L'appel à la sanctification - L'homme de Dieu
L'appel à la sanctification - L'homme de Dieu
C’est dans 1 Timothée 6.11 et dans 2 Timothée 3.16 qu’apparaît cette expression qui trace le portrait de l’homme selon Dieu. Comparée à lui, la représentation que l’homme se fait de lui-même n’est que contrefaçon et caricature. Certes, l’homme de Dieu n’est pas un chrétien de classe supérieure qui dominerait du haut de sa stature les chrétiens de « seconde zone ». Une telle classification est étrangère à l’esprit de la Bible. On est « homme de Dieu » ou on ne l’est pas! Cela signifie que, quels que soient son développement et son progrès dans la sanctification, le disciple est par nature homme de Dieu. Il est appelé à se détacher du monde, mais exhorté également à combattre en militant.
Dans l’Ancien Testament, l’homme de Dieu vivait dans sa proximité, tels Moïse, David, Élie et d’autres. Dans le Nouveau Testament, l’expression désigne chaque fidèle, elle est l’équivalent de « saint », celui qui est mis à part en tant que propriété de Dieu consacrée exclusivement à son service. Dieu l’a pris en charge et l’a fait parvenir à la stature d’homme parfait. Il connaît aussi bien son origine que sa destinée finale; il est la création de l’Esprit; il ne cherche pas le sens de sa vie en son propre fond; une fois qu’il est placé dans son orbite, il se défait aussi bien de toute illusion que de toute fausse modestie. Pourquoi se glorifier? Par décret divin, il est promu au rang de monarque de la création. Que craindre? Dieu l’a justifié. Qui l’accusera désormais? N’est-il pas caché en Christ? Avant sa rencontre avec Dieu, il se trouvait devant une porte fermée; une barrière infranchissable l’empêchait d’avoir accès à la grâce. À présent, ses prétentions sont tombées, l’entrée est ouverte et il est inondé de la miséricorde divine. La Parole du Christ s’est accomplie dans son cas : « Quiconque s’exaltera sera abaissé, et qui s’abaisse sera exalté » (Mt 23.12).
Nous conclurons en rappelant en trois points précis l’essentiel de ce que nous avons dit dans le présent chapitre : La sanctification est le don reçu de Dieu; elle est un combat spirituel constant; elle est une expérience vécue.
La sanctification est, comme la justification, le don de la grâce. Étroitement liées, ainsi que nous l’avons démontré plus haut, elles rendent compte de deux aspects différents de l’œuvre de la rédemption appliquée dans la vie du fidèle. « Justification, repentance, régénération, trois mots qui recouvrent dans le langage de Calvin, des réalités que nous désignons parfois autrement.1 » Si le réformateur français n’emploie pas aussi souvent ce terme que nous le faisons, il ne faut pas en conclure qu’il l’ignore, d’autant plus que le livre III de l’Institution y est presque entièrement consacré. Calvin parlera de la double grâce, ce qui n’a rien de commun avec la « deuxième bénédiction » des milieux wesleyens et des mouvements apparentés au méthodisme. La sanctification est la seconde grâce, la première étant la justification en Christ. Elle n’est donc point indépendante de cette dernière.
La sanctification est un combat constant que le fidèle mène du début jusqu’à la fin. Pour Calvin, c’est une guerre qui ne prend fin qu’à la mort. Il demeure « matière perpétuelle » aux enfants de Dieu « de batailler pour les exercer ».
Elle est aussi une réalité, une expérience vécue. Écoutons plutôt le grand réformateur en ses propres termes.
« Toute la religion tend à ce but qu’en vivant saintement et honnêtement nous servions le Seigneur.2 »
« La foi se montrera vraie […] quand elle sera conjointe avec un cœur pur et une conscience bonne et droite. Il faut en premier lieu qu’un homme montre qu’il a une rondeur et intégrité sans feintise, s’il veut donner approbation de sa foi. […] Si la foi n’était qu’une connaissance volage, ou quelque imagination que c’est de Dieu, ou bien quelque doctrine certaine et résolue, mais telle qu’elle n’aura point son siège au cœur, saint Pierre ne dirait pas que les cœurs sont purifiés par la foi. Car, quand je serai bien entendu et grand clerc et que je saurai babiller des mystères de Dieu, ce n’est pas à dire que j’aie mon cœur pur. Or est-il ainsi que quiconque a la foi, il a cette pureté comme saint Pierre le testifie. Concluons donc que la foi ne se vogue pas au cerveau que ce n’est point une connaissance simple et nue. […] La foi est celle par laquelle nous sommes transfigurés en l’image de Dieu. Or, si les hommes la veulent mêlée parmi une mauvaise conscience, n’est-ce pas renverser tout ordre de nature? Dieu ne peut pas souffrir une telle infection.3 »
« Le but de notre régénération est qu’on aperçoive en notre vie une mélodie et un accord entre la justice de Dieu et notre obéissance.4 »
« Car ce n’est pas une doctrine de langue que l’Évangile, mais de vie… »
Pour le réformateur, « il faut que la doctrine pour nous être utile et fructueuse […] entre entièrement au-dedans du cœur, et montre sa vertu en notre vie. […] Combien avons-nous meilleure raison de détester ces babillards, lesquels se contentent d’avoir l’Évangile au bec, le méprisant en toute leur vie.5 »
Enfin, citons l’article 22 de la Confession de La Rochelle :
« Nous croyons que par cette foi nous sommes régénérés en nouveauté de vie, étant naturellement asservis au péché. Or, nous recevons par la foi la grâce de vivre saintement et en la crainte de Dieu, en recevant la promesse qui nous est faite par l’Évangile, à savoir que Dieu nous donnera son Saint-Esprit. Ainsi la foi, non seulement ne refroidit pas le désir de bien et saintement vivre, mais l’engendre et l’excite en nous, produisant nécessairement les bonnes œuvres. »
Notes
1. Études évangéliques, no 4, 1953.
2. J. Calvin, Commentaire sur le livre des Actes, Labor et Fides, 20.21
3. J. Calvin, Sermon sur 1 Timothée.
4. J. Calvin, Institution, III.6.1.
5. J. Calvin, Institution, III.6.4.