Sa doctrine n’est pas de lui, mais de celui qui l’a envoyé (Jn 7.16; 12.49-50). Il a reçu le Saint-Esprit sans mesure pour accomplir sa tâche.
L’office prophétique continue après son ascension, de même que ses autres offices. Pour cela, il se sert aussi des apôtres, des prophètes, des évangélistes et d’autres ministres qui doivent prêcher l’Évangile en son nom. C’est lui qui appelle ces ministres spéciaux et qui leur donne le Saint-Esprit pour l’accomplissement de leur tâche (Ép 4.11). L’accomplissement de la tâche prophétique implique donc que Christ envoie son Esprit pour conduire ses disciples à la vérité totale. L’Esprit n’enseignera pas une doctrine nouvelle de sorte que son œuvre puisse être considérée comme indépendante de celle de Christ. Il témoignera de Christ, il rappellera ce que Christ a dit et il le fera mieux comprendre (Jn 14.26; 15.26; 16.14). Le contenu de l’enseignement du Saint-Esprit est aussi le salut que Dieu donne en Christ. Christ continue par le Saint-Esprit la prédication du même Évangile. Il s’agit de la continuation du même office prophétique, bien que la prédication après l’effusion du Saint-Esprit soit différente de celle d’avant la résurrection par le fait qu’elle parle maintenant de l’avenir sur la base de l’œuvre déjà accomplie.
Pour continuer la prédication de l’Évangile, Christ ne se sert pas seulement des ministres spéciaux, mais aussi du témoignage de tous les croyants qu’il appelle tous à la prédication de l’Évangile (1 Pi 2.9) et qui reçoivent tous le Saint-Esprit. Christ fait des siens des prophètes, non seulement afin d’annoncer l’Évangile à leur prochain, mais aussi afin qu’ils glorifient Dieu par leur témoignage.
Parmi les opinions contraires, mentionnons les suivantes :
1. Nous devons distinguer entre ce que nous avons dit du ministère spécial dont Christ se sert et l’opinion catholique romaine selon laquelle les ministères terrestres actuels tiendraient la place de Christ et en seraient les vicaires. Ce vicariat n’impliquerait pas le chômage de Christ, mais voudrait dire que l’on n’a pas seulement affaire à des hommes en la personne des ministres de l’Église. Cette identité entre la voix de l’Église (du pape) et celle de Christ serait garantie par la grâce spéciale que Christ aurait accordée aux ministres de l’Église. Aujourd’hui, on aime aussi dire que la vie de Christ se prolonge dans l’Église catholique qui est son corps. Cela n’enlève pas notre objection contre la pensée catholique selon laquelle le pape (ou la totalité des évêques) est le vicaire, le lieutenant de Christ. Cette idée catholique du magistère de l’Église ne peut pas rendre justice à la continuation de l’office prophétique de Christ. Pour la foi réformée, cette continuation implique que chaque prédication, chaque doctrine de l’Église doit reconnaître la normativité de l’enseignement de Christ trouvé dans la Bible. Par sa doctrine de la tradition et de l’infaillibilité du pape, l’Église catholique a privé la norme donnée par Christ de sa force. C’est pourquoi ce qu’elle dit du vicariat du pape est en conflit avec ce que nous disons de la continuation du ministère prophétique de Christ.
2. Nous nous opposons aussi à la conception libérale selon laquelle on pourrait détacher l’Évangile que Jésus a prêché de sa personne. L’école libérale ne reconnaît que l’office prophétique. C’est pourquoi elle a une fausse conception de la prédication de Jésus. Harnack dit par exemple que la personne de Jésus lui-même n’a pas de place dans l’Évangile, parce que Jésus ne voulait pas se prêcher lui-même, mais seulement le Père.
b. Le Christ est Sacrificateur←↰⤒🔗
Christ est aussi venu pour faire œuvre de Sacrificateur. Il est venu pour donner sa vie en rançon pour plusieurs (Mt 20.28; Mc 10.45). Il a reçu de son Père l’ordre de donner sa vie (Jn 10.18). Beaucoup d’autres passages parlent de la souffrance et de la mort de Christ (donc de son œuvre sacerdotale) comme d’une tâche, comme de l’exercice d’un office dont le Père l’a chargé. C’est surtout l’épître aux Hébreux qui appelle Christ explicitement Sacrificateur.
Christ continue actuellement son office de Sacrificateur. Dans ce cas également, la continuation est déterminée par ce qui a déjà été accompli. Christ a amené à la perfection par sa croix une fois pour toutes tous ceux qui seront sanctifiés (Hé 10.14). Le sacrifice accompli par Christ est pour toujours le fondement de la Nouvelle Alliance. Mais cela ne veut pas dire que Christ n’exerce plus sa fonction de Sacrificateur. Comme tel il vit toujours afin de prier pour nous (Rm 8.34; Hé 7.25; 1 Jn 2.1). Christ continue aussi sa tâche sacerdotale par l’effusion du Saint-Esprit. C’est l’Esprit qui fait accepter la croix comme une puissance de Dieu, bien que cette croix semble être une folie pour l’homme naturel (voir 1 Co 1 et 2).
Christ se sert des hommes comme de ses instruments dans l’exercice de son office sacerdotal. Le ministère de la rédemption appartient aussi à l’œuvre de la réconciliation (2 Co 5.19). C’est pourquoi Christ se sert des apôtres, des ministres de l’Église et des croyants en général. Le ministère de la réconciliation peut être accompli par les hommes que Christ a appelés pour ce faire : il consiste en la proclamation de l’œuvre accomplie par Christ (2 Co 5.20). La mort du Seigneur doit être annoncée par l’Église (voir 1 Co 11.26). Il s’agit d’une « anamnesis » (mémoire). Ainsi l’Église n’ajoute rien à l’œuvre de Christ. Il n’y a plus de place pour un sacrifice réconciliant après le sacrifice du Calvaire.
La Bible appelle encore les croyants au sacrifice. On peut dire que le fait que Christ fasse de tous les croyants des sacrificateurs (1 Pi 2.9) doit se manifester par le fait qu’ils offrent tous leur corps à Dieu comme un sacrifice vivant. Ce sacrifice est agréable à Dieu. Mais ce sacrifice n’est pas une offrande de réconciliation. Notre sacerdoce a son fondement dans le fait que nous avons été rachetés par le sang de Christ (Ap 5.9-10). C’est pourquoi Paul nous exhorte par les compassions de Dieu à offrir nos corps comme un sacrifice vivant (Rm 12.1).
L’Église catholique ne rend pas plus justice à l’office sacerdotal de Christ qu’elle ne le fait à l’office prophétique de Christ. Elle considère la messe comme un véritable sacrifice. Sans pouvoir ici traiter profondément de la doctrine de la messe, disons seulement que, selon l’Église catholique, le sacrifice de Christ sur la croix ne serait pas efficace sans que des sacrifices réels et expiatoires aient lieu dans l’Église d’aujourd’hui. Selon la doctrine catholique, le prêtre offre vraiment à Dieu un sacrifice réconciliant. Ainsi sacrifie-t-il ensemble avec Christ. Il s’agit donc ici d’un autre sacrifice que du sacrifice reconnu aussi par nous, c’est-à-dire le sacrifice de la reconnaissance qui a sa base dans l’œuvre parfaite de Christ. La conception catholique contredit ce que l’épître aux Hébreux dit de l’œuvre que Christ a faite une fois pour toutes (Hé 9.12,28; voir 9.25-26; 10.12). L’épître aux Hébreux dit qu’il y a une différence entre le sacrifice de l’Ancienne Alliance et celui de la Nouvelle Alliance, parce qu’il s’agit dans le premier cas d’une offrande qui doit toujours être répétée, tandis qu’il s’agit dans le deuxième cas de l’offrande de Christ accomplie une fois pour toutes.
C’est pourquoi les catholiques essaient de prouver qu’il ne s’agit pas dans la messe d’une répétition ordinaire, d’un sacrifice qui est tout à fait nouveau du point de vue du sacrifice à la croix. Dans ce cas, on parle quelquefois d’identité. Le théologien romain Casel a développé sa doctrine de la représentation sacramentelle ou pneumatique de l’acte sacerdotal de Christ à la croix. Mais cette théorie nouvelle n’enlève rien au fait que la doctrine catholique enseigne que le sacrifice de Christ doit être complété, qu’il doit être rendu efficace par le prêtre d’aujourd’hui. La Bible n’enseigne rien de cela. Elle dit au contraire que le sacrifice de la croix n’a pas besoin de répétition, quelle qu’elle soit.
c. Le Christ est Roi←↰⤒🔗
Christ reçut aussi l’office royal de son Père. Dieu lui a donné le trône de son père David (Lc 1.32). Il devait établir son Royaume. Ce Royaume n’est pas de ce monde (Jn 18.36). Cependant, Christ est un véritable Roi. Il s’appelle Roi déjà avant sa crucifixion (Jn 18.37; voir déjà Jn 1.49; Lc 23.2). Le caractère spécial du Royaume de Christ apparaît par le fait qu’il fonde son Royaume en vainquant le péché et la mort. Les Juifs n’ont pas compris l’office royal de Christ à cause de ce caractère spécial.
Christ continue d’exercer sa royauté dans le ciel. Il a obtenu la rédemption de son peuple pendant son séjour sur la terre. Il maintient et « applique » cette rédemption. Il gouverne son Église par sa Parole et par son Esprit. Il se sert aussi, en sa qualité de Roi, de ministres humains et de tous les croyants. Christ élargit aussi le nombre de ses sujets par sa Parole et par son Esprit.
Par l’accomplissement de sa triple tâche, Christ fait donc de tous les croyants des prophètes, des sacrificateurs et des rois, comme l’homme l’était avant la chute (voir 1 Pi 2.9; Ap 5.9-10). La royauté de Christ lui accorde sa base dans l’œuvre de Christ et doit être exercée par obéissance à lui. Christ veut rendre à l’homme la gloire dont nous parle le Psaume 8. L’homme doit cependant employer sa puissance pour le bien de son prochain et pour l’honneur de Dieu.
La doctrine catholique de l’infaillibilité de l’Église ne rend pas davantage justice à l’office royal de Christ.