Introduction aux livres d'Esdras et de Néhémie
Introduction aux livres d'Esdras et de Néhémie
- Généralités
- Époque
- Cadre historique
- Auteur
- Plan d’Esdras
- Plan de Néhémie
- Message d’Esdras
- La personne et l’œuvre d’Esdras
-
Message de Néhémie
a. La reconstruction des murailles
b. La réorganisation du culte
1. Généralités⤒🔗
Les deux livres historiques d’Esdras et de Néhémie en forment un seul dans les manuscrits hébreux, qui porte le nom de livre d’Esdras. La séparation d’entre les deux date de la version grecque des Septante (LXX). Esdras comme Néhémie sont très importants parce qu’ils sont, avec Esther, les seuls livres historiques relatant la période post-exilique (de la ruine de Jérusalem aux guerres des Maccabées).
« Tandis que leurs pères avaient sans cesse résisté aux appels des prophètes, la nouvelle génération recueille pieusement les enseignements de ces serviteurs de Dieu, et lorsqu’après Aggée, Zacharie et Malachie l’esprit prophétique cesse de se manifester, la nation s’attache avec un soin anxieux à l’étude de la parole écrite et tout spécialement de la loi de Moïse; c’est cette loi qu’étudieront les scribes et les docteurs; c’est cette loi que la tradition développera en l’appliquant à toutes les circonstances de la vie politique et privée; c’est cette loi qui sera le palladium de la nation et qui lui imprimera son caractère indélébile.
Or, l’auteur des livres d’Esdras et de Néhémie a précisément fait le choix, dans son récit, des événements qui peuvent le mieux nous expliquer cette étonnante transformation. Il n’y a pas lieu d’être surpris, car cet auteur est lui-même un représentant convaincu de ce nouvel ordre de choses, et il ne s’intéresse qu’aux faits qui ont contribué à l’établir et qui sont précisément ceux que nous désirons connaître. C’est lui qui nous apprend que la première caravane conduite par Zorobabel ne comprenait que ceux des Juifs qui avaient préféré rentrer dans leur pays plutôt que de conserver les positions lucratives qu’ils occupaient à Babylone; il opérait ainsi un important triage par lequel étaient éliminés tous ceux que n’animait pas l’esprit théocratique. Les sacrificateurs, descendants d’Aaron, formaient à eux seuls près du dixième des émigrants, et leur influence fut considérable. Nous apprenons que le premier soin des arrivants fut de préparer la reconstruction du temple, et si des difficultés de tout genre ralentirent le travail, l’œuvre fut cependant menée à bonne fin, grâce au concours des prophètes Aggée et Zacharie. Nous apprenons comment ce fut Esdras qui apporta de Babylone la loi de Moïse et comment, douze ans plus tard, secondé par Néhémie, il put promulguer cette loi et faire jurer au peuple de l’observer toujours.
C’est ainsi que nous savons dans quelles conditions s’est développé l’Israël d’après l’Exil, qui avait pour mission de répondre à la destinée providentielle de ce peuple, si admirablement décrite dans la seconde partie d’Ésaïe. Mais nous voyons en même temps apparaître les tendances qui, en s’accentuant et en cessant d’être sanctifiées par un esprit vraiment théocratique, constitueront les grands défauts des pharisiens, contemporains de Jésus : l’exclusivisme à l’égard des étrangers, le culte de la lettre de la loi et la disposition à en exagérer les prescriptions. En un mot, nos deux livres ne nous donnent pas une histoire suivie, mais une introduction sans laquelle nous ne saurions comprendre le développement de la nation juive pendant la période qui s’est écoulée depuis la captivité de Babylone jusqu’à Jésus-Christ » (Bible Annotée, Introduction aux livres d’Esdras et de Néhémie).
2. Époque←⤒🔗
Le récit d’Esdras débute avec l’édit de Cyrus accordant aux Juifs déportés en Babylone la permission de rentrer au pays après 70 ans d’exil. L’édit date de 536 et la période couverte par le livre d’Esdras s’achève vers 457. C’est durant cette période-là qu’Esdras entreprend son œuvre de réformation. L’essentiel de l’histoire et de la situation spirituelle du peuple nous y est rapporté, bien que cette histoire comporte des lacunes.
Pour bien comprendre ce livre, il est nécessaire de rappeler un certain nombre de faits. D’abord les livres bibliques relatant l’Exil et le retour : Ézéchiel, Daniel, Jérémie, Esther, Aggée, Zacharie, Esdras, Néhémie. Ensuite la manière dont le retour s’est effectué. À distinguer trois étapes : la reconstruction du temple après le premier retour sous Zorobabel et Josué; la restauration du culte et le retour sous Esdras; la reconstruction des murailles de Jérusalem après le retour de Néhémie.
Les principaux événements relatés par le livre d’Esdras sont les suivants :
- 536 : édit de Cyrus, premier retour des captifs; reconstruction de l’autel, fête des Tabernacles.
- 535 : pose des fondements du temple, interruption des travaux.
- 520 : début de la prédication d’Aggée.
- 516 : achèvement des travaux, dédicace du temple.
- 516 : célébration de la Pâque.
- 515-458 (lacunes, sans doute histoire d’Esther).
- 458 : départ d’Esdras de Babylone, arrivée à Jérusalem, renvoi des femmes païennes.
Entre la fin du livre d’Esdras et le début de celui de Néhémie, nous avons une lacune de 32 ans, de 457 à 445. Le récit du livre de Néhémie commence à la fin de 446 (20e année d’Artaxerxès) et se termine en 433, année où Néhémie revint à Jérusalem.
Nombre de découvertes archéologiques ont prouvé que les deux livres d’Esdras et de Néhémie sont des procès-verbaux ou rapports précis de la part de témoins oculaires du siècle durant lequel ces événements se sont déroulés. Les critiques formulées contre ces deux livres se fondent en fait sur une ignorance totale des données soit bibliques soit extrabibliques. Par exemple, on affirmait que le titre « roi de Perse » n’était pas correct. Au début de notre 20e siècle, plusieurs documents ont été découverts qui contiennent la mention du titre près de 18 fois, pour au moins 6 monarques perses différents.
On a affirmé aussi que l’influence d’une langue araméenne tardive se fait sentir sur certaines sections, par conséquent le livre devait être produit vers la fin du 4e siècle, ou même vers le début du 3e. Mais la découverte du papyrus d’Éléphantine, en Égypte, montre que l’araméen des sections d’Esdras, tant du point de vue grammatical que stylistique, est un exemple parfait de l’araméen royal du 5e siècle.
On avait prétendu que les lettres royales permettant la reconstruction du temple n’étaient que de faux juifs, car, prétendait-on, aucun monarque perse n’aurait pu écrire de telles lettres avec un tel contenu et dans un tel ton. Mais le document connu comme le Cylindre de Cyrus et les Chroniques de Nabonide (tous les deux des documents cunéiformes) donnent l’exemple du désir de Cyrus de gagner l’approbation des divers peuples dans son Empire, en proclamant une amnistie politique pour tous ceux qui avaient été déportés à Babylone et en réinstallant leurs divinités dans leurs sanctuaires respectifs. Cette politique lui aurait été extrêmement profitable dans son conflit avec la puissance impérialiste égyptienne.
On déclarait que la drachme, une monnaie d’argent grecque (Né 7.71), était un anachronisme prouvant la date tardive de la rédaction du livre. Mais la découverte de drachmes dans les niveaux perses de Beth-Tsur (au nord d’Hébron) démontre l’inexactitude de telles assertions.
L’un des papyri d’Éléphantine, datant de 407 avant notre ère, mentionne Sanballat, qu’il appelle gouverneur de Samarie (Né 2.19).
3. Cadre historique←⤒🔗
Le cadre historique de ces deux livres est l’époque de la renaissance de la communauté juive à Jérusalem, sous la domination perse. En 538, le roi Cyrus avait autorisé les Juifs de Babylone à retourner chez eux. Une partie d’entre eux avaient fait usage de ce droit et étaient rentrés au pays, en emportant avec eux les objets du temple (Esd 1). Ils avaient construit un autel provisoire sur l’emplacement du sanctuaire détruit et s’étaient remis à célébrer les cultes (Esd 3.1-6). Plus tard, stimulés par les prophètes Aggée et Zacharie, Zorobabel, le gouverneur, et Josué, le grand-prêtre, avaient fait reconstruire le temple, en dépit de nombreux obstacles.
Plusieurs décennies s’étaient encore écoulées. À Jérusalem, le peuple avait peu à peu repris ses habitudes. Il entretenait des rapports pacifiques avec les autres habitants du pays et s’efforçait de vivre en fidèle sujet du roi de Perse, Artaxerxès (465-424). De caractère tyrannique et capricieux, ce monarque n’était guère en mesure de maintenir l’intégrité du gigantesque empire créé par Cyrus. Xerxès, son prédécesseur, avait déjà connu des difficultés. L’opposition provenait surtout de l’Égypte où, après plusieurs tentatives de soulèvement, Artaxerxès installa un gouverneur qui essaya de rétablir l’ordre. La situation était encore aggravée par la menace que la flotte grecque faisait peser à l’ouest de l’empire. On comprendra que, dans ces circonstances, le gouvernement perse ait cherché à tenir fermement en mains la ville de Jérusalem qui occupait une position-clé sur la route de l’Égypte et de la Méditerranée.
Ce gouvernement païen sut admirablement comprendre les besoins religieux des pays qui lui étaient soumis. Il y avait entre autres à la cour de Suse un secrétariat spécial pour les questions juives, dirigé par le Juif Esdras, de souche sacerdotale. En l’année 458, ce personnage, muni d’un sauf-conduit, entreprit un voyage à Jérusalem pour régler certaines difficultés. Des rapports étaient vraisemblablement parvenus jusqu’à la cour de Perse sur les tiraillements et le mécontentement qui divisaient la communauté palestinienne.
Esdras, « le scribe versé dans la loi du Dieu des cieux », comme le désigne la lettre royale (traduisez : le secrétaire pour les affaires juives), emmenait avec lui, assisté des chefs de famille des Juifs de Babylone, un groupe d’émigrés auxquels il réussit à adjoindre quelques Lévites qui, d’ailleurs, n’étaient que médiocrement attirés par la perspective du retour au pays.
Chargé de cadeaux en argent et d’objets cultuels, le cortège fit son entrée à Jérusalem (Esd 7.8). Esdras avait refusé l’escorte royale dont on voulait le faire accompagner, car « la main de notre Dieu est pour leur bien sur tous ceux qui le cherchent, mais sa force et sa colère sont sur tous ceux qui l’abandonnent » (Esd 8.22). L’arrivée dans la ville fut célébrée par un sacrifice d’action de grâces. En automne, à l’occasion de la fête du Nouvel An, Esdras se présenta devant l’assemblée des Juifs (Né 8.1). Invité à lire le livre de la loi qu’il avait apporté avec lui, il l’ouvrit en présence du peuple fortement impressionné. La lecture de la loi fut suivie de la fête des Tabernacles. Au cours d’un jour de jeûne général, l’assemblée fit la confession de ses péchés, dont elle prit conscience en entendant lire le récit des interventions de Dieu dans son histoire (Né 9).
Esdras considérait qu’une des principales fautes de la communauté provenait des mariages conclus sans réflexion avec des ressortissants de l’entourage païen ou semi-païen (Esd 9.10 à 10.44). L’assemblée devait se prononcer sur la validité de ces mariages. Une commission de contrôle fut instituée et, trois mois après, l’assemblée décida la dissolution de ces unions mixtes. Par cette mesure, Esdras et ses émules s’aliénèrent une partie importante de la population, en particulier les notables qui, grâce à ces alliances, avaient réussi à s’unir à l’aristocratie financière de la région. En même temps, les relations amicales avec les peuples voisins furent gravement atteintes.
Nous ne savons pas si Esdras avait déjà, à ce moment-là, l’intention de reconstruire les murailles de Jérusalem. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’un personnage du nom de Rehum envoya une dénonciation dans ce sens à la cour de Perse. Esdras y était accusé de fomenter une révolte (Esd 4.8-16). Le résultat ne se fit pas attendre : la reconstruction des murailles fut interdite (Esd 4.17-23). Dès ce moment, Esdras disparaît de l’horizon de l’histoire. Dans tous les cas, il a définitivement perdu la faveur du roi. De leur côté, les Juifs rédigèrent une lettre de justification à l’intention de la cour de Suse. Ils se référaient à la correspondance déjà échangée et se réclamaient de certains précédents où l’autorité royale leur avait accordé sa protection, en dépit des accusations dont ils étaient l’objet.
Il est possible qu’à la suite de cette lettre, Néhémie, l’échanson du roi, reçût un sauf-conduit (en l’an 445) pour se rendre à son tour à Jérusalem (voir le paragraphe concernant la reconstruction des murailles sous la conduite de ce dernier).
Les livres d’Esdras et de Néhémie sont donc avant tout des documents relatifs à la fondation de la communauté juive. Désormais, le peuple de l’alliance ne peut plus exister en tant que nation indépendante. Mais en perdant sa liberté politique, il n’a pas définitivement sombré; au contraire, il lui a été permis de continuer à vivre en tant qu’Église et, à cet égard, l’œuvre d’Esdras et de Néhémie ne saurait être sous-estimée. Leurs livres, toutefois, ne se bornent pas à rapporter les faits qui ont marqué la restauration de l’assemblée de Dieu; ils contiennent un message qui témoigne de la foi sur laquelle repose cette nouvelle forme de communauté. Cette foi fondamentale est essentiellement la même que celle sous-jacente au peuple d’Israël ou de Juda à l’époque de son indépendance.
Par là, l’Écriture proclame que le peuple élu, qu’il soit nation ou Église, doit s’en tenir à l’élection gratuite de Dieu (Né 9.7), qui lui fait connaître comment il a été libéré de la servitude des puissances de ce monde (Né 9.9) et comment il peut continuer à subsister devant Dieu dans le cadre de l’alliance. Cette affirmation de base ne fait que mieux ressortir les péchés qui menacent l’intégrité de la communauté et contre lesquels les prophètes ont eu sans cesse à combattre : l’exploitation des pauvres (Né 5.1-9) et l’indifférence en matière de foi (Esd 4.1-5; 9.1-15).
Mais en même temps, le credo qui constitue le fondement spirituel de la communauté juive de l’époque d’Esdras et de Néhémie comporte en soi un très grave danger. Certes, la dissolution des mariages mixtes est avant tout destinée à préserver la pureté de la foi. Mais cette mesure ne risque-t-elle pas de subordonner l’appartenance à l’assemblée de Dieu au sang et à la race, de telle sorte que la communauté du sang prenne le pas sur la communauté de la foi? L’ancien Israël, lui, avait conscience du fait que c’est le sacrement, c’est-à-dire le signe extérieur de la foi, et non le sang, qui décide de l’appartenance à l’Église de Dieu (Gn 34.16-24).
L’époque d’Esdras et de Néhémie prépare une voie qui ne conduit pas en droite ligne au Nouveau Testament et qui peut mener tout aussi bien au judaïsme sous sa forme pharisaïque. De même, l’importance donnée au temple et le désir de posséder un solide rempart pour se protéger contre les attaques extérieures peuvent signifier un retour regrettable vers un état d’esprit contre lequel les prophètes n’avaient pas fini de lutter (És 66.1; Jr 7.4-7; Za 2.8). Cependant, il ne faut pas oublier non plus que le temple et le rempart conservent tous deux leur importance aussi longtemps que l’Église de Dieu est obligée de vivre sur notre vieille terre déchue. C’est pourquoi le passage de Néhémie 10.40 constitue un témoignage nécessaire et valable pour tous les siècles. « Ainsi, nous n’abandonnerons pas la maison de notre Dieu. » Mais ce qu’il faut surtout en retenir, c’est qu’il existe un seul chemin qui puisse permettre à la communauté de rester ferme dans les tempêtes et d’affronter sans crainte les persécutions extérieures comme les difficultés intérieures : la fidélité à la Parole de Dieu. L’Écriture affirme que cette fidélité comporte un sentiment de joie et de reconnaissance (Né 8.6,17).
En résumé, les traditions d’Esdras et de Néhémie cherchent à ramener le peuple élu, devenu Église et en butte aux dangers extérieurs et intérieurs, dans la voie tracée par l’alliance des pères. C’est en persévérant dans cette voie que les croyants pourront connaître la joie accordée aux membres de l’Église.
4. Auteur←⤒🔗
Le rapport étroit entre les deux livres des Chroniques et Esdras et Néhémie n’est pas à être démontré. Leur intérêt est commun au sujet du culte et du rôle et de la place de la sacrificature. Pour certains, ces livres auraient un seul auteur, contemporain de Néhémie. Selon une autre opinion, Esdras serait en personne l’auteur du livre qui porte son nom, ainsi que celui des deux livres des Chroniques (comparer Esdras 1.1-3 avec 2 Chroniques 36.22-23).
Notons toutefois que l’auteur de notre livre n’est pas mentionné. La frappante unité de thème de ces trois livres peut s’expliquer par la source commune qui a pu être utilisée pour leur rédaction. Mémoires originaux d’Esdras et de Néhémie, reconnaissables à l’emploi du pronom de la première personne (pour Esdras, voir 7.27; 9.15; pour Néhémie, 1.1 à 7.5, 12.27-43; 13.4-31). Documents officiels, parmi lesquels les édits de Darius et d’Artaxerxès an langue araméenne (Esd 4.6; 6.18).
5. Plan d’Esdras←⤒🔗
1. Retour sous Zorobabel et Josué - 1 à 6
a. Édit de Cyrus, restitution des objets sacrés - 1
b. Dénombrement des captifs rentrés en Palestine - 2
c. Reconstruction du temple - 3 à 6
1. L’autel des holocaustes; fête des Tabernacles - 3.1-7
2. Fondation du temple - 3.8-13
3. Suspension des travaux - 4
4. Reprise et achèvement des travaux - 5.1 à 6.15
5. Dédicace du temple et fête de la Pâque - 6.16-22
2. Esdras à l’œuvre - 7 à 10
a. Retour - 7 à 8
1. Édit d’Artaxerxès - 7
2. Voyage d’Esdras et de ses compagnons - 8
b. Réveil religieux - 9 à 10
1. Prière d’humiliation - 9
2. Réforme du peuple, renvoi des femmes païennes - 10
6.Plan de Néhémie←⤒🔗
1. Reconstruction des murailles - 1 à 7
a. Préparation du travail - 1 à 2
1. Prière de Néhémie - 1
2. Retour de Néhémie - 2
b. Organisation du travail - 3
c. Difficultés du travail - 4 à 5
1. Opposition extérieure - 4
2. Difficultés internes - 5
d. Achèvement du travail - 6
e. Liste des compagnons de Zorobabel - 7
2. Restauration religieuse du peuple - 8 à 13
a. Consécration du peuple - 8 à 10
1. Lecture du livre des lois - 8.1-12
2. Fête des Tabernacles - 8.13-18
3. Confession et repentance publiques - 9
4. Renouvellement de l’alliance - 10
b. Rétablissement de la loi - 11 à 13
1. Différents registres - 11.1 à 12.26
2. Dédicace des murailles - 12.27-47
3. Dernières réformes de Néhémie - 13
7. Message d’Esdras←⤒🔗
On a dit que le récit du livre d’Esdras est une illustration de la parabole du vase du potier brisé et refait (Jr 18) Dieu refit un autre vase. Après le châtiment de l’Exil, le Dieu souverain se mit à l’œuvre pour recréer en quelque sorte son peuple. Il utilisa des instruments divers pour cette œuvre, instruments qu’il choisit soit en dehors de l’alliance, tels que Cyrus, Darius, Artaxerxès, soit au sein de l’alliance, tels que Zorobabel, Josué, Esdras.
Une autre leçon concerne la fidélité de Dieu (ce qu’il dit s’accomplit) et sa puissance. Il incline les cœurs des rois, forme ses ouvriers, rassemble son peuple, déjoue les plans de l’ennemi. Le récit de la reconstruction du temple nous enseigne la nécessité de la persévérance en dépit de l’opposition, pour toute l’œuvre accomplie en obéissance à la volonté de Dieu; les forces nécessaires sont assurées dans la mesure où le croyant exerce sa foi et son courage sans compromis (les mariages mixtes).
8. La personne et l’œuvre d’Esdras←⤒🔗
Les quelques chapitres d’Esdras et de Néhémie qui exposent l’activité du prêtre scribe, restaurateur de la loi juive, ne permettent pas de connaître vraiment sa personnalité et son action dans les détails. Il nous est moins connu que Néhémie, car ses mémoires sont utilisés par le chroniqueur de manière un peu différente de celle qu’il a employée pour les mémoires de Néhémie. Ces derniers sont cités textuellement dans des fragments importants. Ceux d’Esdras sont cités, certes, mais plutôt utilisés et, par la suite, modifiés, remaniés ou complétés.
Le ministère d’Esdras se résume, pour nous, en deux actes importants : la promulgation de la loi, peu de temps après son arrivée à Jérusalem; la réforme relative aux mariages avec les étrangères, quelques mois plus tard. Après cela, Esdras disparaît de la scène historique, sans qu’on sache comment ni ce qu’il fit jusqu’à la fin de sa vie. La personnalité d’Esdras est difficile à saisir. Comme Néhémie, c’était un Juif fidèle à son peuple et à sa foi au Dieu d’Israël, le Dieu des pères. Mais c’était aussi un fonctionnaire officiel du roi de Perse dont il obtint un ordre de mission très précis, pour accomplir une tâche déterminée à Jérusalem. Sa loyauté envers le roi reste entière, et s’il y a une certaine réaction contre la situation où se trouvaient les Juifs soumis aux Perses, ce n’est que dans la prière.
Contrairement à Néhémie, il était du sacerdoce et avait tout particulièrement une grande connaissance de la loi, ce qui fera de lui le père de tous les scribes. Il a une mission d’enseignement et d’organisation religieuse à remplir. Ce que nous savons de lui nous le montre sous l’aspect d’un homme cultivé, érudit, pratique, soucieux du respect intégral de la loi. Son intelligence et son sérieux ont impressionné le roi qui lui accorde généreusement son autorisation.
Esdras a, envers le peuple, une attitude plus austère que celle de Néhémie. Il est moins expansif en apparence. C’est vraiment le Juif qui vit sous la loi. Même lorsqu’il manifestera son affliction et sa désolation à cause des mariages mixtes, ses gestes paraîtront moins spontanés que ceux de Néhémie. En public, il déchirera ses habits et restera plusieurs heures prostré, jeûnant et priant, puis, brusquement, devant l’assemblée, il prendra sa décision. Il y a, en tout cela, une allure un peu théâtrale et volontairement solennelle pour frapper le peuple. Néanmoins, ce serait inexact de l’accuser d’hypocrisie et de manque de sincérité dans ses démonstrations de tristesse. Il s’identifie avec son peuple et se solidarise avec lui, dans le passé et le présent, au point que sa prière, commencée en son nom personnel, devient bientôt une prière collective pour la confession des péchés de tout le peuple. Sa piété s’y exprime réellement dans l’esprit du prophétisme ancien.
Homme pieux et fidèle, homme de prière, Esdras est avant tout homme de la loi. La loi qu’il apporte est une loi dont l’orientation est nettement cultuelle et rituelle. C’est pour une raison de pureté cultuelle et aussi raciale qu’il prend des mesures aussi rigoureuses contre les mariages mixtes. Le renvoi des femmes étrangères et de leurs enfants a dû provoquer un profond bouleversement social dans la petite population de Juda, et même dans le milieu sacerdotal où avaient aussi lieu des violations de la Parole de Dieu. C’est ce caractère intransigeant et rigide de l’observation des commandements qui conduisit Esdras à cette solution qui ne tolérait plus aucun compromis avec les païens. Cette sévérité a-t-elle abouti, comme certains le pensent, à un échec de la réforme d’Esdras? Il est difficile de le dire avec les documents qui nous restent de cette époque. Un échec serait pourtant assez peu compréhensible, si l’on songe à l’énorme crédit et à l’importance de la personne d’Esdras au cours des siècles ultérieurs.
Cette dernière remarque prouve que la tradition a vu dans Esdras un personnage infiniment plus grand et plus influent que ne le laissent supposer nos chapitres. Parce qu’il a été solidaire de la loi apportée de Babylone, Esdras a bénéficié d’une auréole de gloire que n’a pas eue Néhémie. Le judaïsme le considéra au niveau de Moïse et lui attribua la composition de la plupart des livres de l’Ancien Testament. On ne prête qu’aux riches! Ces légendes n’auraient pas été formulées au sujet d’un homme obscur, sans autorité, et dont le ministère aurait été un échec! C’est pourquoi, malgré les lacunes de notre information, Esdras reste l’une des figures les plus marquantes du judaïsme ancien.
9. Message de Néhémie←⤒🔗
Cette section est empruntée de Frank Michaeli (Commentaire sur Esdras et Néhémie, p. 362ss).
Jésus, fils de Sirach (auteur du livre de l’Ecclésiastique, livre deutérocanonique), faisant une rapide revue des hommes de Dieu les plus illustres de tous les temps, ne manque pas de mentionner Néhémie : Sa mémoire subsistera toujours, parce qu’il a réparé les murailles abattues et qu’il a rétabli les portes et les barres et qu’il a relevé nos maisons. C’est bien là l’éloge que mérite en première ligne Néhémie, qui ne voyait en effet de salut pour Israël que dans une ville forte et capable de se défendre. Josèphe, l’historien juif du premier siècle, va plus loin et lui attribue même d’avoir fait reconstruire à ses propres frais des maisons pour tous ceux de ses compatriotes qui voulurent s’établir à Jérusalem. Ce qui n’est pas improbable de la part d’un homme qui avait racheté un certain nombre de ses compatriotes (Né 5.8). « Il y a un temps pour bâtir », écrit le livre de l’Ecclésiaste. Néhémie a vécu en un tel temps.
La lecture des chapitres 1 à 7 et 10 à 13 de Néhémie, dont la plus grande partie sont des extraits de ses mémoires, nous présente un personnage au caractère original, sympathique à bien des égards, ardent et passionné jusqu’au fanatisme dans certaines circonstances… Son attitude et ses actes s’expliquent par sa double qualité de fonctionnaire du roi de Perse et de Juif profondément attaché à sa foi et à son peuple.
Comme échanson du roi Artaxerxès, c’est un homme d’un grand loyalisme vis-à-vis de son souverain, et cela lui vaut la confiance de ce dernier qui l’autorise à faire un séjour de douze ans à Jérusalem et à y retourner encore par la suite. Il obtient de lui les passeports nécessaires, l’escorte et les ordres qui lui ouvriront toutes les portes. Il rejettera avec mépris, comme de purs mensonges, les accusations de ses adversaires lorsqu’ils feront courir le bruit qu’il veut se faire proclamer roi de Juda en rébellion contre Artaxerxès. La vie à la cour royale avait certainement fait de lui l’homme envoyé par le roi de Perse, comme gouverneur de Jérusalem, avec une mission bien définie et une responsabilité relativement étendue.
Comme Juif, de la race du peuple élu exilé à Babylone, il est animé d’une foi profondément ancrée dans son cœur et dans son esprit. Il veut respecter pleinement la loi de son Dieu, porte le souci constant de la restauration de la communauté juive dans la ville sainte et entreprend pour cela un ministère pratique qu’il a su remplir avec une infatigable énergie.
Loyal envers le roi païen, il est avant tout loyal envers le Dieu d’Israël qu’il aime et dont il voit la bonne main diriger toutes choses. Sa personnalité est celle d’une nature riche, impétueuse et sensible. Il pleure, jeûne et prie en apprenant les malheurs de son peuple; il se décide à partir et réussit dans ses démarches. Il montre de la prudence avant de commencer les travaux de la muraille. Une fois la tâche entreprise, rien ne pourra l’arrêter, ni la mauvaise volonté de certains notables, ni le découragement du peuple, ni les moqueries et les menaces de ses ennemis, ni les tentatives de chantage ou les pièges tendus devant ses pas. Homme d’action, il agit avec sûreté, avec un esprit méthodique et énergique, sans s’embarrasser de conventions ou de formalités verbales.
Parfois, il s’indigne, s’emporte et se laisse aller à des gestes de colère ou à des prières de vengeance. Nous le voyons arracher les cheveux de quelques Juifs mariés à des païennes, expulser avec fracas le mobilier de Tobija installé dans une chambre du temple et chasser sans discussion le petit-fils du grand-prêtre, marié à une étrangère! Mais ce tempérament est un stimulant extraordinaire pour le peuple minoritaire et craintif; il montre l’exemple du travail et ne se déshabille plus avant que la muraille ne soit achevée; il est désintéressé et ne réclame même pas les redevances que le gouverneur pouvait exiger; il est animé d’un esprit de justice absolue, envers Dieu et envers le prochain.
C’est aussi et surtout un homme de prière, parce qu’il croit à la puissance de son Dieu et parce qu’il ne veut pas que le peuple de l’Éternel soit bafoué par les païens. Sa piété est dans la ligne du Deutéronome qui représente, pour lui, la loi de Dieu donnée à Moïse. Même ses prières reproduisent les formules habituelles et probablement liturgiques qu’on retrouve dans la tradition prophétique.
Néhémie n’était pas prêtre, mais laïc. Pourtant il respecte de façon absolue la loi relative au sacerdoce… Il se place essentiellement sur un terrain religieux pour exercer son ministère et accomplir ses réformes. (F. Michaeli).
Qu’a-t-il fait exactement? Le paragraphe consacré à la restauration des murailles décrira son action principale.
a. La reconstruction des murailles←↰⤒🔗
Rien de plus passionnant et de plus enrichissant pour nous que l’histoire du reconstructeur Néhémie. Son activité se place un siècle après celle de Zorobabel, c’est-à-dire au milieu du 5e siècle avant J.-C. et elle témoigne de la vitalité intense de la foi israélite durant cette période, au reste assez mal connue.
Fonctionnaire de haut grade à la cour de Perse, dans la lointaine capitale de Suse, Néhémie est bouleversé par les nouvelles que des compatriotes lui apportent. La détresse règne à Jérusalem, qui n’a aucune muraille pour se protéger contre les incursions des hommes et des bêtes! Immédiatement, il projette de se rendre là-bas, à l’aide de son peuple malheureux. Priant d’abord son Dieu avec ferveur, il présente ensuite sa requête au roi, son maître, qui lui accorde une permission de longue durée, ainsi que des lettres de recommandation pour faciliter son voyage et sa tâche. Arrivé dans la ville sainte, il garde l’incognito. Car avant d’entreprendre ou même de proposer quoi que ce soit, il veut savoir. Dans les « mémoires » où il raconte lui-même sa vie se trouve le récit pittoresque de sa tournée nocturne, parmi les ruines et les décombres, où il a de la peine à avancer, mais il explore tout à fond, afin d’être à même de parler et d’agir ensuite utilement.
Une fois documenté, il s’engage dans l’entreprise pour laquelle il est venu et pour la préparation de laquelle il a déjà fait maintes fois l’expérience que la bonne main de son Dieu était sur lui. Rassemblés par ses soins, électrisés par sa foi, les notables de Jérusalem décident d’enthousiasme la reconstruction des murs. Mais encore faut-il que le travail soit organisé. Néhémie y pourvoit d’une manière minutieuse et habile; grâce à ses mesures intelligentes, énergiques, la muraille est rapidement élevée jusqu’à la moitié de sa hauteur, tout le peuple prenant à cœur cet ouvrage.
Les difficultés cependant ne manquent pas. Il y en a d’extérieures : les voisins d’Israël, qui profitent de la situation précaire des Israélites pour razzier le pays; surtout les Samaritains, toujours vexés d’avoir été écartés de la reconstruction du temple, voient d’un très mauvais œil l’entreprise de Néhémie. Ils s’en sont moqués d’abord, maintenant ils s’en inquiètent. Sous la direction de Tobija, important personnage de Samarie, ils préparent une action à main armée pour décourager les bâtisseurs. Néhémie, prévenu, résiste à l’affolement général, à force de vigueur et de prière, et il parvient à dominer les craintes de ses collaborateurs. Il les arme, tout en les maintenant au travail par la méthode des équipes alternées; il fait tant et si bien que les attaquants renoncent à leur attaque.
Mais alors, voici les obstacles intérieurs! Les pauvres se plaignent amèrement, et justement, que les riches les exploitent, profitant d’une situation économique difficile; et cela, au moment même où tous sont appelés à travailler ensemble dans un coude à coude fraternel, pour la cause commune! Néhémie aperçoit le péril : un peuple divisé ne saurait accomplir de grandes choses! Mais ici de nouveau son autorité, son énergie, sa foi lui permettent de calmer la tempête. Les privilégiés, qu’il ne se contente pas d’exhorter, mais auxquels il donne aussi l’exemple d’un magnifique désintéressement personnel, s’inclinent. Et derechef, le travail est repris dans de bonnes conditions.
Finalement, après d’autres difficultés encore, personnelles celles-là, qui mettent à rude, mais victorieuse épreuve la persévérance et la clairvoyance du chef, l’œuvre de reconstruction s’achève, au bout de 52 jours, dans la joie et la reconnaissance de tous!
Combien de temps Néhémie est-il resté ensuite à Jérusalem? Nous ne le savons pas. Mais nous apprenons de lui-même que, retourné à son poste à Suse, il est revenu plus tard en Palestine et qu’il y a travaillé, en collaboration peut-être avec le prophète Malachie, à la restauration non plus matérielle, mais spirituelle et cultuelle de la communauté israélite.
b. La réorganisation du culte←↰⤒🔗
Nous voyons Néhémie participer finalement, comme gouverneur du pays, à une cérémonie solennelle durant laquelle fut faite la lecture publique de la loi de Moïse. Dans cette cérémonie, le rôle principal est joué par Esdras le scribe, qui était revenu de Babylone à une date qu’il est difficile de préciser. Esdras a été le chef spirituel de la communauté du second temple. Mais sa personnalité nous est beaucoup moins connue que celle de Néhémie.
Toute l’histoire de ces deux hommes, Esdras et Néhémie, donne un démenti cinglant à ceux qui voient dans la foi un opium endormeur des énergies! Leur vigueur et leur persévérance sont indomptables, et elles sont nourries de prière. S’ils ont pu accomplir une œuvre clairement surhumaine, c’est parce que « la bonne main de Dieu a été sur eux ».