L'Église sous la croix (4) - Antoine Riaille et Paul Achard, les deux dernières galériens réformés
L'Église sous la croix (4) - Antoine Riaille et Paul Achard, les deux dernières galériens réformés
- Après la Révocation de l’Édit de Nantes
- Arrestation et condamnation
- En route vers les galères
- Sur les galères
- D’autres sont envoyés aux galères
- Tentatives de libération
- Requête au roi en leur faveur
- Enfin leur libération!
1. Après la Révocation de l’Édit de Nantes⤒🔗
Cette série d’articles intitulée « l’Église sous la croix », d’après l’ouvrage du même titre de Daniel Benoit, publié en 1882, nous a familiarisés avec l’Église dite du Désert, c’est-à-dire l’Église des protestants français après la Révocation de l’Édit de Nantes par le roi Louis XIV, en 1685. Pendant près d’un siècle, ces croyants, interdits de culte, persécutés de toutes parts, obligés de se réunir en assemblées secrètes dans des lieux reculés pour adorer Dieu, ont pourtant maintenu avec un courage héroïque leur foi vivante, alors même qu’on traquait leurs pasteurs, souvent condamnés à être pendus et exécutés lorsqu’ils étaient pris. D’autres croyants furent envoyés aux galères du roi comme forçats, et c’est l’histoire des deux derniers galériens protestants, Antoine Riaille et Paul Achard, que je veux vous raconter cette fois-ci. Entre 1745 et 1775, l’année de l’avènement du roi Louis XVI, ils passèrent 30 ans dans des conditions épouvantables sur les galères royales, n’en sortant que sur le tard de leur vie.
2. Arrestation et condamnation←⤒🔗
Antoine Riaille et Paul Achard étaient tous deux originaires de la vallée de la Drôme. Ils furent tous deux condamnés, à quelques jours d’intervalle, aux galères à perpétuité. Achard était cordonnier à Châtillon-en-Diois. Un jour qu’il était à son travail, le 19 ou le 20 janvier 1745, il vit passer devant sa fenêtre le pasteur du Désert, Roland, qui se rendait dans une maison. Bientôt, trois brigades d’archers, suivies d’un détachement de soldats, font irruption dans le bourg. Évidemment, c’est le pasteur qu’ils recherchent. Alors Achard quitte son établi et, par une ruelle détournée, court prévenir Roland, qui prend aussitôt la fuite. Quand les soldats arrivèrent, le pasteur était hors d’atteinte, mais ils s’emparèrent de celui qui lui avait sauvé la vie au prix de sa liberté, et le conduisirent, avec quelques autres, dans la tour de Crest. Quelque temps plus tard, Riaille, tailleur du bourg d’Aouste, situé aux portes de Crest, vint le rejoindre. Tout son crime était d’avoir assisté à une assemblée du Désert, mais ce crime était passible des galères.
Les prisonniers furent transférés de la cour de Crest dans la conciergerie de Grenoble. Leur procès fut conduit rapidement. Achard, accusé du « crime d’enlèvement de prédicant, avec attroupement », ce qui était faux, fut condamné, le 9 février à servir le roi par force sur les galères, durant toute sa vie. Auparavant, il devait être flétri sur la place publique de la ville de Die par le fer rouge appliqué sur l’épaule gauche par l’exécuteur de haute justice. Le fer ardent allait imprimer de manière indélébile sur son corps ces trois lettres : G.A.L., pour « galérien ». Ensuite, il allait être réintégré dans les prisons jusqu’au départ de la chaîne. Il lui était défendu sous peine de pendaison de rompre son ban. Il était aussi condamné à une très forte amende envers le roi et devait régler tous les frais de justice. Riaille fut à son tour condamné le 26 février aux travaux forcés à perpétuité sur les galères du roi, et lui aussi marqué au fer rouge.
Un troisième prisonnier les accompagnait, condamné aux galères perpétuelles pour le seul crime d’avoir enseigné aux enfants protestants de la ville de Dieulefit le chant des psaumes. Avant de subir sa peine, il fut mis au carcan sur la place publique de cette ville et l’on attacha près de lui son Nouveau Testament et son recueil de psaumes. Quelqu’un du milieu de la foule lui ayant crié, en se moquant de lui : « Chante tes psaumes maintenant! », il se mit aussitôt à entonner les louanges de Dieu.
3. En route vers les galères←⤒🔗
Comment décrire les souffrances de la chaîne en route vers les galères? Les protestants, attachés avec des criminels de la pire espèce, étaient d’abord exposés à toutes les intempéries des saisons, à la bise glaciale de la vallée du Rhône ou à la chaleur ardente du soleil de cette région. Ils n’avaient trop souvent qu’une nourriture insuffisante. Ils étaient conduits par des cavaliers insolents qui les abreuvaient d’injures et de coups sans faire aucunement attention à leurs gémissements, ressemblant en cela aux trafiquants poussant en Afrique leurs troupeaux d’esclaves enchaînés. Quand la nuit venait, on les entassait dans une écurie quelconque, toujours liés deux à deux, et il leur fallait jusqu’au bout subir l’odieux voisinage d’êtres humains dégradés qui n’arrêtaient pas de blasphémer. Quelques-uns, les vieillards ou les enfants, ne résistaient pas à ces premières épreuves, et mouraient sur le chemin qui les amenait vers les galères, avant même d’avoir mis la main à la rame.
Quand Paul Achard et Antoine Riaille arrivèrent à Toulon, sur la Méditerranée, ils furent d’abord conduits chez l’intendant de la marine, et de là au bureau de la classe des forçats, où l’on mit par écrit sur un registre leur nom et leur signalement. À partir de ce moment, ils avaient perdu, en quelque sorte, leur personnalité. On n’allait plus les désigner que par leur numéro d’écrou : celui d’Antoine Riaille était le 2340, et celui d’Achard le 2472.
4. Sur les galères←⤒🔗
Une fois sur le vaisseau, on les dépouilla de leurs habits pour leur faire revêtir l’uniforme infâme des criminels qui les environnaient et quand ils furent couverts de la casaque verte, chacun d’eux fut enchaîné avec un autre forçat; mais on se garda bien de leur donner pour compagnons de fers des frères en la foi. On ne voulait pas qu’ils puissent se réconforter l’un l’autre. On les obligea de ramer avec des malfaiteurs de la pire espèce. Leurs cheveux furent coupés en signe de servitude. Désormais, leur nourriture ordinaire allait être quelques fèves cuites dans l’eau et un morceau de pain noir. Quand la nuit arriva, ils durent s’étendre sur le banc et dormir à la lumière d’une lampe fumeuse suspendue au milieu de la galère, environnés de leurs compagnons couverts de haillons et de vermine.
Mais comment se déroulait le travail des galères? Les forçats étaient attachés deux à deux sur le banc du navire sans pouvoir aller plus loin que la longueur de la chaîne, mangeant et dormant à leurs places. On les occupait à remuer de longues et lourdes rames qui faisaient mouvoir la galère. Contre la pluie et le soleil, le froid piquant des nuits sur la mer, ils n’avaient d’autre abri qu’une toile légère qu’on étendait au-dessus de leurs têtes quand le temps le permettait. Une fois en marche, on repliait la toile qui gênait les rames. Le long des bancs s’élevait une galerie où se promenaient les surveillants, le nerf de bœuf à la main. Ceux-ci, dépassant les instructions de leurs chefs, accablaient de coups les malheureux qui ne ramaient pas assez vite. Tout récalcitrant, ou tout protestant refusant d’accomplir les gestes requis lors de l’office religieux traditionnel, était étendu nu sur le dos. Quatre hommes lui tenaient les mains et les pieds, tandis que le bourreau, armé d’une corde goudronnée raidie par l’eau de la mer, frappait de toutes ses forces. Le patient rebondissait sous la corde, les chairs se déchiraient, son dos ne formait qu’une plaie vive et saignante qu’on lavait avec du sel et du vinaigre. Quelques-uns recevaient jusqu’à cent cinquante coups; s’ils s’évanouissaient, on les portait à l’hôpital et à peine guéris on appliquait le nombre de coups restants.
Songez que de jeunes gens de 18, de 16 et même de 15 ans furent soumis à un pareil régime. Un enfant d’un peu plus de 12 ans fut même condamné aux galères pour avoir accompagné son père et sa mère aux assemblées. Aussi mourait-on vite sur les galères, sous la triple influence des mauvais traitements, de la mauvaise nourriture et d’un travail excessif. Le 27 septembre 1748, une ordonnance du roi Louis XV abolissait l’institution des galères, incorporant ces dernières dans la marine royale. Les forçats seraient désormais internés dans des prisons côtières ou dans des navires hors service, notamment à Toulon, dans ce qui serait le bagne.
Vers la fin de sa détention, Paul Achard pouvait partiellement travailler comme cordonnier, ce qui était son métier. Il gagnait ainsi quelques maigres revenus. Les Églises protestantes entouraient ces galériens d’une sollicitude attentive. Ils recevaient souvent, non seulement de France, mais des pays étrangers, des lettres touchantes, qui renfermaient à la fois des secours matériels et des encouragements précieux. Ils étaient liés entre eux par des règlements étroits et s’encourageaient mutuellement à la persévérance. Ils trouvaient moyen de se procurer des Nouveaux Testaments, des recueils de psaumes, des livres de prière. L’un d’eux, intitulé Les armes de Sion, composé par un pasteur de l’étranger contient cette prière, que nos deux galériens ont dû répéter plus d’une fois :
« Fais, Seigneur, que je regarde l’anneau de fer que je porte comme un anneau nuptial, et les chaînes que je traîne comme des chaînes de ton amour, puisque tu châties celui que tu aimes et que tu fouettes tout enfant que tu reconnais comme le tien. »
Au cours de ses 30 ans d’esclavage sur les galères du roi, Paul Achard n’aura de cesse d’écrire des lettres à sa famille pour les encourager à tâcher d’obtenir sa libération de manière légale. À plusieurs reprises, il nourrira l’espoir d’une libération prochaine. Lui et Riaille verront plusieurs de leurs compagnons de captivité sortir des fers au cours de leurs trente années comme forçats, mais leurs espoirs seront régulièrement déçus : promesses oubliées, refroidissement dans la sollicitude de leur propre famille, comportements rigoureux d’officiers locaux appliquant à la lettre les édits royaux, alors même qu’à Paris, capitale du royaume, on souhaitait plutôt fermer les yeux et laisser ces édits tomber d’eux-mêmes en désuétude.
5. D’autres sont envoyés aux galères←⤒🔗
Leur seul crime? Avoir professé une religion différente de celle du roi, avoir été des réformés attachés à l’enseignement de la Bible, avoir assisté à des assemblées de culte interdites par les édits royaux, ou avoir aidé des pasteurs à échapper aux mains des gendarmes royaux qui les poursuivaient.
Paul Achard et Antoine Riaille étaient envoyés aux galères en 1745. Ils n’en sortiraient que 30 ans plus tard, l’année même où Louis XVI devenait roi. S’ils furent les derniers à en être libérés, ils n’étaient pas les derniers à y monter. Le 5 février 1746, l’intendant de la ville d’Auch envoyait sur les galères de Toulon pour crime d’assemblée un gentilhomme protestant de la ville de Gabre, Isaac Grenier de Lasterne, alors âgé de 76 ans. Bien d’autres encore allaient suivre durant ces années sombres. Au commencement de l’année 1756 arrivait sur les galères un jeune homme de 28 ans qui s’appelait Jean Fabre. Le premier janvier, son père ayant été saisi par les soldats dans une assemblée qui s’était tenue dans des carrières, ce fils dévoué obtint de prendre sa place. Grâce aux sollicitations de beaucoup, dont les plus grands seigneurs de la cour de Versailles, Jean Fabre fut libéré en 1762. Un auteur de l’époque, s’inspirant de son histoire, avait même écrit un drame intitulé « l’Honnête criminel ».
6. Tentatives de libération←⤒🔗
Pendant ce temps, Achard et Riaille demeuraient forçats. Un jeune pasteur essaya d’intéresser le philosophe Voltaire à leur sort, après avoir en vain attiré l’attention du ministre de la Marine, Monsieur de Boyne, sur leur condition. Voltaire, lui-même philosophe sceptique et virulemment opposé à toute forme de religion révélée, donc fondamentalement opposé au christianisme, avait activement mené campagne pour réhabiliter un protestant du nom de Jean Calas, un négociant de Toulouse torturé et exécuté par l’horrible supplice de la roue en 1761. La raison de cette exécution? Le fils de Calas s’était suicidé et le père avait caché ce suicide. Il fut injustement accusé d’avoir tué son fils qui soi-disant aurait voulu se convertir au catholicisme romain. L’erreur judiciaire fut reconnue en 1765 et cette affaire de calomnie est restée célèbre dans les annales de l’histoire judiciaire française.
Apparemment, Voltaire ne fit ou ne put rien faire concernant le sort d’Achard et de Riaille. Un jeune négociant de Marseille, Claude Eymar, commença alors à s’intéresser de près à nos deux galériens. Lui-même admirateur de l’autre célèbre philosophe de l’époque, Jean-Jacques Rousseau, il écrivit en 1774 à cet écrivain, mais là aussi sans succès. Rousseau était l’ami généreux des hommes dans ses ouvrages, mais ne tenait pas à se compromettre, pour des raisons personnelles. À cet égard, il était certainement moins courageux que Voltaire. Plusieurs visites de Claude Eymar à Rousseau n’amenèrent aucun résultat.
Heureusement, il fit à Paris la connaissance de Court de Gébelin, qui était le fils du célèbre pasteur Antoine Court, celui-là même qui avait travaillé depuis Lausanne à la réorganisation des Églises réformées en France dès 1715. Le fils du grand pasteur du Refuge protestant à l’étranger était un savant qui, tout en poursuivant ses recherches scientifiques, n’oubliait pas qu’il était l’agent général des Églises réformées en France. Court de Gébelin assista donc Eymar dans toutes ses démarches en faveur d’Achard et de Riaille.
Au début mai 1774, les deux hommes se rendirent à Versailles, où résidaient le roi et la cour, et leur première visite fut pour l’ancien intendant de la marine Hurson. Celui-ci était un homme juste et humain qui, ayant eu de nombreuses occasions de connaître les protestants condamnés pour cause de religion et d’observer leur conduite irréprochable, s’était intéressé à leur sort. Autant qu’il le pouvait, il avait adouci la sévérité des ordonnances à leur égard. C’est grâce à son intervention que plusieurs avaient retrouvé leur liberté. À son départ, il n’en restait plus que deux, justement Achard et Riaille. Hurson accueillit nos deux solliciteurs avec beaucoup de bienveillance. Il approuva tout à fait leur projet et leur indiqua la marche à suivre, leur faisant obtenir une audience de Monsieur de Boyne, ministre de la Marine. Eymar avait à peine exposé l’objet de sa démarche au ministre, que celui-ci s’exclamait :
« Quoi! Des protestants encore aux galères? Ce n’est pas possible, vous vous trompez monsieur, et je suis certain qu’il n’y en a plus. — Je ne me trompe pas, lui répondit Eymar d’un ton respectueux. Non seulement j’en ai la preuve écrite, mais encore je les ai vus de mes yeux. Il n’y a pas un mois que j’ai quitté les deux forçats, à l’existence desquels Votre Grandeur a peine à croire. »
Le ministre, étonné, proposa sur-le-champ à ses visiteurs de passer aux bureaux de la marine. Il y vit les écrous des prisonniers et, se rendant à l’évidence, il donna aux deux solliciteurs l’assurance positive que leur requête serait entendue et qu’on y ferait droit. Eymar et Court quittèrent donc le cabinet du ministre tout heureux du succès de leur démarche. Leur joie allait être de courte durée. Le 10 mai, le roi Louis XV mourait à Versailles. Cette mort amena un changement dans le ministère de la Marine, et l’espérance nourrie par les avocats de nos deux galériens dut être reportée à plus tard. Le jeune banquier retourna à Marseille, mais Court de Gébelin continua les démarches en leur faveur.
Sa correspondance de cette époque est pleine d’allusions à cette affaire. Il dut obtenir d’autres renseignements sur les forçats, et put rencontrer le nouveau ministre de la Marine, Turgot, grand homme d’État qui allait plus tard tâcher de réformer le royaume de France pour éviter une révolution, mais en vain. Turgot accueillit Court de Gébelin avec beaucoup de bienveillance, en lui disant qu’on n’avait pas besoin de lui recommander une cause pareille qui se recommandait assez par elle-même. Il ajouta cependant que cette affaire n’était pas de son ressort et qu’il fallait s’adresser à un certain Monsieur de la Vrillière. Or celui-ci, plus connu sous le nom de comte de Saint Florentin, avait fait peser pendant de longues années un joug de fer sur les protestants, faisant même dresser plusieurs gibets. Cela rendait la démarche de Court difficile.
7. Requête au roi en leur faveur←⤒🔗
Heureusement, il s’avéra que cette affaire ressortait non pas de cet homme, mais du garde des sceaux, dont dépendait en dernier ressort la grâce des galériens. Le 4 juin 1775, Court de Gébelin avait remis au garde des sceaux une requête au roi en leur faveur, qu’il avait rédigée lui-même et que je cite telle quelle :
« Sire, deux vieillards infortunés, âgés de plus de 70 et de plus de 60 ans, dans les fers depuis 30 ans pour cause de religion, se jettent aux pieds de Votre Majesté pour la supplier de leur accorder cette liberté dont ils sont privés depuis si longtemps, et qu’ils méritent par la longue expiation de la faute qu’ils peuvent avoir commise, par leur vieillesse qui les met hors d’état de servir sur les galères auxquelles ils furent condamnés pour la vie, et par la conduite qui a édifié tous leurs supérieurs et Messieurs les intendants de marine en particulier, qui ne refuseront pas de leur rendre un bon témoignage. Déjà, Antoine Riaille et Paul Achard, tous deux du diocèse de Die et tous deux condamnés, en 1745, aux galères perpétuelles, pour cause de religion, par le parlement de Grenoble, ont vu rompre les fers de tous les protestants qui ont été condamnés comme eux aux galères pour cause de religion.
Sans être plus coupables auront-ils seuls à gémir sous le poids de leur infortune, et, sous un règne de justice et d’humanité, seront-ils obligés de verser des pleurs jusqu’au tombeau? Trente ans de punitions et de douleurs ne seront-ils pas une expiation suffisante aux yeux des lois pénales? Sire, que votre grande âme soit touchée de compassion envers eux! Que, dans le moment où la France est en joie sur le roi, ces infortunés puissent aller le bénir dans le sein de leurs familles! Elles vous béniront, Sire; tout le monde applaudira à la clémence de votre majesté; et ceux qu’effraya l’ancienne rigueur des lois pénales, revenus de leur consternation, se féliciteront d’être Français : l’on craindra de déplaire à un monarque juste et bon. »
8. Enfin leur libération!←⤒🔗
Court avait accompagné ce plaidoyer d’une requête au garde des sceaux. Ces démarches remportèrent cette fois-ci un plein succès et il en fit rapidement part à Claude Eymar qui alla lui-même porter la bonne nouvelle aux deux forçats. Depuis quelque temps déjà ceux-ci jouissaient d’un statut nettement amélioré : on ne les confondait plus avec les autres forçats; ils n’étaient plus à la chaîne et pouvaient exercer librement leur métier. Au moyen d’une caution, ils pouvaient même aller et venir librement dans la ville. Une caisse de secours, établie depuis longtemps à Marseille et alimentée par les offrandes des Églises, vint en aide aux deux galériens libérés. Ils prirent alors le chemin du Dauphiné, leur province natale. Riaille avait 64 ans et Achard 76. Sans doute ne vécurent-ils pas longtemps après cette libération, mais ils purent au moins jouir du calme qui succédait pour eux à une période si dure. Ils purent adorer Dieu, le reste de leurs jours, dans l’assemblée de leurs frères, sans courir le risque d’être inquiétés, et lui rendre grâce pour les secours qu’ils avaient reçus de lui durant leurs grandes épreuves.
Douze ans plus tard, en 1787, le roi Louis XVI fit proclamer un édit de tolérance qui permettait aux protestants de faire reconnaître leurs naissances, mariages et décès, leur accordant après plus d’un siècle de déni un état civil comme aux autres habitants du royaume. Ils pouvaient exercer leur culte sans crainte d’être inquiétés, mais n’avaient toujours pas le droit de tenir ces cultes dans des édifices publics, comme les temples. Il faudrait attendre le concordat signé en 1802 avec Napoléon Bonaparte pour que cette situation soit définitivement réglée. Entre-temps, sous la Révolution française, durant la période de la Terreur, tous les cultes chrétiens avaient été interdits et bien des protestants avaient repris le chemin du Désert comme ceux de la génération précédente pour rendre un culte au Dieu vivant.