Colossiens 4 - Le don de la grâce
Colossiens 4 - Le don de la grâce
« Que la grâce soit avec vous! »
Colossiens 4.18
Je suppose qu’il nous est arrivé à tous, une fois ou l’autre, soit par discrétion soit parce que nous n’avions plus le cœur à le faire, de ne pas poser la banale et anodine question : « Comment ça va? »
Nous savons qu’il est facile de rassurer un jeune enfant qui s’est écorché le genou en lui disant : « Ça va mon petit, ce n’est rien, ça passera! » On pourrait aussi sans problème rassurer l’ami maladroit qui a renversé sa tasse de café sur votre belle nappe blanche : « Ce n’est rien, ne vous inquiétez pas », lui diriez-vous, n’est-il pas vrai?
Oseriez-vous prendre la même attitude nonchalante auprès d’un ami que vous savez atteint d’une maladie incurable? Ou encore lorsque vous êtes le témoin désolé de la rupture chez ce couple d’amis que vous connaissez depuis plus de vingt ans, dont vous avez vu grandir les enfants et qui passait à vos yeux pour un couple modèle, uni et heureux?
Ce serait de votre part une faute impardonnable que de rassurer l’un et les autres en disant : « Mais ce n’est rien donc, tout s’arrangera! » Lorsque la tragédie met fin à tout espoir de rémission et que l’existence semble réduite à une fatalité inexorable, vous n’aurez pas le cœur — je l’espère tout au moins — d’échanger des banalités qui seraient, dans ces cas, irresponsables.
C’est pourtant une phrase tout ordinaire, que cette salutation biblique : « La grâce soit avec vous! » À la fin de sa lettre adressée à l’Église de Colosses, en Asie Mineure, et en concluant son message, saint Paul salue ses correspondants et signe sa lettre par cette formule de politesse : « La grâce soit avec vous. »
Paul fait de cette simple salutation l’expression d’une réalité nouvelle, l’indicatif d’une vie et des rapports transformés. De banale salutation, elle devenait le mot de passe de la victoire même de Dieu.
Quelle était la réalité nouvelle? Il s’agissait de la simple et salutaire certitude qu’en Jésus-Christ Dieu était venu parmi les hommes. Afin de transformer les pires situations et d’en faire l’occasion inespérée où tout un chacun, touché par la grâce puisse dire : À présent, tout va bien! Jésus de Nazareth est la grâce de Dieu qui redonne vie aux moribonds et courage aux timorés et autres écrasés de la vie. Désormais, dans nos existences fragiles et amèrement frustrées, peut-être même considérées comme un gâchis, on n’entendra plus l’expression triste et résignée : « Ça va comme ci comme ça », mais bien au contraire : « À présent, tout va bien parce que la grâce de Dieu m’accompagne ».
Je ne prétends nullement que la grâce divine va transformer toutes choses comme par art d’enchantement. Ce serait un rêve chimérique que je ne me permettrai pas de vous proposer. Elle n’accorde pas, pas forcément, la rémission d’un mal incurable. La grâce ne relève pas de la magie. Simplement, elle infuse une force nouvelle, de sorte qu’on puisse faire face à l’épreuve et même à la tragédie avec les yeux de la foi, sans gémir ni se résigner, en déclarant : « la grâce est avec moi », voire d’ajouter : « Il fait bon vivre sous le regard de Dieu! »
Examinons à présent les diverses facettes de cette grâce divine.
D’abord le pardon qu’elle signifie. En effet, c’est un véritable cadeau royal que ce pardon qui nous vient du ciel. Tandis que nous faisons le bilan de nos échecs, que nous sommes inconsolables pour les pertes subies ou sommes rongés par le remords qu’engendrent les fautes commises, alors la grâce nous saisit en tant que le pardon inespéré de Dieu. Il se peut que, depuis notre lointaine adolescence, voire préadolescence, notre imagination jeune et fraîche se représentait un avenir lumineux et construisait un monde dans lequel ce qui est beau et vrai allait éclairer les visages, guider les esprits et ranimer les cœurs. Mais combien d’amères déceptions depuis, soit par nos propres fautes soit par celles d’autrui…
Parlons à ce propos du rêve de Dieu, celui qu’il fit pour nous. Il le réalisa en Christ, le Christ qui est la figure humaine du Dieu du ciel! Cet homme né et ayant vécu dans la contrée insignifiante de l’ancienne Palestine, ce travailleur manuel aux mains calleuses, lui dont « les entrailles de compassion », pour utiliser une émouvante expression biblique, furent émues devant la misère des hommes, qui par moments fut emporté par une sainte passion et par une sainte colère contre les hypocrites, qui assista les gens du commun et qui subit une mort infâme, fut précisément, il y a deux mille ans, le rêve de Dieu réalisé pour notre profit.
Qu’en avons-nous fait? Sans doute, une routine religieuse, un refuge fragile contre les tempêtes violentes et irrésistibles de l’existence, une pratique à prétention chrétienne, mais d’où la grâce de Dieu a été évacuée en tant que Parole de grâce et de pardon.
Le christianisme réduit au rang d’une quelconque religion ne pourra, pas plus que les autres, effacer les traces des blessures que nous nous sommes faites. Mais voilà, cher homme, chère femme, je vous dis et répète : « Que la grâce de Dieu soit avec vous. »
Or, sachez que ce pardon ne s’offre pas au plus méritant ni à celui qui aurait gagné le maximum de points de moralité. Lorsque notre conscience nous condamne sans pitié, la grâce de Dieu nous fait une déclaration stupéfiante : « Tout va bien. » Dieu n’est pas en quête de parfaits; son pardon est offert même aux brigands de grand chemin et à celui qui ne quête que la seule grâce.
La grâce est également puissance. C’est d’ailleurs une tautologie que de parler de la grâce comme puissance. Car celui qui prononce ce terme biblique devra l’entendre au sens second. La grâce est la puissance qui fait des hommes pécheurs et mortels des nouvelles créatures. Elle restitue l’identité originelle perdue lors de la chute. Elle ne cherche pas à améliorer, à raccommoder la déchirure. La grâce-puissance est à la fois un décret, c’est-à-dire qu’elle déclare que nous devenons une nouvelle créature, et un processus. Elle transforme nos misérables réalités en gloire. Désormais, aucune critique ni aucun jugement ne peuvent nous atteindre ni nous ébranler. Dieu a pris notre parti et a fait de nous une forteresse imprenable.
C’est une illustration littéraire bien connue qui me vient à l’esprit à ce propos. Il s’agit du Don Quichotte de l’Espagnol Cervantes. C’est un personnage bizarre, pour ne pas dire ridicule. Il se battra contre des moulins à vent, qu’il prend pour des géants. Mais auparavant, avec une audace tout aussi extravagante, il transformera l’image de sa bien-aimée Dulcinée, le laideron du village et sans doute la risée des habitués de la taverne du village… Mais Don Quichotte décrétera que Dulcinée est la plus belle, la plus noble et la plus splendide de toutes les femmes. Alors, tout est bien pour toi, Dulcinée, même si le monde tout entier dit le contraire! Don Quichotte peut nous servir de parabole dans notre illustration de la grâce puissance de Dieu. Un jour, cette grâce s’offrit à Pierre, le disciple renégat, et elle le réhabilita. Une autre fois, elle s’offrit à Paul, le persécuteur et le meurtrier. Elle lui déclara : « Ma grâce te suffit » (2 Co 12.9).
Troisième aspect de la grâce : Elle est promesse. Elle prolonge la certitude d’aujourd’hui vers un avenir qu’elle présente avec les couleurs de l’espérance. Elle est promesse, mais pas comme ces pronostics que l’on fait sur les champs de courses. Elle ne mise pas sur la chance, mais nous assure qu’à travers mille désastres Dieu conduit les siens vers le triomphe final. Elle injecte le seul optimisme valable.
Par moments, il nous semble que la société, et nous avec elle, se précipite sur une pente mortelle, comme une voiture dont les freins ont lâché. Des maux qui n’ont rien de fictif nous angoissent. Des petits malheurs empoisonnent notre vie quotidienne. Mais je tiens à vous le dire une fois de plus : Tenez bon, mon ami, accrochez-vous à la grâce promesse de Dieu, à son dessein riche de sa grâce céleste.
Si la société ferme ses portes à votre nez, si la course aux armements vous glace d’effroi, si l’injustice et l’oppression vous traumatisent et que le monde des adultes ou encore celui des jeunes vous heurte, lorsque le bon sens terre à terre vous crie : « Ça va mal, ça va très mal! », dites-vous que sous le ciel de Dieu tout est bien pour l’âme croyante.
C’est Dieu qui aujourd’hui tient encore le gouvernail. Son avenir nous est promis, et il sera tout autre que celui que s’imaginent les mortels à bout de souffle. Dans notre fragilité, sa grâce nous entoure.
Mais ne vous attendez pas à ce qu’elle agisse à la manière de la lampe d’Aladin, par magie. Cependant, le pardon qu’elle offre vous sera renouvelé. Sa promesse éclairera un seul pas à la fois pour vous guider à travers les nuits les plus opaques.
Saisissez donc cette grâce par la foi. Faites-en votre expérience personnelle. Aussi misérable qu’ait été votre passé, amers vos souvenirs, innombrables vos erreurs et désespérant le péché, la grâce vous suffira et vous soutiendra.
C’est pourquoi, mon ami, mes amis, je tiens à répéter : « Que la grâce de Dieu soit avec vous. »