Jacques 3 - Histoire de langue
Jacques 3 - Histoire de langue
« Ne soyez pas nombreux à vouloir être docteurs, mes frères, car vous savez que nous subirons un jugement plus sévère. Nous bronchons tous de plusieurs manières. Si quelqu’un ne bronche pas en paroles, c’est un homme parfait, capable de tenir tout son corps en bride. Si nous mettons le mors dans la bouche des chevaux, pour qu’ils nous obéissent, nous dirigeons aussi leur corps tout entier. Voyez encore les navires : si grands qu’ils soient, et poussés par des vents impétueux, ils sont dirigés par un très petit gouvernail au gré du pilote. De même, la langue est un petit membre, mais elle a de grandes prétentions. Voyez comme un petit feu peut embraser une grande forêt! Or la langue aussi est un feu, elle est le monde de l’injustice : la langue a sa place parmi nos membres, elle souille tout le corps et embrase tout le cours de l’existence, embrasée qu’elle est par la géhenne. Toutes les espèces de bêtes sauvages, d’oiseaux, de reptiles, d’animaux marins sont domptées et ont été domptées par l’espèce humaine; mais la langue, aucun homme ne peut la dompter : c’est un mal qu’on ne peut maîtriser; elle est pleine d’un venin mortel. Par elle, nous bénissons le Seigneur, notre Père, et par elle, nous maudissons les hommes faits à l’image de Dieu. De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction. Il ne faut pas, mes frères, qu’il en soit ainsi. La source fait-elle jaillir par le même orifice, l’eau douce et l’eau amère? Un figuier, mes frères, peut-il produire des olives, ou une vigne des figues? Une source salée ne peut pas non plus donner de l’eau douce. »
Jacques 3.1-12
Appelons ce passage de la lettre de Jacques « nouvel appel à la repentance », appel à travers un avertissement sévère. Pourtant, nous nous rappellerons que cet appel était précédé dès le début de la lettre par une salutation « dans la joie ».
Le Seigneur est sévère, mais nous voulons nous réjouir de cette sévérité comme d’une grâce qui nous est faite. Il serait regrettable de considérer la vie devant Dieu comme une chose sans importance; cela nous empêcherait de comprendre de quelles ténèbres nous devons être arrachés. Mais si, à la lumière de la Parole de Dieu, nous pouvons discerner les ténèbres dans lesquelles nous vivons, nous ne devons pas nous en effrayer, mais nous en réjouir. Ce serait un malheur pour nous si notre propre justice n’était pas ébranlée, si nous pensions pouvoir poursuivre hardiment notre chemin en y mettant simplement un peu de bonne volonté et en ayant quelques pensées pieuses.
Il est faux de penser qu’il nous est facile de contenter Dieu, que tout ce que Dieu nous demande est une bonne conduite et qu’il nous est facile d’y parvenir, qu’il suffit d’avoir pour devise : « Fais le bien et ne crains personne ». Mais si par contre nous découvrons — et nous pouvons le faire en lisant cette épître — combien élevé est le trône de Dieu devant lequel nous devons comparaître pour y être jugés, comme l’annonce Jacques; si nous découvrons combien sainte et grande est l’œuvre de Jésus-Christ qui se manifeste dans notre vie, et combien nécessaires sont notre foi et notre fidélité à son endroit; si nous découvrons ce que signifie réellement suivre Jésus-Christ et obéir à Dieu et, en découvrant cela, nous en sommes effrayés, ce n’est pas pour nous une catastrophe, mais une promesse d’espérance. Nous devons louer Dieu et le magnifier, non pas être contrariés, car c’est là un signe de son amour et de l’intérêt qu’il nous porte. « L’Éternel châtie celui qu’il aime. » Ceux qui vivent loin de Dieu peuvent vivre à la légère, mais ceux qui sont touchés par Dieu ne peuvent plus se laisser aller.
Jacques s’en prend à notre langue, à nos discours, à nos paroles. Cela nous étonne. N’a-t-il pas précisément dit au chapitre précédent qu’il n’était pas suffisant d’aller au culte?
Or, nous nous attendions certainement à ce qu’il nous demande d’accomplir une très grande œuvre. Et nous sommes déçus par le petit effort qu’il nous demande, qu’il ne nous parle que de notre langue. Pourtant, déclare Jacques, cette langue peut causer de grands effets. Nos paroles! Ne disons-nous pas trop facilement : Ce n’est qu’une parole… Il est pourtant arrivé à chacun de nous, en traversant une épreuve, de soupirer après une parole d’encouragement ou de consolation. Car nous savons tous quel effet miraculeux peut avoir une parole. Nous savons que le miracle de la vraie parole existe, qu’elle peut nous donner la paix et nous sauver : c’est la Parole de Dieu. Notre Dieu n’est pas un Dieu mort, un Dieu muet, il n’est pas une idole, mais le Dieu vivant. Il s’est offert et s’offre encore dans sa Parole. En parlant, Dieu cherche à nous attirer à lui et à se révéler à nous. L’homme est un être qui peut recevoir et entendre la Parole de Dieu, et par elle entrer en communion avec lui. C’est ainsi que l’homme devient une créature noble et royale, qui se distingue de tous les autres êtres.
Cette Parole de Dieu s’adresse-t-elle vraiment à l’homme, et celui-ci l’entend-il? Si ce n’est pas le cas, l’homme est incapable de devenir ce que Dieu veut faire de lui. Et comme cette Parole de Dieu nous est adressée en Jésus-Christ, nous pouvons affirmer que tout dépend du fait que Jésus-Christ nous parle avec puissance et miséricorde; l’important est que nous laissions Jésus-Christ nous parler et que nous l’écoutions dans la joie et dans l’obéissance. C’est pourquoi il est tellement important que cette langue, la langue de celui qui enseigne, c’est-à-dire la langue humaine qui a reçu la mission d’annoncer la Parole de Dieu, ne soit pas utilisée pour l’injustice.
Songeons un instant aux innombrables paroles « chrétiennes » qui sont prononcées parmi nous et nous verrons qu’il ne manque pas de langues pour proclamer les vérités pieuses et divines. Pour s’en convaincre, entrez dans une librairie chrétienne regorgeant de « paroles pieuses » écrites et imprimées. Ni les écrits ni les paroles ne font défaut dans ce domaine. Mais Jacques avertit : « Qu’il n’y ait pas parmi vous un grand nombre de personnes qui se mettent à enseigner… » Prenons donc garde de ne pas confondre la Parole de Dieu avec n’importe quel écrit dit chrétien ou n’importe quelle prédication se prétendant chrétienne.
Faites bien attention avant de parler de Dieu, demandez-vous si vous avez reçu la mission de la proclamer. De même, quand vous êtes auditeurs de cette Parole, faites attention au maître que vous choisissez, au prédicateur que vous autorisez à l’annoncer. Les vrais maîtres sont ceux qui ont reçu vocation. Jacques ne veut pas que nous soyons des intoxiqués de la critique, mais il veut que nous combattions dans l’Église, car il faut combattre, prier et lutter, afin que la véritable Parole de Dieu nous parvienne, qu’elle passe de la langue des prédicateurs aux oreilles des auditeurs, pour que le salut leur soit révélé.
Quel événement, quel miracle doit-il se passer pour que la Parole de Dieu nous soit révélée? Qu’est-ce qui s’oppose en nous? La réponse de Jacques est catégorique : Si la Parole de Dieu ne vient pas jusqu’à vous, ce n’est pas sa faute, mais la vôtre. C’est la faute de votre langue. Cette langue est « un feu », « le monde de l’injustice », « elle souille tout le corps », « elle enflamme le cours de la vie ». Peut-on parler de la langue d’une manière plus vigoureuse, plus redoutable, plus dure?
Comment allons-nous comprendre ce jugement? N’oublions pas qu’il n’y a pas de domaine de notre vie dans lequel nous soyons ou cherchions davantage à être nos propres seigneurs et maîtres que dans le domaine de nos paroles. Nous ne sommes jamais davantage nous-mêmes que lorsque nous parlons. La langue, comme le dit Jacques, est bien un feu qui s’allume toutes les fois que nous parlons. Il n’est de ce fait pas étonnant qu’il nous soit si difficile de mettre notre langue au service de Dieu.
Jacques ne dit pas seulement que nos paroles viennent du cœur, il dit aussi qu’elles sortent de l’enfer. Le péché est entré dans le monde à la suite de l’entretien de l’être humain avec le serpent, et le serpent n’a pas cessé de parler en nous… Nous l’écoutons, et il agit en nous tous.
Jacques dépeint la situation telle qu’elle est. Et pourtant, il vient à notre aide en disant la vérité concernant la langue. Il y a quelque chose à faire. Si quelque chose change dans le domaine de la langue, le monde entier changera à son tour, même dans le domaine social ou dans le domaine politique. Personne n’a l’excuse de dire qu’il est trop insignifiant, trop réservé, qu’il n’est qu’un enfant, car tous, qui que nous soyons, nous devons être prêts, tels des pompiers, en constant état d’alarme pour éteindre les incendies qui éclatent en nous.
Le feu de nos paroles empoisonnées et injustes se répand encore et malgré tout. Puisque vous êtes soumis à la Parole du Christ, comment ce feu terrifiant peut-il encore sortir de votre bouche? « La source fait-elle jaillir par la même ouverture l’eau douce et l’eau amère? » C’est impossible. En nous le démontrant, Jacques nous entraîne tout simplement avec lui sous la puissance de la grâce qui nous débarrasse de nos péchés. Car le Christ a vaincu nos péchés. C’est lui seul qui peut maîtriser notre langue, ce mal qu’on ne peut pas réprimer. Par sa vie et sa mort, il a triomphé du feu de l’enfer, qu’allume la parole du serpent. C’est Jésus-Christ qui rend notre langue apte à louer Dieu.
Nous ne pouvons faire autre chose alors que de prier : « Crée en nous un cœur pur et renouvelle en nous un esprit bien disposé. Ne nous rejette pas loin de ta face, ne nous retire pas ton Esprit Saint! » (voir Ps 51.12-13). N’oublions jamais que Dieu entend toute parole qui sort de notre bouche, et nous devrons lui en rendre compte. Nous avons aussi la certitude que, si nous nous exposons à son jugement, c’est sa grâce qu’il nous témoigne. Jacques nous amène à la repentance, et cette repentance nous permettra de reconnaître la grâce de Jésus qui fait notre joie et qui nous permet de louer Dieu.