Cet article sur Exode 21.10-11 a pour sujet les raisons bibliques de considérer la violence conjugale comme un motif légitime de divorce.

3 pages. Traduit par Claire Giroux

Exode 21 - Une épouse est-elle moins qu’une esclave?

Dans les cas de rupture conjugale impliquant des abus à l’intérieur du foyer, des membres de la famille, des amis et des dirigeants d’Église bien intentionnés feront parfois tout ce qu’ils peuvent pour, comme ils le disent, maintenir le mariage intact. À leurs yeux, le mariage prévaut sur tout, indépendamment de ce que cela implique pour la personne maltraitée. Je comprends leur point de vue. Ils croient suivre ce que la Bible dit sur le divorce. Cependant, ils ne se concentrent souvent que sur quelques passages particuliers. Pour développer une position biblique sur le divorce, nous devons prêter attention à tout ce que dit l’Écriture.

Au cours des derniers mois, j’ai étudié les thèses de Greg Bahnsen sur le divorce et la violence conjugale1. Bahnsen (1948-1995) était pasteur dans l’Église presbytérienne orthodoxe (OPC) et il a rédigé ce document pour un comité spécial de son conseil régional. Bien qu’il ait été un éminent apologiste, il est peut-être mieux connu comme théonomiste de premier plan. Pourtant, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’être théonomiste pour être d’accord avec ses thèses sur le divorce et la violence conjugale2.

Permettez-moi de vous présenter quelques-unes des thèses elles-mêmes, sans autre explication de Bahnsen ou de moi :

E. Dans l’usage biblique, le terme « fornication » englobe davantage que l’adultère et même que les rapports sexuels illicites.
F. Les seules formes de « fornication » qui constituent un motif valable de divorce sont celles qui violent les engagements essentiels de l’alliance conjugale.
G. Les obligations de l’alliance conjugale comprennent au minimum « quitter père et mère », « s’attacher » à son époux ou épouse et devenir « une seule chair ».
H. À la lumière du vœu de devenir « une seule chair », nous pouvons comprendre que l’infidélité sexuelle rompt l’alliance conjugale et constitue, en tant que telle, un motif de divorce.
I. À la lumière du vœu de « quitter père et mère », nous pouvons comprendre que l’abandon de son conjoint rompt l’alliance conjugale et constitue, en tant que tel, un motif de divorce.
J. À la lumière du vœu de « s’attacher » l’un à l’autre, nous pouvons comprendre pourquoi le fait de tenter de détruire la vie de son conjoint rompt l’alliance conjugale et constitue, en tant que tel, un motif de divorce.

Je voudrais noter ici que les conclusions H et I sont parfaitement en accord avec le chapitre 24 de la Confession de foi de Westminster3. Il s’agit donc d’une position presbytérienne standard. Si vous examinez les arguments de Bahnsen dans le document original, vous constaterez qu’il s’agit également d’une position biblique.

C’est sa dernière thèse que je trouve particulièrement convaincante. Je voudrais l’approfondir. Elle s’appuie sur la thèse J :

K. La conclusion ci-dessus est explicitement étayée par la loi de Dieu dans Exode 21.10-11, démontrant (a fortiori) que la violence conjugale viole l’alliance conjugale et constitue, en tant que telle, un motif de divorce.

Un argument a fortiori part des cas les moins importants pour procéder vers les plus importants. C’est une manière biblique d’argumenter. Bahnsen en donne plusieurs exemples, dont Galates 6.10 : « Pratiquons le bien envers tous, et surtout envers les frères en la foi. »

Comment cette façon d’argumenter s’articule-t-elle pour Exode 21.10-11? Ce passage parle des femmes esclaves. Dans l’Israël de l’Ancien Testament, un homme pouvait acheter une femme qui venait d’une famille pauvre pour en faire sa seconde épouse. Cependant, elle n’était pas sur le même pied d’égalité que la première épouse. Elle était considérée comme une esclave. Dans une telle situation, le mari ne devait pas priver sa femme esclave de nourriture, de vêtements ou de ses droits conjugaux. S’il le faisait, elle était libre de partir, c’est-à-dire de divorcer. Le péché d’omission du mari était un motif permettant à la femme de divorcer. Ainsi, était-elle entièrement libérée de son mari qui la négligeait.

Bahnsen tire deux arguments a fortiori de ce passage. Le premier :

« Si le péché d’omission qui menace la vie de sa femme (en la privant de nourriture et de vêtements) est un motif de divorce selon la Parole de Dieu, alors combien plus le péché de commission — la violence physique envers sa femme — est-il un motif légitime de divorce. »

Voyez comment il passe du plus petit au plus grand, d’un péché d’omission à un péché de commission.

Son deuxième argument a fortiori tiré d’Exode 21.10-11 est le suivant :

« Si dans le cas le moins grave (une femme ayant le statut inférieur d’esclave), la violence conjugale est un motif de divorce, combien plus doit-elle l’être dans le cas le plus grave (une femme ayant le statut supérieur de non-esclave). C’est la façon normale dont nous traiterions les dispositions de la loi (par exemple, si l’on doit prendre soin des bœufs, on doit à plus forte raison prendre soin des prédicateurs). C’est un fait que les esclaves avaient moins de privilèges et de protection dans la société que les hommes et les femmes libres. Dans ces conditions, nous devrions nous dire que, si même les épouses d’esclaves sortaient libres du mariage en raison de privations physiques (ou de violence conjugale), les mêmes privilèges et la même protection étaient certainement accordés aux épouses non-esclaves. »

Dans la section suivante, Bahnsen souligne que le Nouveau Testament soutient cette conclusion. Dans 1 Corinthiens 7.3, Paul reprend l’exigence d’Exode 21.10, démontrant que le passage n’est pas seulement applicable aux femmes esclaves. Toutes les femmes ont des droits conjugaux. Bahnsen écrit :

« Ce serait cependant un plaidoyer particulier et arbitraire que de dire que les autres dispositions d’Exode 21.10 ne sont sanctionnées (en ce qui concerne l’alliance conjugale) que pour les femmes esclaves et non pour toutes les femmes en général. »

Bien que Bahnsen ne le mentionne pas, le même type de raisonnement a fortiori pourrait être appliqué à ce que dit Exode 21.26-27 à propos des esclaves, hommes ou femmes. Si un homme maltraitait physiquement son esclave et lui faisait subir des sévices corporels, ce dernier pouvait être libéré. Si un esclave maltraité était autorisé à s’affranchir, combien plus une femme maltraitée devait-elle être autorisée à s’affranchir de son mari violent. Les épouses ne valent-elles pas plus que les esclaves?

Dans sa grâce très aimante, Dieu prend des dispositions pour que les femmes maltraitées puissent échapper à leur agresseur. Il ne s’agit pas simplement de se séparer de cet agresseur, mais d’aller jusqu’au bout et de divorcer — d’en finir complètement avec lui dans sa vie. Dans sa compassion, Dieu n’accepte pas qu’une femme soit traitée plus mal qu’un esclave. Dans ce domaine, les chrétiens doivent être à l’image de leur Père céleste. Si l’alliance conjugale a déjà été détruite par un conjoint abuseur et violent, il ne reste rien d’intact à préserver, et prétendre le contraire, aussi bien intentionnés puissions-nous l’être, est cruel.

Notes

1. Voir son article Theses on Divorce and Spousal Abuse [Thèses sur le divorce et la violence conjugale].

2. NDT : Pour une évaluation critique de la théonomie, voir La théonomie et le reconstructionnisme chrétien, de Richard Aasman, et Théonomie et eschatologie – Réflexions sur le postmillénarisme de Richard Gaffin.

3. Article 24.5 : « L’adultère, ou la fornication, commis après la promesse de mariage et découvert avant le mariage, est, pour la partie innocente, un motif de rompre son engagement (Mt 1.18-20). En cas d’adultère après le mariage, la partie innocente a le droit d’entamer une procédure de divorce (Mt 5.31-32) et, une fois divorcée, de se remarier, comme si le conjoint coupable était mort (Mt 19.9; Rm 7.2-3). »

Article 24.6 : « Bien que la corruption humaine soit telle qu’elle puisse indûment fournir des arguments pour séparer ceux que Dieu a unis par le mariage, rien cependant, sauf l’adultère ou un abandon criminel volontaire auquel ni l’Église ni le magistrat ne peuvent remédier, ne constitue une cause suffisante pour en dissoudre le lien (Mt 19.8-9; 1 Co 7.15; Mt 19.6). En cas d’adultère ou d’abandon, une procédure publique en bonne et due forme doit être mise en oeuvre, et les personnes concernées ne doivent pas être abandonnées à leurs propres volonté et jugement (Dt 24.1-4). »