Les conflits conjugaux
Les conflits conjugaux
Dans un livre consacré aux problèmes des couples, l’un des auteurs, conseiller conjugal suisse, Monsieur Secretan-Rollier, écrivait il y a quelques années :
« Parmi les innombrables états contradictoires et les situations paradoxales, où se trouve l’homme de notre époque, […] la vie conjugale occidentale apparaît comme un des plus tragiques, […] un état d’autant plus angoissant qu’il engage l’avenir par leurs enfants, autant que le présent l’est par leurs parents. Et ce qui est troublant, c’est que les générations qui montent dans le chaos familial de cette deuxième moitié du 20e siècle vont être appelées à trouver un style de vie nouveau sans que leurs souffrances soient parvenues à remuer la stupéfiante bonne conscience de tant de parents qui devraient savoir faire retour sur eux-mêmes, sur leur conception générale de la vie et du bonheur ainsi que sur notre lamentable manière de remplir les promesses faites au jour du mariage. On s’indigne et on proteste. Mais rien ne semble changer. Notre époque est désespérante de contradictions. »
Oui, la crise du mariage est grave. Les causes qui la provoquent sont multiples. La majorité des couples n’en remplit pas les conditions fondamentales. Comment pourraient-ils donner l’évidence d’une personnalité une et indissoluble? Étrangère à la conception biblique et chrétienne, un nombre sans cesse augmentant des foyers n’est en réalité que la caricature de la vie en commun. Foyers où les intérêts sont partagés, des époux et des épouses dont les intentions se contredisent, qui entretiennent des projets différents, qui tiennent des comptes d’argent séparés, qui concluent des accords et contractent d’autres liaisons, qui donnent des rendez-vous en cachette! Les deux dernières guerres mondiales ont sans doute joué un rôle néfaste. Le matérialisme galopant, les vagues de déclin de la vie spirituelle, le goût prononcé pour l’amour-passion, justifiant toutes les infidélités du cœur et de la chair, la frénésie érotique qui surgit à chaque pas, tout a ainsi contribué à la naissance de ce chaos.
Il y a aussi le ridicule qui est jeté sur le mariage sérieux. Il favorise le glissement sur une pente inéluctable. On dit que l’amour réel et le mariage s’excluent. L’amour ne saurait s’épanouir que hors du mariage, car il repose sur la liberté, alors que le mariage suppose l’obligation!
Certes, les difficultés surgissent, d’une part parce que la vie du couple marié est de soi difficile à vivre, et d’autre part, parce que lorsque nous y rencontrons une difficulté, cela entraîne un trouble si profond que la vie tout court devient difficile à vivre. Dès les débuts mêmes de la vie conjugale, il se fait un passage que l’on pourrait appeler de l’image à la réalité, de l’image de l’être idéal que l’on projetait sur la personne de l’autre sexe, par sa réalité concrète avec laquelle on va devoir nouer un dialogue à tous les niveaux de la personnalité : affectifs, spirituels, charnels. Bien des jeunes couples ont du mal au début de leur vie commune à supporter le poids des frustrations et des responsabilités qu’entoure toute vie commune, toute vie conjugale. Les dépasser suppose une certaine maturité affective.
Mais il existe aussi des causes extérieures, disons sociales, qui compromettent sérieusement l’équilibre du couple. La situation sociale de la femme et son activité professionnelle, ne sont pas les moins importantes à retenir notre attention. L’activité hors du foyer de la femme a pris une très grande place dans sa vie et elle lui donne une telle indépendance qu’elle modifie à la fois son rôle de premier plan dans sa famille et ses relations spécifiques d’épouse. Il faut une grande lucidité pour apercevoir les inconvénients du statut nouveau de la femme. Dénoncer son absence du foyer pourrait paraître à certains, qui jugent la situation d’une manière superficielle, une attitude rétrograde. On pourrait même nous accuser d’ignorer les problèmes financiers aigus qui se posent à chaque couple, dont les revenus sont modestes, ou parfois même trop justes, pour faire face aux exigences de la vie matérielle. Ce n’est pourtant ni un conservatisme anachronique ni l’ignorance de la situation réelle qui nous fait dire ce que nous n’avons pas honte de redire : la place de la femme épouse et le rôle principal qu’elle doit jouer se trouvent simplement sous le toit du foyer conjugal. Son absence, au contraire, ne fera qu’augmenter l’instabilité sociale et le déséquilibre de nombreux enfants et adolescents, livrés soit à eux-mêmes, soit confiés aux soins des personnes étrangères. Le soin et l’affection qu’une mère porte à ses enfants leur sont nécessaires comme des vitamines, qui les nourrissent et développent et tiennent dans l’équilibre leur personnalité tout entière.
Une autre question qui surgit si souvent au sein des foyers modernes est celle de savoir qui doit commander à la maison. Est-ce la femme ou le mari? De qui l’autorité procède-t-elle? Chaque couple a dû affronter de telles questions. Mais n’est-ce pas mal la poser? Si nous prenions la peine de consulter l’Écriture sainte — et je vous invite avec grande sollicitude à le faire —, nous verrions que les relations y sont décrites tout autrement. Saint Paul, qui n’avait rien d’un mystique perdu dans les nuages, mais qui au contraire devait connaître de près la réalité humaine, tout aussi bien que le plan de Dieu, à cet égard, écrit dans l’épître aux Éphésiens au chapitre 5 : « Maris, aimez vos femmes. » Cela est curieux, n’est-il pas vrai, pour nous qui sommes habitués à nous attendre plutôt au contraire? Quant à la femme, elle est exhortée à se soumettre au mari. Le mot, bien que chargé d’une lueur hypothétique suggère autre chose qu’une attitude servile de la part de la femme. La soumission dont il s’agit est plutôt cette dépendance sans laquelle la femme ne peut vivre auprès de son mari. De toute manière, c’est uniquement dans cet amour et cette dépendance-là que l’homme et la femme peuvent trouver mutuellement leur accomplissement.
Les relations physiques ne sont pas le moindre des écueils contre lequel s’achoppe si souvent encore l’entente harmonieuse des couples. Elles sont parfois à l’origine des conflits sérieux, pour ne pas dire dramatiques. Il faut avouer que l’ignorance de la grande majorité des couples est vraiment déconcertante. Qu’il soit permis d’indiquer que, dans ce cas, il ne faut pas se gêner d’avoir recours à des spécialistes compétents, soit à des médecins, psychologues, conseillers conjugaux, voire à un directeur spirituel. Ils sont qualifiés pour étudier ces problèmes et pour indiquer ou proposer des solutions qui s’imposent.
Ainsi, à chaque instant, on s’aperçoit que l’union conjugale n’est pas un trésor acquis une fois pour toutes. Elle est une création constante. Elle a des exigences précises au départ; des conditions de durée qu’il faut respecter au fur et à mesure de chacune des étapes traversées. Chaque couple apporte au mariage sa manière de sentir, de penser et d’aimer. L’un et l’autre des conjoints ont passé leurs années de formation les plus décisives dans des situations ou des cadres différents. Chaque ménage porte en lui-même, comme tout organisme vivant, les germes de divorce et les forces de destruction qui y sont constamment à l’œuvre. Si on entretient les différences, elles infesteront la vie du couple et la menaceront de désintégration. Le désir de s’affirmer ou de s’imposer, celui de se replier sur soi au lieu de communiquer fait que le couple s’affaiblit ou meurt.
La tension entre l’égoïsme et le don de soi est vive. Mais il faut éviter que ne s’accumulent au fil des jours tous ces incidents qui compromettent le couple. Il faut prendre son temps pour affronter en commun les problèmes. Il faut savoir écouter et apprendre à dialoguer. Revenir toujours à l’aveu de l’amour, car celui-ci nourrit l’harmonie du couple. Si on n’a pas pris le temps de parler ensemble, les petits incidents sans importance s’accumuleront jusqu’à devenir une montagne. Il faut parfois dire la vérité même si cela produira un mauvais moment. On peut sonder les causes du conflit. Parfois, on découvre que certains motifs étaient futiles, voire ridicules. Il faut aussi savoir reconnaître ses erreurs. Ne pas attendre que ce soit l’autre qui confesse sa faute. De toute manière, ce qui compte ce n’est pas ce qu’on a été, mais ce qu’on peut devenir.
Le dialogue entre époux est possible, lorsqu’ils savent que Dieu aussi est entré en dialogue avec nous. Il n’a pas caché son visage devant les ennuis que nous avons causés. Le couple qui écoute ensemble la Parole de Dieu et qui se met à genoux pour prier Dieu, sait faire face aux problèmes et évite les graves conflits. Celui qui sait dépendre de la grâce de Dieu n’aura pas de prétention sur l’autre. Il l’acceptera tel qu’il est ou telle qu’elle est. Nul n’est à l’abri de l’égoïsme. Mais devant la parole de Dieu on sait qu’on a été jugé et pardonné. C’est pourquoi on peut user de l’indulgence à l’égard de son partenaire.