La femme féminine
La femme féminine
Note de la rédaction
C’est comme conclusion d’un rapport synodal que, dans les années trente, le pasteur Alexandre Lavanchy définissait la place et le rôle de la femme dans l’Église, par rapport à la question débattue, déjà à l’époque, de l’ordination de la femme au ministère pastoral. Rappelons ses propos.
La femme n’a jamais été oubliée, jamais tenue pour quantité négligeable dans l’œuvre du salut et dans l’œuvre de la propagation de la foi. La femme n’a-t-elle pas été ennoblie par la maternité de Marie? C’est à une femme que le Christ a dit : « Ta foi t’a sauvée, va en paix » (Lc 7.50). C’est la foi d’une femme qu’il a admirée du côté de Tyr et de Sidon (Mt 15.21-28). C’est pour protéger la femme contre l’égoïsme masculin que Jésus a combattu l’adultère. Ce sont des femmes qui ont été les premières messagères de la glorieuse nouvelle de la résurrection. Ce sont des femmes qui se sont ingéniées à apporter un peu de douceur et de confort dans la vie rude des premiers apôtres.
La femme n’a été oubliée ni par Dieu ni par l’Église. Si le ministère pastoral ne lui a pas été confié, c’est que sa mission, une mission qu’elle seule peut remplir, est ailleurs. Essayer de définir nettement cette mission spéciale, de montrer qu’elle n’est en rien inférieure au ministère pastoral et que ce n’est qu’en elle que la femme se trouvera elle-même et trouvera sa paix, tel sera notre but.
En dépit des affirmations plus solennelles que sérieuses des révolutionnaires de tout temps et de tous bords, malgré les utopies de trop nombreux modernes mieux intentionnés que renseignés, à qui il manque d’avoir observé tranquillement les faits en dehors de tout préjugé, l’égalité humaine n’existe pas; l’égalité humaine n’est pas désirable. L’émulation, l’intérêt, le sens des responsabilités, la discussion, sources de tout travail fécond et de tout progrès véritable, ne peuvent naître que de la diversité seule : diversité des tempéraments, des caractères, des dons de l’intelligence, des goûts. À supposer qu’elle fût réalisable, l’égalité nous conduirait tout droit à la stérilité la plus absolue. Dans les ruches elles-mêmes, ces cités que l’on propose aux enfants comme le modèle de l’application du principe de l’égalité, l’égalité n’existe pas. L’égalité des sexes n’existe pas davantage que l’égalité humaine. L’homme n’est pas l’égal de la femme; la femme n’est pas l’égale de l’homme.
Pesons bien le sens et la portée des mots : dire que l’égalité des sexes n’existe ni en fait ni en théorie ne signifie pas que l’homme soit supérieur à la femme ni que la femme soit supérieure à l’homme. Ils ont chacun leurs qualités propres, leur supériorité propre qui ne se confondent pas. Il ne saurait y avoir entre eux de terme de comparaison.
Les sexes sont appelés non pas à prendre la place l’un de l’autre, non pas à se confondre l’un avec l’autre, non pas à se faire concurrence l’un à l’autre, mais à se compléter l’un l’autre. L’homme a été fait ce qu’il est, a reçu le tempérament qui est le sien en vue de la paternité. Il ne réalise vraiment sa destinée, il ne s’explique lui-même que lorsqu’il est père, défenseur et conservateur du foyer. Tout chez la femme est ordonné en vue de la maternité; non seulement son corps, à la fois frêle et résistant, mais sa douceur, sa grâce et sa coquetterie même ne se comprennent qu’en fonction de la maternité. Elle n’atteint son but ici-bas que lorsque son cœur s’inquiète de ceux auxquels elle a donné la vie.
Comment l’homme, que tout appelle à devenir père, pourrait-il se passer de la femme? Comment la femme pourrait-elle atteindre son but en se passant de l’homme? Homme et femme sont appelés non pas à lutter l’un contre l’autre, mais à devenir collaborateurs. Il faut que cette collaboration se réalise pour que Dieu n’ait pas à recommencer à chaque génération l’œuvre de la création. L’homme et la femme ne peuvent pas se remplacer l’un l’autre, ils ne peuvent que se compléter. Pour eux vaut la déclaration de l’apôtre dans 1 Corinthiens 12.20 : « Maintenant donc il y a plusieurs membres et un seul corps. » L’homme et la femme ne sont à leur vraie place qu’au foyer; ils ne se comprennent qu’en fonction du foyer.
Et qu’on ne fasse pas état de l’affirmation paulinienne dans Galates 3.28, car, ainsi que l’écrivait quelqu’un, « quand Dieu fit la femme, il réussit à la faire différente ». Dans Galates 3, l’apôtre se place sur le plan du salut. Le salut, c’est la vie éternelle commençant ici-bas. Or, dans la vie éternelle, le Royaume eschatologique, il n’y aura plus de mariage (Mc 12.25).
Mais si les différences sont abolies dans le Royaume, elles subsistent tant que nous sommes sur cette terre. Si l’homme et la femme sont appelés au même salut parce qu’ils ont le même Dieu, si les grâces divines sont les mêmes pour chacun d’eux, si c’est pour la femme aussi bien que pour l’homme que Jésus a tout accompli sur la croix, tant qu’ils sont dans ce corps physique, mais non méprisable, ils ne cessent d’être homme et femme, avec leurs caractères propres et leurs différences essentielles. L’homme féconde, la femme est fécondée. De là, ces dissemblances physiques, créatrices de différences psychologiques.
Tout ce qui fait pour l’homme le charme de la femme vient de ces différences. Et la réciproque est vraie pour toutes les femmes qu’une pseudo-philosophie égalitariste n’a pas égarées et déféminisées. Différences toutes charnelles, diront quelques-uns pour qui l’angélisme est le dernier mot de la sagesse! Hé oui… Mais n’en rougissons pas; nous ne sommes pas de purs esprits, mais de simples créatures qui acceptent simplement les conditions terrestres qu’il a plu à Dieu de leur faire, et qui n’ont pas la prétention de corriger l’œuvre du Dieu tout-puissant en qui ils reconnaissent et adorent la sagesse suprême.
« Tant que nous sommes au monde, l’esprit ne peut se manifester sans la matière, c’est là proprement la valeur de l’incarnation. Non plus qu’un amour platonique ne peut être complet, privé qu’il est de la communion charnelle, non plus qu’un homme ne peut être véritablement chrétien, s’il n’a mangé la chair du Christ sur la Table sainte, les différences spirituelles qui nous séparent de la femme et qui sont pour nous comme l’éternel accomplissement d’un miracle ne peuvent être effectives sans être une réalité, sans s’incarner dans la vie même, sans résider dans des différences quotidiennes, comme aussi dans des dissemblances physiques. Il est donc faux, comme on l’entend souvent dire, que l’amour consiste à s’aimer soi-même dans une femme (comment un homme qui se connaît le pourrait-il?); il s’agit de pouvoir s’identifier à autre chose que soi. Plus donc l’homme et la femme seront dépendants l’un de l’autre, plus ils représenteront l’un par rapport à l’autre des mondes irréductibles, plus ils sembleront faits aux yeux des hommes pour ne pouvoir communiquer en rien, et plus alors nous sentirons se réaliser le miracle de l’amour qui doit naviguer sur une grande mer d’obstacles insurmontables à l’intelligence pour affirmer par delà toutes nos conceptions et nos prévisions la certitude qu’il est la seule réalité qui compte devant l’éternité » (Roland de Pury).
Tout ce que nous venons d’écrire et de citer nous fait comprendre pourquoi l’homme est créateur. Et que l’homme soit créateur, toute l’histoire des sciences, des arts et de la philosophie nous le prouve.
Les féministes, bien embarrassés en présence de ce phénomène qu’elles ne peuvent nier, essayent de nous faire croire que, si aucun nom de femme ne s’inscrit à ce palmarès de l’humanité, cela tient au fait que, esclave de l’homme, victime de vieux préjugés et d’un égoïsme masculin intéressé, la femme n’a pas pu donner sa mesure. L’argument ne vaut rien. Si les femmes avaient eu en elles-mêmes ce qu’il fallait pour créer, elles auraient fait sauter ces entraves comme le vin nouveau de l’Évangile a fait sauter les vieilles outres. Au reste, depuis le commencement de l’époque moderne, toute liberté de créer a été laissée aux femmes.
Mais, et il faut se hâter de le dire, si les femmes n’ont guère de place dans le panthéon des génies créateurs, faute de titres pour les y faire admettre, elles ont d’autres titres de gloire, et des titres non moins beaux! Au cours des siècles, elles ont constamment été, pour autant qu’elles ont su rester dans leur rôle, les inspiratrices des artistes, les initiatrices des grandes croisades morales, les interprètes souvent géniales des poètes, des dramaturges et des musiciens, et aussi les mères ou les compagnes de ceux dont nous prononçons les noms qu’avec respect et admiration.
Si d’aucunes ont à jamais l’honneur d’avoir fait jaillir la flamme créatrice du génie, d’autres ont celui d’avoir inspiré les grandes croisades.
Dire que la femme n’a pas de génie créateur, mais qu’elle est dans son rôle lorsqu’elle est l’inspiratrice, l’interprète, le bon ange des hommes, ce n’est pas refuser de lui donner ce qui lui est dû. Ce n’est pas la sous-estimer, c’est lui demander de rester femme. Nous avons besoin d’elle telle qu’elle est, et quand nous disons « nous », nous ne pensons pas aux hommes seulement, mais au monde entier. Le jour où elle aurait réussi, en usant de moyens qui ne sont pas ceux de sa nature, à devenir notre « égale », nous nous passerions d’elle, tandis qu’elle passerait à côté de sa destinée et de son bonheur.
« Pour qu’il puisse se faire quelque chose de grand, il faut laisser les choses être ce qu’elles sont et placer son idéal non point dans l’amélioration factice des moyens que la nature nous a donnés, mais bien dans l’emploi que nous faisons de ces facultés » (Roland de Pury).
On nous dit qu’il faut donner aux femmes toutes les responsabilités et tous les droits qui sont ceux de l’homme, afin de pouvoir lutter plus efficacement contre les multiples malheurs du moment présent. Certes, nous ne fermons pas les yeux pour ne pas voir les changements à réaliser dans notre vie sociale ou pour ne pas apercevoir la tâche des Églises. Nous ne fermons pas les yeux; nous les ouvrons tout grands; et c’est parce que nous les ouvrons assez que nous nous refusons à croire que c’est en changeant les conditions de la femme, en en faisant notre prétendue « égale », que nous arriverons à un résultat quelconque. En présence des tâches de l’heure, et pour pouvoir accomplir ces tâches, ce qui nous paraît le meilleur c’est que, consentant à rester femme, la femme agisse en femme. Son influence n’en sera que plus grande. Le bonheur pour elles n’est pas ailleurs que dans la réalisation de la vocation qui est leur vocation propre. « Fleuris où Dieu a semé. »
Au fond, lorsqu’il affirme que la femme peut entrer dans toutes les carrières et exercer toutes les professions lorsqu’elle est en possession des mêmes diplômes que les hommes, le féminisme ne fait rien autre que de nier le rôle naturel et providentiel de la famille, et la famille du même coup.
« Au féminisme moderne, on ne voit qu’un défaut, mais radical, qui est de trahir son titre même. Avec quelle force ne faudrait-il pas revendiquer pour la femme le droit d’être “différente”, d’être femme, le droit de réaliser à plein sa destinée originale, de rentrer en son domaine inaliénable! Et non pas de copier l’homme, mais de le compléter par un apport infiniment précieux. Et non pas de l’imiter ou de rivaliser avec lui, mais de l’aider et de lui plaire! Le seul vrai féminisme » (R. Père Doncoeur).
En prétendant que la femme est l’égale de l’homme, le féminisme en fait non plus sa collaboratrice obligée, mais sa rivale, sa concurrente; il semble que pour lui l’idéal de l’union conjugale soit une camaraderie bon enfant, dans le cadre d’une bonne séparation de biens et de corps. Rien ne tuerait plus rapidement la famille que cette camaraderie qui transforme la plus belle institution en une association provisoire que le divorce peut dissoudre.
Sera-t-il permis d’espérer que nous ayons été assez clair pour que l’on ne voit, dans tout ce que nous venons de dire, ni sous-estimation de la femme, ni prétention à affirmer la supériorité de l’homme. Le lecteur qui aura suivi avec bonne foi aura compris que nous voulons simplement dire ceci : Que chacun reste à la place où Dieu a jugé bon de le mettre et accepte la tâche qui convient à la nature que la sagesse divine lui a donné. Pourquoi prétendre faire mieux que Dieu et vouloir renverser l’ordre qu’il a établi? La femme a sa supériorité; l’homme a la sienne; chacune de ces supériorités a son domaine propre.
Nous sommes actuellement en plein déséquilibre économique, moral et social. Ce déséquilibre a de multiples causes. Ne faut-il pas voir la principale dans le fait que depuis des décennies la femme ait quitté le foyer?
Que l’Église se garde d’appuyer un féminisme mal compris, un féminisme « contre la femme », destructeur de l’ordre.
Loin de vouloir « abaisser » la femme, nous demandons qu’elle se laisse élever en restant ou en retournant à sa vraie place. Nous demandons qu’elle reste l’inspiratrice du mari, le bon ange du foyer, l’éducatrice de la race. Nous lui demandons non seulement de mettre au monde des hommes de demain, mais encore de former leur âme, leur caractère et leur intelligence. Elle seule a les dons qu’il faut pour cela.
Comment mieux conclure cette section où nous nous sommes efforcés de montrer l’erreur contenue dans l’affirmation « une femme pourvue de diplômes universitaires vaut bien un homme en possession des mêmes parchemins », qu’en rappelant la déclaration apostolique : « la femme est inséparable de l’homme et l’homme est inséparable de la femme devant le Seigneur » (1 Co 11.11). « Inséparable ne signifie pas interchangeable » (R. Père Doncoeur).