C’est finalement arrivé : dans un pays occidental, une femme politique de premier plan est jugée et risque des amendes ou deux ans de prison pour avoir cité la Bible en public¹.

Pendant des décennies, les conservateurs religieux ont mis en garde contre la collision entre la révolution sexuelle et les Écritures. La société peut être fondée sur la révolution ou sur la révélation, mais pas sur les deux. Si la condamnation de l’homosexualité est un discours haineux, comme le prétendent les militants LGBT, alors la Bible en est remplie. Pourtant, les révolutionnaires ont insisté sur le fait qu’ils croyaient en la liberté d’expression et que ceux qui soulignaient la conclusion logique évidente de leur longue marche à travers les institutions étaient des paranoïaques alarmistes.

Cependant, avec l’effondrement des lois qui restreignaient le comportement sexuel afin d’organiser la société autour de la famille naturelle et avec la montée des lois consacrant de nouveaux droits civils pour ceux qui s’identifient comme LGBT, l’Occident est confronté à des conflits inévitables. Les sociétés fondées sur les valeurs judéo-chrétiennes sont désormais réorganisées autour de principes en conflit direct avec ces croyances fondatrices — croyances que les révolutionnaires sexuels sont désireux d’éliminer. Toutes les libertés — liberté de religion, liberté d’expression, liberté des parents d’éduquer leurs enfants — sont devenues soumises à la liberté sexuelle². Et, une à une, les prédictions des conservateurs religieux se réalisent.

Les révolutionnaires sexuels usent abondamment de mensonges pour amener les chrétiens à acquiescer, puis, lorsque des conflits surgissent, ils révèlent leurs véritables intentions. Comme le souligne Rod Dreher, les révolutionnaires sexuels débitent deux affirmations contradictoires en même temps :

« Il est totalement absurde de penser que les chrétiens souffriront le moins du monde de l’expansion des droits des homosexuels, et ils méritent bien ce qu’ils vont recevoir.³ »

Personne ne le sait mieux que la députée finlandaise et ancienne ministre Päivi Räsänen, qui est actuellement jugée pour une violation présumée de l’article 10 du Code pénal finlandais. Plus précisément, Mme Räsänen est accusée d’incitation à la haine contre les personnes LGBT, une accusation fondée uniquement sur un essai de 2004 dans lequel elle défend le mariage traditionnel, sur un tweet de 2019 critiquant le soutien de son Église au mois de la fierté en citant Romains 1.24-27, et sur sa défense de la vision chrétienne de la sexualité lors d’interviews télévisées et de débats radiophoniques. Le fait que, dans plusieurs de ces cas, elle ait été invitée explicitement à représenter le point de vue chrétien sur ces questions n’a pas empêché de nombreuses plaintes pénales, des interrogatoires de police et, finalement, des poursuites judiciaires.

Malgré cette épreuve de deux ans, Mme Räsänen ne s’est jamais doutée qu’elle serait jugée. Elle est tout à fait consciente que les chrétiens du monde entier suivent son cas, et elle estime que les représenter est à la fois un grand honneur et une grande responsabilité. Elle a répondu aux questions du European Conservative [Le Conservateur européen] dans cet entretien exclusif.

Entretien

Quel effet cela fait-il d’être poursuivi dans un pays occidental pour avoir cité la Bible en public?

C’est surréaliste. J’ai été très surprise par la décision du procureur général de porter plainte contre moi. Il est irréel d’être inculpé au pénal pour avoir exprimé mes convictions profondes dans un pays où la liberté d’expression et de religion est si profondément ancrée. À ma connaissance, c’est la première fois que le tribunal doit prendre position sur la question de savoir s’il est légal ou non de citer la Bible. Les juges doivent évaluer la relation entre les droits fondamentaux et le droit pénal, ainsi que l’interrelation entre les différentes lois fondamentales. Je n’ai jamais pensé que citer la Bible et être d’accord avec elle pouvait être criminel.

Comment la communauté LGBT en Finlande et ailleurs a-t-elle réagi à vos poursuites?

Je suis membre du Parlement finlandais depuis 26 ans et j’ai toujours parlé ouvertement de ma foi et de mes valeurs chrétiennes. Tout au long de ma carrière parlementaire, j’ai reçu de nombreuses critiques, dont la plupart concernaient les déclarations pour lesquelles je suis aujourd’hui poursuivie en justice. Cependant, la grande majorité des réactions que j’ai reçues ont été très positives, et j’ai également reçu le soutien de personnes ouvertement homosexuelles. Elles m’ont dit que je devais avoir le droit de parler selon ma foi dans une société libre, même si elles ne sont pas d’accord avec moi. Dans un pays démocratique, nous devons avoir la possibilité d’être en désaccord. Sinon, nous ne vivons plus dans un pays démocratique.

Êtes-vous sûre de gagner au tribunal?

Je suis confiante. Je pense que les conventions internationales et la Constitution finlandaise, qui garantissent les droits fondamentaux tels que la liberté de religion et la liberté d’expression, sont de mon côté. Toutefois, même si je ne gagne pas, je pense que toute cette chaîne d’événements fait partie de ma vocation d’influenceuse chrétienne. Je ne reviendrai pas sur mes convictions fondées sur la Bible et je suis prête à défendre la liberté d’expression et de religion devant tous les tribunaux nécessaires. J’ai déclaré que mes opinions représentaient le point de vue traditionnel de toutes les Églises chrétiennes sur le mariage.

Ce procès constitue-t-il un précédent pour des procédures similaires, quelle qu’en soit l’issue?

Oui, c’est le cas. Il est très probable que je sois confrontée à une série de procès qui dureront plusieurs années. Je m’attends à ce que cette affaire aille jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Mon cas crée un précédent en Finlande, mais aussi plus largement. La préoccupation profonde pour la liberté d’expression et la liberté de religion ne se limite pas à la Finlande. La décision du tribunal créera un précédent important qui pourrait avoir un impact sur la législation dans toute l’Europe. Ce qui est en jeu, c’est la liberté religieuse et la liberté d’expression, et la question de savoir si nous sommes autorisés à présenter des opinions fondées sur la Bible.

La décision de la Cour a des conséquences non seulement sur la liberté des chrétiens d’exprimer leurs convictions, mais aussi sur les libertés de tous les autres. Devant le tribunal, j’ai fait appel à la Constitution finlandaise et aux conventions internationales qui garantissent la liberté d’expression et de religion. Je ne reculerai pas devant mes convictions fondées sur la Bible.

Avez-vous reçu le soutien d’hommes et de femmes politiques dans votre pays et ailleurs?

Oui, en grande partie. Je suis très reconnaissante de l’énorme soutien national et international que j’ai reçu. J’ai reçu des milliers de messages de Finlande et de l’étranger, également de la part de politiciens, et des gens m’ont dit que Dieu les avait encouragés à prier et à faire confiance à sa parole à travers mon cas. Lorsque des cas comme le mien se présentent, la communauté internationale devrait exprimer sa préoccupation face à de telles attaques contre la liberté d’expression.

Que peuvent faire les chrétiens du monde entier pour vous soutenir?

J’apprécie beaucoup les prières. Les gens peuvent prier pour que le droit et la justice prévalent en Finlande, pour que les chrétiens n’aient pas peur de s’exprimer en ces temps difficiles, et pour que mon cas crée un précédent positif pour l’avenir en ce qui concerne les chrétiens et leur droit d’exprimer leur foi en public. Je suis également reconnaissante pour les prières en faveur de ma famille.

Les chrétiens devraient encourager leurs pays à respecter leurs engagements nationaux et internationaux en matière de protection de la liberté d’expression et à faire preuve de courage en exprimant leur foi en public.

Par ailleurs, si les gens le souhaitent, ils peuvent soutenir ma cause en soutenant une nouvelle association qui a été créée à cet effet. L’Association finlandaise pour la liberté d’expression et de religion a été fondée en juin pour soutenir cette affaire et éventuellement d’autres affaires similaires à l’avenir. Une autre option consiste à soutenir l’ADF International, qui me soutient fermement, tant sur le plan juridique que sur d’autres plans.

Note de la rédaction

Après cet entretien qui s’est tenu en février 2022, la Cour d’appel d’Helsinki, dans une décision unanime rendue le 14 novembre 2023, a finalement acquitté Päivi Räsänen et l’évêque Juhana Pohjola des accusations de « discours haineux » portées contre eux par le procureur de l’État. La décision a confirmé l’acquittement prononcé par le tribunal de district en mars 2022.

Après sa victoire, Mme Räsänen a déclaré ceci :

« Je suis profondément soulagée. La Cour a pleinement approuvé et confirmé la décision du tribunal de district, qui a reconnu le droit de chacun à la liberté d’expression. Ce n’est pas un crime de tweeter un verset de la Bible ou de s’engager dans un discours public avec une perspective chrétienne. Les tentatives faites pour me poursuivre pour avoir exprimé mes croyances ont abouti à quatre années extrêmement éprouvantes, mais j’espère que le résultat constituera un précédent important pour protéger le droit humain à la liberté d’expression. J’espère sincèrement que d’autres personnes innocentes seront épargnées de la même épreuve pour avoir simplement exprimé leurs convictions.⁴ »

Comme l’a dit Paul Coleman, directeur exécutif de l’ADF International, dans le même article :

« Si nous célébrons cette victoire monumentale, nous n’oublions pas qu’elle intervient après quatre années d’enquêtes policières, d’inculpations pénales, de poursuites judiciaires et d’audiences au tribunal. Nous applaudissons la décision de la Cour d’appel d’Helsinki dans cette affaire, et nous travaillons à une victoire plus grande encore, afin que des affaires aussi ridicules ne soient plus portées devant les tribunaux. Dans une société libre et démocratique, chacun devrait pouvoir fait part de ses convictions sans craindre la censure. La criminalisation de l’expression par des lois dites “d’incitation à la haine” met un terme à d’importants débats publics et constitue une grave menace pour nos démocraties. Nous sommes soulagés de voir les tribunaux faire respecter l’État de droit lorsque les autorités étatiques outrepassent leurs droits en cherchant à pénaliser et à censurer des propos qui leur déplaisent. »

Le procureur de l’État pouvait toutefois faire appel une dernière fois devant la Cour suprême, dans un délai fixé au 15 janvier 2024⁵. Or, le 12 janvier, c’est précisément ce qui s’est produit. Après deux défaites, le procureur de l’État finlandais en appelle maintenant de la décision de la Cour d’appel d’Helsinki et saisit la Cour suprême de la Finlande de l’affaire Päivi Räsänen.

La politicienne chrétienne a réagi en exprimant sa surprise, mais en ajoutant qu’elle avait « l’esprit tranquille » quant à la route à suivre.

« Après avoir été totalement disculpée par deux tribunaux, je n’ai pas peur d’une audience devant la Cour suprême, a déclaré Mme Räsänen. Même si je suis pleinement consciente que tout procès comporte des risques, un acquittement par la Cour suprême constituerait un précédent positif encore plus fort pour le droit de chacun à la liberté d’expression et de religion. Et si la Cour décidait d’annuler les acquittements des juridictions inférieures, je suis prête à défendre la liberté d’expression et de religion jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme, si nécessaire.⁶ »

Mme  Räsänen a également ajouté ce commentaire pertinent :

« Je ne peux comprendre tout cela que dans la mesure où cette affaire constitue un précédent. Cette affaire est historique pour la liberté d’expression et de religion. Pour la première fois dans une affaire pénale, le tribunal s’est prononcé sur la question de savoir si des enseignements liés à la Bible peuvent être présentés et approuvés publiquement.

Si la Cour suprême accepte l’affaire et statue dans le même sens que les deux autres tribunaux, cela servira alors de guide juridique pour toute accusation similaire à l’avenir. L’arrêt de la Cour suprême aurait un impact significatif sur la législation en Europe. Il garantirait aussi plus fermement la liberté des chrétiens de parler des enseignements de la Bible.⁷ »

Paul Coleman, directeur exécutif de l’ADF International, qui soutient la défense juridique de Mme Räsänen a également réagi à cette nouvelle décision du procurer de l’État :

« L’insistance de l’État à continuer avec acharnement ces poursuites en dépit d’une décision claire et unanime du tribunal de district d’Helsinki et de la cour d’appel est alarmante. Traîner des gens devant les tribunaux pendant des années, les soumettre à des interrogatoires de police d’une heure et gaspiller l’argent des contribuables pour contrôler les convictions profondes des gens n’a pas sa place dans une société démocratique. Comme c’est souvent le cas dans les procès pour “incitation à la haine”, la procédure est devenue la punition.⁸ »

Notes