Galates 4 - Noël ou la libération Message de Noël
Galates 4 - Noël ou la libération Message de Noël
« Mais lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme, né sous la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi. »
Galates 4.4-5
L’observation des planètes effectuée par Johannes Kepler, le célèbre astronome du dix-septième siècle, avait déjà permis de connaître la nature de l’étoile de Bethléem. Depuis, la science astronomique, forte de l’apport des ordinateurs modernes, a fait des bonds énormes. C’est à un savant français, Albert Ducrocq, et à un récent article paru dans un quotidien que j’emprunte les quelques lignes de mon introduction. L’astronome français affirme :
« C’est une certitude que la date exacte de la naissance de Jésus-Christ se situe en l’an -6. On sait en effet aujourd’hui qu’après trente-cinq années de règne sur la Judée, Hérode mourut dans la quarante-deuxième année de l’ère julienne, de sorte que la naissance du Christ ne saurait être postérieure à l’an 4. Quand eut-elle lieu effectivement? Elle eut pour témoin la grande horloge universelle : le mouvement demeuré immuable des astres. Ils parleront si quelque événement peut leur être rattaché, et c’est ici le cas.
Dans son Évangile, saint Matthieu lie la naissance du Christ à un phénomène astronomique remarquable dit “l’étoile des rois mages”. Nous avons entrepris de le rechercher sur cette horloge céleste, la simple considération des planètes permettant de remonter à volonté le temps sous réserve qu’il soit exprimé de façon cohérente. Nous savons, en effet, que pour la commodité du calcul les astronomes décimalisaient les années. Tout va bien jusqu’à l’an 1, mais c’est alors que l’absence d’année 0 devient inacceptable. Il faut la créer pour donner un sens à 0,347…
Avec cette chronologie, les machines sont aujourd’hui capables de simuler en continuité le ciel de n’importe quelle époque. Or, nous avons littéralement sursauté, en voyant reconstitué sous nos yeux, le ciel de l’an -6. Cette année-là, le mois de mars fut marqué, en effet, par une conjonction de Jupiter avec Saturne. En lui-même, un événement de cette nature n’a rien d’extraordinaire. Une telle conjonction Jupiter-Saturne se produit tous les 19 ans. Et si nous considérons cent fois cette période, nous sommes bien transposés vers 1985 dans le passé, c’est-à-dire à mars de l’an -6. Mais alors, une coïncidence sans doute unique dans l’histoire de l’humanité, Jupiter et Saturne se trouvaient, en même temps, en conjonction avec le soleil, que Mars venait de rejoindre, tandis que Mercure et Vénus se dirigeaient elles-mêmes vers l’astre du jour! Autrement dit, pendant les premiers mois de l’an -6, ce fut le processus inverse : à l’aube, les planètes se mirent, les unes après les autres, à “jaillir” littéralement du Soleil. Il serait ainsi très tentant de situer la marche des rois Mages au printemps -6, sans que l’on puisse dire si Jésus-Christ serait né à ce moment-là. »
J’arrête ici cette longue citation, mais je ne puis qu’exprimer tout mon émerveillement et même toute ma reconnaissance envers le chercheur français et envers la science astronomique.
« Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme, né sous la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi », écrivait saint Paul dans sa lettre aux Galates (Ga 4.4-5). Vous m’accorderez de parler à présent non pas d’une simple chronologie, aussi fascinante que soit la découverte astronomique, mais d’une chronologie « théologique ». Le fait que toutes les planètes convergèrent vers le Soleil ou en jaillirent fut un phénomène céleste exceptionnel. Mais ce ne fut que le signe extérieur du temps de la plénitude de l’heure où Dieu entreprit une autre conjonction, celle de la présence de son Fils parmi les hommes. À ce sujet, saint Paul ne nous laisse pas dans le vague, car il précise encore la raison de ce choix appelé la plénitude des temps afin de racheter « ceux qui étaient sous la loi ». Cherchons donc ici la raison théologique de la chronologie de la naissance de Jésus-Christ sans nous attarder davantage aux précisions du calendrier qui, après tout, n’ont qu’un intérêt secondaire.
Christ n’apparut pas parmi les hommes juste pour vivre au milieu d’eux. Il ne vint pas pour laisser l’émouvant exemple d’un homme surpassant de sa haute stature tous les personnages de l’histoire, ni même pour faire la démonstration d’une bonté exceptionnelle envers les humains. Il s’incarna en vue d’une mission précise, d’une heure tragique, d’une offrande suprême : celle du don de sa personne comme la rançon de notre libération; pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Tel est le message fondamental de la Nativité et le message chrétien par excellence.
Je n’en ignore pas les autres aspects. Notre intérêt et notre engagement chrétiens dans tel ou tel domaine précis de notre existence et de nos activités doivent être réels, profonds et sincères. Toutefois, la mission chrétienne de l’Église ne consiste pas tout d’abord en nos engagements, car la mission primordiale du Chef de l’Église fut autre : « Afin de racheter ceux qui étaient sous la loi. » Aussi, je retiens cette idée extraordinaire de la plénitude des temps. Tel un être humain conçu dans le ventre de sa mère qui, dès les toutes premières semaines après sa conception, s’achemine vers sa plénitude humaine jusqu’à ce qu’il voie le jour, Jésus, lui aussi, connut une période de longue gestation historique et universelle. Toute l’histoire de l’humanité s’y prêta. Toutes les conditions qui la formèrent et tous les événements qui la jalonnèrent, ces dizaines et ces centaines de siècles qui convergèrent vers l’an 6 avant notre ère, furent ce « sein maternel » dans lequel Christ fut conçu en vue de son incarnation.
Dieu tient en sa main le contrôle universel de toutes choses, et cela précisément et principalement en vue de l’incarnation de son Fils. Christ n’est pas simplement issu du sein de sa mère terrestre, mais de ce sein cosmique, si j’ose m’exprimer ainsi, que Dieu prépara à travers le concours des siècles, des événements et des nations. Mais l’essentiel consiste à nous rappeler que le calendrier divin n’a pas retardé d’une fraction de seconde. À la minute précise, décidée et arrêtée, lorsqu’arriva « la plénitude des temps », Dieu accorda son Fils et le fit naître parmi nous. Tout avait été préparé minutieusement pour sa naissance : hommes, femmes, peuples et nations, circonstances et détails. J’ose dire que le développement de l’enfant divin conçu dans le sein vierge de Marie ne fut qu’une partie de ce processus universel dans lequel Dieu s’engagea en vue de l’incarnation de son Fils et qu’il accomplit lorsque sonna l’heure de la plénitude.
Aux précisions concernant la date, saint Paul en ajoute une autre sur le lieu de la naissance : « Né d’une femme, né sous la loi. » Il nous importe peu de savoir si Jésus était né dans une crèche ou dans une grotte à Bethléem. J’avoue que je porte très peu d’intérêt à ce que l’on appelle pompeusement « les lieux saints chrétiens ». La grotte de Bethléem censée être le lieu de la naissance de Jésus n’a pas plus d’intérêt pour moi que l’asphalte et le bitume de Paris sur lequel je marche chaque jour et la brousse africaine brûlée par le soleil équatorial ne me paraît pas moins « sainte » que les hauteurs surplombant la mer de Galilée. Mais cette indifférence se transforme en aversion à l’égard des dits lieux saints chrétiens à la pensée que, à l’heure même où je m’adresse à vous, s’étale peut-être aux yeux des pèlerins et des touristes curieux le spectacle affligeant des querelles mesquines entre chrétiens de différentes confessions s’acharnant à avoir la priorité de la garde de ces lieux, dont l’authenticité n’est même pas évidente… Le pèlerinage chrétien essentiel devrait se faire tout autrement si les chrétiens avaient des oreilles pour entendre saint Paul et une raison pour recevoir le message du Christ « né sous la loi ».
Nous sommes loin ici des voyages touristiques « en terre sainte », mais nous assistons à la rédemption universelle opérée par le Fils de Dieu. Une servitude universelle frappait les hommes : celle exercée par la loi, à commencer par le peuple même au milieu duquel Jésus vit le jour. Récipiendaires de la loi donnée sur le Sinaï, Israël et les Israélites étaient enfermés sous un joug oppressant, auquel ils ajoutèrent leurs propres jougs, issus d’une religiosité légaliste et hypocrite. Leur vie devint un pesant fardeau. Mais d’autres peuples furent aussi soumis à cette servitude, même s’ils en ignoraient la nature. D’après l’Écriture, toutes les nations seront jugées d’après leur comportement à l’égard de la loi de Dieu, inscrite dans leur conscience ou révélée sur le mont Sinaï. Et c’est au cœur de cette prison universelle que Jésus pénétra dans « la plénitude des temps » pour briser les barreaux, rompre les chaînes, vider les cellules et remettre en liberté tout homme né sous la loi et asservi à elle. Jésus est né au moment opportun, au milieu de nos existences. La loi dont il est question dans la lettre de l’apôtre la présente sous les traits d’un pédagogue impitoyable et il déclare que « la puissance du péché c’est la loi » (1 Co 15.56).
Notre condition humaine est telle que nous sommes, dès notre naissance, asservis à ce pouvoir-là. Que nous le sachions ou pas, que nous l’acceptions ou non, que nous y croyions ou pas, cela ne change rien à la décision divine de nous enfermer sous le joug de la loi, comme nous en informe saint Paul, porte-parole de la révélation. La mission du Christ consista précisément à nous en affranchir. Les autres libérations finiront par suivre cette libération essentielle. Le Fils de Dieu déclara un jour : « Mon joug est facile et mon fardeau léger » (Mt 11.30). C’est là le cœur même du message de la rédemption. C’est ici la bonne nouvelle de ce Noël.
La plénitude des temps nous atteint tous individuellement. Certes, il est une autre plénitude que nous autres chrétiens attendons avec impatience : le jour où le Fils de Dieu apparaîtra non plus comme l’enfant fragile de la crèche, mais comme le Souverain universel devant qui peuples et nations s’inclineront. Mais aujourd’hui, jour de Noël, veille de Noël ou lendemain de Noël, la plénitude nous atteint. Dieu rencontre chacun de nous dans l’offre de cette libération. Nous n’avons pas à tourner nos regards en arrière pour enquêter à son sujet ni attendre avec anxiété un secours futur et lointain. Il est né de la vierge Marie, il a été crucifié, il est mort, il a été enseveli, il est descendu aux enfers. Mais le troisième jour, il est ressuscité des morts. Voilà votre libération en ces événements historiques, ceux qui forment la vie et la mission de Jésus-Christ, Fils de Dieu et Homme. Il ne vous reste que l’humble acquiescement de votre raison et l’accueil reconnaissant de votre foi : Oui, Seigneur et Libérateur, moi aussi, je crois en la plénitude de ton temps et en ton salut qui est ma libération. À vous, ami lecteur, d’accepter ce message et d’y croire pour vivre vraiment libre.