Jean 2 - Les noces de Cana - Délivrance de l'épreuve
Jean 2 - Les noces de Cana - Délivrance de l'épreuve
« Trois jours après, il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus fut aussi invité aux noces, ainsi que ses disciples. Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n’ont pas de vin. Jésus lui dit : Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi? Mon heure n’est pas encore venue. Sa mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu’il vous dira. Il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune deux ou trois mesures. Jésus leur dit : Remplissez d’eau ces jarres. Et ils les remplirent jusqu’en haut. Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en à l’organisateur du repas. Et ils lui en portèrent. L’organisateur du repas goûta l’eau changée en vin; il ne savait d’où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l’eau le savaient; il appela l’époux et lui dit : Tout homme sert d’abord le bon vin, puis le moins bon après qu’on s’est enivré; toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent. Tel fut à Cana, en Galilée, le commencement des miracles que fit Jésus. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. »
Jean 2.1-11
Cette épreuve-là, diront peut-être certains, était assez légère… Mais si vous prenez la peine d’y réfléchir un peu, si vous vous rappelez ce que sont, partout et en tout temps, les mœurs d’une petite bourgade telle que Cana, si vous vous représentez les accusations d’avarice et d’imprévoyance qui pouvaient tomber sur la famille de l’époux par suite de manque de vin, l’affront public et la longue humiliation qui pouvaient en résulter pour elle, vous ne direz plus que l’épreuve fut si légère!
Une chose est certaine : la mère du Seigneur n’estime pas qu’il s’agisse de peu de chose, elle qui s’adresse à son fils avec le désir évident d’obtenir un miracle. Eh quoi! pense-t-elle sans doute, Jésus est là, Jésus, le Messie — elle le sait bien, elle le sait de vieille date —, Jésus qui doit être manifesté à lsraël, Jésus sur qui désormais — lui-même l’avait dit peu de jours auparavant — les anges de Dieu doivent descendre, Jésus est là… et il permettrait, lui qui peut l’empêcher, que le banquet de noces d’une famille amie fût ainsi attristé. Marie ne peut le croire; c’est pour cela qu’elle intercède auprès de son fils par ces paroles dont l’accent et le regard savent faire une discrète, mais ardente prière : « Ils n’ont plus de vin! »
Jésus répond en rappelant à sa mère avec respect, mais avec fermeté que l’activité du Messie n’est absolument pas de sa compétence. Dès ce moment, elle doit renoncer à lui tracer sa voie : renoncement douloureux peut-être, mais nécessaire.
Marie comprend et se résigne avec cette humilité et douceur qui donne tant de charme à son caractère. Elle abdique sans amertume, sinon sans douleur; elle abdique avec pleine confiance en son fils, comme le prouvent ses paroles à l’adresse de ceux qui servaient : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2.5).
Quelle étrange ressemblance entre cette scène et ce qui se passe journellement dans nos familles!
La ressemblance est d’abord dans l’épreuve qui fond à l’improviste, et de tant de manières, sur nos familles. Que de fois, à notre foyer comme au banquet des noces de Cana, on voit la tristesse succéder brusquement à la joie, l’inquiétude et les soucis mortels au calme et à la sérénité la plus profonde, les soupirs aux chants et au rire!
Tantôt comme à Cana, ce sont les épreuves matérielles. Ce sont ces terribles questions : Comment équilibrer ce budget? Comment échapper aux jugements plus ou moins bienveillants réservés au malheureux qui, en dépit de ses efforts et de sa loyauté, ne peut plus honorer ses affaires? Comment se sortir d’embarras quand la seule issue possible paraît devoir être un désastre? Tantôt, ce sont des épreuves de nature plutôt morale, plus douloureuses encore et plus difficiles à surmonter. Parfois, c’est un deuil subit et poignant qui disperse les pierres du foyer domestique et ne laisse après lui que ruines désolées. Ou, ce qui est pire encore, un foyer brisé par la faute de l’un des conjoints. Ou par celle des deux, laissant des êtres sans défense — des enfants — avec un avenir compromis et les familles respectives dans la souffrance et l’amertume. Ou bien c’est la maladie longue, cruelle, inexorable; ou encore l’ingratitude d’un enfant trop cher et ses égarements navrants. D’autres fois, ce sont de terribles amertumes, ce sont des froissements intimes qui mettent à vau-l’eau de chers espoirs, de chères illusions longuement caressées; ce sont des chagrins secrets, d’autant plus pénibles qu’ils ne sont pas de nature à être confiés même à des amis.
Alors, nouveau trait de ressemblance entre ce qui arrive chaque jour et la scène de Cana, on s’étonne que Jésus permette ces épreuves, lui qui est là au foyer domestique, lui qu’on a tant de fois invoqué, lui que l’ont sert et que l’on aime! À l’exemple de Marie, sa mère, on le supplie d’intervenir, lui qui peut tout au ciel et sur la terre et qui n’aurait qu’un mot à dire pour calmer nos douleurs. Mais on s’oublie, à vouloir imposer au Seigneur la méthode à suivre, à lui dicter des conditions. C’est ainsi et pas autrement qu’il doit nous secourir, pensons-nous trop souvent; c’est ainsi et sans aucun retard, qu’il doit nous délivrer. Et nous voilà substituant notre sagesse à courte vue à la sagesse de Dieu!
Mais le Seigneur refuse de nous délivrer dans ces conditions-là. Il nous dit, comme jadis à sa mère : « Qu’y a-t-il entre toi et moi? Mon heure n’est pas encore venue! » (Jn 2.4). Nous nous résignons alors, comme Marie, aux délais exigés par la sagesse de Jésus-Christ, si nous croyons comme elle en son caractère divin, et, en ce cas, nous lui donnons pleins pouvoirs, toujours comme Marie, comprenant que, dût-il briser notre cœur, il ne fera rien qu’il ne doive faire, rien que son amour et notre salut ne lui conseillent. Et c’est alors enfin que, dans la dureté apparente de ses refus d’exaucement, se montre à nous la pitié de Jésus, car c’est alors qu’après avoir, comme à Cana, refusé de nous délivrer dans des conditions que nous voulions lui fixer, Jésus nous délivre, bien mieux encore, dans d’autres conditions dont il est lui seul le juge et le maître.
La délivrance après l’épreuve et, souvent aussi, par l’épreuve, voilà le fait éclatant et divin que notre texte met en lumière; voilà la voie par où le Seigneur a coutume de faire passer les familles chrétiennes, depuis le temps où, à Cana, dans une heure de disette, il changea l’eau en vin, jusqu’à nos jours.
Considérons maintenant de quelle façon Jésus délivre de l’épreuve après l’avoir permise, car c’est là un spectacle réconfortant.
Jésus délivre, en premier lieu, en outre, avec une générosité, une largeur vraiment divine, dépassant notre attente autant que notre pouvoir. Jésus délivre enfin d’une façon bienfaisante en ayant égard à tous les besoins du corps et de l’âme. L’originalité des délivrances qui viennent du Seigneur ressort dans notre texte d’une façon frappante. On manque de vin; c’est donc du vin qu’il faut pour réparer le déficit, et Jésus ordonne de puiser de l’eau! Dans une famille où les disciples de Jésus n’auraient pas fait majorité, on se serait récrié sans doute, à cet ordre étrange; on aurait haussé les épaules et refusé nettement d’obéir. Rien de pareil ne se passa à Cana. La mère avait dit aux serviteurs avec conviction : « Faites tout ce qu’il vous dira! » (Jn 2.5). Ils le font. Jésus était entouré à Cana de la vénération générale. Les serviteurs participaient à ce sentiment et, sans comprendre où Jésus voulait en venir, obéirent, s’en remettant à lui du résultat final. Bien leur en prit, puisque, quelques instants après, l’eau versée dans les six vases de pierre qui contenaient ensemble près de cinq hectolitres était changée en un vin excellent.
Laissons faire le Seigneur! il fera mieux que nous; et, en attendant qu’il agisse, faisons nous-mêmes ce qu’il nous ordonne de faire; soyons ses humbles et obéissants ouvriers, lors même que nous ne comprenons pas où il veut en venir. Le résultat de notre activité, tôt ou tard, en ce monde ou dans l’autre, mais le plus souvent déjà dans celui-ci, justifiera pleinement les ordres du Seigneur, si étranges qu’ils nous paraissent. C’est là ce que nous dit le récit.
Vous qui traversez dans votre vie de famille un temps d’épreuve et de difficultés, que vous dit le Seigneur Jésus et que veut-il que vous fassiez? C’est la première chose que vous devez vous demander, car lui obéir c’est là, pour vous, quoi qu’il puisse vous en sembler, le chemin, l’unique chemin de la délivrance.
Traversez-vous par exemple, une période de difficultés matérielles et financières? Faites ce que vous dira le Seigneur. Or, il vous dit par son exemple et sa parole de prendre pour mot d’ordre le travail et l’économie; il vous dit de redoubler d’efforts, de courage et de foi, il vous dit de savoir faire quelques sacrifices sur l’autel du devoir en retranchant de votre train de vie. Ces ordres vous paraissent peut-être puérils, insuffisants, désagréables. Qu’importe! Ce sont les ordres du Seigneur. Obéissez. Vous en verrez les résultats. La délivrance dépassera de beaucoup votre attente.
Votre épreuve est-elle morale? Connaissez-vous la douleur de voir la paix de votre foyer troublée ou détruite? Alors, faites ce que vous dira le Seigneur! Or, il vous dit, en pareil cas, d’attendre et de prier; il vous dit d’aimer, malgré tout, ceux qui déchirent votre cœur; il vous dit de souffrir en faisant le bien, jamais en faisant le mal, il vous dit de redoubler de fidélité dans l’accomplissement des plus humbles devoirs et de vaincre à force de douceur et de persévérance. Vous verrez un jour vos prières exaucées. Dans l’éternité au moins s’il ne vous est pas donné de les voir exaucées dans le temps.
Gémissez-vous sous l’aiguillon d’un deuil cruel? Le murmure et la révolte fermentent-ils dans le fond de vos cœurs? Imposez silence à ces conseillers dangereux. Humiliez-vous, repentez-vous, réconciliez-vous avec Dieu que vos murmures ont offensé et, un jour, ce deuil qui vous désole, ce regret amer d’une personne aimée que Dieu dans son amour a prise auprès de lui, vous apparaîtra comme l’instrument béni dont le Seigneur s’est servi pour amener votre âme ou celle de vos proches à la vie éternelle.
Vous débattez-vous sous l’énigme obsédante d’une épreuve dont la raison vous échappe absolument? Faites ce que vous dira le Seigneur! Acceptez sans comprendre… « Tu ne sais pas maintenant ce que je fais, mais tu le sauras plus tard », nous dit Jésus-Christ.
L’épreuve d’un moment était devenue à Cana une durable bénédiction. Bénédiction temporelle d’abord, qui avait son prix pour une famille de condition modeste, car le vin provenant du miracle de Jésus ne fut sans doute pas consommé tout entier par les invités; une partie probablement en demeura aux hôtes du Messie comme un souvenir royal de son séjour chez eux. Bénédiction spirituelle ensuite, par l’affermissement de la foi des époux de Cana en la mission divine du Sauveur et en son amour éternel.
Aujourd’hui encore il en est de même dans toute famille chrétienne où Jésus s’assied au foyer et où habite son Esprit. Les jours d’épreuve y laissent après eux l’impression bienfaisante d’une visite du Seigneur. Ils purifient les cœurs, ils donnent une leçon d’amour, ils rapprochent du ciel et de Dieu. L’épreuve passe, la bénédiction reste.
Si Jésus est absent du foyer, c’est l’amour qui y est absent. Amour pour Dieu, mais aussi le simple amour humain. Jésus absent c’est la foi absente, la foi qui seule peut supporter les grandes et inévitables épreuves de la vie.
Jésus fut invité avec ses disciples, nous dit notre texte. Allons, nous aussi, en son nom, partout, pour faire rayonner son amour et sa bienfaisance. Portons les trésors de sagesse et de consolation. Manifestons sa gloire et sa bonté, changeons en vin généreux l’eau insipide d’une vie sans Dieu, sans espérance sans avenir céleste. Alors, nous aurons la joie de voir de nouveaux disciples de Jésus à cause de notre témoignage. Le premier miracle accompli à Cana sera continuellement renouvelé.