La doctrine de l'élection - Amie ou ennemie de l'évangélisation
La doctrine de l'élection - Amie ou ennemie de l'évangélisation
« Si le décret de l’élection est immuable et s’il rend par conséquent le salut entièrement certain, quel besoin les élus ont-ils de l’Évangile? » C’est la façon dont R.B. Kuiper a formulé la question qui a souvent été posée au sujet du rapport entre l’élection et l’évangélisation. Plus carrément, on pourrait demander : « Croire en l’élection ne rend-il pas l’évangélisation inutile? »
L’opinion selon laquelle la doctrine de l’élection découragerait le peuple de Dieu de témoigner, lui enlevant toute motivation, a toujours été répandue. Par exemple, il a été suggéré que la théologie de la prédestination serait un des facteurs ayant limité les missions protestantes historiques.
Nous pouvons répondre en admettant honnêtement que ceux qui ont nié la grâce souveraine de l’élection ont parfois été plus actifs dans la mission que ceux qui l’ont affirmée. Sur un plan plus personnel, nous pouvons probablement tous admettre que nous nous sommes parfois servis de la souveraineté de Dieu comme excuse à notre inaction personnelle. Nous devons toutefois maintenir la distinction entre la façon dont les réformés ont parfois mis en pratique leur (mé)compréhension de l’élection et la façon dont nous devrions mettre en application une juste vision de l’élection dans le domaine de la mission. Quel impact une vision biblique de l’élection devrait-elle avoir sur l’évangélisation personnelle?
La meilleure façon de répondre à cette question est peut-être de considérer comment le plus grand missionnaire de l’Église chrétienne a réagi à la doctrine de l’élection. S’il y a un missionnaire chrétien qui a fermement cru dans l’élection gratuite de Dieu, c’est bien l’apôtre Paul. La deuxième moitié du livre des Actes prouve amplement que Paul n’a pas souffert de léthargie dans l’évangélisation! Au contraire, sa compréhension de l’élection était à la source de son activité.
Nous en trouvons un des meilleurs exemples en Actes 18.9-11. Il y a de bonnes raisons de croire que, lorsque Paul est arrivé à Corinthe, il avait grand besoin d’encouragement pour parler de Jésus-Christ. Au neuvième verset de ce chapitre, Jésus vient à la rencontre de Paul pour répondre à son besoin. Il lui dit : « Sois sans crainte, mais parle et ne te tais pas. » Jésus ajoute ensuite deux raisons pour lesquelles Paul doit parler.
Dans la deuxième raison qu’il lui donne, Jésus commande à Paul de continuer à rendre témoignage en lui rappelant la doctrine de l’élection. Il dit : « … parce que j’ai un peuple nombreux dans cette ville. » Il y avait beaucoup de gens dans la ville de Corinthe qui appartenaient à Jésus-Christ, quoi qu’ils vivaient à ce moment-là dans l’incrédulité profonde. Jésus rappelle à Paul l’élection gratuite de Dieu, non pas pour le dissuader de prêcher l’Évangile ou pour le rendre indifférent, mais bien pour l’encourager à l’action! D’après le Christ, l’élection est une motivation à l’évangélisation.
Une telle affirmation nécessite certainement une explication, d’autant plus qu’elle représente une opinion minoritaire parmi les évangéliques modernes. Comment l’élection peut-elle nous motiver à évangéliser?
1. Des résultats assurés⤒🔗
Premièrement, l’élection devrait promouvoir l’évangélisation parce qu’elle garantit des résultats. Notre seul espoir de voir quelqu’un se convertir à Jésus-Christ s’enracine dans l’élection inconditionnelle et éternelle de Dieu. Si la corruption de l’homme est telle qu’aucun pécheur ne peut par lui-même se repentir et croire en l’Évangile, alors, à moins que Dieu n’ait déterminé de conduire certaines personnes à la repentance, tous périront inévitablement. Sans l’élection, la mission ne serait rien d’autre qu’une activité désespérée.
N’est-ce pas là ce qu’a pu penser Paul alors qu’il exerçait son ministère à Corinthe? « Dieu, tu veux que je serve dans cette ville! Mais pourquoi? » S’il y avait une ville dans le monde du Nouveau Testament qui semblait abandonnée de Dieu, c’était bien Corinthe. Pourtant, Jésus a dit : « J’ai un peuple nombreux dans cette ville! » Imaginez dans quelle perspective, en référence à ces paroles, Paul a pu exercer son ministère à Corinthe au cours des dix-huit mois qui ont suivi.
Commentant ce passage, J.I. Packer résume ainsi :
« La souveraineté de Dieu dans l’œuvre de la grâce a donné à Paul l’espoir de succès alors qu’il prêchait à des oreilles sourdes, qu’il présentait Jésus à des yeux aveugles et qu’il essayait d’émouvoir des cœurs de pierre. »
Remarquez comment cette même doctrine est soulignée en Actes 13.48 : « Tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent. » C’est uniquement grâce à l’élection que la prédication de l’apôtre à Antioche (ainsi qu’à Corinthe) a pu être efficace à cent pour cent!
2. Une humble dépendance←⤒🔗
Deuxièmement, l’élection nous oblige à garder les yeux humblement fixés sur Dieu dans notre évangélisation. Le succès de Paul à Corinthe l’a amené à dépendre toujours davantage du plan souverain de Dieu de sauver des hommes. Lorsque, plus tard, il a écrit aux Corinthiens, il leur a dit qu’il avait planté et qu’Apollos avait arrosé, mais que c’est Dieu qui avait fait croître (1 Co 3.6,8). Ces paroles sont très encourageantes, car il n’y a pas toujours de croissance visible. Heureusement, une foi solide en l’élection est d’un grand réconfort lorsque nous vivons des « échecs » dans notre évangélisation.
3. Un appel à la mission←⤒🔗
Troisièmement, l’élection nous motive dans la mission. Lorsque Jésus a confié à Paul la mission d’évangéliste, il l’a fait en rattachant étroitement la mission de Paul à son propre appel et à sa propre élection. Jésus a dit : « Cet homme (Paul) est pour moi un instrument de choix, afin de porter mon nom devant les nations et les rois, et devant les fils d’Israël » (Ac 9.15). Il est significatif que cette « mission prédestinée » n’ait pas seulement été confiée à Paul et aux autres apôtres. L’apôtre Pierre établit un lien entre l’élection de tout le peuple de Dieu et l’évangélisation. Il appelle le peuple de Dieu « une race élue ». De cette élection découle un but : « Vous êtes une race élue […] afin d’annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 Pi 2.9).
Lorsque ceux qui s’opposent à l’élection accusent la doctrine de l’élection de rendre l’évangélisation inutile, ils démontrent leur ignorance du but de l’élection. C’est dans leur élection que se trouve la mission d’évangéliser des saints. Sachant que son nom est écrit dans le livre de vie, cette doctrine procure au croyant du courage. Elle chasse également tout motif caché qui pourrait motiver nos efforts d’évangélisation. Nous n’avons pas de raison de nous lancer frénétiquement dans l’évangélisation comme si nous étions nous-mêmes responsables de la « décision » des autres.
4. L’usage de moyens←⤒🔗
Enfin, l’élection nous motive à l’évangélisation parce qu’elle nécessite intrinsèquement l’utilisation de moyens. Dieu aurait pu décider de convertir des pécheurs sans utiliser de moyens, mais ce n’est pas ce qu’il a fait. Il a au contraire décidé que « la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole du Christ » (Rm 10.17). Les Canons de Dordrecht, un document qui présente la prédestination de façon approfondie, soulignent, dès le troisième paragraphe (I.3), l’importance de communiquer l’Évangile. Si nous croyons à l’élection, alors nous croyons que les chrétiens ont l’obligation de communiquer l’Évangile.
Pourtant, une utilisation adéquate des moyens demeure inefficace sans la bénédiction de Dieu. Les gens qui ont entendu Jésus prêcher en personne ne se sont pas tous convertis. Il faut plus qu’une utilisation adéquate des moyens; il faut l’œuvre de Dieu, qui commence dans son décret d’élection.
Nous terminons donc là où nous avons commencé. C’est bien vrai que seul le décret immuable de l’élection rend le salut des élus totalement certain. Cependant, cette certitude, loin d’être un découragement, est en fait la seule raison qui nous encourage à prêcher l’Évangile aux pécheurs. L’élection ne rend pas l’évangélisation inutile; au contraire, l’élection exige l’évangélisation.