La justice selon Dieu
La justice selon Dieu
- Justice divine et injustice des hommes
- Les fondements sont ébranlés par l’injustice
- Confesser le Dieu souverain qui exerce son jugement
- La justice parfaite manifestée en Jésus-Christ
- Des fruits de la justice
- L’exercice de la justice dans la création et dans nos sociétés
-
Des abus de pouvoir répudiant la seigneurie du Christ
a. Des pouvoirs religieux abusifs
b. L’État abusif
c. L’autorité parentale abusive
d. Le pouvoir militaire abusif
e. Des pouvoirs économiques abusifs - Jésus-Christ règne sur toute la création
1. Justice divine et injustice des hommes⤒🔗
Vous savez sans doute comme moi, par expérience, que le mot « justice » est un mot à la fois très recherché et très galvaudé. Bien des actions inhumaines, voire barbares, sont exercées au nom d’une prétendue justice qui cherche avant tout le profit de celui ou de ceux qui l’invoquent. D’horribles vengeances sont perpétrées par certains groupes sur d’autres au nom d’une justice partisane qui a par avance décidé de ne laisser à l’autre aucun droit à l’existence ou à la défense.
Pour le chrétien cependant, le mot « justice » évoque immédiatement un des attributs de Dieu, une des qualités qui le caractérise et dont la Bible fait état tout au long de ses pages. Ainsi, nous lisons dans le Cantique de Moïse, au livre du Deutéronome, les paroles suivantes :
« Il est le Rocher; son œuvre est parfaite, car toutes ses voies sont équitables; c’est un Dieu fidèle et sans injustice, c’est lui qui est juste et droit. S’ils se sont corrompus, ce n’est pas lui, mais ses fils qui sont à blâmer; race perverse et retorse. Est-ce l’Éternel que vous en rendrez responsable, peuple insensé et dépourvu de sagesse? N’est-il pas ton Père, ton créateur? N’est-ce pas lui qui t’a fait et t’a affermi? » (Dt 32.4-5).
Nous le voyons bien, la Bible ne cherche pas à disculper ceux qui commettent l’injustice tout en se réclamant de Dieu. Et de fait, le contraste entre la justice divine et l’injustice des hommes remplit bien des pages de l’Écriture sainte. Donnons-en quelques exemples. Le Psaume 58 est une diatribe et une accusation contre les hommes qui prononcent des jugements injustes.
« Vraiment, est-ce en vous taisant que vous rendez la justice? Jugez-vous les hommes en toute droiture? Non, vous commettez sciemment l’injustice! Vous propagez sur la terre la violence de vos mains. Dès le ventre de leur mère, les méchants s’égarent, depuis leur naissance ils profèrent des mensonges » (Ps 58.2-4).
Ce Psaume, que je vous invite à lire par vous-même, en appelle à Dieu lui-même pour réduire à néant tous ceux qui commettent l’injustice. Et il conclut de la manière suivante :
« Pour le juste, quelle joie de voir les méchants punis. Dans leur sang, il se lavera les pieds. Et les hommes pourront dire : Oui, ceux qui sont justes trouvent une récompense. Il y a un Dieu qui exerce la justice sur la terre » (Ps 58.11-12).
Ainsi donc, les injustes, quels que soient leurs méfaits ou leur puissance, finissent par être jugés par Dieu lui-même. Le Psaume 82, quant à lui, appelle de manière figurée « dieux » ceux qui gouvernent et qui jugent. C’est là un terme honorifique, mais les pratiques injustes de ces juges et gouvernants deviennent la cause de leur propre déchéance.
« Dans le tribunal divin, Dieu se tient, au milieu des dieux il rend la justice : Ah! Jusques à quand défendrez-vous les injustes et prendrez-vous le parti des méchants? Défendez le faible, l’orphelin, soyez justes à l’égard du pauvre et du malheureux, libérez le faible et le misérable, délivrez-les de la main des méchants. Mais ils ne comprennent rien, ils ne savent rien : ils avancent tâtonnant parmi les ténèbres, tous les fondements de la terre en sont ébranlés. J’avais dit : Vous êtes des dieux, oui, vous tous, vous êtes des fils du Très-Haut! Cependant, vous périrez comme tous les hommes, vous serez déchus comme les chefs des nations! Ô, Dieu, lève-toi pour juger le monde, car tu as pour possession toutes les nations! » (Ps 82.1-8).
Arrêtons-nous un instant sur ce Psaume 82 et sur son enseignement. Tout d’abord, il nous faut bien remarquer le titre honorifique qui qualifie juges, législateurs et gouvernants : ils sont nommés « dieux » (au pluriel), non pas qu’ils possèdent la divinité en essence, mais parce que Dieu les élève à un certain rang. Ainsi, l’office de législateur, de gouvernant ou de juge doit être considéré comme une vocation digne du plus grand respect, dans la mesure où Dieu lui-même en appelle certains à exercer un tel office, pour le bien d’un pays ou d’une société.
Aux yeux de la Bible, il n’est pas question de mépriser de tels offices et de les ravaler à un rang inférieur. Dans bien des sociétés, par exemple, on a tendance à dire que les politiciens sont corrompus par le fait même qu’ils sont des politiciens. En quelque sorte, ils ne sauraient être honnêtes, pas plus que les poules ne sauraient avoir des dents. Une telle vue des magistrats et officiers publics est loin d’être en accord avec une vision chrétienne de l’ordre institué par Dieu pour les sociétés humaines.
Le problème ne vient ni de l’office ni de l’appel à exercer de telles fonctions, mais du péché qui déforme cet appel et amène des hommes pécheurs à abuser de leurs prérogatives. Cet abus, dans le Psaume 82, est premièrement caractérisé par une désobéissance notoire à la loi de Dieu. Celle-ci dit expressément que les pauvres doivent être protégés contre les abus des plus puissants. L’exemple même des faibles et des pauvres, dans la Bible, c’est l’orphelin, dont la condition sociale est des plus fragile et qui peut être exploité sans vergogne, car il est économiquement et socialement dépendant vis-à-vis d’individus sans scrupules.
2. Les fondements sont ébranlés par l’injustice←⤒🔗
Mais qu’arrive-t-il lorsque l’injustice flagrante se substitue à la justice selon la loi de Dieu? Le Psaume 82 nous dit au verset 5 que tous les fondements de la terre chancellent. Que veut dire ceci? Tout d’abord que des gouvernants ou magistrats qui désobéissent aux règles fondamentales du droit posées par Dieu se prennent tout simplement pour Dieu lui-même. Ils tâchent d’usurper sa place en supprimant sa Parole. Ce n’est au fond qu’une répétition du péché originel. Et de même que le monde entier a été ébranlé par la chute du premier couple humain, de même les fondements des pays du monde entier sont ébranlés par l’injustice qui est le fait de ceux qui devraient promouvoir et exercer la justice.
Pas besoin d’aller chercher très loin les signes d’un tel ébranlement, nous en sentons tous les effets, chacun dans son pays : vie économique ruinée ou en déperdition, richesses dilapidées, relations internationales tendues voire franchement hostiles. Les fondements des pays de la terre sont en effet ébranlés par les actes injustes de ceux qui font la promotion du mensonge ou de l’oppression sous diverses formes.
Mais, pour l’auteur du Psaume 82, ceux-là mêmes qui se prennent pour Dieu en substituant à sa loi leurs pratiques malhonnêtes et perverses n’ont en fait ni connaissance ni intelligence, ils marchent dans les ténèbres. Quelle que soit leur habileté dans leurs manigances, dans leur manière de produire des textes de loi injustes ou d’appliquer la législation de manière partiale, cette habileté est en fait obscurité, voire obscurantisme. Et le verdict du Dieu très-haut tombe, radical : « J’avais dit : Vous êtes des dieux, vous êtes tous des fils du Très-Haut, cependant vous mourrez comme les humains, vous tomberez comme un prince quelconque » (Ps 82.6-7). Car c’est ce Dieu tout-puissant que le psalmiste nous présente au début du Psaume : « Dans le tribunal divin, Dieu se tient au milieu des dieux, il rend la justice » (Ps 82.1).
Tous ceux donc à qui il confie une charge doivent lui rendre des comptes. Et c’est là le premier principe que tout gouvernant ou législateur qui invoque Dieu dans sa vie privée devrait garder à l’esprit : il ou elle est encore plus responsable devant Dieu que devant les hommes. Car bien des choses peuvent échapper aux hommes, mais rien n’échappe à Dieu. Le gouvernant, juge ou législateur est en quelque sorte intendant du bien public, un bien qui lui est confié par Dieu, derrière même les élections ou la nomination qui l’ont installé dans sa charge. Et l’auteur du Psaume 82 de conclure en priant le Dieu tout-puissant d’exercer sa justice divine : « Ô Dieu, lève-toi pour juger le monde, car tu as pour possession toutes les nations! » (Ps 82.8). La souveraineté divine, posée au début du Psaume comme un fait indubitable, se retrouve affirmée en fin du même Psaume.
Mais notez bien que toutes les nations sont la possession de Dieu, celles qui le reconnaissent comme tel aussi bien que celles qui l’ignorent. Cependant, si la prière du psalmiste se fait pressante et semble attendre une réponse de manière urgente, c’est que lui, tout comme bien d’entre nous, vit au jour le jour les effets de cet ébranlement du monde qui est le fait de l’injustice perpétrée par de mauvais gouvernants. Il ne peut la supporter et en appelle directement au Dieu tout-puissant. Et c’est bien souvent notre propre position, à nous autres chrétiens. D’une part, nous savons fermement, par la foi, que Dieu est souverain et qu’il juge, voire qu’il a déjà jugé les nations et leurs chefs. D’autre part, nous attendons avec impatience de voir la manifestation finale de ce jugement et la délivrance qui s’ensuivra pour tous ceux qui auront mis en Dieu leur confiance.
3. Confesser le Dieu souverain qui exerce son jugement←⤒🔗
Que nous faut-il donc faire? Pouvons-nous hâter la venue de la justice divine? Oui, dans un sens nous le pouvons. Non pas en organisant des révolutions violentes qui remplacent une injustice par une autre et cherchent à se substituer à la justice divine en la caricaturant. Mais plutôt en confessant activement que Dieu est souverain, en comprenant le sens de la loi divine pour notre situation présente, pour nos sociétés, et en la faisant connaître à ceux qui sont nos juges, législateurs et gouvernants.
Il nous faut aussi savoir reconnaître que les jugements de Dieu sur les dirigeants ou gouvernements injustes tombent à chaque époque. Regardez autour de vous combien de régimes aux lois arbitraires se sont écroulés et ont disparu. Derrière les forces politiques ou militaires qui semblent les agents directs de tels écroulements, le Dieu qui a pour possession toutes les nations est à l’œuvre. Nous pouvons donc prier, avec le psalmiste : « Ô Dieu, lève-toi pour juger le monde » (Ps 82.8), car nous savons qu’il le fait, utilisant les instruments les plus divers et les plus inattendus.
4. La justice parfaite manifestée en Jésus-Christ←⤒🔗
Dans la prière et le témoignage concret, nous savons aussi que Dieu a envoyé son Fils unique, Jésus-Christ, en lequel aucune injustice n’a été trouvée. Pour nous qui sommes sauvés par la foi en son nom, sa justice est la justice même de Dieu. C’est dans sa personne même qu’il nous l’a fait connaître. Inséparable de l’amour divin, la justice divine se manifeste en Christ comme salut pour ceux qui croient et se soumettent à la loi divine. Mais pour ceux qui rejettent ce salut et rejettent par là même la justice de Dieu, il n’y a que la mort au bout du chemin. Voilà notre témoignage.
Tous les chrétiens sincères croient que, s’ils peuvent apparaître comme justes aux yeux du Dieu saint, ce n’est guère par leurs mérites personnels, mais par sa grâce seulement. L’étendue de la corruption qui atteint la race humaine, et avec elle la création tout entière, est telle qu’aucun acte purement humain ne saurait réduire cette corruption à néant, quelque gigantesque que soit l’effort entrepris. Dieu seul, par sa grâce toute-puissante, conserve sa création des effets destructeurs du péché. C’est lui aussi qui offre le seul remède à l’odeur de mort qui nous entoure et dont nous serions autrement la proie. Ce remède c’est la personne de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme.
Depuis deux mille ans, tous les chrétiens qui reconnaissent la Bible comme Parole inspirée par l’Esprit même de Dieu confessent que seul le sacrifice expiatoire de Jésus-Christ, accompli une fois pour toutes à Golgotha, leur sert de justice parfaite devant Dieu. Cela signifie d’abord que Dieu réclame une justice parfaite de quiconque doit se tenir vivant devant lui. Il exige l’absence de toute macule, de tout écart par rapport à la loi et la volonté divines, il demande la purification parfaite de notre condition de pécheur. En un mot, il exige une sainteté qui reflète la sainteté même de Dieu.
Qui d’entre nous pourrait se targuer d’une telle perfection? Qui saurait se tenir devant le Dieu saint sans être immédiatement rejeté hors de sa présence dans les ténèbres éternelles, et ce par un décret de sa justice parfaite? C’est là un point de la doctrine chrétienne qui indispose beaucoup de non-croyants. Certains se déclarent parfois prêts à accepter l’idée d’un Dieu d’amour, mais ne peuvent se résoudre à ce que ce même Dieu exige une parfaite justice de ses créatures et leur demande des comptes.
Mais pour comprendre ce qu’est la justice de Dieu, il nous faut aussi comprendre ce qu’est sa sainteté. Car l’une ne va pas sans l’autre. Le prophète Ésaïe, dans une vision rapportée au chapitre 6 du livre qui porte son nom, dans l’Ancien Testament, en fit l’expérience extraordinaire. Il se trouva transporté en vision dans le Temple de Jérusalem.
« L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône très élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui; ils avaient chacun six ailes : deux dont ils se couvraient la face, deux dont ils se couvraient les pieds, et deux dont ils se servaient pour voler. Ils criaient l’un à l’autre et disaient : Saint, saint, saint est l’Éternel des armées! Toute la terre est pleine de sa gloire! Les soubassements des seuils frémissaient à la voix de celui qui criait, et la maison se remplit de fumée. Alors je dis : Malheur à moi! Je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j’habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l’Éternel des armées. Mais l’un des séraphins vola vers moi, tenant à la main une braise qu’il avait prise sur l’autel avec des pincettes. Il en toucha ma bouche et dit : Ceci a touché tes lèvres : ta faute est enlevée, et ton péché est expié » (És 6.1-7).
Au chapitre 64 de ce même livre du prophète Ésaïe, nous lisons encore :
« Mais tu t’es indigné parce que nous avons péché; nous sommes tous devenus comme un objet impur, et tous nos actes de justice sont comme un vêtement pollué; nous sommes tous flétris comme une feuille, et nos fautes nous emportent comme le vent. Il n’y a personne qui invoque ton nom, qui se réveille pour s’attacher à toi : car tu nous as caché ta face, et tu nous as laissé tomber en défaillance à cause de nos fautes » (És 64.4-6).
L’Évangile, qui est Bonne Nouvelle, nous annonce qu’afin de remédier à notre propre incapacité à apparaître purs et sanctifiés devant Dieu, il a lui-même fait une provision suffisante en la personne de son Fils éternel, Jésus-Christ. La perfection divine de Christ, sa sainteté et sa justice ont été offertes pour nous, afin que nous puissions vivre éternellement devant Dieu, rachetés, déclarés justes, justifiés. C’est donc de la manière suivante qu’a été manifestée la justice de Dieu vis-à-vis de ses créatures tombées dans la désobéissance : d’abord parce qu’en Jésus-Christ nous pouvons contempler le Dieu juste et parfait venu habiter parmi nous; ensuite parce que nous savons par la foi que ce même Jésus-Christ a offert au Père, pour nous, sa justice et sa sainteté sur la croix de Golgotha. Et Dieu les a agréées, car cette justice et cette sainteté venant de son Fils bien-aimé lui sont agréables. Que nous est-il donc demandé? Seulement l’acceptation reconnaissante de cette grâce qui nous est faite, seulement une foi sincère qui porte des fruits de reconnaissance.
Pierre, le disciple de Jésus-Christ, écrit à ses lecteurs en introduisant sa seconde lettre par la salutation suivante :
« Simon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ, à ceux qui ont reçu en partage une foi du même prix que la nôtre, par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ : que la grâce et la paix vous soient multipliées par la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur » (2 Pi 1.1).
De son côté, l’apôtre Paul écrit aux chrétiens de la ville de Philippe :
« Mon désir est d’être trouvé en lui [c’est-à-dire en Jésus-Christ] non pas avec une justice que j’aurais moi-même acquise en obéissant à la loi, mais avec la justice qui vient de la foi en Christ et que Dieu accorde à ceux qui croient » (Ph 3.9).
Une autre traduction en français du même passage dit :
« … non avec une justice qui serait la mienne et qui viendrait de la loi, mais avec la justice qui est obtenue par la foi en Christ, une justice provenant de Dieu et fondée sur la foi. »
5. Des fruits de la justice←⤒🔗
Cela dit, la justice devant Dieu acquise par Jésus-Christ pour celui qui croit ne reste pas sans porter des fruits. Le même Paul écrivant aux chrétiens de la ville de Colosses leur dit :
« Marchez d’une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous points de vue; portez des fruits en toutes sortes d’œuvres bonnes et croissez dans la connaissance de Dieu » (Col 1.10).
Ailleurs, dans la lettre aux chrétiens de Rome, il écrit :
« Mais grâce à Dieu, après avoir été esclaves du péché, vous avez obéi de cœur à la règle de doctrine qui vous a été transmise. Libérés du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice. […] De même que vous avez offert autrefois vos membres en esclaves à des passions dégradantes et immorales pour vivre une vie déréglée, de même offrez-les maintenant en esclaves à la justice pour mener une vie sainte » (Rm 6.17-19).
Il est donc clair, comme nous venons de le dire, que la justice de Dieu qui est imputée aux personnes ayant cru en Jésus-Christ, ne reste pas sans porter des fruits. Mais quels sont donc les fruits de cette justice acquise pour les croyants?
6. L’exercice de la justice dans la création et dans nos sociétés←⤒🔗
Nous pourrions les nommer l’un après l’autre, en nous appuyant sur l’Écriture sainte, mais je préfère me limiter à reprendre les notions de justice et d’injustice au niveau de l’État, des juges et des législateurs, des sociétés humaines. Car encore trop de chrétiens pensent à la vie renouvelée en Christ de manière strictement personnelle ou familiale, oubliant que toutes les sphères de la vie sont appelées à manifester la justice du Seigneur Jésus-Christ.
L’exercice de la justice selon Christ dans la création tout entière retient avant tout la place centrale que Dieu le Père a accordée à son Fils bien-aimé : une place centrale non seulement dans l’œuvre de la réconciliation, comme nous l’avons vu, mais aussi dans la création elle-même puisqu’il en est le Chef, le Souverain. Citons plutôt ce qu’énonce Paul, au début de sa lettre aux chrétiens de Colosses. Il s’agit là d’un des passages du Nouveau Testament les plus explicites à ce sujet, une déclaration d’une portée sans égale :
« Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs. Tout a été créé pour lui et par lui. Il est avant toutes choses, et tout subsiste en lui. Il est la tête du corps, de l’Église. Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude et de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix » (Col 1.15-20).
Oui, vous avez bien lu. La Bible affirme que celui-là même qui a été crucifié à Golgotha, de la manière la plus infâme, est le Chef de la création. Il était présent au début et reste le premier en toutes choses. Tout pouvoir, tout trône, toute juridiction lui doivent allégeance. Aussi belle qu’une telle déclaration puisse sonner, quel rapport entretient-elle avec les injustices perpétrées dans notre monde, me demanderez-vous? Eh bien, le rapport est le suivant : aucun être humain, aucun pouvoir, aucune institution aussi élevée qu’elle puisse paraître aux yeux de ceux qui la servent ou qui l’ont instituée n’a le droit de réclamer pour soi une autorité absolue, comme s’il ou elle n’avait aucun compte à rendre à Jésus-Christ, l’image même du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Nul individu ou institution ne peut vouloir exercer une autorité absolue sur d’autres individus ou d’autres domaines d’activité, sous peine d’usurper un pouvoir qui n’appartient qu’à Christ, et que lui seul délègue.
Tout culte de la personnalité, tout régime totalitaire est en opposition directe avec Jésus-Christ lui-même. Toute tentative pour placer un pouvoir quelconque au-dessus de la réalité tout entière constitue une violation flagrante des droits de Jésus-Christ et de sa loi. Ce pouvoir abusif peut être d’ordre familial, économique, politique, culturel, religieux, militaire, peu importe. La source des injustices provient des abus de pouvoir, des personnes ou des domaines qui s’imposent au-dessus des autres comme s’ils constituaient eux-mêmes l’autorité ultime. Leurs diktats ou leurs mécanismes internes prétendent dominer la vie tout entière des hommes, au mépris des autres personnes ou des autres sphères de l’existence. Ce faisant, chacun, à sa manière, répète la faute du premier homme et de la première femme cédant à la séduction originelle du tentateur : « Vous serez comme des dieux » (Gn 3.5).
La justice de Dieu a déjà jugé de tels abus. Oui, la Parole de Dieu, qui reste d’une autorité et d’une actualité permanentes, les a déjà jugés. Ce n’est qu’en apparence que ces injustices sont tolérées dans notre monde. Car elles sont déjà tombées sous le jugement du décret divin. La sentence a été prononcée et n’attend que son exécution, à moins qu’une repentance radicale n’intervienne.
7. Des abus de pouvoir répudiant la seigneurie du Christ←⤒🔗
Au cours de l’histoire, de tels abus de pouvoir ont parfois été commis au nom même d’un christianisme qui répudie de diverses manières la seigneurie de Christ.
a. Des pouvoirs religieux abusifs←↰⤒🔗
Voyons d’abord comment certains pouvoirs religieux peuvent se substituer à Christ lui-même. Ceci arrive lorsqu’une ou des personnes, une instance ou une tradition religieuse prétendent servir de médiatrice entre Dieu et le croyant. Le croyant est censé vivre sa relation personnelle avec Dieu par procuration, par l’intermédiaire de la personne ou de l’instance religieuse en question. Prenons par exemple le cas des ancêtres, dans bien des cultures africaines. Leur présence et leur invocation sont, selon ces traditions religieuses, absolument indispensables pour avoir accès à Dieu. Un autre intermédiaire qui usurpe la place de Jésus-Christ peut être le prêtre ou le sorcier sans lequel l’esprit des ancêtres ne peut être invoqué. Parfois, c’est toute une chaîne d’intermédiaires qui se substitue à une religion vécue directement en la présence de Dieu, sous son regard. Pour le christianisme biblique, seul Christ est Médiateur, car il est la Parole incarnée de Dieu, l’image même de Dieu, comme nous l’avons déjà vu. L’apôtre Paul s’exprime sans détour à ce sujet. Dans la première lettre à Timothée, il écrit : « Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ-Jésus homme qui s’est donné lui-même en rançon pour tous » (1 Tm 2.5). Donc, aucun pasteur, aucun évêque, aussi remarquable soit-il, ne peut servir d’intermédiaire attitré entre Dieu et les hommes. Lorsque cela arrive, vous pouvez être sûrs qu’une forme d’oppression, plus ou moins subtile, sera exercée. Il s’agit alors d’une forme illégale de domination sur les cœurs et les esprits. Jésus-Christ est mis au second plan. Son autorité universelle n’est plus servie par ceux qui devraient lui être soumis et exercer leur charge dans l’obéissance au mandat reçu de lui; cette autorité a tout simplement été usurpée. Au lieu de la libération spirituelle offerte par Christ, libération qui consiste en une communion restaurée avec le Dieu trois fois saint, on est retombé dans une forme d’esclavage spirituel. L’oppression peut se manifester par exemple dans les prétentions de pasteurs ou d’évêques ou encore d’une institution religieuse quelconque, à régir tous les domaines de l’existence, comme si tout relevait de leur compétence. En se prenant pour médiateurs exclusifs entre Dieu et les hommes, ils s’enlisent dans des tâches qui ne font pas partie de leur vocation, tâches auxquelles ils n’ont ni été formés ni été appelés par le Dieu qui régit toutes les sphères de la vie humaine et qui appelle les uns à tel service, et les autres à tel autre service.
b. L’État abusif←↰⤒🔗
Lorsqu’à son tour l’État prétend soit servir de médiateur entre Dieu et les hommes, soit dominer sur toutes les facettes de l’existence, on a affaire à un état totalitaire, oppressif et fauteur d’injustice à des degrés divers. Dans le second cas, l’État prétend n’avoir à rendre aucun compte à Dieu. Il déclare parfois s’appuyer sur la volonté des hommes pour agir de telle sorte, mais n’en devient pas moins oppressif pour autant. L’exemple des régimes communistes est très frappant à cet égard. L’État a eu la prétention d’apporter le bonheur aux hommes en contrôlant leur existence tout entière, mais en fait il les a asservis et a fait de la vie organisée en société une caricature. Il est en fait devenu une idole qui remplace Jésus-Christ; il a prétendu sauver l’humanité de ses misères sans une seule référence au Dieu qui seul peut sauver ses créatures. Parfois, il arrive aussi qu’un État se dise chrétien, mais commence à empiéter sur le domaine propre aux Églises. Avec le consentement de chrétiens passifs et sourds à la volonté divine au sujet de l’éducation, cet État-là prend l’initiative de confier aux écoles publiques, sous sa direction, le soin de l’instruction biblique ou catéchétique des enfants. La responsabilité primordiale des Églises et des parents à cet égard n’est pas maintenue. Parents et Églises se déchargent sur l’école publique du soin d’enseigner aux enfants la vérité révélée par Dieu dans sa Parole. Bientôt, l’État mêle à cet enseignement des éléments idéologiques propres à renforcer son propre pouvoir. Au moyen de l’enseignement dit religieux, il endoctrine les jeunes générations à le servir et crée la confusion entre son propre intérêt et celui du Royaume de Dieu. Un tel État couvre les injustices flagrantes qu’il commet par une instruction religieuse qui est devenue en fait un subtil instrument de propagande politique.
c. L’autorité parentale abusive←↰⤒🔗
L’autorité parentale, créée par Dieu pour refléter son autorité d’une manière juste et aimante, peut elle aussi, lorsqu’elle devient abusive, être facteur d’oppression et d’injustice. Si les parents ne se reconnaissent pas responsables devant le Père tout-puissant pour le rôle qu’il leur a confié, alors une telle autorité qui n’a plus de comptes à rendre à Dieu peut très facilement devenir despotique. Un être humain décide arbitrairement de tout ce qui concerne la vie d’un autre être humain, sous prétexte qu’il ou elle est le parent de l’autre.
L’exploitation sexuelle (hélas si répandue!) des enfants par le père ou la mère est une des formes que revêt une telle oppression. Cette pratique horrible n’est pas seulement une contravention flagrante à l’ordre divin concernant la sexualité humaine, elle nie en même temps l’image de Dieu qui vit en chacun de nous. En effet, une des manifestations de l’image que Dieu a mise en nous passe par l’exercice de notre sexualité dans le cadre du plan divin. Or, celui-ci exclut absolument une relation sexuelle entre parents et enfants. Le respect de la loi divine à cet égard représente une forme d’exercice de la justice selon Dieu à l’intérieur de la famille.
d. Le pouvoir militaire abusif←↰⤒🔗
Le pouvoir militaire, l’armée, peut aussi s’imposer de manière abusive aux autres secteurs de la société, tentation fréquente qui fait que celui qui détient la force impose son droit, ses propres intérêts avant toute autre chose. Le règne de la peur pratiqué si souvent par les autorités militaires, est bien autre chose que le service et la défense du pays qui constituent le devoir de l’armée. Déjà, Jean-Baptiste, dans sa prédication, donnait des règles de conduite aux soldats qui venaient le voir en lui demandant : « Et nous, que ferons-nous? » Dans l’Évangile selon Luc, nous lisons qu’il leur répondit ce qui suit : « Ne faites violence à personne, et ne dénoncez personne à tort, mais contentez-vous de votre solde » (Lc 3.14). Paroles bien actuelles…
Si, dans des cas qui devraient être exceptionnels, l’armée doit prendre en mains la direction d’un pays au bord du chaos, ce ne peut être que pour la restauration d’un ordre juste, et non pour la perpétuation d’un pouvoir qui s’appuie sur l’abus de la force. Quand l’armée n’est au service que d’un ou quelques individus, devenant en quelque sorte une milice privée, alors son rôle de défense contre un ennemi extérieur et de garant d’un ordre juste se trouve déformé, aboutissant à une autre forme de désordre.
Les autorités militaires doivent toujours se souvenir qu’elles aussi ont à répondre de leurs actes devant Jésus-Christ, celui en qui tout a été créé, dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, trônes, principautés, pouvoirs (Col 1.16). Au procureur Ponce Pilate qui lui demandait : « Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te relâcher, et que j’ai le pouvoir de te crucifier? » (Jn 19.10), Jésus répondit : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut » (Jn 19.11). Responsabilité devant Dieu et respect de sa loi devraient caractériser non seulement les petits et les humbles, mais tout autant ceux qui se trouvent en position de force ou de pouvoir. Dieu ne tolère pas d’usurpation de ses prérogatives. Tôt ou tard, ceux qui s’y livrent doivent lui en rendre compte.
e. Des pouvoirs économiques abusifs←↰⤒🔗
Bien d’autres domaines de la vie en société mériteraient d’être évalués à l’aune de la souveraineté du Christ sur la création tout entière. Nommons encore le domaine économique : dans la pratique, il peut être fauteur de grandes injustices lorsque le pouvoir de l’argent, du profit, évacue toute notion d’équité et de traitement juste des plus faibles. Les règles du jeu, dans les affaires, deviennent alors non seulement dures, mais tout simplement malhonnêtes. Mammon, l’idole de l’argent dont parle Jésus, tâche de se substituer au roi de la création. L’abus du pouvoir économique ou financier n’est pas moins nocif que l’abus du pouvoir militaire. Au lieu d’être au service de la communauté tout entière, ce pouvoir se trouve concentré aux mains de quelques-uns seulement. Reconnaissons aussi que dans la société contemporaine, la réalité économique est facilement considérée comme l’élément de base de la société, sa fondation même. Les autres activités, les autres domaines de la vie lui sont totalement inféodés. Même la morale la plus élémentaire se trouve facilement soumise aux impératifs économiques interprétés non pas à la lumière de l’Écriture, mais à l’aune des intérêts particuliers.
8. Jésus-Christ règne sur toute la création←⤒🔗
Il n’est pas dans notre intention de prescrire à chaque domaine de la vie en société son propre mode de fonctionnement. Notre but est avant tout de rappeler que le Christ ressuscité règne sur la création tout entière, dans toute sa diversité, aujourd’hui et éternellement. Cette Bonne Nouvelle doit inciter ceux qui l’acceptent par la foi à réfléchir sérieusement sur les implications du règne de Jésus-Christ. La loi du Christ est profonde et redonne vie. Dieu bénit non seulement les individus, mais aussi les communautés, les sociétés et les nations qui reconnaissent sa souveraineté, et cherchent à mieux comprendre sa volonté pour aujourd’hui à la lumière de sa parole éternelle.
Puisse l’Esprit du Christ lui-même éclairer chacun, dans son propre environnement, dans la vocation qu’il ou elle a reçue afin que chacun sache exercer sa vocation avec discernement, sagesse et dans un esprit de service. Puisse les Églises prêcher et rappeler sans cesse cet article de foi fondamental : Christ règne sur la création tout entière. Lorsqu’aucun individu, aucun groupe ou aucune tribu, aucun pouvoir institué ne se prend pour le maître absolu, mais agit dans la reconnaissance de la souveraineté du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, au service de son Royaume et du prochain, alors la justice selon Dieu devient visible aux yeux de tous et porte des fruits de guérison.