La confession de la foi de l'Église de Jésus-Christ
La confession de la foi de l'Église de Jésus-Christ
- Les modèles néotestamentaires
- Désaffection?
- La nécessité d’une confession de foi
- Ce que devrait être une confession de foi
- Conclusion
L’usage des confessions de foi est aussi ancien que l’Église. Si la foi de l’Ancien Testament concernant le Dieu unique et sa seigneurie universelle n’a pas été formulée de manière à nous rappeler nos « credo », la foi chrétienne, celle du Nouveau Testament, est une foi qui proclame : « credo, je crois ».
1. Les modèles néotestamentaires⤒🔗
Pour A. Texier1, le Nouveau Testament présente quatre modèles principaux de confession de foi : deux modèles christologiques, un modèle binaire — comportant la mention du Père et du Christ — et un modèle ternaire énumérant le Père, le Fils et l’Esprit.
Le modèle christologique : Le nom de Jésus proclamé « Jésus le Christ » (Rm 10.9; Ph 2.11; 1 Co 12.3; Ac 18.5,28; 1 Jn 2.22). Le modèle binaire : Le Père et le Christ; ce modèle comporte l’énumération intentionnelle des noms de Dieu le Père et de Jésus le Christ (1 Tm 2.5-6; 6.13). Le modèle ternaire : Père, Fils, Esprit. Modèle ternaire, précise l’auteur, et non trinitaire, puisque le terme de trinité ne se trouve pas dans le Nouveau Testament (1 Co 12.3-6; Ép 4.4-6).
Selon le Nouveau Testament, quels sont les traits propres d’une confession de foi? C’est à cette question que nous tâcherons de répondre avant d’examiner la situation actuelle.
Nous ne sommes pas dans l’incertitude à cet égard. Les textes auxquels nous venons de nous référer nous permettent déjà d’en connaître les éléments constitutifs.
1. Pour qu’elle soit une confession authentiquement chrétienne, la confession de la foi devra être publique. Selon Romains 10.10, on confesse avec sa bouche ce qu’on croit dans son cœur.
La confession comporte une contrainte interne, une spontanéité et une gratitude joyeuse. La bouche se met à parler de l’abondance du cœur. La foi est une connaissance certaine qui affecte radicalement toute notre personne, jusqu’au tréfonds de notre être. La confession est une « omologia », une parole-discours, dite communautairement et publiquement. Elle apparaît comme l’offrande de notre reconnaissance, le fruit de notre foi s’exprimant par les lèvres qui confessent le nom de Dieu (Hé 13.15).
2. Son caractère normatif apparaît par la suite. Dans 2 Corinthiens 9.13, saint Paul écrit au sujet d’obéissance des Corinthiens à confesser l’Évangile du Christ.
Selon saint Jean, « celui qui confesse que Jésus-Christ est venu dans la chair est de Dieu ». Inversement, « celui qui ne confesse pas Christ n’est pas de Dieu » (1 Jn 4.2-3). Le contenu de la foi est donc orienté vers l’Évangile de Dieu, révélé en Jésus-Christ.
En exhortant les fidèles et l’Église à demeurer fermes et fidèles à la confession, l’auteur anonyme de la lettre aux Hébreux mentionne le contenu précis de la foi : « Jésus est le Fils de Dieu, le Souverain Sacrificateur qui a traversé les cieux » (Hé 4.14; 10.23).
Dans la même ligne, on peut citer 1 Timothée 6.3; la saine doctrine; la mission confiée à l’Église (verset 20); la très sainte foi (objective) qui a été confiée aux saints une fois pour toutes et à laquelle l’Église doit revenir sans cesse (Jude 1.3-20).
Nulle part, le Nouveau Testament ne laisse entendre que la confession de la foi est une affaire facultative.
« Nous avons vu, et nous portons témoignage que le Père a envoyé le Fils en tant que Sauveur du monde. Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu » (1 Jn 4.14-15).
L’auteur ajoute qu’il existe de nombreux trompeurs qui se sont égarés et ne confessent pas l’incarnation, la venue dans la chair de Jésus-Christ.
« Celui qui ne persévère pas dans l’enseignement du Christ n’a pas Dieu » (2 Jn 1.7-9). C’est ici que réside le caractère normatif de toute confession; elle dérive son autorité de l’Évangile qui est l’objet même de la confession publique, communautaire ou individuelle, des chrétiens.
3. Un troisième trait de la confession est sa nature juridique (forensique). La confession est forcément un témoignage rendu à la vérité de Dieu, un compte rendu, un procès-verbal de sa révélation. On lui rendra compte de ce que l’on aura confessé ou de ce que l’on aura rejeté. D’où la radicalité eschatologique d’une confession fidèle. Aussi quiconque ne persévère pas dans la confession, simultanément acte de foi et contenu de celle-ci, la Parole de Dieu le déclare infidèle et jette l’anathème sur lui. La pervertir ou la déformer est un acte aux conséquences incalculables (Mt 10.32; 1 Jn 2.23; 4.14-15; 2 Jn 1.7-9).
4. Enfin, quatrième trait, confesser sa foi n’est pas une affaire individuelle. C’est un acte ecclésiastique. La confession engage le peuple du Christ, c’est-à-dire la communauté chrétienne tout entière. La Parole lui est confiée, et elle est chargée d’une mission. La toute première mission de l’Église consiste à veiller à ce que l’enseignement dispensé en son sein soit fidèle et correct. Parce que fondée sur les prophètes et les apôtres, l’Église de Dieu reçoit la vocation de colonne et d’appui de la vérité (Ép 2.20; 1 Tm 3.15).
On peut donc décrire la confession de foi par une formule lapidaire : c’est l’acceptation du fond du cœur et la proclamation par les lèvres de l’Évangile rédempteur de Dieu manifesté en son Fils et rendu public, afin d’en rendre compte correctement et d’en prendre la défense en présence de Dieu, devant l’Église et face au monde.
Il nous semble que ce résumé énonce assez fidèlement la nécessité, pour chaque époque de l’histoire, d’une confession de foi exprimée en termes intelligibles et dans un langage fidèle à l’Évangile.
2. Désaffection?←⤒🔗
Quelles sont les raisons de la désaffection contemporaine à l’égard de la confession de la foi et de la grave crise que connaît celle-ci? Qu’il nous soit tout d’abord accordé la grâce de l’humilité afin de reconnaître que nous tous, fidèles et infidèles membres d’Églises endurcies, sommes responsables de cette crise. Mais cette humilité ne devra jamais nous désarmer ni nous rendre incapables d’opposer un non catégorique à toute tentative et à toute entreprise de résumer refaçonner, mutiler, sous-estimer — voire nier — à l’intérieur de l’Église chrétienne le plein Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu et Sauveur des hommes.
Parmi les objections émises contre la nécessité d’une confession, relevons la suivante : le caractère « dépassé » des confessions anciennes serait le plus grand handicap pour les utiliser aujourd’hui et même pour y adhérer intérieurement.
Il est certain que chaque confession porte les traces du langage et de la pensée de son époque et qu’elle rappelle le cadre historique et la situation particulière dans laquelle elle a été élaborée. C’est le cas, nous devons l’admettre, pour les credo des 4e et 5e siècles, de même que pour les trois formules d’unité réformées qui nous viennent des 16e et 17e siècles : le Catéchisme de Heidelberg, la Confession des Pays-Bas (Belgica), et les Canons de Dordrecht, en vigueur dans nombre d’Églises réformées confessantes modernes. Pour bien comprendre le sens de ces dernières, il est parfois nécessaire d’avoir recours à des commentaires élaborés. Lorsque, à l’âge apostolique, un juif converti confessait Jésus-Christ ou qu’un païen déclarait Christ son Seigneur, c’étaient, de leur part, des décisions et des actes existentiels, pénétrant jusqu’au plus profond des racines de leur être. On pourrait sans hésiter appliquer à ces actes de foi la parole du Christ : « Ce ne sont pas la chair ou le sang qui t’ont révélé ces choses, mais mon Père qui est dans les cieux » (Mt 16.17). Saint Paul n’écrivait-il pas de son côté : « Nul ne peut dire que Jésus-Christ est le Seigneur, si ce n’est par l’Esprit »? (1 Co 12.3). Toutefois, dans une confession ancienne, il ne faut souscrire qu’à ce qu’elle a voulu confesser. Par exemple, la Confession des Pays-Bas attribue à Paul la paternité de la lettre aux Hébreux. Cela ne signifie pas que celui qui adhère à cette confession doive avoir sur ce sujet la même opinion que les gens du 16e siècle. On devrait toujours se demander : qu’est-ce que la confession veut confesser?
La question du langage et du vocabulaire d’une confession classique n’est pas étrangère à celle qui se pose au sujet du Nouveau Testament. Il est exact que nombre de termes que nous y trouvons n’ont pas le sens que nous leur accordons actuellement. Ces termes avaient une signification dans le contexte du siècle où ils furent employés et dans le cadre de la culture propre à celui-ci. Si ces termes étaient parfaitement compréhensibles aux premiers lecteurs du Nouveau Testament, tel n’est pas nécessairement le cas pour le lecteur moderne. D’où la nécessité de l’exégèse.
Mais ce problème ne devrait pas nous amener à révoquer sans autre nos anciennes confessions de foi. Ainsi que l’écrivait excellemment Helmut Thielicke de Hambourg, on ne doit pas révoquer une confession de foi ancienne, mais l’invoquer lors de la rédaction d’une nouvelle.
Leur contenu reste normatif, et il est un puissant moyen dont l’Évangile s’est servi pour nous aider à comprendre dans toute sa clarté la révélation du Dieu Sauveur. La question de l’hypostase dans les trois personnes de la Trinité nous permet de saisir le climat intellectuel dans lequel ce terme a été utilisé. Mais le vocabulaire ne mettra pas en cause notre foi actuelle au même Dieu trinitaire. Ainsi, il conviendra toujours de distinguer entre une affirmation et sa présentation.
La question essentielle que nous devons poser est celle-ci : s’agit-il bien d’une confession de foi chrétienne?
Toutefois, la question posée au début demeure. Peut-on confesser sa foi, pour soi-même ou face au monde moderne, avec les textes symboliques (symbole, mot grec signifiant mis en commun et, par extension, texte adopté en commun) comme c’est le cas des confessions traditionnelles? Ces textes touchent-ils les cœurs des confessants? Sont-ils encore intelligibles à l’esprit moderne?
Ne risquent-ils pas d’apparaître comme une bataille d’arbalétriers ou de cavaliers lanciers envoyés guerroyer contre une armée moderne, équipée de missiles et d’autres armes sophistiquées? Ne courons-nous pas le risque de présenter à nos contemporains une dogmatique rigide, écrite dans un style métaphysique, plutôt qu’une confession de foi au sens biblique du terme?
Reconnaissons que si l’une des tâches de la confession consiste à rendre publique la foi au monde, dans un forum d’adversaires, nombre de fidèles ne trouveront peut-être pas tout l’appui nécessaire dans les écrits du passé. Ils risquent d’être désarmés devant l’homme moderne. Certes, il ne sera jamais question — au grand jamais — d’adapter l’Évangile à l’esprit du temps ni de faire des concessions à l’homme autonome qui veut se mettre à la place de Dieu.
Toutefois, il faut veiller à traduire la foi en vue de sa communication, de la même manière qu’on traduit la Bible en langue courante (la Vulgate latine étant l’une de ces premières traductions) pour rendre la Parole écrite de Dieu accessible au commun des fidèles dans toutes les langues et tous les dialectes connus à notre époque.
Souvenons-nous qu’il existe deux sortes de « scandales » de la foi. Le premier, l’inévitable, celui qui en fait partie intégrante, est la proclamation même de l’Évangile. C’est le scandale par excellence. Mais il en existe un autre, dû à la mauvaise compréhension et la mauvaise transmission de l’Évangile.
S’il ne faut rien concéder à l’incroyant en matière de foi, en ôtant le premier scandale de la proclamation de l’Évangile, il nous faudrait sans tarder épurer nos manières et nos modes de pensée afin de nous débarrasser des pseudo-scandales dont nous sommes si souvent les impénitents propagateurs. On a suffisamment ri au sujet du « patois de Canaan »; mais qu’il nous soit permis de faire remarquer le langage de beaucoup de modernes hérauts, théologiens de fortune, voulant parler un « langage accessible à l’homme devenu adulte ».
Ce langage — sans parenté avec quoi que ce soit de chrétien et d’évangélique — n’est qu’un patois de plus, et même un patois aussi prétentieux que vide de contenu… Oui, une certaine transmission soi-disant moderne de l’Évangile, en dépit peut-être de certaines bonnes intentions, n’a réussi qu’à éliminer Évangile et ne transmettre qu’un discours vide de sens.
Selon H. M. Matter : « La lutte actuelle autour de la confession de foi est loin d’être nouvelle. En fait, elle est vieille de quatre siècles. » Mais depuis ses origines, cette lutte a changé de nature. En effet, même le libéralisme du siècle dernier, par exemple celui d’Adolf von Harnack, ne s’est pas attaqué à la confession de foi en tant que telle. Ses reproches ont porté sur des confessions de foi existantes qu’il estimait ne pas être à la hauteur de son temps.
Actuellement, au contraire, c’est la légitimité même de l’existence de toute confession qui est contestée…
D’une part, la confession de foi ne veut revêtir une certaine autorité dans l’Église, mais en même temps, elle a tendance à s’éterniser, à s’immobiliser, parfois même à se fossiliser. D’autre part, le caractère d’une confession de foi est fatalement humain et discutable au fur et à mesure que l’évolution des temps plaçait l’Église devant des problèmes que les générations précédentes n’avaient pas su prévoir.
Cela implique qu’il n’y a pas de statu quo pour l’Église. Elle ne pas se contenter de redire toujours ce que les pères ont confessé en ajoutant qu’elle est plus ou moins d’accord avec ces pères. Dieu, lui, parle aujourd’hui, et aujourd’hui il attend sa réponse. Et cette réponse doit porter sur tous les problèmes vitaux, qu’ils soient d’ordre religieux, politique, social ou autre. L’angoissant péril qui menace toute Église qui veut rester fidèle à sa confession de foi est précisément celui de se replier sur elle-même et sur ses propres problèmes, et de ne plus vraiment confesser sa foi dans l’actualité où Dieu le fait vivre… De même qu’il ne doit pas y avoir de statu quo, de même il ne peut pas être question de se cantonner derrière des vérités considérées comme suffisantes, et de réduire tous nos credo au seul credo apostolique, par exemple. Combien serions-nous heureux de distiller en quelque sorte l’Évangile pour en extraire les vérités absolument indispensables pour notre salut personnel, laissant de côté d’autres vérités restant à débattre?
3. La nécessité d’une confession de foi←⤒🔗
Paul Schrotenboer exprime ce que nous pensons sur ce sujet dans les termes suivants :
« Nous prétendons que les chrétiens devraient confesser l’ancienne foi dans un langage nouveau. Nous devrions composer une nouvelle confession ecclésiastique pour être en mesure de confesser plus effectivement et plus correctement le message de l’Écriture pour les besoins de notre époque, afin de proclamer à l’homme moderne la Bonne Nouvelle qui ne change pas et ainsi nous nous acquitterons de notre mission de serviteurs de Dieu. […] Il faut faire alors plus que de rénover de vieilles confessions, en apportant ici ou là des petites retouches. […] Presque tous les changements qui ont été apportés aux vénérables confessions de jadis ont été l’équivalent d’un raccommodage plaçant une pièce neuve sur de vieux habits! Mais la déchirure nouvelle est pire que l’ancien trou qu’on cherchait à recoudre. Et parce que nous avons bien compris la chose, nous sommes restés avec nos vieux credo. […] Néanmoins, il y a des raisons de penser que le déclin actuel de la foi chrétienne est dû en partie au fait qu’en cette fin du 20e siècle, les chrétiens confessent leur foi dans le langage du 17e siècle ou qu’ils se servent de confessions dont la problématique était celle d’il y a un siècle.2 »
Ceux qui refusent d’élaborer une nouvelle confession de foi tout en reconnaissant le caractère insuffisant des anciennes, se placent derrière l’argument qu’il ne faut plus fixer la foi, mais laisser à tous la liberté de s’exprimer librement, en prenant toutefois soin de parvenir à un accord général (pour ne pas dire vague) au sujet des grandes affirmations de celle-ci.
« Maintenons les anciennes formulations et laissons à des entreprises individuelles et aux membres de l’Église le droit d’exprimer librement leur foi », dira-t-on dans certains milieux. Nous aurons à nous opposer à une telle attitude — individualiste et subjective — envers l’une des tâches les plus vitales qui a été confiée à l’Église. Car elle est le contraire de la nature même de celle-ci, le corps du Christ. Tout en prônant l’utilité d’une nouvelle confession, nous ne cherchons pas à défendre la thèse anti-biblique selon laquelle la foi elle-même serait de nature changeante et devrait être continuellement changée. Nous estimons que la voie de la rédemption du Royaume et par-dessus tout la confession de Jésus-Christ, Fils de Dieu, homme et Sauveur, ne sont pas différentes des temps anciens ni ne le seront pour les générations à venir. Les formulations des articles essentiels de la foi ne peuvent subir aucun changement. Notons qu’il ne s’agit pas de changer uniquement des détails considérés comme inadéquats, mais encore toute l’optique de la confession. S’il était nécessaire aux Pères du 16e siècle de s’en prendre, parfois avec une véhémence qui nous répugne aujourd’hui, au légalisme et aux fausses bonnes œuvres, à la superstition et au culte des saints, nous devons reconnaître qu’actuellement les problèmes ne sont pas seulement ceux-là.
Il n’y a pas de considérations théoriques qui entrent en jeu. Pratiquement, on devrait se poser la question de savoir si on peut « fabriquer » simplement une confession ou bien si celle-ci est engendrée autrement, pour ne pas dire spontanément.
Un des préalables à la confession est d’en reconnaître la nécessité. Une autre plus importante encore, voire décisive, est de rester ouverts à l’action du Saint-Esprit et à la Parole de vérité, qui nous empoignent et nous font avancer dans l’accomplissement de notre mission. Une véritable confession devra exprimer la foi commune et vivante de toute l’Église.
Mais l’une des fonctions de la confession est de nature polémique ou éristique. Elle devra réfuter l’erreur et l’hérésie, en s’appuyant sur l’Écriture, et lutter avec toutes les armes de l’Esprit. Il n’est pas certain que ce souci soit présent partout dans les idées, les propositions et les entreprises de tant de nouvelles confessions dites « de la foi ». Il ne semble pas évident que celles-ci cherchent à rejeter ouvertement, et encore moins à combattre avec détermination, l’erreur ou les erreurs qui se sont glissées dans I’Église. On reconnaît depuis toujours que l’Écriture sainte est l’unique et suprême autorité en matière de foi et de vie (« norma normans »), mais que la confession est une autorité secondaire, cette autorité dérivant de la première et se fondant exclusivement sur elle (« norma normata »).
4. Ce que devrait être une confession de foi←⤒🔗
Dans les limites de la présente introduction, nous proposerons quelques points rappelant l’essentiel en ce qui concerne l’élaboration d’une confession de foi.
1. Pour commencer, celle-ci devra posséder un caractère évangélique et universel. Évangélique au sens qu’une confession n’est jamais un traité de précision scientifique, ni même d’une rigueur dogmatique développant des concepts bien délimités, pas même une théologie « notionnelle », laquelle bien évidemment rend des services inappréciables à l’Église si elle s’inspire de la Parole inscripturée de Dieu. La confession n’est pas une dogmatique de vulgarisation. Elle ne contient pas tout ce que le chrétien croit et doit croire. Le pivot en est l’Évangile, et tout l’Évangile. Ainsi qu’écrivait Calvin à son ami Pighius : « Je crois que la Bible est la Parole inspirée de Dieu, mais ma confession est centrée sur l’Évangile. »
2. Elle sera universelle. La multiplicité actuelle des confessions (romaine, luthérienne, baptiste ou réformée) ne rend pas justice à l’universalité de la foi selon le Nouveau Testament. Celui-ci nous rend attentifs à la radicalité du nom de Jésus-Christ. Il nous annonce une seule Parole, un seul Esprit, un seul et unique Évangile, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous (Ép 4.4). Saint Paul écrivait : « Même si un ange venait du ciel vous annoncer un autre évangile, qu’il soit anathème » (Ga 1.8).
Quelle que soit notre appréciation globale du mouvement œcuménique, il est indéniable qu’au sein de celui-ci est né le désir de confesser une seule et même foi, même si, en pratique, cette foi a pu être et a effectivement été déformée et que, par moments, elle est devenue même une anti-foi.
3. La confession devra montrer à la fois la continuité avec le passé et revêtir une forme d’actualité concrète. Le Seigneur Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui, éternellement. Ce qui jadis — depuis l’origine — avait été considéré comme conforme à l’Évangile demeure constant à travers tous les siècles. Le rôle de la confession restera au-dessus des mutations sociales et des bouleversements culturels, voire de la disparition des civilisations. Toutefois, son actualité résidera tout d’abord en la force existentielle de l’acte de foi personnel, en la proclamation par la bouche de ce qui jaillit du cœur, dans le fait de rendre compte de sa foi aujourd’hui, à son époque, en des formes d’expressions modernes et des catégories de pensées contemporaines. À cette condition-là, l’Église sera une Église missionnaire.
Mais un souci d’actualité détaché de la continuité risque d’aboutir à un subjectivisme sans rivages ou à une identification, à un mélange pur et simple de l’Évangile avec l’esprit des temps (« Zeitgeist »). D’autre part, une continuité qui ne tiendrait pas compte de l’impérieuse nécessité de « moderniser » le style et d’élargir l’horizon de la foi — dans des limites exclusivement bibliques — conduira à un traditionalisme archaïque, vers un confessionnalisme rigide faisant des chrétiens de notre époque des gardiens de musée chargés de dépoussiérer des vestiges, tirant fierté d’un passé glorieux tout en ayant rompu les liens avec ce passé et renoncé à la source où nos pères spirituels puisaient leur foi.
4. Notre confession moderne, comme celle du passé, possédera un caractère ecclésiastique normatif. Autrefois, on parlait à son sujet de symbole ou d’étendard, des signes de l’Église et de la forme que devait revêtir son unité. On ne cherchait certes pas à créer une unité artificielle par leur moyen, mais simplement à exprimer ouvertement que cette unité de la foi était une donnée de l’Esprit et de la Parole.
Son caractère et sa forme normatifs lui viennent du fait qu’elle est liée et conforme à l’Évangile qu’elle s’en nourrit aussi. Sa crédibilité ne réside pas en elle-même, car elle fonctionne en tant que mesure subordonnée. Mais là où elle s’accorde avec l’Écriture sainte, elle revêt elle-même une autorité normative pour notre foi et notre pratique ecclésiastique. C’est ici qu’apparaît son caractère juridique lui permettant de combattre l’erreur et de tracer la limite entre ce que l’on est invité à croire et à confesser, et ce qu’il faut rejeter comme l’antithèse de la révélation.
5. Conclusion←⤒🔗
Nombre de questions n’ont pas pu être abordées dans le cadre de ce chapitre. Mais celles que nous avons soulevées ont tâché de démontrer la nécessité urgente d’une confession correcte de la foi de l’Église de Jésus-Christ pour notre temps, et l’urgence de la formuler de manière à maintenir son lien organique avec l’Évangile, tout en restant intelligible à l’homme moderne.
Que les hésitations des uns et le défaitisme des autres n’empêchent pas le peuple de Dieu de rendre joyeusement compte de sa raison d’espérer. On a parlé de la création d’une nouvelle confession qui serait « concentrique ». Concentration ne signifie jamais réduction. La réduction est une conception mécanique et quantitative. Elle signifie soustraction, abrogation, limitation. Elle évoque l’idée non biblique d’un nombre de vérités que l’on pourrait totaliser et parmi lesquelles on pourrait, à loisir, choisir l’une ou l’autre et laisser de côté telle ou telle autre.
La concentration, elle, est un concept vital qui se rattache à un centre, à un noyau vivant, à un cœur qui bat et œuvre, à un centre de perspective auquel est lié l’ensemble.
« Ce qui est nécessaire c’est la traduction de l’Évangile du Christ que les jeunes générations accepteront volontiers en tant que l’articulation contemporaine de l’Évangile inchangé, que de vieilles formules ne peuvent plus rendre de manière tout à fait adéquate. Une nouvelle confession devra aider l’Église à accepter le défi que lui lance le monde, ce monde global, si ce n’est totalitaire, qu’est devenu le nôtre. C’est ce qui devrait être recherché avec une passion communicative de la foi. »
Notes
1. Dans Croire aujourd’hui, p. 46.
2. International Reformed Bulletin; no 42.