La continence
La continence
- Continence et masturbation
- Désirs, passions et amour du prochain
- Chasteté, virginité et engagement des célibataires
1. Continence et masturbation⤒🔗
La continence, écrit le Dr André Schlemmer, surtout pour les hommes, n’arrête pas, en général, l’activité de l’appareil génital. Certaines manifestations surviennent en rêve, et l’on ne peut les empêcher, du moins une bonne hygiène mentale et physique, surtout alimentaire, les raréfie-t-elle beaucoup. Involontaires, elles ne doivent pas troubler la conscience : il n’est que de les oublier au plus tôt.
Les autres surviennent à l’état de veille, mais plus souvent dans l’état qui précède ou suit le sommeil, ce qui les rapproche alors beaucoup des premières, comme signification et comme traitement. Ce qu’on a appelé le vice solitaire chez les adultes et mauvaises habitudes chez les enfants a longtemps fait l’objet des descriptions les plus dramatiques dans les livres traitant de ces sujets, des gronderies les plus sévères et des menaces les plus terrifiantes de la part des parents, des sentiments de culpabilité, d’indignité et de crainte les plus déprimants chez ceux qui y étaient sujets. Il faut remettre les choses à leur place.
Ouvrons ici une parenthèse consacrée à ce que l’on appelle souvent et improprement onanisme, ou masturbation, et qu’à la suite de Ch. Durand-Pallot nous appellerons le diogénisme.
On désigne communément par le terme d’onanisme l’ensemble des moyens par lesquels il est possible de produire la détente érotique sans recourir à l’union sexuelle. La masturbation, c’est-à-dire l’excitation provoquée par la main, en est la forme la plus habituelle. On parle souvent de vice solitaire. Les deux sexes paient leur tribut à ce qu’on pourrait appeler d’un mot barbare « l’autodésérotisation ».
Pourquoi diogénisme et non onanisme, interroge Durand-Pallot? Le terme d’onanisme est des plus mal choisi. Nous savons de quel acte Onan se rendit coupable (Gn 38.8-10). Il ne s’agit nullement d’un acte de masturbation, mais d’un refus de donner une descendance qui aurait perpétué le nom de son frère.
Et diogénisme? L’historien Diogène Laërce, parlant de son homonyme, le philosophe Diogène de Sinope, l’accuse de se masturber en public, sous prétexte que c’était là un acte aussi naturel que celui de manger et dont il ne fallait pas avoir honte. Dès lors, il convient d’appeler diogénistes les imitateurs, non du fils de Juda, mais du philosophe grec. Le terme d’onanisme est grevé d’une lourde hypothèque de notions satellites nuisibles qu’il importe de faire disparaître. Le moyen le plus simple est de le laisser tomber dans l’oubli. Et c’est pourquoi nous lui substituons le terme de diogénisme. L’auteur donne un aperçu sur l’ère qu’il appelle des exagérations. Plus loin, il écrit :
« On risque de passer d’un extrême à l’autre et, après trop de sévérité, faire montre de trop d’indulgence. En pathologie, poursuit-il, on distingue deux sortes de tumeurs, les unes dites malignes, qui prolifèrent indéfiniment et finissent par tuer, les autres bénignes, ne mettant pas directement la vie en péril. »
On peut de même parler d’un diogénisme malin et d’un diogénisme bénin. Le premier précède et accompagne certaines grandes déchéances physiques ou mentales. C’est dans cette catégorie de malades que le Dr Tissot et tant d’autres ont puisé leurs exemples terrifiants, et ils ont cru tous les diogénistes voués au même triste sort. Nous l’avons dit, la vraie cause du mal réside dans la tare profonde, héréditaire le plus souvent, dont le dérèglement sensuel n’est qu’un indice. On doit redouter un état grave lorsque l’acte n’est pas suivi d’une détente psychique et qu’il existe un besoin de le renouveler alors même qu’il y a fatigue évidente.
Il ne sert à rien en ces cas de mener le combat au nom de la morale et de la religion; on ne ferait qu’augmenter le désarroi et empirer la situation en effrayant et en accroissant un sentiment néfaste de culpabilité. On a affaire à des victimes bien plus qu’à des pécheurs. Je ne veux pas dire que ni la morale ni la religion n’ont de rôle à jouer, mais il est indirect. Il faut convaincre que le pardon est acquis à quiconque regrette et lutte dans la mesure de ses forces, même lorsqu’il n’arrive pas à vaincre. Il faut aussi diriger l’attention sur les points étrangers à la vie sexuelle, où des succès sont possibles. On cherchera à intensifier le désir de guérir, à convaincre de la nécessité de se soumettre aux traitements proposés et de veiller à ce que l’entourage du malade ne souffre pas de son état.
Le diogénisme bénin est le plus répandu. Il se présente sous des formes diverses qu’il importe de distinguer. Pour celui pratiqué par des adultes, pour peu que les circonstances s’y prêtent, les habitudes contractées dans la jeunesse se perpétuent ou réapparaissent dans l’âge mûr, cela chez les deux sexes.
Par scrupule ou crainte de l’opinion publique, quelques solitaires se refusent au concubinage, tout en se jugeant indignes de s’associer à une compagne légitime. D’autres ont des liaisons passagères suivies de périodes de continence apparente pendant lesquelles ils reprennent leurs errements.
Il est impossible d’évaluer quelle est la proportion des personnes mariées qui recourent au diogénisme pendant les périodes où la vie en commun leur est impossible par suite d’une multitude de circonstances dans l’examen desquels il est inutile d’entrer, ou encore parce que l’un des partenaires ne trouve pas auprès de l’autre une détente suffisante de sa pléthore érotique.
Cette forme de diogénisme compensatoire est la moins nocive de toutes, lorsqu’elle ne se complique pas de scrupules moraux exagérés. Mais sauf le cas de séparation de corps imposé par les circonstances, la bonne entente entre époux devrait la rendre tout à fait exceptionnelle.
Suivons ici le Dr A. Schlemmer qui évoque le cas des enfants. Il y a d’abord tout ce qui arrive avant douze ans et qui n’a aucun rapport avec l’évocation de l’autre sexe. Il faut bien se garder d’y joindre un sentiment moral. C’est quelque chose comme l’incontinence d’urine : une irritation locale ou nerveuse. Nous n’en rencontrons presque jamais parmi les enfants correctement traités : nourriture douce, absence de surmenage, propreté, parents affectueux. Si cela arrive, il faut chercher quelle modification s’impose dans l’hygiène; mettre un pyjama assez épais dont le pantalon a une fermeture à point, se garder de gronder l’enfant, de le terrifier, ni même de lui en parler, et s’arranger pour lui faire oublier ce geste en l’occupant jusqu’au sommeil dans le calme et la tendresse.
Autour de la puberté, chez les garçons, seule une petite élite échappe à la contagion des conversations, de la curiosité et de l’exemple. Ses effets cessent le plus souvent avant quinze ans. L’éducateur doit se garder de faire montre d’un phénomène aussi banal, de faire à l’enfant une description horrible et fausse des conséquences funestes du vice ou de le menacer de punition, de mutilation ou de l’enfer, ou de le prendre avec ironie, en humiliant l’enfant. En fait, les chutes sont suivies chez la plupart d’un sentiment de honte. Il faut donc expliquer à l’enfant ce qu’est la fonction génitale, pourquoi le simulacre solitaire fait le contraire que de l’y préparer, et comment faire pour s’en abstenir; on l’aidera affectueusement à remonter la chute, à surmonter les rechutes, en gardant sa confiance. Il faut, bien entendu, corriger son hygiène, si elle est défectueuse, c’est l’essentiel.
Plus tard, il faut se garder de faire considérer ces habitudes fâcheuses comme un vice cent fois plus coupable, plus épuisant et plus détraquant, à fréquence égale, que le libertinage : ce serait pousser alors le jeune homme à se servir pour sa propre satisfaction physique d’une partenaire, donc d’encourir des responsabilités morales, de risquer des contagions matérielles, des habitudes basses, des intimités vulgaires. Remèdes, à tout point de vue, pire que le mal! Il faut éviter également que toute la vie religieuse et morale soit centrée sur cette difficulté personnelle. Rectifier l’hygiène alimentaire et générale; donner une juste vue de ce qu’est l’homme, la femme et la préparation au mariage; montrer les déviations qu’on prépare en dissociant plaisir et affection; chercher si le sujet éprouve le besoin de s’évader; l’aider à mieux remplir sa vie, sa pensée, son cœur d’activités, de pensées et de sentiments élevés et enthousiastes; orienter la vie religieuse et morale sur la charité, non sur soi-même; cela suffit en général à espacer ou faire disparaître les chutes.
2. Désirs, passions et amour du prochain←⤒🔗
Il y a certes des célibats difficiles, comme il y a des mariages pénibles. Il y a parfois des célibataires dont la vie est correcte et dont l’âme pourtant n’est ni rayonnante, ni harmonieuse, ni paisible. Mais, toujours la personne de ceux et de celles qui ont des liaisons l’est moins encore. Il y a même des déséquilibrés parmi les célibataires chastes; mais parmi ceux qui satisfont leurs appétits génitaux ou leur passion, il n’y a guère que cela. Cette satiété les agite plus encore qu’elle ne les calme!
Par ailleurs, si bienfaisante que soit l’institution du mariage, il s’en faut qu’il soit une panacée. Il s’en faut que le psychisme des gens mariés soit toujours sain. C’est beaucoup pour cela que les mariages malades ne manquent pas et que souvent même le mal dont ils sont atteints les détruit.
Mais qu’il y ait des prédispositions psychotiques à l’origine des troubles des relations homme-femme ne doit pas nous faire penser que celles-ci soient totalement prédéterminées. Elles ne le sont ni en bien ni en mal. Il n’est point de descendants d’Adam qui n’a reçu de sa lignée et de son éducation des déviations psychiques. L’origine des dispositions contraires à l’ordre du mariage est pathologique; elles n’en sont pas moins universelles. Chaque être humain en a dont il doit triompher.
Il y faut d’abord quelque clairvoyance. S’il est tant de ménages imparfaits, c’est que la plupart ont été fondés soit sur le calcul soit sur le hasard; la conjoncture d’une rencontre et d’une passion est en effet chose fortuite. À vrai dire, presque tous les jeunes gens ne veulent envisager qu’un mariage d’amour. Ils entendent par là qu’une prédestination mystérieuse (si encore ils disaient Dieu!) doit leur faire rencontrer, un jour, l’être en qui ils reconnaîtront, par le trouble qui les saisira, celui ou celle qui fera leur bonheur.
Or, qu’est-ce le plus souvent la passion? Le désir lui-même ne se pose-t-il pas sur une personne donnée en fonction des dispositions du corps et du psychisme au moment où on la rencontre? Il y a un besoin qui tend à se fixer, puis la passion colore, illumine d’un halo toutes choses qui entourent la rencontre, et la personne aimée met de riches harmonies autour du son de sa voix et rend profonde toute phrase de ses lettres. De plus, aimer quelqu’un de passion rend inapte à le connaître, car c’est le voir comme il n’est pas, puisque, la passion tombée, on ne comprend plus ce qui en faisait un être unique, et aussi parce que les êtres qui se désirent pensent plus ou moins inconsciemment à ne montrer d’eux-mêmes que le côté avantageux. Ce qu’il y a d’orgueil dans la passion cherche à conquérir et à asservir, mais s’éblouit en cherchant à éblouir. Elle est duel et escrime, autant que duo et accord, mais défi sans défiance. Le résultat, c’est un jour la vérité nue, la désillusion et le mariage malheureux ou vide, où les époux se supportent, liés seulement par des intérêts, une position sociale et leurs enfants; mais tout cela ne tient guère au jour où survient une nouvelle passion qui, à nouveau, donnera l’impression d’être le sens de la vie et risquera d’emporter comme un fétu la maison mal fondée…
Oh, si les hommes et les femmes étaient assez persuadés du caractère fortuit, trompeur et aveuglant de toute passion! S’ils n’avaient pas en elle une foi quasiment religieuse, ils ne s’obstineraient pas à fermer leurs yeux et leurs oreilles aux disharmonies ou aux grincements, perceptibles dès les fiançailles, et aux regrets des spectateurs de sang-froid; ils ne s’obstineraient pas, pour éviter des souffrances, de hâter le mariage et de les sanctionner par l’irréparable, comme ils ne permettraient jamais, une fois mariés, à la passion romanesque, cette fantasmagorie, de dévaster plusieurs existences.
Si la mystique romantique ou la passion sacrifie trop souvent l’institution du mariage aux humeurs des personnes, le mariage de raison sacrifiait parfois les personnes à l’institution; les attentes de dots, de fortunes, d’héritage, de rang social, c’est-à-dire d’intérêt et de vanité, y dominaient trop souvent. Il arrivait que non seulement l’affection, mais le simple attrait physique y manquait. Les résultats étaient dignes des prémices. Mais il y a eu et il y a encore des mariages préparés en fonction d’affinités de mœurs, de conditions et de traditions, sans que d’ailleurs les fiançailles soient décidées avant l’éveil d’un attrait mutuel. De telles unions ont donné et donnent encore beaucoup plus de ménages solides et heureux que les mariages de rencontre fondés hors ou à l’encontre de l’harmonie entre les familles.
En réalité, si éros doit être présent aux noces, ce n’est pas lui qui doit y conduire, mais bien plutôt l’amitié faite de confiance, de tendresse, d’estime ou d’admiration, d’idéal commun, de réactions semblables et de caractères s’harmonisant, par ce qu’ils ont à la fois d’analogue et de complémentaire. Et comme aimer son prochain comme soi-même est semblable à aimer Dieu, et qu’en lui est la source de tout véritable amour, le mariage accomplissant l’ordre naturel établi par Dieu est une cérémonie religieuse. Offrande et consécration de deux êtres l’un à l’autre, à leurs enfants et de tous à Dieu, prémices d’une offrande qui se continuera. Et la virginité, lorsqu’elle est une offrande et une consécration continuellement renouvelées, est aussi une fontaine de vie.
L’esprit du mal, l’ange d’orgueil, le menteur, le destructeur de la vie, celui qui divise est le vrai, presque le seul ennemi du mariage, parce qu’il est incapable du véritable amour et qu’il en souffre à tout jamais. Il est prince de ce monde, dans l’ère où nous sommes, car son jugement est prononcé, mais pas encore accompli. Il ne faut pas nous étonner que tout tende, et de plus en plus, à détruire l’union normale de l’homme et de la femme; l’isolement des êtres par l’effritement des groupes naturels, la sottise, la vanité, l’esprit d’imitation, l’artifice, la ruse, la violence, la grossièreté, le faux raffinement, l’esprit romanesque, tout cela attisé par une presse immense. Au-dessus de tout cela, le refus de Dieu, de son ordre comme de son amour. Tout cela se tient. Le mal ne fait qu’un.
Le bien aussi. La nourriture saine, douce et sobre, la vie calme insérée dans les responsabilités naturelles et dans les distractions élevées, la recherche de ce qui est harmonieux et clair, la fermeté du jugement, la droiture du cœur, la délicatesse morale et, pour cela, la pensée toujours fixée vers le bien, cherchant en Dieu son inspiration commune. Bien sûr, cela oblige à vivre tout différemment, à penser différemment, à parler, à sentir différemment de la foule, esclave volontaire, inconscient du menteur; on ne peut vivre sainement en vivant et pensant comme elle; il faut accepter d’être incompris, méprisé de la plupart, tout en étant cependant un témoin discret et sauveur pour quelques-uns. Mais cette orientation décidée, qui est la part nécessaire de l’homme ou de la femme dans la victoire, ne se réalise pas dans une vie amoindrie, attristée, peureuse, contractée : c’est l’expression naturelle, ouverte, d’une vie robuste, de cette plénitude de vie qui inonde les cœurs ouverts à l’action de la toute-puissance divine.
3. Chasteté, virginité et engagement des célibataires←⤒🔗
C’est en 1951 que A. Schlemmer écrivait les lignes suivantes consacrées à la chasteté. Nous reprochera-t-on de les reproduire ici, après que l’on ait connu la révolution sexuelle? Nous ne croyons pas superflu de le faire, car Schlemmer, le chrétien réformé et le médecin remarquable, ne se serait pas laissé guider dans sa pensée par les révolutions de quelque ordre qu’elles soient, mais simplement et directement par l’éthique biblique et chrétienne, qui seule propose les principes et les pratiques d’une vie saine, y compris d’une sexualité normale. Écoutons-le encore :
« Pour l’adolescent, pour le jeune homme ou la jeune fille, une seule attitude est dans l’ordre naturel : la chasteté. La pensée doit être ferme à ce sujet, en sorte que rien d’autre ne soit accepté par l’esprit et la volonté comme possible. L’âge où on est étudiant ou apprenti est une période faite pour se préparer à la vie, sans y entrer vraiment, alors qu’on brûle de s’engager. C’est le moment où il faut se contenter d’acquérir : notions, observations, aptitudes intellectuelles, caractère, force, habileté, savoir-vivre, afin de s’en servir pour agir plus tard, tandis qu’on aimerait jeter dans l’action ses jeunes capacités.
Encore faut-il que ce temps d’attente permette au jeune homme de mieux connaître les jeunes filles pour bien choisir sa compagne, et inversement. Les uns et les autres ont vraiment et justement besoin de se divertir et de causer ensemble. Les amitiés qui lient les cousins et les cousines, les frères et les sœurs des amies et amis ont une valeur inestimable dans la formation des uns et des autres et développent heureusement quand elles existent la distinction d’esprit et la délicatesse morale des uns et des autres. En fait, les jeunes filles donnent le ton, bienséant ou déplacé.
En voulant jouer le rôle d’homme et de femme avant l’heure, les jeunes s’étourdissent dans ce jeu, se cachent dans ce masque et perdent dans les combats d’amour-propre la capacité de juger la valeur de leurs amis comme compagnon ou compagne de vie, et comme chef ou inspiratrice d’un foyer familial.
En tout cas, sages ou écervelés, purs ou troublés, timides ou vaniteux, enthousiastes ou blasés, l’étudiant, l’apprenti, le jeune travailleur ou sa collègue pensent par eux-mêmes et se dirigent désormais eux-mêmes. Ils échappent à l’action tutélaire des parents, et peut-être d’autant plus, au fond d’eux-mêmes, que celle-ci est plus autoritaire. Ce n’est pas dire que les parents ne peuvent plus rien. Leurs pensées dominantes, l’exemple de leur vie, leurs conversations, leurs relations créent une ambiance moralement déprimante ou fortifiante, par le régime d’alimentation, par les occasions d’exercice ou de repos qu’ils offrent à leurs enfants vivant avec eux.
Certains jeunes gens chastes craignent de manquer de savoir-faire quand leur mariage sera venu. Crainte sans fondement; ils n’auront aucune difficulté. Au besoin, ils se seront fait expliquer certains détails inconnus d’eux par un médecin ami ou un aîné. Il s’en faut que les manières d’agir que le garçon a apprises par des rencontres hasardeuses soient une bonne éducation pour initier une jeune femme à la vie conjugale, ce qui est avant tout une œuvre de tendresse et de délicatesse morale. Les fiançailles sont la seule et délicieuse préparation si elles sont vraiment cela, c’est-à-dire assez libres pour permettre l’intimité paisible, mais restant des fiançailles. Si les jeunes fiancés pouvaient savoir quelle plénitude de joie, quelles chances d’harmonie dans leur vie conjugale ils perdraient en consommant leur mariage avant de le célébrer! Ils s’en rendent compte plus tard, dans la reconnaissance ou dans l’amertume. Là encore, il n’y a rien à attendre de bon de ce qui sort de l’ordre à la fois divin et naturel.
Tous et toutes ne se marient pas. Il ne faudrait pas conclure du fait que le mariage est la condition naturelle saine de l’être humain, que la virginité ne l’est pas aussi. Nous disons virginité, car elle est la seule forme vraiment normale du célibat. Le christianisme l’avait mise à l’honneur la tenant comme un privilège, une valeur. Il suffit de relire tout ce que Paul en dit. Actuellement, l’opinion générale, et celle des jeunes filles en particulier, le considère comme une mutilation. Cette pensée est la source de grandes inquiétudes, de grands regrets, de grands malheurs. En vérité, la virginité n’est pas une mutilation, mais une vocation. Elle peut être par un appel intérieur, en vue d’un service qui l’exige et qui n’est pas forcément la vie religieuse; cela peut être par exemple, pour un homme, une profession dangereuse ou trop peu rémunératrice pour entretenir une famille; pour une femme, un travail trop absorbant ou itinérant. Mais ce qui est une réalité de fait doit être aussi tenu pour un appel. Une situation est un ordre de Dieu. Vu sous cet angle, le célibat n’est pas une condition inférieure à laquelle on se résigne quand on ne se révolte pas contre elle : il est choisi ou accepté franchement; il n’est plus la porte fermée ou la vie incomplète, mais une voie ouverte; il n’est plus une malchance, mais une grâce.
Il est également faux de mépriser l’état du mariage en lui opposant la perfection virginale de la virginité ou de déprécier la virginité en lui opposant la plénitude de la vie familiale. Mariage et virginité ne sont que deux aspects d’une même vérité; comme adultère et libertinage le sont de la même erreur.
Le privilège des célibataires est d’être restés disponibles, liberté qui exclue le mariage et la responsabilité d’une famille, et qui leur permet un total engagement pour des vocations religieuses, sociales ou culturelles. Les célibataires constituent l’aile marchante des activités féminines, en particulier dans le domaine de l’éducation, des soins aux malades, de la bienfaisance, de l’assistance sociale. Leur œuvre est immense et irremplaçable. »