Christologie (23) - Les états du Christ
Christologie (23) - Les états du Christ
La théologie luthérienne a été la première à distinguer entre l’état d’humiliation de Christ et son état d’exaltation. Cette distinction a été faite dans le contexte de sa doctrine de la communication des qualités. L’état d’humiliation désigne la période pendant laquelle la communication des qualités était cachée, lorsque Christ s’est entièrement défait des qualités communiquées à sa nature humaine, tandis que l’état d’exaltation commence quand la communication des qualités se manifeste pleinement.
La théologie réformée a adopté la même distinction, en y donnant un autre sens. Elle a suivi l’exemple des luthériens parce que la Bible distingue clairement entre la période de la souffrance de Christ et celle de sa gloire. Christ a subi la colère de Dieu pendant la première partie de l’exercice de son œuvre, tandis qu’il a reçu après l’accomplissement de son œuvre d’humiliation le nom au-dessus de tout nom (Ac 2.31-36; Ph 2.5-11), distinguant clairement entre la période d’humiliation et celle d’exaltation, comme d’ailleurs tous les passages qui disent que Christ doit entrer dans sa gloire après sa souffrance (voir aussi És 53).
En parlant de son état d’humiliation, nous ne signalons pas seulement un progrès biographique. Car le développement de la vie de Christ est déterminé par le progrès de l’œuvre qu’il accomplit pour nous. Nous avons vu1 que l’œuvre de Christ est une œuvre d’obéissance, une œuvre dont le Père l’a chargé. Dans cette partie, nous examinerons le progrès dans cette œuvre, ou encore cette œuvre dans son progrès.
Le progrès dans la vie de Christ est en même temps le progrès sur le chemin qui mène à notre salut. Christ ne peut faire son œuvre céleste qu’après avoir traversé tous les stades de la voie de l’humiliation (Jn 7.39, l’effusion du Saint-Esprit; Jn 12.32, le rassemblement de l’Église). En allant de ce chemin d’humiliation vers l’élévation, il conduit aussi les siens à la gloire (Hé 2.10).
Le fait que l’on parle « d’état » d’humiliation et « d’état » d’exaltation montre qu’il ne s’agit pas simplement d’une division biographique de la vie de Jésus. Le terme « d’état » veut désigner la position de droit que Jésus avait vis-à-vis de Dieu. Il se trouvait d’abord dans la situation d’un coupable, de quelqu’un jugé digne du châtiment de mort. Ensuite, il reçoit la position d’un justifié. Cette position de droit de Jésus est étroitement liée au fait qu’il est notre Sauveur. Car il était chargé de notre punition et il obtint la justification pour nous.
Christ est le Médiateur d’après ses deux natures. Ce n’est pas une nature humaine isolée qui a subi la souffrance. Christ s’est chargé lui-même de notre péché, de notre punition. C’est pourquoi sa nature divine n’est pas sans rapport avec l’humiliation, comme l’exaltation a aussi son importance pour la nature divine de Christ. Nous avons déjà vu que la prise de la forme d’un serviteur impliquait une kénose pour celui qui existait auparavant en forme de Dieu. Il devait renoncer à sa gloire divine, il devait cacher sa divinité (Ph 2.7). La kénose du Fils de Dieu dont nous parle Philippiens 2 veut dire que Christ ne s’est plus servi à son propre profit de sa majesté divine. Il l’a employée uniquement pour nous. C’est pourquoi les miracles et les moments de gloire ne contredisent pas la réalité de la kénose.
L’état d’humiliation a une signification pour la divinité de Christ. La divinité était en état de kénose pendant cette période. Nous avons déjà vu que cela ne signifie pas que Christ n’était plus Dieu pendant cette période. C’est pourquoi la kénose, la dissimulation de la gloire, fut réelle, un acte continué pendant tout l’état d’humiliation. L’exaltation concerne aussi Christ en sa qualité de Médiateur. Elle a donc affaire à sa nature divine. Sa gloire et sa majesté ne sont plus voilées par la forme de serviteur. Christ reçoit maintenant la gloire qu’il avait déjà auprès du Père avant son incarnation (Jn 17.5). La nature humaine participe à cette gloire autant qu’elle en est capable. Christ est publiquement proclamé Fils de Dieu (Rm 1.4). Il reçoit le nom (« Kurios » : Seigneur) qui est au-dessus de tout nom (Jn 20.28; Ac 2.36; 1 Co 12.3; Ph 2.9-11). Christ demeure homme. Cependant, sa nature humaine est glorifiée. L’Esprit vainc la mort en lui (Rm 8.11). Christ vit maintenant par la puissance de Dieu (2 Co 13.4).
Concernant l’exaltation de Christ, on peut parler de la récompense qu’il a méritée par son œuvre pendant l’état d’humiliation. C’est en ces termes que parle l’Écriture (Ph 2.9; Hé 12.2). Mais on ne peut pas détacher la gloire de Christ de la gloire des siens. Il obtient une récompense par l’œuvre qu’il accomplit comme le nouvel Adam en sa qualité de Médiateur. C’est pourquoi la glorification de Christ est d’une valeur immense pour l’Église. La victoire de l’Esprit sur la mort en Christ est un gage de la vivification de nos corps mortels (Rm 8.11), sa résurrection ne peut pas être vue en dehors de celle des siens (1 Co 15.13). Christ n’a pas seulement reçu un « soma pneumatikon » (corps spirituel) comme tous les croyants en obtiendront un (voir 1 Co 15.42-44). La présence du Saint-Esprit en lui est le principe du renouvellement de tout son corps « mystique ». C’est pourquoi Christ est appelé « pneuma zoöpoiôn », un Esprit vivifiant (1 Co 15.45) et que Paul peut écrire que le Seigneur est l’Esprit (2 Co 3.18). L’Esprit habite en Christ et le Seigneur se communique par l’Esprit aux siens comme leur Rédempteur et comme celui qui les renouvelle.
Christ donne la liberté par son Esprit. Il revient au même de dire « le Seigneur nous donne la liberté » ou « le Saint-Esprit nous donne la liberté ». Car le Seigneur glorifié dispose du Saint-Esprit pour libérer les siens du péché et de la mort. « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3.17). L’Esprit qui habite en Christ nous renouvelle d’après l’image de Christ (2 Co 3.18; Ph 3.21).
On peut distinguer entre différents stades sur le chemin que Christ a parcouru pendant l’état d’humiliation. Et ainsi y a-t-il aussi plusieurs stades durant l’état d’exaltation (voir par exemple les stades dont nous parle le Symbole des apôtres). Ces stades sont souvent appelés « les étapes de l’humiliation » et « les étapes de l’exaltation ». Ces différentes étapes ont leur place dans la confession de foi! Il s’agit du Médiateur en train de faire son œuvre.
Note
1. Voir mon article L’obéissance du Christ.