Démythologiser la communication humaniste
Démythologiser la communication humaniste
1. Dialogue?⤒🔗
L’un des obstacles majeurs à la proclamation et à la communication moderne de l’Évangile c’est l’absolutisation moderne du dialogue. Depuis Platon, le dialogue engage la recherche coopérative de certains problèmes. Il semblerait que seul le processus du dialogue soit inconditionnel… Mais le dialogue n’est pas synonyme de communication, celle-ci est première, et elle peut seule établir la possibilité de dialoguer.
2. Idéologie?←⤒🔗
Une autre cause de l’appréciation négative de la communication de l’Évangile se trouve dans la confusion entre la foi chrétienne et les idéologies modernes. L’idéologie s’associe d’ordinaire avec ce qui est théorique, abstrait, doctrinaire et étranger à la réalité.
H. Fries explique pourquoi il ne faut pas confondre foi et idéologie. Citons-le :
« La foi chrétienne donne d’abord une interprétation de l’idéologie. Dans les idéologies et dans la pensée qu’elles déterminent, l’homme entre, du point de vue théologique, dans le rôle de celui qui “dispose” de tout. Dans la pensée idéologique, l’homme méconnaît sa condition de créature finie et limitée qui doit tout d’elle-même à quelqu’un d’autre. L’homme se fait souverain maître et créateur autonome de toutes les valeurs et de toutes les normes, selon le mot de la Genèse (3.5). On a souvent donné au cours de l’histoire une fausse interprétation, idéologique, de la foi, de la foi qui est réponse de l’homme au Dieu qui se révèle et se communique, a parlé et agi, au Dieu qui, en Jésus-Christ, est personnellement intervenu dans le monde et dans l’histoire, dont la parole et la promesse, dont l’action et l’œuvre continuent de vivre et demeurent présentes. […] Or, en vertu de son origine et de son essence, la foi n’est pas une idéologie, […] elle est accueil de Dieu, de sa gloire, de sa volonté, de ses promesses, de ses paroles et de ses actions, un accueil sans égoïsme, libre, reconnaissant et aimant […] parce qu’elle n’est pas déterminée par des objectifs, mais par des réalités et des significations […] parce qu’étant vie et décision, elle est ancrée dans la liberté et la responsabilité de la personne, […] elle ne vit pas de la standardisation collective de l’homme, mais est attentive au caractère irremplaçable de l’individu.
La foi ne fait pas de l’homme un moyen en vue d’un but extérieur à lui […] porteur d’une idée […] une fonction dans la collectivité. […] Au contraire, elle reconnaît dans l’homme un but et une fin. […] L’homme, personne irremplaçable, est plus important aux yeux de la foi que tous les “ismes” et théorèmes.
Elle n’accepte pas de traiter en absolu les réalités de ce monde-ci. […] Elle ne se rapporte pas tout d’abord à des formules ou à des choses, mais dans tous les énoncés et dogmes multiples, s’accomplit dans une rencontre de personne à personne. […]
Ses exigences et ses énoncés fondamentaux ne sont pas au service d’une puissance ou d’une domination humaine, au service du succès et d’intérêts particuliers, mais ils sont faits pour signifier l’amour dont la voie et le modèle obligé est l’anéantissement de Dieu en Jésus-Christ. […] La foi permet qu’on interroge et qu’on la mette au défi. Elle peut se réaliser dans toutes les situations et conditions sociales, économiques et culturelles et à toutes les époques historiques. Elle n’est pas à disparaître avec certaines structures sociales, culturelles ou politiques qui en ont peut-être marqué, mais elle peut trouver sous des nouvelles formes des réalisations neuves sans être infidèle à elle-même.
Elle ne confisque pas la réalité et ne la voile pas; elle ne fuit pas le réel; elle n’aliène pas l’homme, elle décèle la vérité des choses et de la réalité humaine dans ses plus intimes profondeurs; selon le mot de Romano Guardini : seul celui qui connaît Dieu connaît vraiment l’homme.1 »
3. Difficultés réelles←⤒🔗
L’élucidation de cette confusion ne fera pas disparaître par enchantement les difficultés présentes et inhérentes à notre mission. Les difficultés, ne l’oublions pas, ont toujours été présentes. Il n’était pas plus facile de proclamer l’Évangile durant le dernier siècle, durant la Réforme, ou quand les hordes barbares envahissaient l’Europe occidentale, ou pendant le siècle des Pères apologètes, lorsque nos pères dans la foi ont avec intelligence et courage défendu la foi transmise une fois pour toutes contre des adversaires farouches et déterminés, les contempteurs grecs du Christ.
Si actuellement notre communication rencontre des obstacles, ne soyons pas découragés, au contraire trouvons-y un motif de joie. Cela prouve que nous sommes suffisamment lucides pour les reconnaître et disposés à les surmonter. Nos difficultés prouvent que nous nous trouvons au cœur d’une situation nouvelle, et nous ne devons pas nous borner à ressasser le passé ou à vouloir le reproduire à tout prix. Les situations nouvelles commandent une pensée renouvelée et vigoureuse.
La situation actuelle de l’Église est fondamentalement identique à celle des âges et des époques précédentes. La proclamation doit se faire avec une participation joyeuse à la confession universelle de foi de l’Église, tout en cherchant à le dire de manière revigorée. Il est malheureux que des Églises et des fidèles aient si souvent été tentés de confesser la foi davantage avec le souci de conservatisme figé, avec l’obstination d’orthodoxie plutôt que celui de sa propagation effective. L’Évangile transcende les barrières culturelles, les obstacles linguistiques, les civilisations. C’est la raison pour laquelle il ne devrait pas s’envelopper de bonnes intentions, remplies de platitudes, trempé dans la stagflation, stagnation et inflation.