Les conditions de la proclamation
Les conditions de la proclamation
- L’élection
- Une certitude
- Un saint émerveillement
- Une réflexion intelligente
- Une structure ecclésiale
Pour communiquer l’Évangile, proposons quelques préalables sans lesquelles celle-ci serait impensable. Ces conditions n’ont pas un caractère pragmatique, utilitaire, du genre de comment faire!
1. L’élection⤒🔗
La toute première condition en est l’élection divine. Cette doctrine biblique et réformée constitue le fondement de toute notre évangélisation; sans élection, impossible et impensable d’évangéliser. Malheureusement, ce facteur principal n’a jamais fait l’objet d’une attention particulière et lorsqu’il est apparu d’une manière évasive, il a toujours été écarté comme s’il devenait l’obstacle majeur à toute évangélisation. Je reconnais qu’il faut exercer une très grande vigilance à cet égard, ôter tout malentendu à son sujet, ne pas en travestir la vérité profonde et salutaire. Il peut exister une manière de présenter l’Évangile qui risquera de neutraliser l’événement existentiel qu’est la conversion et de rendre la décision humaine superflue. Or, sachons que jamais la théologie réformée classique, calvinienne au moins, n’a niée ou négligée le caractère impératif de la décision personnelle. Le danger apparaît lorsque l’élection est assimilée à un déterminisme arbitraire ou à un fatalisme aveugle au lieu d’être considérée comme l’acte libre et souverain de la grâce de Dieu qui sauve le pécheur. Si tel est l’idée qu’on se fait de l’élection et de la prédestination, il est absolument inutile d’offrir l’Évangile et de le communiquer.
L’Écriture et la théologie réformée invitent l’homme à se décider pour Dieu, à lui donner son cœur. La conversion n’est pas négligée ou éliminée sous prétexte d’une prédestination prédéterministe. Or l’élection de Dieu fonde notre salut, c’est elle qui permet également notre conversion. Elle soutient et elle encourage la communication de l’Évangile. L’existence de l’homme pécheur et son salut dépendent uniquement de Dieu. Dieu prend l’initiative. Il conduit toutes choses jusqu’à leur achèvement final. Son Esprit et sa Parole opèrent souverainement et efficacement, lorsque le pécheur entend l’Évangile et l’accepte. Si par la foi il répond à l’appel de Dieu, la raison en est que l’Esprit et la Parole qui actualisent l’élection divine la ramènent au niveau de l’existence historique. Parlant de l’élection, nous n’oublierons pas un seul instant la complémentarité entre elle et notre conversion. Mais complémentarité ne veut nullement dire coopération au sens ou l’entend la théologie évangélique. Il n’y a pas ici de synergisme, de fifty-fifty! Écartons donc de cette notion de complémentarité tout élément parasitaire, de nature arithmétique.
Si nous prenons les précautions requises pour écarter le danger qui ferait de l’élection une abstraction étrangère à la décision humaine, qui la rendrait superflue, nous pouvons aller de l’avant et affirmer sans complexe de réformés qui se gênent devant les arminiens, que les calviniens aussi savent évangéliser les pécheurs, et s’ils sont de vrais calviniens, ils sont les seuls bons évangélistes! La fausse modestie ici n’est pas de mise.
Mais le réformé déclarera également face aux universalistes pour qui tout le monde est sauvé que Christ est mort pour les élus. La mort expiatoire du Sauveur possède un caractère restreint. Christ est mort pour ôter les péchés du monde, mais uniquement pour expier ceux de ses élus. Cela dit, nous avons le privilège, en compagnie des livres symboliques réformées, confessions de foi et catéchismes, d’être assuré et pleins de joie sachant que l’élection rend notre proclamation possible, qu’elle la fonde et même la stimule.
Pourquoi insister?
Nous avons parlé en passant de la chute de l’homme et de son apostasie. Actuellement, nous devons reconnaître sa corruption totale (non absolue). L’homme naturel ne peut pas capter le message de Dieu. La bonne communication de l’Évangile ne peut pas s’effectuer par les seuls moyens dont dispose la création, et la création à l’image même de Dieu ne peut lui suffire pour s’approprier du salut. L’évangélisation du monde ne peut s’inspirer d’une motivation étrangère à la nature de l’Évangile. Nous n’avons pas à évangéliser dans la panique, ou avec le souci d’atteindre, par hasard seulement peut-être, quelques personnes pour sauver, quitte à nous arracher les cheveux, lorsque les efforts n’auront pas abouti! La doctrine biblique de l’élection nous assure que les « cibles » de l’Évangile ont été d’avance préparées. L’élection sera effective au cours de l’histoire humaine et dans notre foi personnelle. En définitive, l’élection divine contrôle notre proclamation. Nous savons qu’il existe aujourd’hui un peuple choisi par Dieu dès avant la création du monde. Nous sommes engagés dans une mission sachant que de toute manière les cibles seront atteintes, que le troupeau du bon Berger entendra sa voix, grâce ou par le moyen de notre proclamation.
L’assurance que l’élection nous inspire nous rendra plus hardis encore pour parler de la grande œuvre de Dieu entreprise en Jésus-Christ. Son Esprit opère dans l’esprit de l’homme. Il le rend capable de répondre par la foi. Si actuellement des esprits lucides semblent être pessimistes quant à la communication entre hommes, les chrétiens, eux, bénéficient de l’assurance de sa possibilité.
La doctrine biblique ne contient pas de menace pour notre proclamation. L’offre de la grâce est toujours sérieuse de la part de Dieu. Quiconque entend l’Évangile ne doit jamais penser que la possibilité existe que Dieu ne veuille pas l’accepter comme son enfant parce qu’il l’a peut-être rejeté de toute éternité. Une telle réaction viole le caractère sérieux de l’offre de Dieu.
La doctrine doit nous rappeler que la proclamation nous place toujours devant une décision. La grâce divine n’exclut pas la responsabilité humaine. On ne peut pas prêcher que tous les hommes sont des élus, des sauvés, des réconciliés. Mais la proclamation de l’Évangile doit insister sur le fait qu’il n’y a pas de salut sans la foi et sans la conversion. Cela est important pour notre prédication aussi bien dans le monde que dans l’Église. Il n’y a pas de persistance dans la grâce sans que nous travaillions pour notre salut.
La prédication-proclamation peut assurer une parfaite certitude du salut à ceux qui croient et qui veulent obéir, car bien qu’il n’y ait pas de salut sans la foi et sans l’obéissance, ce salut ne repose par sur la foi et sur les œuvres, mais uniquement sur l’éternel amour de Dieu.
La proclamation doit conduire à la louange de ce Dieu qui a aimé de toute éternité en Christ, malgré notre indignité.
2. Une certitude←⤒🔗
Toute communication de l’Évangile commencera à la manière de l’introduction de la première lettre de Jean.
« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de la vie, […] ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, à vous aussi… » (1 Jn 1.1-3).
Ceci implique à la fois la connaissance de ce que nous communiquons et la certitude avec laquelle nous la faisons. Notre point de départ sera donc la substance même du message à transmettre et non la technique employée. Cette dernière, ainsi que tous les moyens mis en œuvre, suivront les préalables requis. Tout moyen de communication se conformera à ce que l’Évangile lui-même prescrit.
Les termes de la lettre de Jean nous parlent à la fois du moyen, qui est une personne qui communique, et du contenu du message à proclamer. La personne en question est le proclamateur même de la Parole de vie. Le messager partage la plénitude de la vie offerte en Jésus-Christ, telle qu’elle est accueillie par le peuple de Dieu, au moyen de la puissante et efficace opération du Saint-Esprit, pour amener le renouveau, accorder la libération et inaugurer la vie nouvelle. Ce qui suit, que ce soit le moyen, la méthode, la motivation, tout sera déterminé et en fonction, évaluée et contrôlée, par cette unique perspective. La crédibilité de toute communication dépend de la qualité du message, de son authenticité ainsi que de sa factualité, que l’on doit être en mesure de vérifier. En dernière analyse, ce que nous communiquons dépendra de la manière dont nous vivons nos propres convictions et certitudes de la foi, avec consécration, générosité, voire courage.
3. Un saint émerveillement←⤒🔗
Pour être en mesure de communiquer l’Évangile, nous devons nous engager dans un saint étonnement. À la lumière de ce que Dieu a fait « pour nous hommes et pour notre salut », selon l’expression du Symbole de Nicée-Constantinople, il doit y avoir de notre part ce que j’appellerai une sainte fascination, un émerveillement et une jubilation. Si cet élément-là venait à nous manquer, relisons et méditons la lettre aux Romains. De ces pages émerge un enchantement sanctifié, un mouvement constant d’adoration et de louange les anime, une liturgie incessante y est célébrée; ces pages vibrent par une sainte exultation.
Les premiers chrétiens ont été saisis par cette expérience fascinante. Ils avaient appris que même les anges observaient avec stupéfaction un si grand salut, pour en comprendre le secret; a fortiori, l’homme, le bénéficiaire, doit exprimer ce qui en vérité est inexprimable et impossible à être exprimé totalement, sans le témoignage et la persuasion interne de l’Esprit Saint de Dieu. La mission quotidienne et enthousiaste consistait à communiquer l’Évangile dont auparavant le disciple et témoin avait scruté la profondeur, mesuré la hauteur, évalué la largeur, admiré l’infinie sagesse. Croire en l’Évangile ce n’était vraiment pas un culte de lèvres!
Dans un interview que le grand chef d’orchestre Karl Böhm accordait à un journal français, le célèbre maestro confiait qu’il avait dirigé Le Mariage de Figaro de Mozart plus de 250 fois. Il le connaissait par cœur. Pourtant, chaque fois avant son exécution, déclarait-il, il en lisait la partition intégrale! Était-ce parce qu’il aurait eu peur d’en oublier un fragment, une note, une scène? Non, mais chaque fois le conducteur était émerveillé de lire et d’exécuter de nouveau cette grande œuvre musicale!
Quel bel exemple pour l’évangéliste, qui communique la Parole même de Dieu, qui n’est pas un simple chef-d’œuvre humain, mais œuvre divine.
Dans son article Le Saint-Esprit (dans le Dictionnaire théologique du Nouveau Testament de Kittel), Eduard Schweizer rappelle qu’avant de devenir un article de doctrine pour l’Église primitive, le Saint-Esprit était une expérience vivante! Il ne faudrait pas s’en étonner. Pour eux, le vieux paganisme n’avait été qu’un rêve irréel au temps des vanités, ayant suscité une attente utopique et forgé un mythe dépourvu de consistance. Mais la passion, la mort et la résurrection du Fils incarné de Dieu venaient d’inaugurer une ère nouvelle, elles entamaient le renouvellement total de toutes choses. « Voici que je fais toutes choses nouvelles », déclare celui qui est assis sur le trône (Ap 21.5). De son côté, Paul annonce : « Celui qui est en Christ est une nouvelle création » (2 Co 5.17). Ici et maintenant. C’en est fait donc de la constatation désabusée de l’Ecclésiaste : « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil » (Ec 1.9).
À présent, il y a une nouveauté que toute langue confessera et devant laquelle tout genou fait remplacer par la foi en l’unique Sauveur, révélé comme Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Ce Dieu-là n’était pas un pur être suprême, une vague divinité, indifférente aux humains et impassible devant leurs tragédies, un objet que l’on cherche en doutant, dont on pense avec un esprit incertain, et qu’on désire toucher avec des mains tremblantes s’agitant dans le vide. Le Dieu révélé était le Père de toute consolation. Au cœur de tout désespoir humain, l’Évangile de sa Parole pouvait soulever un mouvement immense d’émotion et créer une réponse débordant de gratitude. L’Évangile pouvait, et par conséquent devait, être communiqué avec étonnement et fascination, pour la seule gloire du Dieu Sauveur et le salut de ses élus.
Si nous observons cette condition, nous n’évangéliserons pas par simple acquit de conscience, avec routine, lassitude, stéréotypes, sans cesse à bout de souffle, geignant et gémissant, mais en exultant. L’exaltation n’est pas le monopole de vous savez qui! Déjà, nous vivons les temps derniers, l’eschatologie est inaugurée, le Royaume de Dieu est proche; il est déjà parmi nous.
4. Une réflexion intelligente←⤒🔗
La quatrième condition est une réflexion solide. Étonnement et fascination ne sont pas nécessairement les équivalents de l’irrationnel, du comportement mystique d’attitude irraisonnée d’une évangélisation invertébrée. Ces attitudes sont — inutile de le rappeler même — propres à ceux qui actuellement se considèrent comme les détenteurs exclusifs du Saint-Esprit et de ses dons, tout en ayant démissionné de leur intelligence au profit d’une prétendue et arrogante spiritualité qui, le moins qu’on puisse dire, n’est qu’une spiritualité épidermique!
La folie de Dieu manifestée sur la croix n’est pas déchaînement psychique, trémoussements de derviche musulman, danse corybantique. L’émerveillement devant l’indicible ne peut pas se comparer aux étincelles que produit l’électricité statique qui, inutile de le dire, ne peut ni éclairer ni réchauffer! Il existe des revivalismes de cette nature-là. Sachons les identifier et les fuir…
À cause de tant de spiritualités factices, notre réflexion biblique et théologique doit être l’une des conditions essentielles pour la poursuite de notre mission. Je n’affirme pas que l’ensemble du christianisme moderne soit tombé dans le travers de l’irrationnel. Dieu merci il existe encore des îlots solides qui émergent des magmas spiritualistes de cette espèce, et il reste des nageurs qui remontent à contre-courant. Malheureusement, ils seront tenus injustement pour être des intellectuels. Ils voudraient plus simplement rester des chrétiens-témoins qui, intelligents, savent réfléchir aux implications de leur mission, autant qu’en discerner la nature exacte.
À cause de l’expression hyperémotive d’une foi et d’une évangélisation que j’appellerai urticaire, la communication de l’Évangile subit, hélas!, la dictature d’un piétisme exacerbé. Refusons avec notre dernière énergie ces modèles-là.
Dans le champ spécifique de notre communication, notre réflexion renouvelée n’a pas, selon le Nouveau Testament, davantage de rapport avec ce que, depuis peu, on appelle le pré-évangélisation. La pré-évangélisation consisterait à approcher d’abord l’incroyant et à préparer en lui le terrain, trouver en lui un point de contact culturel et ensuite seulement effectuer le travail d’évangélisation proprement dit. D’abord déblayage et défrichage et ensuite seulement annonce de l’Évangile. J’espère ne pas trop caricaturer cette position par une présentation sommaire. À mon avis, une telle méthode constitue une approche d’évangélisation et de proclamation que j’appelle hétéronome, c’est-à-dire qu’elle ne tire pas son fondement et sa raison d’être dans l’Évangile. Cette approche réduit l’homme en plusieurs parties, tout à fait fragmentées — intellect, émotion, cœur, raison — au lieu de voir en lui une personne totale et globale, d’avoir une vue holistique.
À notre connaissance, jamais dans le passé il n’y eut une telle approche pour évangéliser même les contempteurs culturels de l’Évangile qu’étaient les païens grecs! Les géants du passé ont cherché à communiquer avec zèle et avec intelligence. Certes, ils ont souligné le credo ut intelligam, je crois pour comprendre. Il n’est pas exact que la foi précède la connaissance; pourtant, elle ne s’en distance pas pour autant; car la foi et la connaissance sont étroitement enlacées. À l’heure actuelle, pour rétablir la vérité, sans pour autant établir une distinction tranchante entre les deux, nous dirions qu’il faut également comprendre afin de croire. Donc pas irrationnel ni de rationalisme; contre les délires de l’incohérence et l’aridité du rationalisme, offrons l’alternative d’un rationalisme cohérent et sanctifié.
Une évangélisation digne de ce nom exige la formation continue. Il est bon que tout chrétien reçoive une formation adéquate pour s’engager efficacement dans la mission d’évangélisation. Il nous faut éviter l’amateurisme, et repenser constamment notre foi, sans nous contenter de rabâcher les quatre lois spirituelles ou même Jean 3.16… tels des perroquets.
L’évangélisation est une tâche urgente, mais elle ne peut pas se faire à la hâte, avec précipitation et légèreté. Elle requiert une bonne organisation, des objectifs parfaitement définis, des finalités précises, un champ parfaitement bien délimité, le tout dans un esprit de cohésion et en équipe.
Il faut prendre son temps pour réfléchir aux multiples aspects de cette tâche pour éviter de tomber dans les caricatures. Évitons aussi bien les spiritualisations excessives de l’Évangile que les socialisations abusives de la foi. N’épargnons aucun effort pour mener à bien la mission et pour la réussir.
Les approches pourront varier d’un lieu à l’autre et d’un pays à l’autre, d’une année à une autre. Cependant, le contenu en demeurera permanent. Le zèle sera maintenu comme flamme qui sera constamment entretenue.
Enfin, sachons aussi que l’une des préparations indispensables pour l’évangélisation est la conformité de notre vie à l’Évangile.
Ainsi, nous accomplirons la mission que Dieu nous a confiée avec la Parole, mais aussi avec le vécu que nous pourrons communiquer aux hommes, vers qui nous sommes envoyés, l’Évangile, la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit.
5. Une structure ecclésiale←⤒🔗
Le dernier préalable que je voudrais mentionner est la nécessité même d’une forte structure ecclésiale, la présence aux côtés de l’évangélisation de l’Église institution. J’espère que ceci n’est pas un truisme, mais il n’est pas évident que les efforts d’évangélisation, notamment lorsqu’ils sont inspirés par la théologie arminienne, soient soutenus par l’Église. Celle-ci soumettra notre évangélisation à un examen et à une discipline, afin d’éviter les dérapages, aussi bien d’ordre tactique que stratégique, théologique que financière!
Ni le saint étonnement ni l’indispensable réflexion intellectuelle ne suffiraient pour maintenir la permanence de notre mission si elle n’était pas accompagnée, surveillée, guidée, soutenue, voire protégée par une institution économique. Lorsque l’armée progresse, il faut que l’intendance la suive! Je crois que le temps est venu, même si cela fait du mal à entendre, qu’il nous faut faire le deuil des sociétés des missions indépendantes, des associations libres d’évangélisation, des camarades autonomes pour l’Évangile, etc. C’est l’Église qui a reçu mission de proclamer l’Évangile, et c’est elle qui désignera ses ministres, tous ses ministres. Ce sont ses commissions qui surveilleront l’œuvre accomplie. Ni l’anarchie théologique ni la confusion émotionnelle n’édifieront l’Église, pas plus qu’elles ne communiqueront adéquatement l’Évangile.
La foi vivante et sa mission devront nécessairement s’incorporer dans une organisation ordonnée, c’est-à-dire l’Église. Avec les moyens de grâce dont elle se fortifie, sa confession de foi et ses encouragements, elle soutiendra la proclamation de l’Évangile. Comme chrétiens, nous ne nous développons pas et ne croissons pas de manière automatique et sans protection; la communication de l’Évangile cherche à convertir toute la personne. La pensée, la parole, les actes, la sanctification pratique, journalière, guidera et contribuera à notre perfectionnement dans la grâce. Il n’est point légitime de dissocier l’acte de la parole, la praxis de la pistis, car la doctrine correcte orthodoxe conduit forcément à une conduite irréprochable. Dans le passé, ce fut une telle conception holistique de la vie chrétienne et en conséquence de la communication de l’Évangile qui conduisit les chrétiens jusqu’à payer le prix de leur fidélité par le martyre.
Un autre point à souligner est celui de la nécessité d’incorporer à une Église tout converti au Christ. Parfois, on aura des réserves, et avec raison, à confier des personnes nouvellement converties aux soins d’une Église établie. Pourtant, l’Église visible, institution, est l’indispensable moyen où la foi peut non seulement naître, mais encore se développer et se fortifier. N’identifions pas cependant l’Église-institution avec la bureaucratie ecclésiastique, qui si souvent n’en est que la grossière caricature.
L’Église-institution nourrit le nouveau-né par la prédication, l’exhortation, l’enseignement, les sacrements, la direction spirituelle, les soins pastoraux. Nous avons besoin de la communion avec nos frères, et celle-ci se manifeste surtout dans la vie communautaire cultuelle et liturgique d’une Église fidèle.
Par conséquent, appartenir à une Église locale devient vital pour le travail d’évangélisation. Les évangélisations qu’on voudrait systématiquement gratuites aboutiront tôt ou tard à l’échec. On ne peut demander aux gens à se convertir au Christ, en restant indifférent quant à l’Église vers laquelle il faudra les diriger! Encore moins faudrait-il l’adresser à une Église qui ne se soucie guère d’Évangile; ce qui reviendrait à le pousser à la mort lente par inanition. De tels types d’évangélisation que l’on prétend œcuméniques, et larges d’esprit, sont, hélas!, nombreux. Certes, nous ne proclamerons pas le nom de notre Église! Mais si notre Église est fidèle, nous amènerons les convertis au Seigneur par le truchement de leur ministère.