Les dons de l'Esprit - Conclusion
Les dons de l'Esprit - Conclusion
Les quelque vingt charismes mentionnés dans le Nouveau Testament sont-ils tous de nature permanente? De toute évidence, la réponse sera non. Celui d’apôtre ne l’est pas. Celui de prophète ne l’est que si nous lui donnons le sens de proclamateur de la Parole, c’est-à-dire de prédicateur de l’Évangile. Nous réservons au don d’apôtre son sens originel biblique, tel que son équivalent hébreu « shaliach » le laisse entendre, c’est-à-dire d’un porte-parole et envoyé plénipotentiaire de Dieu. En un sens plus général, tout évangéliste et tout missionnaire moderne est un apôtre envoyé, mais au sens biblique et original, seuls les douze, auxquels vient plus tard s’ajouter Paul, sont des apôtres, et en ce sens-là revêtus d’une fonction et d’un statut irremplaçables, intransmissibles.
Nous pensons que si certains dons sont de nature à servir à l’établissement initial et à l’édification conséquente de l’Église, d’autres en revanche n’ont revêtu aux yeux et de l’apôtre et des Pères apostoliques qu’un caractère éphémère. Implicitement au moins, tel est le cas de la glossolalie. Elle n’a pas de valeur permanente. Toute manifestation actuelle de l’Esprit et, par conséquent, toute expérience spirituelle chrétienne ne peuvent que se conformer au contenu canonique des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament.
À cause d’une tolérance excessive et du fait que nous n’avons pas un commandement explicite concernant la nature permanente ou éphémère des dons, il ne serait pas prudent de laisser croire que certains d’entre eux, telle la glossolalie, même restés à l’arrière-plan, pourraient être considérés comme un don permanent pour l’édification de la foi de l’Église. Ce serait une tolérance bien imprudente que celle de laisser la porte ouverte à l’anarchie, à la confusion et à la suffisance spirituelle de ceux qui aiment se prévaloir de dons extraordinaires auprès de leurs frères qui n’en ont pas fait l’expérience et qui ne voient pas l’utilité de la faire…
Nous rappellerons ici que nous prenons distance par rapport à F.F. Bruce, qui estime que certains dons exceptionnels ou extraordinaires ont réapparu au cours de l’histoire de l’Église chaque fois que les conditions ont été semblables à celles de l’Église primitive, car nous estimons que les preuves historiques comme telles ne peuvent pas fonder notre foi et ne suffisent pas pour élaborer une solide théologie biblique. Contrairement aussi à Donald Bloesch, qui estime qu’une Église dans laquelle les dons charismatiques ne sont pas visibles serait une Église déficitaire, nous rappellerons que si la foi de l’Église est en Jésus-Christ, si sa confession est trinitaire et si elle se laisse guider par la Parole et s’éclairer de manière tout ordinaire par l’Esprit, elle est authentiquement charismatique. Autrement, elle ne serait pas l’Église de Jésus-Christ.
Notre souci principal ne consiste pas à préserver l’ordre dans l’Église en combattant le désordre, mais à exercer une vigilance constante pour que la Parole soit la seule règle de la foi et de l’expérience chrétiennes; nous devons veiller afin que la communauté des fidèles ne se laisse pas emporter par le goût des explosions spiritualistes et mystiques tous azimuts.
C’est bien à contrecœur que nous citerons aussi un argument a posteriori en faveur de notre thèse : Bien que l’expérience en tant que telle ne soit nulle part normative pour la foi et la doctrine de l’Église, nous constatons, de manière empirique, que dans les milieux pentecôtistes et charismatiques, où l’explosion psychique et l’effervescence spirituelle ont été pratiquées et cultivées, il y a surgi une immense soif pour connaître le contenu et l’enseignement biblique, ceci pour combler le vide créé par cette recherche angoissée de manifestations extraordinaires, pour ne pas dire extravagantes et en vue de nourrir la foi et la piété chrétiennes complètement anémiées. Cela ne saurait être autrement, la vie spirituelle ayant, comme la nature, horreur du vide… Une piété chrétienne sans une ossature doctrinale biblique ne peut subsister. Dans ce cas, la seule permanence dont on pourrait parler serait celle de l’absence mortelle de l’ossature de la colonne vertébrale pouvant soutenir l’ensemble de l’édifice chrétien.
Nous chercherons dans la troisième partie de notre étude à cerner la nature exacte de l’expérience chrétienne, définie par la théologie réformée, à l’écoute de la Parole et guidée par l’Esprit.