Connaissance de l'islam - Divergences entre l'islam et la foi chrétienne
Connaissance de l'islam - Divergences entre l'islam et la foi chrétienne
- Des religions abrahamiques?
- L’autorité de la Bible
- La nature et le caractère de Dieu
- L’absence de mention du nom du prophète dans la Bible
- La voie du salut
Le musulman, qu’il vive chez lui ou en Occident, prétend qu’il n’existe pas de différence fondamentale entre l’islam et la foi chrétienne. Il affirme que l’on croit au même Dieu, que Jésus était bien un grand prophète, qu’on a l’obligation de faire le bien en espérant obtenir le pardon de Dieu et aller au paradis, etc. Pourquoi nos religions devraient-elles se diviser? On devrait s’unir pour pouvoir s’opposer à tous ceux qui ne croient pas en Dieu.
Il est exact que le christianisme semble avoir plus de points communs avec l’islam qu’avec le bouddhisme ou l’hindouisme. Certains chrétiens sont allés jusqu’à tenir l’islam pour une simple hérésie chrétienne!
Cependant, l’analyse des croyances respectives nous a déjà fait découvrir des divergences plus profondes que ne laisse supposer une approche superficielle et une évaluation des soi-disant points communs entre les deux religions. S’il est exact que l’honnêteté dans les affaires assure la meilleure politique, cette même vérité sera plus valable encore en matière d’affaires religieuses. Ce serait manquer de la plus élémentaire intégrité morale envers le musulman et même être totalement déloyal envers notre propre confession de foi si, dans une tentative chimérique d’instaurer de bons rapports entre les deux religions, nous occultions ces divergences profondes et irréconciliables. Des rapports corrects ne peuvent s’établir que sur la seule base de l’acceptation de la vérité. À cette fin, nous allons considérer certains points parmi les plus marquants de ce désaccord que nous affirmons sans faux-fuyant.
1. Des religions abrahamiques?⤒🔗
Reproduisons ici la deuxième partie de l’étude de Jean Bichon1, qui traite du thème moderne de « religion abrahamique ».
« Mais aujourd’hui, le plus souvent, sans doute sous l’influence de L. Massignon et de ses disciples, on emploie l’expression, pour rapprocher judaïsme, christianisme et islam, de “religions abrahamiques”. On ne cherche pas l’identité fondamentale dans l’idée de Dieu (monothéisme), ni dans le mode abstrait de connaissance (révélation), mais dans le concret : l’homme historique, Abraham, qui a reçu cette connaissance, et de lui dérivent, par filiation historique et par filiation spirituelle, les trois religions qui permettent cette connaissance.
La filiation historique est indubitable. Abraham est l’ancêtre charnel des juifs par Isaac. Il est celui des Arabes par Ismaël (Gn 25.12-18). Les premiers chrétiens étaient des juifs et, même si aujourd’hui le fond juif est complètement dilué dans la masse des chrétiens d’origine païenne qui s’y sont agrégés, la situation n’est pas essentiellement différente dans l’islam, dont la grande majorité des croyants n’est pas de sang arabe, ni même dans le judaïsme, qui a jadis accueilli et assimilé non seulement des individus isolés, comme il fait encore de nos jours, mais des peuples entiers.
L’expression “religion abrahamique” peut offrir l’avantage de recouvrir celle de “religion révélée”, puisque Dieu s’est révélé à Abraham; et celle de “monothéisme”, puisque, selon la Bible, Abraham a quitté sa patrie, sa parenté, les divinités mésopotamiennes, pour obéir à Yahvé seul, et que, selon le Coran, il a brisé les idoles de son peuple et prêché le Dieu unique.
Mais l’examen des problèmes soulevés par ces assertions viendra tout à l’heure. Il s’agit d’abord de savoir si la filiation charnelle, à elle seule, suffit à créer une parenté sur le plan de la religion. La réponse est évidente; ainsi l’héritage spirituel d’Abraham s’est-il transmis, non seulement à Isaac et à ses descendants, mais aussi à Ismaël et à sa postérité. Selon L. Massignon, la bénédiction que Dieu promet à Abraham d’accorder à Ismaël (Gn 17) se réalise après un immense intervalle de temps, dans la personne de Mahomet, dont le message est un rappel providentiel aux juifs et aux chrétiens coupables d’oublier une partie de la vérité divine qui leur a été confiée. C’est là une exégèse parfaitement arbitraire et contraire à la Bible de la parole que Dieu adresse à Abraham : “À l’égard d’Ismaël, je t’ai exaucé”. Car la bénédiction que Dieu promet à Ismaël est de “multiplier à l’infini”, et de “devenir une grande nation”; cette bénédiction, on le voit, ne dépasse pas le plan charnel. Isaac seul, continue Yahvé, hérite de l’alliance (Gn 17.21), laquelle est, on le sait, la garantie solennelle de la promesse et le lien exclusif avec certains hommes. Il se passe déjà, avec Isaac et Ismaël, ce qui se passera avec Jacob et Ésaü : l’élection soulignée par l’exclusion (exclusion non pas de la bénédiction, mais de l’alliance).
La manière dont la pensée coranique se représente le lien qui unit Abraham aux Arabes n’est pas parfaitement claire. Abraham, selon le schéma habituel dans le Coran, était un prophète et reçut un message (ce message est toujours le même, c’est l’unicité divine) destiné à un peuple particulier, apparemment les habitants de son pays natal; mais le Coran répète plusieurs fois que la communauté de ceux qui ont suivi la religion d’Abraham “est passée”. Ismaël à son tour fut prophète, mais pour quel peuple? Pour les Mecquois de ce temps-là? Le Coran ne le dit pas. Il semble bien que Mahomet savait qu’Ismaël est, selon la Genèse, l’ancêtre des Arabes, bien que cela ne soit dit expressément nulle part. Mais les Arabes, affirme le Coran, n’avaient pas reçu avant Mahomet le prophète qui leur fut spécialement destiné. Par contre, le Coran raconte qu’Abraham, accompagné d’Ismaël, vint à La Mecque, qu’il y installa “une partie de sa descendance”, qu’il y construisit la Kaaba de ses propres mains, qu’il y instaura les rites du pèlerinage. Cette venue d’Abraham à La Mecque fut-elle inventée de toutes pièces par Mahomet ou bien était-ce déjà une tradition locale? Massignon a soutenu la deuxième opinion au moyen d’arguments qui ont de la force. Quoi qu’il en soit, pour la science historique, il ne peut s’agir que d’une légende. De toute façon, lorsque Mahomet parut, la Kaaba était remplie d’idoles et les rites qui se déroulaient autour d’elle et dans son voisinage étaient des rites purement païens. Le plus probable est ceci : méditant sur ce qu’il savait de l’histoire d’Abraham à travers les récits bibliques et les légendes juives, Mahomet découvrit des analogies entre les circonstances de la vie d’Abraham et celles de sa propre vie. De plus, il y avait une relation, historique ou légendaire, entre Abraham et les Arabes, par Ismaël et par la Kaaba. Il prit donc Abraham pour prédécesseur privilégié et pour modèle, non sans se projeter lui-même en Abraham. Il affirma qu’Abraham avait demandé à Dieu de susciter à l’avenir un prophète à La Mecque (ce prophète c’était lui); il modifia et purifia le temple qu’Abraham avait élevé et les rites qu’il avait institués. Du même coup, il remontait à la source où buvaient les juifs, mais qui, par leur faute, coulait trouble; il pouvait les exhorter à revenir à la religion d’Abraham (“millat Ibrahim”), identique à la sienne propre.
Le résumé des assertions coraniques que nous venons de donner montre que, du point de vue islamique, la filiation d’Abraham aux Arabes et à Mahomet n’est pas seulement charnelle, mais spirituelle; Ismaël était prophète, Abraham a bâti la première Kaaba et institué les rites du pèlerinage, Mahomet a été envoyé par Dieu en exaucement d’une prière d’Abraham; et que, toujours du point de vue islamique, la filiation spirituelle des juifs et des chrétiens, tout authentique qu’elle soit dans le principe, est rendue suspecte et comme polluée par de graves déviations doctrinales. Mais, du point de vue chrétien, comment doit-on juger la revendication par Mahomet d’une filiation spirituelle à partir d’Abraham si, comme nous pensons l’avoir montré à l’encontre de L. Massignon, la bénédiction accordée par le Dieu de la Genèse à la descendance d’Ismaël doit seulement s’entendre d’un avantage démographique et politique, c’est-à-dire purement charnel?
La réponse, à notre sens, ne peut être que celle-ci : il y aura filiation spirituelle d’Abraham à Mahomet, et la religion de Mahomet sera authentiquement abrahamique s’il y a, sinon une identité, du moins une analogie essentielle entre la vocation et la situation spirituelle du premier et du second, ou entre le message de l’un et celui de l’autre.
Mais s’agit-il d’un message? Pour le Coran, cela ne fait aucun doute. Pour le Coran, nous l’avons vu, le message d’Abraham et celui du prophète sont identiques; ils prêchent l’abandon des idoles, des divinités multiples, et la foi en un seul Dieu, créateur et tout-puissant, rémunérateur de ceux qui croient. Abraham est alors le “père des croyants”. Or, nous avons déjà vu que le monothéisme reste à la surface de l’image de Dieu. Au point que, selon le P. M. Hayek, “il ne s’agit pas de la même foi”.
Avant de continuer, nous croyons nécessaire d’écarter un malentendu possible. Lorsque nous parlons d’une « foi », qu’elle soit chrétienne, islamique ou autre, nous nous souvenons de la nécessaire et primordiale distinction entre la fides quæ creditur (ce que l’on croit, le contenu ou l’objet de la foi, la foi objective) et la fides qua creditur (le phénomène psychologique de la foi, la persuasion et la confiance, la foi subjective); et tout notre examen porte sur la première.
Quant à la seconde, en tant que phénomène humain (écartons la question du concours divin dans la naissance de la foi), elle revêt nécessairement des aspects psychologiques voisins, voire identiques, dans les religions les plus diverses, et en particulier dans l’islam et le christianisme. Le musulman a souvent, de la vérité de sa foi, une conviction entière, immense… Il peut éprouver pour Allah un vif sentiment, non seulement de crainte et de révérence, mais de reconnaissance, d’intimité et d’amour, allant jusqu’à l’approche mystique. Et les conséquences de cette foi sur sa vie sont souvent puissantes; zèle à s’acquitter de ses obligations rituelles; scrupule dans sa conduite morale, lorsqu’il juge que son obéissance à Dieu est en jeu; sens du sacrifice (le don rituel pour les pauvres, obligatoire en certaines occasions, est important; le pèlerinage a longtemps été coûteux et dangereux; le jeûne du Ramadan est pénible physiquement; en cas de guerre sainte, le musulman expose volontiers sa vie); sens du respect dû à autrui; ouverture à un devoir humain général. Tout cela, non seulement peut inciter le chrétien à faire retour sur lui-même, à éprouver un sentiment d’émulation, mais peut servir de fondement à la sympathie réciproque et à la collaboration sur divers plans. L’attitude subjective nommée “islam” n’est pas un vain mot. Mais il faut savoir aussi d’abord que ces divers sentiments, attitudes, pratiques, se rencontrent à des degrés divers, dans toutes les religions; ensuite que ce qui est le propre d’une foi, ce n’est pas son côté subjectif, mais son côté objectif.
Donc, la foi d’Abraham, que Dieu lui “imputa à justice”, cette foi par laquelle il quitta sa patrie, par laquelle il crut à la promesse impossible d’un fils, par laquelle il accepta de sacrifier ce fils, cette foi, sur laquelle Paul insiste, n’est qu’un côté second (nous ne disons pas secondaire) de son importance religieuse. Ce qui prime, c’est la foi en ce Dieu-là, en cette parole-là, en cette promesse-là. Dans la Genèse, Abraham, qui n’est pas un prophète, n’est chargé d’aucun message pour qui que ce soit; il a pour mission simplement d’être (il faut, bien sûr, qu’il accepte de l’être), d’être au sein de l’humanité le réceptacle de la promesse, le premier chaînon d’une action divine, l’origine de la lignée qui, sous l’action continue du Seigneur, aboutira à un peuple, et, par ce peuple, à une grande bénédiction pour toute l’humanité. Il n’est demandé à Abraham qu’une seule chose; se mettre en route, en laissant tout le passé; partir pour une terre inconnue, un avenir inconnu; abandonner les assurances humaines et tourner ses regards vers l’intervention divine, promise contre toute vraisemblance et pour un jour lointain qu’Abraham ne verra pas lui-même. La foi n’est pas foi en l’être de Dieu, mais en la promesse, que l’alliance sanctionne et approprie; elle est attente, elle s’appelle espérance.
La foi chrétienne, appuyée sur le Nouveau Testament, éclaire la promesse en prolongeant les lignes : la terre promise à Abraham préfigure le Royaume universel; sa postérité, réalisation de la bénédiction pour tous les peuples, c’est Jésus-Christ, Roi de ce Royaume; si l’ange de Yahvé a retenu la main d’Abraham, levée sur la gorge d’Isaac avec le couteau, c’est parce que Dieu se réservait pour lui-même la mise à mort de son Fils, par laquelle la bénédiction universelle devait se réaliser.
Nous pouvons à présent mesurer le profond fossé qui sépare la religion de l’Abraham biblique et celle de l’Abraham coranique et qui fait du recours commun à Abraham une démarche formelle. Il s’agit bien, comme dit le P. Hayek, d’une autre foi. Celle de l’Abraham coranique, c’est la foi intemporelle et abstraite en l’unicité de Dieu; Abraham parvient à cette foi par un raisonnement sur une expérience “naturelle”, dans laquelle Dieu le guide. Pour convaincre Abraham, Dieu a décidé, d’après ce passage, de lui prouver que lui seul possède le royaume des cieux et de la terre. Abraham, qui cherche un Seigneur, le cherche d’abord dans le ciel visible (il faut se souvenir que les dieux du paganisme arabe étaient souvent des dieux astraux); il élimine successivement l’étoile, car elle disparaît; la lune, car elle s’occulte; le soleil, car il se couche. Finalement, il comprend qu’aucun être visible n’est divin et ne peut être “associé” à Dieu. “Je tourne ma face, s’écrie-t-il, vers celui qui créa les cieux et la terre, et je ne suis point parmi les associations”; c’est donc le monothéisme. Et c’est ensuite qu’il exhortera son peuple et brisera les idoles.
En regard de cela, la foi d’Abraham est non la conviction d’une idée de Dieu, mais la confiance dans la promesse du Dieu qui a parlé, qui se lie à lui et qui bénira immensément toute l’humanité par la postérité d’Abraham : par le Fils sacrifié (Jn 8.56).
Le fossé est profond. C’est une affirmation futile et inféconde que de dire que ces deux fois sont apparentées parce qu’abrahamiques.
Sur chaque point examiné, la divergence devient éclatante lorsqu’on aborde la personne de Jésus. Révélation, ici à des prophètes, là en Jésus. Unicité de Dieu, ici l’on nie que Jésus soit le Fils de Dieu, là Jésus déclare : “Moi et le Père nous sommes un”. Mission d’Abraham, ici prêcher le monothéisme, là, servir de point de départ à la venue de Jésus. Foi d’Abraham, son objet est, ici, un attribut (autrement compris) de Dieu, là, la naissance, contre toute raison, d’un fils et du Fils de ce fils. Or la foi chrétienne n’est pas l’aboutissement d’un examen analytique des idées sur Dieu, comme si cela eût du sens de s’accorder d’abord sur certains points, puis de diverger sur le point dernier et décisif; elle part de Jésus, en qui Dieu attaque et bouleverse toutes les pensées humaines, en qui par conséquent toutes les idées sur Dieu, sur son faire et sur son être, sont refondues, refondées et transfigurées. Mais alors nous soulevons le problème de ce que doit être le “dialogue”, et c’est un autre sujet.
Récapitulons : identité ou parenté de références historiques et de vocabulaire; divergence essentielle sur les notions précises que ce vocabulaire comporte, en particulier sur l’agir de Dieu à l’égard des hommes, sur ses attributs, en définitive sur son être; le tout résumé dans la négation par l’islam du Christ en tant que Christ. Dans le cadre objectif extérieurement ressemblant, en fait étranger, l’islam verse un contenu subjectif (une piété) souvent analogue à la piété chrétienne, profonde et émouvante; on sent dans le Coran un grand effort pour rattraper, dépasser la foi chrétienne, effort qui échoue du fait de l’ignorance, ou du refus, de ce qui est le nœud vital du christianisme : on ne peut communier qu’en Jésus-Christ, le Jésus-Christ des Évangiles, et non en Abraham puisqu’il y a deux manières de comprendre Abraham diamétralement opposées, l’une qui le voit dans la perspective de Jésus, l’autre dans celle de Mahomet. »
2. L’autorité de la Bible←⤒🔗
Pour la foi chrétienne, lorsqu’elle s’attache à l’Écriture, celle-ci, telle qu’elle, est Parole de Dieu, aussi est-elle entièrement digne de foi. Le Coran, lui, affirme que Dieu a donné certains livres à ses prophètes et que les musulmans tiennent leur foi comme vraiment d’origine divine. Ils admettent bien l’autorité des livres de Moïse, de David et de Jésus ainsi que d’autres livres prophétiques. Lorsque le musulman tient entre ses mains un exemplaire de la Bible chrétienne, il la vénérera et l’embrassera en s’exclamant : « C’est la Parole de Dieu qu’atteste aussi le Coran ». Mais s’il se met à la lire, il en sera vite embarrassé. Ce livre-là ne semble pas appartenir à la catégorie des livres sacrés auxquels il est habitué.
À ses yeux, seul le Coran est entièrement Parole divine, unique, car, par l’intermédiaire de l’archange Gabriel, Dieu y parle dans chaque verset. À ses yeux, la Bible n’a que des rédacteurs humains, ainsi elle ne saurait être au même sens que le Coran Parole de Dieu. Le Nouveau Testament n’est pas le livre que Dieu aurait donné à Jésus; plus simplement, il a été rédigé par des hommes tels que Matthieu, Jean, Paul et d’autres. En outre, il contient nombre de passages qui s’opposent à l’enseignement du Coran. Par exemple, la Bible dit que Noé et David et d’autres prophètes ont été coupables de grave inconduite, ce qui aux yeux de la foi musulmane est faux. Il y est également déclaré que Jésus est le Fils de Dieu, mort sur la croix, contrairement à ce qu’en dit le Coran. En conséquence, la Bible, Ancien et Nouveau Testament, ne peut être Parole de Dieu, et le respect dont l’islam témoigne à son égard est tout extérieur et formaliste. La Bible n’est pas l’écrit original attesté par le Coran.
Mahomet croyait bien que les Écritures chrétiennes avaient été authentiques, car nulle part le Coran ne déclare qu’elles furent altérées et corrompues. Néanmoins, lorsque les juifs lui firent comprendre que les Écritures n’annonçaient pas son apparition, aussitôt il les accusa de mal les interpréter. Pour la foi musulmane, la Bible telle quelle est n’est plus digne de foi.
Certes, si un chrétien éprouve quelques doutes relatifs au sujet de l’authenticité et de l’autorité de la Bible, il ferait bien de les résoudre avant de s’entretenir avec un musulman pour défendre sa propre foi. S’il ne croit pas à la vérité de la Bible, il n’aura aucun terrain solide où se tenir.
3. La nature et le caractère de Dieu←⤒🔗
Nous avons vu que l’unité de Dieu ne peut nullement fonder un accord entre les deux religions. Nous en avons longuement expliqué les raisons. Le Dieu du Coran est-il aussi saint qu’il est tout-puissant? Sait-il aimer autant qu’il est sage? S’intéresse-t-il au sort du pécheur? A-t-il entrepris une action en vue du salut de ce dernier? Sur ce point réside encore l’une des principales divergences entre l’islam et notre foi. Dieu est certes compatissant et il pardonne. Mais son amour est rarement mentionné dans le Coran, et dans l’enseignement islamique nous ne trouverons rien qui nous rappelle de près ou de loin la Bonne Nouvelle contenue dans le passage johannique (Jn 3.16) qui déclare que Dieu a pourvu le pécheur d’un Sauveur parfait. Tout ce qu’Allah fait c’est d’envoyer des prophètes pour avertir les hommes et leur donner des livres de lois afin de les guider sur le droit chemin. Raymond Lull disait que le principal défaut de la théologie musulmane est relatif à l’amour divin. Aucun musulman orthodoxe ne dira « Dieu est amour ». Les musulmans n’appelleront pas Dieu leur Père. « N’appelez pas Dieu votre Père, car c’est un blasphème », déclarera-t-il.
Dans l’islam, Dieu est connu du fait qu’il ne s’est pas fait… connaître! Ses commandements sont connus par les hommes dans le Coran, mais Dieu en personne n’y est point révélé. Mahomet n’osa jamais déclarer qu’il fut la révélation divine. Seul Jésus-Christ, le Fils incarné de Dieu, a déclaré : « Celui qui m’a vu a vu le Père. Je suis dans le Père et le Père est en moi » (Jn 14.9-10). Ainsi que le déclare saint Paul : « Il est l’image du Dieu invisible » (Col 1.15). Lorsqu’on a vu Jésus, on a vu Dieu. « Dieu était en Christ réconciliant le monde avec lui-même » (2 Co 5.19).
Une autre question souvent posée par les chrétiens est la suivante : Les musulmans possèdent-ils une véritable connaissance de Dieu? Allah est-il le même Dieu que celui que nous adorons? On a illustré la divergence entre les deux conceptions de l’être de Dieu par l’image suivante : la première, celle de l’islam, rappelle celui qui, dans l’obscurité, regarde au loin un édifice, mais est incapable de dire s’il s’agit d’une résidence ou d’une usine. Il n’est certain que d’une chose : il aperçoit un seul étage, l’édifice est en briques. Mais, en s’approchant, ce qui est le cas du chrétien, et en l’observant à la lumière du jour, il se rend compte que l’édifice a bien été bâti en pierres et en briques et, au lieu de ne voir indistinctement qu’un étage unique, il en aperçoit trois! Ainsi, le musulman qui regarde vers Dieu dans la lumière imparfaite de la révélation coranique et de sa propre raison ne voit que la puissance divine et sa volonté, mais pas l’amour de Dieu. Il voit l’unité de Dieu, mais non sa Trinité dans l’unité. La vraie connaissance de Dieu n’est possible que lorsque l’on regarde Dieu en son Fils Jésus-Christ.
4. L’absence de mention du nom du prophète dans la Bible←⤒🔗
Le musulman est assuré que, comme Moïse et d’autres prophètes auraient prédit l’avènement de Jésus, Jésus, lui, aurait prédit celui de Mahomet. En fait, le Coran déclare que Jésus aurait prédit l’avènement d’un certain Ahmad qui, dit-on, n’est autre que Mahomet. Puisque le Nouveau Testament ne contient aucune prédiction de la sorte, les musulmans pensent qu’elle fut retirée de « l’Injil », l’Évangile, par les chrétiens au moment de l’apparition du prophète; cette prédiction aurait été faite par Jésus dans son discours annonçant l’envoi du Paraclet. Il s’y serait justement référé à celui-ci. Certains théologiens musulmans prétendent que, dans ce discours, Jésus se serait servi d’un terme grec signifiant « hautement loué ». Or, dans la langue arabe, Mahomet signifie précisément hautement loué. Ils en concluent que Jésus avait prédit l’avènement du prophète, mais que les chrétiens changèrent le mot grec « paraclètos » pour justifier leur rejet de Mahomet.
5. La voie du salut←⤒🔗
Ceci nous amène à considérer une autre différence essentielle qui réside dans la réponse à la question « Que dois-je faire pour être sauvé? » Le chrétien répondra, d’après Actes 16.31, que le salut est le don gratuit de Dieu, accordé à celui qui place sa confiance en lui; il ne peut être mérité (Ép 2.8). La réponse musulmane est : « Crois en Dieu et en son prophète Mahomet et fais ce que Dieu demande, il t’agréera ». Le pécheur est dirigé non vers le Christ qui ôte les péchés du monde, mais vers un étranger. À cet endroit encore, il convient de rappeler l’avertissement de Paul : « Si quelqu’un vous prêche un autre Évangile, qu’il soit anathème » (Ga 1.9).
L’islam ne connaît point de Sauveur. Mahomet est rarement appelé Sauveur. Il est dit qu’il a simplement apporté les lois de Dieu, et celui qui les observe satisfera à ses exigences et gagnera son approbation. Le Coran se réfère à la balance sur laquelle au jour du jugement Dieu pèsera les œuvres de chaque individu. Si les bonnes œuvres sont plus lourdes, le croyant entrera directement au paradis tel qu’il est décrit dans le Coran, comme un endroit de plaisirs sensuels. Si les œuvres de quelqu’un sont plus légères, il sera jeté dans le feu de l’enfer. Il semblerait que l’on puisse, avec 51 % de bonnes œuvres, mériter le paradis! Ce qui est totalement différent de ce qui est dit au sujet de la Cité sainte de Dieu. L’Écriture annonce que rien d’impur n’y pénétrera (Ap 21.27).
Puisque de nombreux musulmans se rendent compte qu’ils ne sont même pas à moitié bons, ils récitent des prières en supplément de celles qui sont légalement requises, font des dons de charité, se rendent à des pèlerinages, non seulement à La Mecque, mais encore en d’autres lieux et vers d’autres autels, afin de gagner des mérites et, si possible, équilibrer leurs comptes avec Dieu! Mais puisque Dieu ne fait pas connaître les comptes de ses serviteurs, un musulman qui envisage la mort ne sait pas davantage s’il ira au paradis ou bien s’il se retrouvera en enfer. La décision étant prise par la volonté arbitraire de Dieu, nul ne peut prédire quelle en sera l’issue.
Le musulman vit et meurt sans rien connaître au sujet de son salut éternel. Il espère que les anges ou les prophètes intercéderont le dernier jour et qu’ainsi il échappera au feu de l’enfer!
L’islam a cherché à amener les hommes vers la dispensation de la loi dont le Christ nous a libérés par sa mort et par sa résurrection. Que ce soit la loi divine révélée dans la Bible ou les lois moins parfaites du Coran, personne ne peut espérer qu’en observant la loi il serait accepté par Dieu, car, hors du Christ, ni le musulman ni le chrétien ne peuvent l’observer (Ga 3.10,13). Le Christ a délivré ceux qui placent leur confiance en lui et il les affranchit de la malédiction de la loi. Il les fait enfants de Dieu et leur fait don de son Esprit. L’islam, six siècles après le Christ, mène l’homme vers la loi et le place sous son joug tyrannique. Ceux dont les péchés ont été gratuitement pardonnés devraient-ils par leurs œuvres méritoires, prières, jeûnes, sacrifices…, gagner d’hypothétiques faveurs divines? Or, c’est le privilège et le devoir du chrétien que d’annoncer au musulman la bonne nouvelle du salut par la seule grâce, au moyen de la foi en Christ (Ga 5.1).
Une autre différence est que tout converti chrétien peut s’adresser à Dieu dans sa propre langue, tandis que le musulman doit le faire en langue arabe qu’il ne comprend pas nécessairement.
L’islam et la foi évangélique sont deux routes diamétralement opposées qui ne mèneront pas vers le même Dieu.
À première vue, elles semblent être des voies semblables, conduisant vers la même direction. Cependant, un examen sérieux fera sauter aux yeux les différences irréductibles entre elles. L’une conduit à la vie, l’autre à la mort. La première annonce le Christ qui est la voie, qui conduit à la vie éternelle et par laquelle on accède à Dieu le Père. L’autre se place, en définitive, devant une perspective inconnue et remplit le fidèle, même le plus zélé, d’un total désespoir!
Mahomet a eu une certaine connaissance générale du christianisme, grâce à des chrétiens de condition modeste et de tendances plus ou moins hétérodoxes. Il a connu des extraits des Évangiles apocryphes qui circulaient dans le Proche-Orient. Mais cette connaissance est demeurée incomplète et s’est faite par une adaptation progressive; c’est seulement à Médine que Mahomet a compris que l’essentiel des divergences entre les chrétientés orientales portait sur la nature de Jésus : ceci lui a permis de renforcer sa position sur ce problème. Le fondateur de l’islam a subi surtout l’influence du nestorianisme, qui ne voit en Jésus qu’une nature humaine. Il a connu également le monophysisme, pour le combattre, puisque ce dernier attribuait à Jésus une seule nature, d’essence divine. Il a pu également être influencé par d’autres sectes chrétiennes qui s’étaient développées depuis le premier siècle, par exemple les docétistes et les gnostiques. Il a parlé de façon favorable des sabéens, secte monothéiste baptisée, groupée en Mésopotamie. Il n’eut que des connaissances peu précises sur le christianisme et les sectes orientales qui en étaient issues. Du reste, l’essentiel du problème des relations entre les spiritualités musulmane et chrétienne se trouve ailleurs; en effet, quelles que soient la nature et l’étendue des sources de la prédication du prophète, son inspiration provient avant tout de ses expériences visionnaires; il demeura toujours profondément convaincu d’avoir reçu une révélation divine. Il serait intéressant, certes, de mieux comparer les apocryphes et le Coran.
Résumons :
« L’islam rejette les dogmes de la Trinité et de l’incarnation, caricature la foi chrétienne, voit dans le christianisme une résurgence du polythéisme et donc une infidélité notoire : “Ne dites point trois… Dieu n’est que divinité unique” (4.171). “Impies ceux qui ont dit : Dieu est le troisième d’une triade.” “À Dieu ne plaise d’avoir un enfant.” “Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux hommes : Prenez-nous moi et ma mère, comme divinités en dessous de Dieu?” Le Jésus coranique condamne lui-même ceux qui auraient déformé ses paroles. “Le messie, fils de Marie, n’est qu’un apôtre.” “Allah ne pardonne pas qu’il lui soit donné des associés.”
Les chrétiens, dépositaires négligents des Écritures, sont alors sommés de revenir à la vérité et à la stricte notion de l’unité divine : “O vous qui avez reçu les Écritures, pourquoi revêtez-vous de mensonge la vérité? Pourquoi la cachez-vous, vous qui la connaissez? Venez à un terme commun entre vous et nous, convenons que nous n’adorons qu’Allah, que nous ne lui associerons quoi que ce soit, et que les uns et les autres nous ne prendrons pas de seigneur à côté de Dieu.” (3.64-67).
Ce qui différencie radicalement les deux religions, c’est que dans la foi chrétienne, Dieu, par dessein d’amour, révèle sa vie et appelle l’homme à sa communion. Pour l’islam, Dieu reste inaccessible et enfermé dans son isolement. L’homme, simple esclave, le reconnaît dans son unité et unicité, mais ne pénètre pas dans le sanctuaire. L’islam s’approche et s’arrête au seuil de la vie divine, à ce jujubier de la limite (53.14), au-delà duquel le mystère révélé permettrait d’entendre l’absolu du précepte d’amour. Le chrétien, par pure grâce, pénètre dans le mystère de Dieu, non par sa propre force, mais sur l’initiative de Dieu seul, en suivant le seul Médiateur Jésus, Dieu-homme, qui pénètre réellement dans les cieux et s’assoit à la droite de la majesté.
Le chrétien parcourt donc avec le musulman une partie du chemin. Mais il va infiniment plus loin que lui; il accepte que Dieu, inaccessible, ait sa vie, sa liberté, infiniment au-delà de tout ce que nous imaginons. Le musulman, qui proclame volontiers que chez lui il n’y a ni dogme ni mystère, que tout est clair et limpide pour la raison, refuse pratiquement que Dieu ait sa vie propre et ses desseins. Mahomet n’en dit rien, Dieu ne lui dit rien à ce sujet. Dieu est là, l’unique; l’homme est là, devant lui, créature et esclave soumis; mais Dieu n’entreprend aucune tâche et ne confie à l’homme pas d’autres tâches que celle de proclamer qu’il est unique; il poursuit de son jugement ceux qui ne croient pas, c’est tout.
Ainsi l’islam veut sortir l’homme du paganisme, mais il n’accède pas aux mystères de la foi. En se proclamant le “sceau des prophètes”, Mahomet clôt la révélation; après lui, plus rien; ce qu’il n’a pas dit ne peut exister; n’ayant pas connu le projet divin, ne l’ayant pas révélé, celui-ci n’est pas.
L’islam est-il la seule religion à avoir entrepris une purification radicale du paganisme? Il semble bien que le bouddhisme ait eu également cette intention, du moins en son jaillissement fondamental.2 »
Notes
1. Foi et vie, no 3, 1983, vol. LXXXII.
2. H. Maurier, Essai d’une théologie du paganisme, Éditions de l’Orante, Paris.