Cet article sur Jean 9 a pour sujet la guérison de l'aveugle-né qui manifeste que Jésus est la lumière du monde, et qui confirme que le monde est dans l'obscurité spirituelle.

Source: Les miracles de Jésus. 4 pages.

Jean 9 - Guérison de l'aveugle-né - La lumière du monde

Jean 9

Voici d’abord le récit évangélique : Jésus, la lumière du monde, sort du temple, chassé par les Juifs, et il rencontre un mendiant aveugle de naissance. Il fait de la boue avec sa salive et en oint les yeux de l’aveugle. Puis il l’envoie se laver au réservoir de Siloé. L’aveugle obéit et revient guéri.

Étonnement de ses voisins, qui ont de la peine à le reconnaître. En réponse à leurs questions, l’homme raconte ce que Jésus a fait pour lui; mais il ne sait pas où se trouve celui qui l’a guéri.

Amené devant les pharisiens, l’homme recommence son récit. Les pharisiens sont fort embarrassés et divisés par ce miracle accompli un jour de sabbat. Ils demandent à l’homme ce qu’il pense de son guérisseur. « C’est un prophète », répond-il (Jn 9.17).

Beaucoup de Juifs ne veulent pas croire à la réalité du miracle; ils font venir les parents pour les questionner. Est-ce bien là leur fils? Comment peut-il voir? Eux, reconnaissent leur enfant, mais, prudents, ne veulent rien dire de sa guérison; et, goguenards, conseillent aux Juifs — puisqu’il en a l’âge — de l’interroger lui-même.

Nouvelle comparution de l’homme. Les pharisiens veulent lui faire reconnaître que son bienfaiteur n’est pas un prophète, mais un pécheur. L’homme écarte les questions théologiques dangereuses qui le dépassent et s’en tient à ce qu’il sait : j’étais aveugle, et maintenant je vois. Mais comme ils veulent lui faire raconter encore sa guérison, iI perd patience et se moque d’eux. Les pharisiens furieux l’injurient et mettent en question l’origine de son guérisseur. Toujours sans se troubler, il rend cette fois son courageux témoignage à la nature divine de ce personnage, puisque Dieu l’a exaucé. Ses interlocuteurs, hors d’eux, l’expulsent du temple.

Jésus qui a su la chose, le rencontre et questionne : « Crois-tu au Fils de l’homme? » (Jn 9.35) — Qui est-il donc? — Tu l’as vu : c’est moi! Alors l’homme est convaincu; iI exprime sa foi : « Je crois, Seigneur! » (Jn 9.38) et manifeste son adoration en se prosternant devant celui qui après l’avoir guéri, lui a fait découvrir la lumière du monde.

Jésus n’est pas venu pour nier la vie, mais pour l’affirmer, pour instaurer une vie parfaite et heureuse. Sa mission est de chasser la douleur spirituelle et d’apporter la joie spirituelle. Chemin faisant, il trouve occasion de chasser la douleur physique, de calmer un tourment, de rétablir avec la santé de l’âme celle du corps. Certes, son but est plus haut. Il est lumière du monde et Sauveur divin.

Il ne voudrait pas apparaître aux yeux du peuple comme un sorcier vagabond ou comme le Messie attendu par le siècle, mais comme, enfin, il veut vaincre le mal, et que certains le croient capable de vaincre tous les maux, son amour est contraint de réduire aussi ceux du corps.

« Quand sur les routes qu’il foule les hommes viennent à lui par dizaines, ces lépreux repoussants et défigurés, montrant sous leurs haillons cette enflure squameuse et blanche, cette peau maculée et fendillée, cette peau ridée et rugueuse, qui déforme la bouche, engloutit les yeux, gonfle les mains avec ces spectres douloureux que tous évitent, dont tous s’éloignent avec horreur, et quand détachant à grande peine les mots de leurs lèvres tuméfiées ils lui demandent, à lui qu’ils savent puissant en paroles et en œuvres, à lui, dernier espoir des désespérés, la santé, la guérison, le prodige, comment Jésus pourrait-il refuser comme les autres de les approcher et de les entendre? Et les épileptiques que se tordent dans la poussière le visage contracté en un spasme immobile, l’écume à la bouche, les possédés qui hurlent parmi les tombes, chiens sinistres et inconsolés dans la nuit, les paralytiques sensibles autant qu’il faut pour souffrir, cadavres hantés d’une âme suppliante? Et les aveugles, reclus depuis leur naissance dans la nuit, trébuchant parmi les heureux qui vont où ils veulent aller, les aveugles qui marchent terrifiés, la tête haute et les yeux fixes comme si la lumière devait les atteindre du fond de l’infini, les aveugles pour qui le monde n’est qu’une succession de résistances au contact des mains, les aveugles, éternels solitaires qui ne savent du soleil que sa tiédeur ou sa brûlure, comment Jésus dirait-il non à ces misères? Son amour, qui surpasse la commune pitié autant que sa nature transcende la nature humaine, ne peut repousser les implorations capables d’émouvoir un païen, touchantes même quand elles sont muettes.1 »
« Mes amis, à y regarder de près, la parole de Jésus concernant l’aveugle né concerne chacun de nous; ne sommes-nous pas tous des pauvres, des aveugles-nés? Nos pensées et nos œuvres ne sont que péché; n’ayons pas la vanité de croire que nos capacités donnent un sens à la vie, à notre création tout entière et de manifester non sa propre vanité, mais la gloire de Dieu; si le monde et les hommes n’ont pas encore été détruits, c’est que Dieu veut faire éclater envers nous sa grâce et sa fidélité. Il l’a fait d’abord en envoyant les prophètes, puis il a donné son Fils unique; toute la grâce divine s’est déployée en Jésus-Christ et c’est en lui qu’au dernier jour Dieu créera, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre. C’est pour cela que le monde subsiste encore. Une large fenêtre s’ouvre sur nous, la vie reprend un sens, l’humanité retrouve son but. Manifester l’œuvre de Dieu, dit Jésus. C’est l’œuvre de Dieu qui donne un sens au monde et non pas notre œuvre. Nous n’avons pas à nous glorifier des progrès de la science et de la technique. Dans la guérison de l’aveugle-né, Jésus glorifie le Père d’une façon qui nous répugne presque. Travailler, c’est laisser les œuvres de Dieu se manifester en nous, c’est nous laisser ouvrir les yeux par Jésus, même s’il faut, pour l’amour du Christ, devenir un solitaire, un étranger, un hors-caste. Toute sa vie, cet homme s’était laissé conduire comme un aveugle. Maintenant qu’il voit, il se laisse conduire par Jésus-Christ. L’œuvre souveraine de Dieu dans le monde est de créer des confesseurs de la foi, des hommes qui se laissent conduire par lui.2 »

Concluons notre exposé par le remarquable commentaire de Calvin sur le verset 59 de ce chapitre.

« Et Jésus dit : Je suis venu en ce monde pour exercer le jugement afin que ceux qui ne voient point voient; et ceux qui voient soient faits aveugles.
Ce mot de jugement ne peut être simplement pris en ce passage pour la punition qui est envoyée aux infidèles et aux contempteurs de Dieu; car il s’étend jusqu’à la grâce d’illumination. Jésus-Christ parle donc de jugement pour autant qu’il remet en bon ordre les choses confuses et dissipées. Toutefois, il signifie que ceci se fait par un conseil admirable de Dieu et contre le sens commun des hommes. Et de fait, la raison humaine ne juge rien de moins raisonnable que ceci : c’est que ceux qui voient soient rendus aveugles par la lumière du monde. Ceci est donc un des jugements secrets de Dieu par lequel il abat l’orgueil des hommes. Or il nous faut noter que cet aveuglement, dont il est ici fait mention, ne procède pas tant du Christ que du vice des hommes. Car à parler proprement, par sa nature il n’aveugle jamais un homme; mais parce que les réprouvés ne désirent rien de mieux que d’éteindre la lumière de celui-ci, il faut nécessairement que leurs yeux, qu’ils ont infectés de malice et de perversité, soient éblouis par la lumière qui leur est offerte. En somme, vu que le Fils de Dieu est naturellement la lumière du monde, il a ceci par accident que certains soient faits aveugles par son avènement.
Toutefois, on peut ici encore faire une autre question : Vu que tous les hommes en général sont condamnés d’aveuglement, quels sont ceux-ci qui voient? Je réponds à cela qu’il parle par ironie; car bien que les incrédules aient les yeux crevés, toutefois ils pensent voir bien clair et avoir la vue bien aiguë, et étant enflés de cette vaine et orgueilleuse confiance, ils ne daigneraient pas ouïr Dieu. De plus, hors du Christ la sagesse charnelle a une fort belle apparence; car le monde n’appréhende point ce qu’est être vraiment sage. Ainsi donc, dit notre Seigneur Jésus-Christ, ceux-ci voient qui, se décevant eux-mêmes et les autres sous une folle et vaine confiance de sagesse, sont conduits, par leur propre sens, et tiennent leurs vaines imaginations pour une grande sagesse. Or de telles gens sont rendus aveugles, aussitôt que le Fils de Dieu apparaît en la splendeur de son Évangile, non seulement parce que leur folie qui était auparavant cachée en d’obscures infidélités est découverte, mais parce qu’étant plongés en de plus profondes ténèbres par la juste vengeance de Dieu, ils perdent ce bien peu de reste de je ne sais quelle lumière qu’ils avaient. Il est bien vrai que nous naissons tous aveugles, néanmoins il y a encore quelques étincelles reluisantes en cette perversité, ou corruption de nature, en sorte que les hommes diffèrent des bêtes brutes. Maintenant si quelqu’un enflé de la confiance orgueilleuse de son sens refuse de s’assujettir à Dieu, il semblera bien sage; mais ce sera hors du Christ, et la clarté du Fils de Dieu l’affolera. Car la vanité de l’entendement humain commence à apparaître, quand la sagesse céleste est mise en avant.3 »

Notes

1. Giovanni Papini, Histoire de Jésus.

2. Walter Lüthi.

3. Jean Calvin, Commentaire.