L'évangélisation selon les Écritures
L'évangélisation selon les Écritures
- L’évangélisation dans l’Ancien Testament
- L’évangélisation dans le Nouveau Testament
- Une approche équilibrée
L’évangélisation est un sujet qui génère diverses opinions parmi les croyants réformés. D’une part, plusieurs sont passionnés par l’évangélisation. Ils sont souvent déçus, parfois même frustrés, parce qu’ils perçoivent que les Églises réformées sont trop tournées vers l’intérieur et trop passives quant à leur appel à évangéliser. D’autre part, plusieurs sont réticents par rapport à l’évangélisation. Ils craignent qu’en mettant trop d’accent sur l’évangélisation l’Église devienne plus « évangélique » et moins réformée. Ils donnent l’exemple d’Églises qui sont actives dans l’évangélisation, mais arminiennes dans leur théologie.
Il ne fait aucun doute que, des deux côtés, les intentions sont bonnes et que les remarques des uns et des autres sont pertinentes. Il est vrai que les Églises réformées, de manière générale, ne sont pas les plus performantes dans le domaine de l’évangélisation. Par contre, il est vrai également que bien des activités d’évangélisation ne reflètent pas la pleine vérité de l’Évangile.
À mon avis, les Églises réformées pourraient être beaucoup plus efficaces et fidèles dans leur ministère d’évangélisation sans avoir à sacrifier quoi que ce soit au niveau de leur identité réformée. Je suis convaincu qu’investir davantage de temps et d’efforts dans le ministère d’évangélisation ne pourrait que renforcer l’Église, dans la mesure où ce ministère est accompli de manière biblique.
Dans cet article, j’aimerais apporter quelques réflexions sur le fondement biblique du ministère d’évangélisation.
1. L’évangélisation dans l’Ancien Testament⤒🔗
Si nous voulons développer une perspective biblique sur l’évangélisation, nous devons commencer par l’Ancien Testament. Il est important de reconnaître que le peuple d’Israël a été mis à part par le Seigneur afin d’être une nation sainte et, en même temps, afin d’être une lumière et une bénédiction pour les nations autour d’eux.
Genèse 12.1-3, qui décrit l’appel d’Abraham, est un passage fondamental. Le Seigneur l’a appelé à quitter son pays, son peuple et la maison de son père et à se rendre dans le pays que le Seigneur lui indiquerait. Le Seigneur a promis à Abraham qu’il ferait de lui une grande nation, qu’il le bénirait et qu’Abraham serait lui-même une bénédiction. La promesse se termine avec les mots suivants : « Toutes les familles de la terre seront bénies en toi. » Nous savons que cette bénédiction s’est finalement accomplie lorsque le Messie est venu. C’est en lui que se trouve la bénédiction des nations. C’est là un thème que l’on retrouve partout dans l’Ancien Testament : l’attente d’un Messie qui viendrait rétablir le peuple de Dieu et vers lequel les nations se tourneraient pour recevoir le salut et une abondance de bénédictions.
Cependant, l’accomplissement de cette promesse ne se restreignait pas à l’œuvre du Messie. Dans le plan de Dieu, Israël lui-même avait reçu l’appel à être une bénédiction pour les nations. Israël était appelé à être un royaume de sacrificateurs, une nation sainte (Ex 19.6), mis à part pour le Seigneur et en même temps appelé à proclamer la gloire de Dieu aux nations qui l’entouraient. Partout dans l’Ancien Testament est exprimé le désir de voir les autres nations reconnaître que le Dieu d’Israël est le seul vrai Dieu, bon et miséricordieux. Nous lisons l’histoire de la jeune fille israélite qui a été amenée captive au pays d’Aram et qui a dit à sa maîtresse qu’il y avait un homme de Dieu en Samarie. Nous lisons comment le puissant commandant Naaman a été ainsi conduit à se rendre en Israël où il a finalement confessé : « Je reconnais qu’il n’y a point de Dieu sur toute la terre, si ce n’est en Israël » (2 R 5.15).
Le désir de voir les nations se joindre au peuple de Dieu pour l’adorer se voit clairement dans les Psaumes. Le Psaume 67 commence par une prière demandant à Dieu qu’il accorde sa grâce à son peuple, qu’il le bénisse et qu’il fasse briller sur lui sa face, « afin que l’on connaisse sur la terre ta voie et parmi toutes les nations ton salut » (verset 3). Ces paroles sont une citation de la bénédiction sacerdotale que l’on trouve en Nombres 6.25 : « Que l’Éternel fasse briller sa face sur toi! » Le désir exprimé est que toutes les nations de la terre puissent prendre part à cette bénédiction. « Les peuples te célèbrent, ô Dieu! Tous les peuples te célèbrent. Les foules se réjouissent et triomphent, car tu juges les peuples avec droiture et tu conduis les foules sur la terre » (Ps 67.4-5).
Nous pourrions citer d’autres passages de l’Ancien Testament, mais déjà nous voyons un motif se dessiner. Premièrement, Israël est le peuple spécial de Dieu, sa nation choisie. Dieu demeure parmi eux et ils reçoivent ses bénédictions. Deuxièmement, Israël est destiné à être une bénédiction pour les nations qui l’entourent. Le peuple de Dieu devait (aurait dû) désirer intensément que les nations voient combien la vie dans l’alliance était bonne et qu’un jour viendrait où elles se joindraient au peuple de Dieu pour louer Dieu.
2. L’évangélisation dans le Nouveau Testament←⤒🔗
Le Nouveau Testament révèle que les prophéties de l’Ancienne Alliance ont été accomplies en Jésus-Christ, le Fils de Dieu. Il a accompli tout ce qu’il était appelé à faire en tant que Sauveur : obtenir pour le peuple de Dieu le pardon des péchés et la réconciliation avec Dieu. Ses bénédictions ne sont pas uniquement pour le peuple d’Israël. Avant de monter au ciel, le Seigneur Jésus a donné à ses disciples le grand ordre missionnaire : « Allez, faites de toutes les nations des disciples » (Mt 28.19).
Les apôtres sont passés à l’action et ont proclamé l’Évangile de Jésus-Christ crucifié et ressuscité des morts. Ils ont commencé par Jérusalem, puis ils sont allés en Judée et en Samarie, puis dans d’autres régions, appelant tout le monde à la repentance et à la foi dans le Seigneur Jésus-Christ. Des gens de différents arrière-plans culturels et nationaux ont été incorporés à l’Église du Christ : des Juifs et des Samaritains, des Grecs et des Romains, des noirs et des blancs. Le peuple de Dieu est rassemblé de toutes les nations dans le monde.
La Nouvelle Alliance diffère de l’Ancienne Alliance de bien des façons, mais certaines choses n’ont pas du tout changé. Les croyants sont toujours étrangers et voyageurs dans le monde. Ils sont toujours appelés à être mis à part pour constituer une nation sainte. Cependant, ils sont aussi appelés à vivre dans le monde pour être une bénédiction et une lumière pour les gens autour d’eux. L’appel qu’avait reçu Abraham à l’origine est toujours valide aujourd’hui!
Un des passages bien connus qui souligne cet aspect est Matthieu 5.13-16 : « Vous êtes la lumière du monde. » Les disciples du Christ sont appelés à laisser leur lumière briller devant les hommes « afin qu’ils voient vos œuvres bonnes et glorifient votre Père qui est dans les cieux ». On retrouve un passage semblable en Philippiens 2.14-16 où Paul appelle les croyants à « briller comme des flambeaux dans le monde, au milieu d’une génération corrompue et perverse ».
La première épître de Pierre parle aussi avec éloquence de l’appel adressé aux chrétiens à être une lumière pour les gens autour d’eux. L’apôtre s’adresse aux chrétiens en tant qu’« étrangers dans la dispersion » (1 Pi 1.1) qui ont été « choisis » (1.2) et appelés hors du monde. En même temps, il met l’accent sur leur appel dans le monde : « Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin d’annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (2.9). Pierre souligne deux aspects de la vie chrétienne : l’aspect de l’appel « hors du monde » et l’aspect d’être « une bénédiction ».
1 Pierre 2.11-12 reflète la même approche :
« Bien-aimés, je vous exhorte, en tant qu’étrangers et voyageurs, à vous abstenir des désirs charnels qui font la guerre à l’âme. Au milieu des païens, ayez une bonne conduite, afin que, là où ils vous calomnient comme faisant le mal, ils voient vos œuvres bonnes et glorifient Dieu au jour de sa visite. »
Certains ont fait valoir que les chrétiens devraient témoigner par leur façon de vivre (sans évangélisation verbale). Il n’y a pas vraiment de tel dilemme dans la première lettre de Pierre. Il est très clair que la vie du chrétien est importante : les femmes chrétiennes sont appelées à gagner leur mari non croyant par leur bonne conduite (1 Pi 3.1). En même temps, l’apôtre exhorte les chrétiens à parler quand l’occasion se présente. Pierre dit : « Soyez toujours prêts à vous défendre contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » (1 Pi 3.15).
Nous pouvons conclure qu’une image cohérente se dégage à la fois de l’Ancien et du Nouveau Testament : le peuple de Dieu est une race choisie, appelé hors du monde, appelé à vivre une vie sainte qui pourra être utilisée par Dieu, dans sa grâce, pour amener d’autres personnes à se repentir et à joindre son peuple. Bien que les chrétiens soient des citoyens d’un autre royaume, ils sont appelés à être une bénédiction pour les autres personnes dans ce monde afin que nombreux soient ceux qui peuvent trouver le salut dans le Seigneur Jésus-Christ.
3. Une approche équilibrée←⤒🔗
Nous avons besoin d’une approche équilibrée. L’Église est appelée hors du monde, mais l’Église est aussi appelée à laisser sa lumière briller dans le monde. Parfois, l’accent est tellement mis sur l’aspect « séparation du monde » que l’Église vit isolée de la société en général. Le réseau social des croyants se limite alors au réseau de l’Église. Les contacts avec les personnes qui ne vont pas à l’église sont désapprouvés et considérés comme dangereux.
Ce n’est pas là ce que la Bible nous enseigne. L’apôtre Paul présume que les croyants ont toutes sortes de contacts avec les gens de l’extérieur. Il n’exhorte pas les croyants à éviter le contact avec les non-croyants. Il présume tout simplement qu’ils ont de tels contacts et il les encourage à se conduire avec sagesse envers ceux du dehors et à racheter le temps (Col 4.5).
Parfois, cependant, une si grande importance est accordée à l’appel missionnaire de l’Église que l’Église est vue d’abord et avant tout comme « une Église pour ceux de l’extérieur ». L’Église existerait principalement pour être une mission dans le monde. Le problème de cette approche, c’est que l’on oublie que l’Église est appelée à vivre une vie sainte, hors du monde. L’Église n’est pas simplement un groupe de gens ayant besoin de croître en nombre — elle a aussi besoin d’être préservée. Le jour de la Pentecôte, l’apôtre Pierre a dit : « Sauvez-vous de cette génération perverse » (Ac 2.40).
À la lumière de ces considérations, nous pouvons conclure que l’évangélisation est un des ministères que le Seigneur a confiés à son Église. Chaque partie de cette affirmation est importante : l’évangélisation est un ministère confié par le Seigneur (par conséquent, nous ne pouvons pas le négliger). C’est un ministère confié à l’Église (par conséquent, toute l’Église en est responsable). C’est un des ministères que le Seigneur a confiés à l’Église (ce n’est pas le seul). L’Église s’est vu confier différents ministères par le Seigneur : la prédication, l’enseignement, l’adoration, la supervision pastorale, l’aide diaconale et l’annonce de l’Évangile dans le monde (mission et évangélisation).
Il ne fait donc aucun doute que l’évangélisation est un appel important adressé à l’Église. Chaque Église locale devrait s’examiner pour voir si elle est fidèle à cet appel, si elle est zélée dans la proclamation fidèle de l’Évangile à ceux qui nous entourent.