Introduction au livre d'Osée
Introduction au livre d'Osée
1. Généralités⤒🔗
Dans la collection des douze petits prophètes, petits par la longueur de leur message et non par le contenu, le livre du prophète Osée est placé en premier, pour la simple raison qu’il est le plus étendu de ce recueil. Il n’est toutefois pas le premier des prophètes du point de vue chronologique.
Son nom signifie salut, et on l’a aussi appelé le prophète de l’amour. Il est l’un des rares prophètes importants qui ont exercé leur ministère dans le royaume d’Israël (le royaume du Nord), dont Samarie était la capitale. Quelques brèves allusions au royaume du Sud, de Juda, y sont parsemées.
On peut estimer que son ministère s’étendit sur une période de 60 ans (règnes de Jéroboam II, Zacharie, Schallum, Ménahem, Pékachia, Pékach, Osée; et dans le royaume de Juda, ceux d’Ozias, de Jotham, d’Achaz et d’Ézéchias). Il s’exerça durant la dernière phase du royaume du Nord, peu avant la disparition de celui-ci avec la captivité assyrienne, à la fin du 8e siècle avant J.-C.
Tiglath-Piléser III usurpe le trône de l’Assyrie. Certains rois d’Israël tentent de conclure une alliance avec le nouveau maître. Mais l’empire balayera Israël comme il balaya d’autres petites monarchies de cette partie du Moyen-Orient. Ce sera la déportation de la Samarie vers l’an 721 avant J.-C.
Osée est le fils de Beéri. On suppose qu’il précéda la carrière de Michée et d’Amos, peut-être celle de Joël et de Jonas.
2. Plan←⤒🔗
On peut diviser le livre d’après le plan suivant :
1. Circonstances historiques - 1.1
2. Partie personnelle et adultère du peuple - 1.2 à 3.5
a. Signes du rejet d’Israël - 1.2-9
b. Restauration - 2.1-3
c. Châtiment de l’adultère d’Israël - 2.4-14
d. L’espérance - 2.15-25
e. Israël pris en charge par Dieu - 3.1-5
3. Partie nationale - 4.1 à 14.9
a. Reproches - 4.1 à 8.14
b. Menaces - 9.1 à 13.16
c. Promesses - 14.1-9
3. Message←⤒🔗
Osée a un message particulier pour son peuple. La religion est, avant tout, non pas une question de rites, de sacrifices et d’institutions extérieures, mais de relation personnelle avec Dieu. L’accent est placé sur le « hesed » de Dieu, mot que nos versions traduisent par « grâce » ou encore par « fidélité ». Plus qu’un autre prophète, Osée a été le messager de l’amour de Dieu. À la lumière de son message, nous pouvons aussi mieux comprendre le problème de l’incrédulité. Celle-ci est avant tout une infidélité, alors que la foi est une question de maintien régulier et constant avec le Dieu de l’alliance. L’alliance est le cadre des relations que Dieu propose à l’homme, dès la création.
Vues sous cet angle, les questions théoriques au sujet de l’existence de Dieu (la métaphysique) cessent d’avoir leur raison d’être. La foi en Dieu n’est pas principalement l’affirmation de l’existence de Dieu. Celle-ci ne devrait même pas être posée! La foi est le respect des clauses de l’alliance révélée par Dieu et la vie avec Dieu en tant que notre partenaire principal. Dès lors, l’athéisme, lui aussi, ne peut pas se justifier. Le contraire de la foi n’est jamais l’athéisme, mais l’idolâtrie. Si l’homme refuse le vrai Dieu, c’est qu’il l’a remplacé par un faux dieu. Le message particulier du prophète Osée nous aide à mieux saisir la gravité de la rupture de nos relations avec Dieu. C’est pourquoi le prophète parle un langage tellement réaliste et traite ses contemporains d’infidèles, et leur attitude religieuse d’adultère spirituel.
Une étude personnelle du livre pourrait s’occuper de la réalité de la grâce, du péché, de la repentance, de la connaissance de Dieu. L’on étudiera aussi avec profit la vie religieuse et sociale du temps d’Osée pour appliquer son message à notre temps et à nos « problèmes ».
Si vous commencez la lecture du livre d’Osée, vous serez peut-être surpris, sinon choqués, par la situation présentée dans le chapitre premier. Est-il possible que Dieu ait demandé à son serviteur le prophète Osée, la première fois qu’il lui a parlé, d’épouser une femme prostituée et d’avoir par elle des enfants de prostitution? En quoi cette pénible histoire conjugale concerne-t-elle le message d’un homme envoyé par Dieu vers son peuple? N’aurait-il pas mieux valu cacher ce drame intime, plutôt que de l’étaler durant trois chapitres en tête du livre?
Certains historiens ont prétendu que cette histoire n’avait rien à voir avec la réalité de la vie d’Osée : c’était une sorte de parabole ou de vision prophétique, pour tout dire une fiction littéraire destinée à illustrer de manière frappante les discours du prophète. Mais cette opinion est de moins en moins soutenue, et l’on s’accorde à reconnaître dans ces trois chapitres la narration d’un récit authentique de la vie d’Osée.
À vrai dire, ces premiers chapitres sont indispensables à la compréhension de tout le livre. Ils sont la clé de son message et de beaucoup d’autres passages de la Bible. Ne masquons pas d’un voile de fausse pudeur une situation douloureuse et ne craignons pas de voir la réalité humaine telle que ce livre la décrit. Le péché n’est jamais dénoncé sans provoquer de scandale, et du scandale Dieu peut faire jaillir sa vérité.
a. Un foyer malheureux←↰⤒🔗
Osée fut malheureux en ménage. Loin de se révolter ou de se plaindre, il vit dans cette situation une volonté de Dieu pour l’accomplissement de son ministère. L’homme de Dieu ne peut pas prononcer des paroles qui n’engagent pas sa vie personnelle et sa vie familiale : son foyer, sa femme et ses enfants sont un message vivant qui confirme ses discours. Les noms mêmes des enfants sont des signes devant le peuple : un fils qui s’appelle Jizreel (2 R 10.1-11), une fille du nom de Lo-Ruchama (celle dont on n’a pas pitié) rappellent que Dieu ne peut plus avoir pitié de ses enfants infidèles, un fils nommé Lo-Ammi (celui qui n’est pas mon peuple) rappelle que le peuple n’est plus digne d’appartenir à Dieu.
Ainsi, Osée et sa femme infidèle sont l’image de l’alliance entre Dieu et son peuple infidèle. Fondé sur l’amour réciproque, le lien a été brisé par le péché du peuple. Comme une femme adultère, le peuple d’Israël s’est tourné vers d’autres dieux, les Baals, pour leur demander des faveurs que Dieu, disait-il, ne lui accordait pas. La corruption, l’idolâtrie, l’adoration des faux dieux sont autant d’infidélités du peuple à l’égard de son Dieu. La douleur d’Osée et celle de Dieu sont grandes, car l’amour subsiste malgré la trahison de l’infidèle. Que faut-il faire?
L’homme pourrait répudier sa femme et oublier celle qui le fait souffrir. Mais il tente autre chose. Avec patience et amour, il l’appelle à revenir, il l’éloigne de ses amants, il parle à son cœur, il lui rappelle le temps de sa jeunesse, il lui montre tout ce qu’il a fait pour elle. Il ouvre devant elle une porte d’espérance (Os 2.7), il lui parle d’un avenir heureux et lumineux, où tout sera oublié et pardonné, et où les enfants changeraient de noms pour devenir Jizreel, « la grande journée de Dieu » (car le mot Jizreel signifie « Dieu sèmera », avec l’espérance de la moisson future, Os 2.2 et 23-24), pour devenir Ruchama (celle dont on a pitié) et Ammi (mon peuple, Os 2.3,25). Alors, ce sera le bonheur pour toujours et l’alliance restaurée définitivement.
Qu’on relise le magnifique chapitre 2! D’un bout à l’autre, les deux réalités se croisent au point qu’il est souvent impossible de savoir si c’est Osée qui parle de sa femme ou si c’est Dieu qui parle de son peuple. Les amants sont les Baals, et les versets 18 et 19 sont remarquables si l’on songe qu’en hébreu le mot maître, propriétaire, possesseur se dit « baal » (les Baals sont les maîtres et possesseurs du sol). On devrait donc traduire ces versets ainsi : « En ce jour-là, dit l’Éternel, tu m’appelleras mon homme! et tu ne m’appelleras plus mon Baal; j’ôterai de sa bouche les noms de Baal. »
Pour suivre un ordre logique, il faudrait lire les versets 1 à 3 du chapitre 2 après le verset 25, car ils en sont comme la conclusion. L’auteur donne la perspective de l’avenir, puis revient en arrière pour expliquer comment l’espoir de l’avenir peut être légitime.
Quant au chapitre 3, il semble être une brève relation de la même circonstance, résumant l’ensemble de la situation, dans la bouche même d’Osée (il parle à la première personne, alors que le chapitre premier parlait d’Osée à la troisième personne et pourrait avoir été écrit par un disciple du prophète). La solution qui verrait dans le chapitre 3 l’histoire d’un second mariage malheureux d’Osée ne conviendrait nullement à l’interprétation du livre, car Dieu ne s’est pas choisi un second peuple pour faire alliance avec lui.
b. Des paroles dures←↰⤒🔗
Après les trois premiers chapitres, le livre d’Osée contient onze chapitres (chapitres 4 à 14) de discours sans plan très visible. On a recueilli là de nombreuses paroles du prophète, prononcées à diverses reprises et sans indications de dates ni de lieux.
Ce qu’on sait se résume en ceci : Osée a prophétisé dans le royaume d’Israël (royaume du Nord, après le schisme) au 8e siècle avant J.-C., à peu près à la même période qu’Amos. Sous le roi Jéroboam II, la situation d’Israël était paisible, mais cette prospérité créait de graves injustices sociales, et le déploiement du luxe par les uns insultait la misère des autres. Surtout, les cultes païens des Baals s’infiltraient dangereusement en Israël et l’idolâtrie, avec son cortège d’hypocrisies et de superstitions, faisait oublier de plus en plus le culte qu’il fallait rendre au vrai Dieu. Les rois menaient le peuple vers des alliances avec des peuples étrangers.
Avec vigueur et douleur, Osée dénonce toutes les infidélités du peuple et il ne mâche pas ses mots : il parle des nombreuses prostitutions du peuple (le mot prostituer, prostitution, revient plus de vingt fois dans son livre). Prostitution aux cultes idolâtres et hypocrites, où les sacrifices, les fêtes et les pratiques de toutes sortes montrent l’absence de la véritable adoration de Dieu. Prostitution de la situation sociale et morale du peuple, où des abus, des excès et des injustices violent la loi de Dieu. Prostitution menant à l’établissement d’une royauté infidèle à Dieu. Prostitution à cause de la recherche d’une alliance avec les Égyptiens et les Assyriens. Comment Dieu pourrait-il laisser impunies toutes ces trahisons? Pourquoi ne châtierait-il pas ces infidélités criminelles? Certaines paroles d’Osée sont d’une dureté qui fait mal! « Je les tue par les paroles de ma bouche » (Os 6.5). « Je les ai pris en haine, […] je ne continuerai pas à les aimer » (Os 9.15).
c. L’amour fidèle←↰⤒🔗
Et pourtant, Dieu aime toujours son peuple. Au milieu des paroles de colère et de punition, des accents poignants retentissent; l’amour est plus fort que la colère. Dieu ne peut pas détruire et abandonner son peuple. Comme un mari qui aime sa femme, comme un père qui aime son enfant, il parle, appelle et espère :
« Mon cœur est bouleversé, toute ma pitié s’émeut. Je n’agirai pas selon mon ardente colère. Je ne reviendrai pas détruire Éphraïm; car moi je suis Dieu, et non pas un homme. Je suis le Saint au milieu de toi; je ne viendrai pas avec colère » (Os 11.8-9).
On a parfois appelé Osée le chantre de l’amour; mais ce mot d’amour, en hébreu, contient en lui seul beaucoup plus que notre terme français; il signifie tout à la fois amour, miséricorde, grâce, pitié et bonté de la part de Dieu; et de la part de l’homme : adoration, piété, douceur, obéissance. C’est la vraie connaissance de Dieu, car dans la Bible, connaître c’est aimer, c’est se donner entièrement, c’est appartenir à quelqu’un. Dans le langage biblique, l’homme connaît sa femme, pour parler de l’union conjugale (voir Gn 4.1). On comprend alors des paroles comme celle-ci : « Mon peuple périt parce qu’il lui manque la connaissance » (Os 4.6).
Comment résumer la richesse des paroles d’Osée dans les chapitres 4 à 14? Comment montrer la poésie de ses comparaisons multiples et pittoresques (la pluie, le vent, la rosée, le four, la pâte, la colombe stupide, l’âne sauvage, la plante vénéneuse, l’écume sur l’eau, la panthère, l’ourse, le lion, la lionne, le lis, l’olivier, le cyprès, le gâteau brûlé d’un côté, etc.). Comment traduire l’émotion provoquée par ses appels pathétiques ou ses menaces terribles? Il faut relire ce petit livre pour y entendre la voix de Dieu qui nous aime et qui espère encore le retour de ceux qui lui ont tourné le dos.
Par son message, Osée apparaît comme un précurseur. D’autres reprendront sa comparaison saisissante; l’alliance de Dieu et d’Israël est comme le lien qui unit le mari et sa femme. Jérémie et Ézéchiel développeront la même image (Jr 2 et 3; Éz 16 et 23). Le Cantique des cantiques sera interprété dans ce sens et admis dans le canon biblique grâce à cette explication. L’apôtre Paul reprendra la comparaison en parlant du lien qui unit le Christ à son Église, comme modèle de l’amour que doivent avoir l’un pour l’autre les époux chrétiens (2 Co 11.2; Ép 5.22-23). N’est-ce pas là en effet l’un des aspects les plus profonds et les plus vrais de la relation qui existe entre Dieu et son peuple, entre le Christ et son Église?