Jean 4 - Le Messie reçu en Samarie
Jean 4 - Le Messie reçu en Samarie
« La femme samaritaine lui dit : Je sais que le Messie vient, celui qu’on appelle Christ. Quand il sera venu, il nous annoncera tout. Jésus lui dit : Je le suis, moi qui te parle. Alors arrivèrent ses disciples, qui furent étonnés de ce qu’il parlait avec une femme. Toutefois, aucun ne dit : Que demandes-tu? Ou : De quoi parles-tu avec elle? La femme laissa donc sa cruche, s’en alla dans la ville et dit aux gens : Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait; ne serait-ce pas le Christ? Ils sortirent de la ville et vinrent vers lui. Pendant ce temps, les disciples le priaient en disant : Rabbi, mange. Mais il leur dit : j’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. Les disciples se disaient donc les uns aux autres : Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger? Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. Ne dites-vous pas qu’il y a encore quatre mois jusqu’à la moisson? Eh bien! Je vous le dis, levez les yeux et regardez les champs qui sont blancs pour la moisson. Déjà, le moissonneur reçoit un salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle, afin que le semeur et le moissonneur se réjouissent ensemble. Car en ceci, ce qu’on dit est vrai : L’un sème, l’autre moissonne. Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun travail; d’autres ont travaillé, et c’est dans leur travail que vous êtes entrés. Plusieurs Samaritains de cette ville crurent en Jésus à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : il m’a dit tout ce que j’ai fait. Aussi, quand les Samaritains vinrent à lui, ils le prièrent de rester auprès d’eux; et il resta deux jours. Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole, et ils disaient à la femme : Ce n’est plus à cause de tes dires que nous croyons; car nous l’avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Jean 4.25-42
La rencontre entre Jésus-Christ et la femme samaritaine qui nous est rapportée au chapitre 4 de l’Évangile selon Jean a fait l’objet de nos deux précédents messages. Continuons à méditer sur ce texte et sur la signification de cette rencontre et des paroles de Jésus. D’une attitude moqueuse vis-à-vis de cet homme fatigué par un long voyage à pied et qui lui avait demandé à boire, à elle, femme samaritaine qui, comme ses compatriotes, évitait tout contact avec les Juifs, elle était passée à une attitude attentive, après que Jésus lui ait révélé ce qui concernait sa vie privée, assez misérable, faut-il ajouter : elle avait eu cinq maris et l’homme avec lequel elle vivait n’était pas son mari. Soudain confrontée à son passé et à son présent peu reluisants, elle avait discerné en Jésus un prophète par qui il valait la peine de se laisser instruire. Il lui avait parlé de la vraie adoration recherchée par le Père céleste, qui désormais ne se ferait ni à Jérusalem, comme les Juifs la pratiquaient, ni sur le mont Garizim, comme le soutenaient les Samaritains, mais en esprit et en vérité. Car en sa personne Dieu avait révélé le Temple indestructible qui ressusciterait des morts après avoir été brisé sur la croix.
« La femme samaritaine lui dit : Je sais que le Messie vient, celui qu’on appelle Christ. Quand il sera venu, il nous annoncera tout. Jésus lui dit : Je le suis, moi qui te parle » (Jn 4.25-26).
Le dire de cette femme nous montre que l’attente du Messie était bien vivace, non seulement chez les Juifs, mais également chez les Samaritains, qui en lisaient la prophétie dans les écrits de Moïse. La venue du Messie était considérée par eux aussi comme imminente et faisait l’objet d’une grande certitude : « Je sais que le Messie vient », dit la femme, et non : nous avons entendu dire qu’un Messie viendrait un jour. Elle savait aussi que, lors de son avènement, ce Messie enseignerait à un bien plus haut degré de perfection que tout ce qui avait été dit ou écrit jusque là. Il enseignerait tout, plus rien ne serait caché. Il enseignerait à adorer Dieu en esprit et en vérité, et plus par des pèlerinages sur tel ou tel lieu ou par des cérémonies qui n’étaient encore que l’ombre des choses à venir : donc justement ce que Jésus venait de lui communiquer. Cette femme était maintenant prête à recevoir la révélation du Messie.
Quoi d’étonnant alors que Jésus lui a dévoilé son identité aussi clairement et simplement? « Je le suis, moi qui te parle. » Elle l’avait pris pour un prophète de Dieu parce qu’il avait fait montre de clairvoyance et lui avait dévoilé ce qu’elle avait fait au cours de son existence misérable, mais elle avait devant lui quelqu’un de bien supérieur encore : le Messie en personne, celui qui seul pouvait enseigner à la perfection tout ce qui concerne le Père et l’adoration qui lui est due. En prenant l’initiative de s’adresser à elle, il avait brisé les barrières religieuses apparemment insurmontables entre Juifs et Samaritains. Il avait parlé de l’eau vive que seul Dieu peut accorder afin que tous ceux qui ont une soif brûlante la voient enfin apaisée. En sa personne divine, il avait montré que les endroits géographiques où l’on pense adorer Dieu de manière plus convenable seraient désormais remplacés par un lieu spirituel de toute autre nature : lieu universel puisque le Fils de Dieu, par son Esprit, dispose d’une autorité et d’une présence universelles.
L’évangéliste poursuit :
« Alors arrivèrent ses disciples, qui furent étonnés de ce qu’il parlait avec une femme. Toutefois, aucun ne dit : Que demandes-tu? Ou : De quoi parles-tu avec elle? La femme laissa donc sa cruche, s’en alla dans la ville et dit aux gens : Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait; ne serait-ce pas le Christ? Ils sortirent de la ville et vinrent vers lui » (Jn 4.27-30).
Les disciples de Jésus s’étonnent de ce qu’il parle avec une femme. Ils la considèrent sans doute comme n’en valant pas la peine. Ou bien ils réagissent comme elle l’a fait elle-même lorsque Jésus lui a adressé la parole : que peut bien chercher un Juif avec une Samaritaine? Mais ils ne disent rien et font preuve ici de retenue, ayant déjà appris à connaître leur maître comme quelque’un qui a de bonnes raisons pour faire ou dire ce qu’il fait ou dit. Quant à la femme, nous voyons les effets de sa rencontre décisive avec le Messie par le fait qu’elle abandonne sa cruche au bord du puits, alors qu’elle se croyait si dépendante de cet instrument pour son existence. Mais entre-temps, elle a découvert autre chose, cette source d’eau vive dont Jésus lui a parlé, et qui la fait regarder à bien plus haut que ses besoins matériels immédiats.
Jésus avait oublié sa propre soif pour parler à cette femme, et lorsque celle-ci reçoit enfin son message, elle considère toute autre chose que le train-train quotidien de son existence : elle s’en va à la hâte annoncer à toute la ville la nouvelle de cette rencontre unique. La source d’eau jaillissant jusque dans la vie éternelle est déjà à l’œuvre en elle. Telle est la foi ardente : elle court, elle se hâte, elle ne paresse pas, elle veut impérieusement être partagée avec tous ceux qui se trouvent sur son chemin. La Samaritaine ne se contente pas d’appeler ses concitoyens à venir voir un prophète de Dieu qui lui dit tout ce qu’elle a fait. Elle attribue à Jésus, en balbutiant, ce titre de Messie qu’il a confirmé devant elle : « Ne serait-il pas le Messie? » (Jn 4.29). Même si le fait de le dire sous forme de question montre comme une hésitation de sa part, on voit bien qu’elle a été remuée au plus profond d’elle-même. Elle, femme tenue en bien piètre estime par les siens, ne craint pas de susciter parmi eux l’espoir messianique ultime : le Messie est bel et bien apparu au milieu d’eux. Et son témoignage, porté par le Saint-Esprit, amène les siens à aller voir par eux-mêmes : « Ils sortirent de la ville et vinrent vers lui » (Jn 4.30).
L’évangéliste continue :
« Pendant ce temps, les disciples le priaient en disant : Rabbi, mange. Mais il leur dit : j’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. Les disciples se disaient donc les uns aux autres : Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger? Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre » (Jn 4.31-34).
Jésus avait oublié sa soif pour se concentrer sur sa mission : celle d’apporter l’eau vive à une femme étrangère et sans apparat venue puiser de l’eau au puits de Jacob; il oublie maintenant sa faim, car sa mission consiste à annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu aux Samaritains de la ville de Sychar. Voilà la nourriture qui est la sienne et il va poursuivre en utilisant une comparaison propre à bien faire comprendre aux disciples ce dont il s’agit : celle de la moisson prête à être amassée.
Il leur montrera l’exemple, car le moment viendra où eux-mêmes seront envoyés comme moissonneurs d’âmes :
« Ne dites-vous pas qu’il y a encore quatre mois jusqu’à la moisson? Eh bien! Je vous le dis, levez les yeux et regardez les champs qui sont blancs pour la moisson. Déjà, le moissonneur reçoit un salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle, afin que le semeur et le moissonneur se réjouissent ensemble. Car en ceci, ce qu’on dit est vrai : L’un sème, l’autre moissonne. Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun travail; d’autres ont travaillé, et c’est dans leur travail que vous êtes entrés » (Jn 4.35-38).
Mais si les disciples sont les moissonneurs dont il est ici question, qui sont donc les semeurs qui les ont précédés, et dont le travail leur profite? Il s’agit de la loi et des prophètes, qui représentent les semailles : la semence plantée demeurait encore en herbe, tandis que l’Évangile amène les hommes à la maturité spirituelle. Or, même chez les Samaritains, qui avaient pourtant mélangé bien des éléments impurs à la religion d’Israël, cette semence était présente : elle se manifestait par exemple par cette attente impatiente du Messie promis dans la loi. Dès qu’elle a entendu dire que le Messie était à la porte de la ville, la population de Sychar est sortie comme un seul homme pour aller à sa rencontre.
L’évangéliste poursuit :
« Plusieurs Samaritains de cette ville crurent en Jésus à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : il m’a dit tout ce que j’ai fait. Aussi, quand les Samaritains vinrent à lui, ils le prièrent de rester auprès d’eux; et il resta deux jours. Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole, et ils disaient à la femme : Ce n’est plus à cause de tes dires que nous croyons; car nous l’avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde » (Jn 4.39-42).
La foi des Samaritains, mise en branle par le témoignage de la femme, et encore bien vague, se trouve affermie et éclairée par le séjour de deux jours que Jésus effectue dans cette ville. Désormais, ils peuvent confesser Jésus comme le Sauveur du monde : pas seulement des Juifs, peuple héritier par excellence des promesses de l’alliance, mais du monde entier qu’il est venu réconcilier avec Dieu.