Connaître son auditoire
Connaître son auditoire
Au cours des derniers mois, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec un certain nombre de missionnaires et de travailleurs missionnaires au sujet de leur tâche.
Ces entretiens s’inscrivent dans le cadre de mes efforts pour me familiariser avec les hauts et les bas, le pourquoi, le comment et le où du travail de la mission. Avant de prendre mes fonctions de professeur de ministère et de mission au Séminaire théologique réformé canadien, j’aimerais en apprendre le plus possible sur le travail de diffusion de l’Évangile parmi les gens qui ne connaissent pas le Seigneur.
Jusqu’à présent, chaque entretien a été un régal. Cela s’explique en grande partie par le fait que toutes les personnes que j’ai interviewées possèdent une mine de connaissances qu’elles sont désireuses de partager. Pour me préparer à ces entretiens, j’ai dressé une liste de quelques dizaines de questions. Toutefois, jusqu’à présent, j’ai constaté qu’il n’était guère nécessaire de consulter ma liste de questions. Les expériences, les leçons et les histoires jaillissent généralement sans que j’aie besoin de les solliciter. Je n’ai plus qu’à m’asseoir et à essayer de me souvenir de tout ce que j’entends!
Après avoir écouté un certain nombre de frères (et une sœur) qui ont travaillé ou travaillent sur le champ de la mission, j’ai remarqué quelques points communs intéressants. Ils ont travaillé dans des endroits différents, parmi des populations très disparates, mais il y a des similitudes dans les choses qu’ils choisissent de mettre en avant comme étant importantes.
Un élément commun à toutes les personnes que j’ai interrogées est l’importance d’arriver à une compréhension profonde de ceux à qui l’on annonce l’Évangile. Vous devez connaître votre « public cible » et être sensible à son contexte afin de lui communiquer la vérité de Dieu. Une telle connaissance va bien au-delà de la capacité à comprendre et à utiliser leur langue maternelle — ce qui n’est pas un mince défi en soi! Elle exige que l’on connaisse les pratiques culturelles, les priorités sociales, les valeurs du groupe et leur vision du monde. À bien des égards, il s’agit d’apprendre ce qui se cache sous la surface des personnes auprès desquelles l’on exerce son ministère.
Par exemple, pourquoi un chrétien par ailleurs fidèle se tournerait-il vers le sorcier du village lorsque les prières adressées à Dieu pour obtenir la guérison restent sans réponse, ou lorsque la médecine conventionnelle n’apporte pas d’aide? Quels sont les raisonnements qui sous-tendent un tel choix et comment pouvons-nous répondre d’une manière qui soit à la fois sensible à la personne et fidèle à l’Écriture? Ou que doit penser un chrétien chinois de la pratique consistant à balayer le tombeau familial une fois par an? Cela implique-t-il une vénération païenne des ancêtres, ou s’agit-il d’une coutume inoffensive?
Chaque culture a son propre point de vue sur la manière d’établir de bonnes relations interpersonnelles, sur la place de l’autorité, sur les obligations inhérentes au fait de donner et de recevoir des cadeaux — la liste est vraiment infinie. En bref, un missionnaire veut connaître les modèles profondément enracinés dans l’esprit et le cœur de son auditoire, puis être prêt à montrer comment la vérité de la Parole de Dieu aborde ces questions.
On n’acquiert pas ces connaissances en parcourant la page Wikipédia sur le groupe de population auquel on s’adresse, ni même en lisant un ou deux livres à son sujet. Comme me l’a dit un missionnaire : « Nous devons être un étudiant de leur culture. »
Le fait d’être un étudiant implique que l’on s’engage à apprendre en permanence. Pour un étudiant, il y a une progression dans la connaissance, allant des éléments rudimentaires aux notions plus avancées.
Ce type d’apprentissage requiert une bonne dose de curiosité. En écoutant attentivement ce dont les gens parlent, en les observant dans leurs relations mutuelles et dans leur vie quotidienne, nous devons être prêts à admettre que nous ne comprenons pas. Et lorsque nous ne comprenons pas, creusons plus profondément et posons des questions. Comme l’a dit un autre frère, un missionnaire doit toujours faire preuve d’humilité lorsqu’il rencontre une autre culture et ses pratiques étrangères (pour nous!) : « S’asseoir par terre », a-t-il dit, accepter l’instruction, chercher la clarté, et ne pas fournir rapidement les « bonnes » réponses.
J’imagine que, pour un missionnaire, habitué à être dans la position d’un enseignant ayant autorité, cela peut être une expérience inconfortable. Inconfortable, mais tellement nécessaire, car le missionnaire recherche l’occasion de relier la puissance transformatrice de l’Évangile du Christ à la vie de ces pécheurs particuliers. S’il connaît son public en profondeur, sa présentation de l’Évangile sera plus ciblée et plus en rapport avec leurs propres réalités — et si Dieu le veut, elle sera aussi plus efficace.
Ces rencontres avec d’autres cultures sont souvent exigeantes. Les choses que les gens croient et pratiquent depuis leur jeunesse ne sont pas rapidement oubliées ou rejetées, même lorsqu’elles s’avèrent être en conflit avec les Écritures. Un travailleur a conseillé ce qui suit : « Lorsque vous rencontrez une pratique étrange ou même pécheresse, n’oubliez jamais de vous considérer comme un pécheur qui a besoin du même Évangile du salut. »
Après tout, nous sommes nous aussi façonnés de manière indélébile par notre culture lorsque nous entendons l’Évangile et y répondons. Michael Horton écrit :
« Il est facile pour des gens comme moi de repérer les façons particulières dont les “autres” (non-Blancs, non occidentaux) apportent leurs préjugés aux Écritures. Il m’est beaucoup plus difficile d’examiner mes propres lunettes, surtout quand je les porte.1 »
Avec patience et humilité, nous cherchons à comprendre les gens, et avec prière et diligence, nous cherchons à nous soumettre ensemble à la vérité de la Parole de Dieu.
C’est là que la quête d’un missionnaire pour comprendre son auditoire est précieuse pour nous tous. Dieu nous appelle à être des prophètes fidèles, confessant son nom dans un monde si dépourvu de sa vérité et qui a pourtant désespérément besoin du Christ. En accomplissant notre tâche prophétique, nous supposons peut-être maintenant que nous connaissons notre message. Nous connaissons notre message, mais connaissons-nous notre public?
Connaissons-nous bien les gens qui nous entourent, notre voisin, notre collègue de travail, notre coiffeur? Qu’est-ce qui fait vibrer nos concitoyens? Quelles sont les valeurs culturelles qui les façonnent? Quels sont les rituels qu’ils suivent pour donner un sens plus élevé à leur vie? Nous pensons peut-être que nous connaissons nos voisins, mais avons-nous vraiment une connaissance approfondie des personnes que nous côtoyons tous les jours? Quels sont leurs désirs et leurs regrets? Que pensent-ils de la mort, de la vérité et du pardon? Comment ressentent-elles le besoin de l’Évangile salvateur du Christ?
Lorsque nous comprenons mieux une personne, nous pouvons mieux parler de l’Évangile dans sa vie. Alors posons des questions, écoutons et ensuite parlons.
Note
1. Michael Horton, The Gospel Commission: Recovering God’s Strategy for Making Disciples [La mission de l’Évangile : Retrouver la stratégie de Dieu pour faire des disciples], Grand Rapids, Baker, 2011, p. 121.