L'appel à la sanctification - La sainteté de Dieu
L'appel à la sanctification - La sainteté de Dieu
- Saint signifie séparé
- Le Dieu tout autre
- Crainte et fascination
- Le Très Saint est au milieu de nous
- Implications pratiques
1. Saint signifie séparé⤒🔗
Suivons D. MacLeod, dans une étude consacrée à la sainteté de Dieu. Bien que nous soyons bien informés sur l’idée de la sainteté de Dieu, son importance précise est encore loin d’être claire dans nos esprits. Pourtant, c’est elle qui commande, en tout premier lieu, notre sanctification, car cette dernière n’est en réalité que la réponse au « soyez saints comme je suis saint » (Lv 19.2; 1 Pi 1.15-16); « soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5.48).
Le terme vétérotestamentaire pour saint est « qadosh ». On ne connaît pas avec exactitude son étymologie ou origine. Selon certains spécialistes, il dériverait d’une racine babylonienne signifiant « luire ». Il y aurait un rapport entre la sainteté et la pureté d’une brillante lumière. On peut, certes, accepter l’idée en soi. En effet, selon 1 Jean 1.5, Dieu est lumière. Cependant, d’autres savants le rattachent à une racine sémitique signifiant couper ou séparer. Le saint est marqué par la séparation et retiré d’un emploi ou d’un usage ordinaire. Dieu est le Tout Autre. Il est séparé de l’existence créationnelle, anges et hommes, mais surtout des pécheurs.
La manière dont l’Ancien Testament emploie le terme « saint » semble confirmer cette idée de séparation radicale. Il s’applique aussi, par exemple, à des objets. Ainsi, il existe des vêtements saints (Ex 28.2), des lieux saints (Ex 29.31), de la vaisselle sainte (1 R 8.4) des instruments saints (Nb 31.6). Cette sorte de sainteté n’est pas en rapport avec une sainteté morale ou spirituelle. Elle désigne plus simplement le fait que ces objets inanimés sont mis à part pour un usage religieux bien précis.
Ceci devient encore plus clair quand on note que, pour l’Écriture, saint est le contraire de ce qui est courant, ordinaire ou profane. Dans Ézéchiel 22.26, le Seigneur se plaint de ce que les prêtres ne font aucune distinction entre ce qui est saint et ce qui est profane. De même, dans Lévitique 20.26, il dit à Israël : « Vous serez saints pour moi, car je suis saint, moi l’Éternel; je vous ai séparés des peuples, afin que vous soyez à moi. »
On peut trouver une ample justification biblique pour définir la sainteté de Dieu comme étant son altérité totale. Dieu est le Tout Autre, tel que l’a désigné Rudolf Otto. Il est situé au-delà de ce qui est habituel, intelligible et familier; il dépasse ce qui est courant, familier, ce dont on peut se servir communément.
2. Le Dieu tout autre←⤒🔗
En quoi consiste cette altérité de Dieu? D’abord son incompréhensibilité. Même lorsqu’il se révèle à l’homme, il demeure mystérieux. En effet, il se révèle tel un mystère, de sorte que lorsque l’âme humaine le rencontre, elle s’écrie : « Oh profondeur de la sagesse de Dieu… » (Rm 11.33). Il révèle son incompréhensibilité en indiquant les facettes de son être qui nous sont insondables. Il n’est pas simplement grand, mais la manière dont il l’est dépasse et défie toutes nos catégories et transcende notre compréhension humaine. Nous ne pouvons le saisir dans son auto-existence, sa trinité ou son éternité. Il y a une terrifiante étrangeté dans ce que Dieu annonce de sa divine personne.
Le second élément dans l’altérité de Dieu est sa suprématie. Il est le Dieu très haut et très saint. Il détient une autorité incontestable et ultime; il ne rend de comptes à personne; il domine souverainement sur l’ensemble de l’ordre créationnel; il exerce cette domination sur qui il veut de la manière dont il décide de le faire. C’est sans doute la raison pour laquelle les cieux et la terre s’enfuiront devant son absolue et ultime autorité (Ap 20.11).
C’est aussi la raison pour laquelle son ordre devient l’absolu, impératif et catégorique. En lui, nous confrontons l’ultime obligation, par conséquent l’absolument différent. Nous ne pourrions ni l’éviter ni l’apaiser. Le « tu dois » divin s’impose à nous de manière inconditionnelle et inexorable.
En troisième lieu, l’altérité de Dieu s’aperçoit dans sa puissance. Nous-mêmes, êtres humains, nous sommes des êtres de pouvoir et les hommes autour de nous le sont aussi, ou bien ils sont aperçus comme tels. Cependant, nous rencontrons en Dieu une puissance d’une nature tout autre. Différente en ce qu’elle est éternelle (Rm 1.20), elle l’est aussi en sa magnitude. À partir du néant, il créa un univers d’une étendue incommensurable et d’une complexité inouïe. Par sa Parole, il soutient toutes choses (Hé 1.3). La puissance de Dieu, dans son pouvoir destructeur, est terrifiante. Avec la même facilité qu’il crée, il peut aussi détruire. Il peut déchirer l’univers en mille morceaux et causer la fusion des éléments dans une chaleur consumant toutes choses (2 Pi 3.12). L’homme est souvent conscient de cette puissance suspendue au-dessus de sa tête avec un potentiel menaçant. « Il me brise dans la tempête », s’exclame Job dans son angoisse, « et il ne permettra pas que je respire », ajoute-t-il (Jb 9.17-18). Même lorsque la révélation est gracieuse, l’élément de menace qu’elle contient demeure redoutable, ce qui contraint Ésaïe à s’écrier : « Malheur à moi, car je suis un homme perdu » (És 6.5).
Un autre élément de l’altérité de Dieu est sa pureté. Les allusions bibliques à celle-ci sont également nombreuses. En Dieu, il n’y a point de ténèbres (1 Jn 1.5). Ses yeux sont tellement purs qu’il ne peut voir le mal (Ha 1.13), même les étoiles ne sont pas assez pures à ses yeux (Jb 25.5). Sa pureté est tellement brillante que les séraphins, pourtant exempts de péché, se couvrent leur visage de leurs ailes (És 6). Pour l’homme pécheur, la différence est encore plus intense et pénible; elle est insupportable. Nous marchons dans l’obscurité et nous sommes obscurité, que nous aimons et préférons à sa clarté éblouissante. Le fait que nos iniquités soient placées à la lumière insoutenable de sa pureté est pour nous une menace redoutable (Ps 90.8).
Ceci explique que la pureté de Dieu le rend inabordable aux pécheurs mortels que nous sommes. Ce sentiment ne surgit pas simplement de la conscience que nous sommes pécheurs; nous l’éprouvons aussi du fait que nous sommes de nature créée. C’était le cas pour les séraphins du livre d’Ésaïe. Mais la chute a élargi cet abîme et l’a rendu infranchissable. Le chemin vers l’arbre de vie est barré par une épée flamboyante, outil de la malédiction divine. Tout pécheur repenti devrait se rappeler constamment cette réalité, notamment lorsqu’il lui rend un culte. La voie vers Dieu a été fermée même au second Adam, le Christ incarné. Pour pouvoir retourner vers son Père, il dut rencontrer la même épée flamboyante et devenir personnellement anathème (Ga 3.13).
Le rituel mosaïque nous explique cette inaccessibilité de Dieu. On ne saurait s’approcher de lui de manière directe, mais seulement au moyen d’un intermédiaire. Dans l’Ancien Testament, c’est le prêtre qui intervient dans un lieu désigné et à une heure fixe, au moyen du sang d’animaux immolés. L’accès est jalousement gardé par un protocole d’accord d’une rigueur extrême. Pour quiconque les défie, les conséquences sont terribles, ainsi qu’il apparaît dans le triste cas de Koré (Nb 16.1-35).
Bien que l’accent sur l’inaccessibilité de Dieu soit modifié dans le Nouveau Testament, il n’est nullement abrogé. Ne peuvent l’approcher que ceux qui sont justifiés par la foi et se placent sous la protection de Jésus-Christ, le Souverain Sacrificateur, seul Médiateur entre Dieu et l’homme. En effet, l’œuvre suprême du Christ consiste à demeurer l’unique Voie conduisant à Dieu. Son humanité brisée a déchiré le voile du lieu très saint.
Ajoutons encore un autre détail. Dieu est aussi le Tout Autre dans sa grâce. La grâce est souvent mise en contraste avec sa sainteté, mais un tel contraste n’est pas légitime, à moins de commettre un énorme contresens théologique. C’est précisément sa grâce qui, dans l’Ancien Testament, est totalement inabordable au pécheur. En cela, il est tout autre que les dieux païens et tout autre aussi que le dieu d’une théologie naturelle (Mi 7.18).
Ce que l’homme pardonne n’est rien en comparaison du pardon de Dieu (Rm 8.32). Nous ne pourrons jamais égaler sa prodigalité qui nous arrache à notre abîme et nous rend participants de la gloire de Jésus-Christ, cohéritiers de son Royaume. Sa grâce va jusqu’à nous remplir de sa propre plénitude (Ép 3.19). Il n’est pas étonnant qu’Ésaïe s’exclame :
« Tu allais à la rencontre de celui qui pratiquait la justice avec joie, de ceux qui rappelaient tes voies, par qui de tout temps, nous étions sauvés. Mais tu t’es indigné parce que nous avons péché » (És 64.4).
3. Crainte et fascination←⤒🔗
Quelle sera notre réponse à la sainteté de Dieu? On a parlé de Dieu comme du « mysterium tremendum ». Le sens originel du terme renferme l’idée de quelque chose de tellement grand et de puissant que nous en restons effrayés et tremblants. Il est terrifiant, menaçant, il inspire l’effroi (És 6.5). Lors de son expérience à Béthel, Jacob est abasourdi : « Certainement, l’Éternel est présent dans cet endroit. […] Que cet endroit est redoutable! » (Gn 28.16-17). Pour cette même raison, Dieu est appelé « la terreur d’Isaac » (Gn 31.42). La foi biblique s’appelle également « la crainte du Seigneur », notamment dans le livre des Proverbes.
Il y a là quelque chose d’élémentaire, presque de primitif, et pourtant indispensable à la piété chrétienne, spécialement lorsque cela est associé à l’assurance de son amour envers nous. Devant « notre Père qui es aux cieux », cette nature céleste du sentiment de n’être devant sa face que des créatures pécheresses et mortelles nous remplit de désespoir.
Paradoxalement, l’homme est également fasciné par lui. Non seulement Dieu est grand, mais il est aussi fascinant. Cette vision qui effraie est simultanément une vision qui attire (Ex 3). Il existe une fascination dans le fait de la non-familiarité de Dieu et de sa pureté aimante. C’est pourquoi l’attitude de l’homme envers lui reste ambivalente. D’une part, elle est celle de l’inimitié et du rejet, d’autre part, il ressent le vide dans son cœur causé par l’absence de Dieu. Même lorsqu’il le fuit, l’homme est attiré par lui. Il tourne son regard en arrière et cherche à le voir.
Mais ce qui devient chez le non-croyant attitude morbide est chez le fidèle un privilège qui nourrit la vitalité de sa piété. La foi contemple la beauté de la sainteté de Dieu et, la voyant, en est bénie. La vision de Dieu est une vision superbement béatifique (Ps 27). La promesse de la béatitude est accordée à ceux qui sont purs de cœur. Paul aspire au jour où il le verra face à face. D’une part, nous pouvons déjà le voir, d’autre part, nous le cherchons encore ardemment (1 Jn 3.2). La lumière dans laquelle nous pouvons marcher est celle qui éclaire avec profusion la cité céleste. Le feu qui consume est celui de sa présence divine.
4. Le Très Saint est au milieu de nous←⤒🔗
Toute pensée au sujet de la sainteté de Dieu ne devrait pas se contenter d’en admettre la réalité; elle devrait encore reconnaître que le Très Saint vit au milieu de nous (És 13.6). Sa transcendance ne l’empêche pas d’habiter au milieu de nous. Il est au milieu de nous, autour de nous et même en nous. Nos corps sont le lieu de son habitation, le temple du Très Saint. Mais quoique séjournant parmi nous, il n’abdique point sa sainteté; il ne se compromet pas, il ne se laisse contaminer par rien. Personne ne peut le manipuler. Être croyant dans l’Ancien Testament devait être, nous semble-t-il, une chose bien difficile. Il n’était pas aisé de vivre avec cet hôte divin, car son protocole d’accueil était pesant et dangereux. Dans tous les domaines de la vie religieuse, morale et même sociale, il existait des prescriptions et des restrictions, et leur transgression entraînait de lourds châtiments. Cette relation avec Dieu, à la fois spéciale et privilégiée, comportait d’immenses risques (Am 3.2).
L’enseignement du Nouveau Testament à cet égard n’est pas essentiellement différent de celui de l’Ancien Testament. Certes, nous vivons à présent dans la plénitude des temps (Ga 4.4). Cela veut dire principalement que le peuple de Dieu émerge de son immaturité pour croître dans la maturité, pour bénéficier de tous les privilèges et pour assumer aussi toute sa responsabilité morale et spirituelle. Nous possédons une nouvelle liberté. Nous ne sommes plus sous le joug des lois rituelles mosaïques. Dieu a remplacé ces éléments primitifs en brisant le joug de la loi.
Néanmoins, il serait erroné de supposer que cette transition signifie une sorte d’attitude nonchalante vis-à-vis de Dieu. Le Nouveau Testament nous dit le contraire. La tension entre la présence de Dieu et sa sainteté est manifeste dans l’incarnation du Christ. Il est Emmanuel, Dieu avec nous. Le récit de l’effusion de l’Esprit montre également la sainteté divine et sa séparation d’avec les hommes. Les langues de feu rappellent le buisson ardent du livre de l’Exode (Ex 3 et 4), symbole de la pureté et de la majesté divines qui réagit sans faute au péché dans l’Église (exemple d’Ananias et de Saphira, Ac 5.1-11). Celui qui vit avec Dieu et en sa présence porte une redoutable responsabilité; l’intimité avec Dieu implique comme jadis une sévère discipline (Ap 3.19), voire un châtiment qui rappelle à l’ordre.
Aussi, la présence de Dieu n’est-elle pas toujours promesse, mais par moments signe de courroux. « Le jour du Seigneur est obscurité » (Am 5.20). Même le Christ ressuscité avertit solennellement l’Église d’Éphèse peu zélée (Ap 2.5). La transition au Nouveau Testament ne nous met pas à l’abri des exigences de sa sainteté (1 Pi 1.17). Même notre invocation confiante comme « Abba Père » ne nous épargnera pas le devoir de le prendre au sérieux ni d’ignorer sa sainteté. Le Christ en personne l’appelle « Père saint » (Jn 17.11). Tout en demeurant « notre Dieu », Dieu reste un feu dévorant (Hé 12.29).
5. Implications pratiques←⤒🔗
Ainsi, la présence du Très Saint parmi nous est le fondement des grands principes chrétiens. « Vous serez saints car je suis saint » (1 Pi 1.16). À un certain niveau, notre sainteté deviendra la condition de sa présence au milieu de nous. Notre profanité lui répugne et l’impureté cause son courroux. Sa colère peut nous brûler à l’instant (1 Co 3.16). La non-sainteté des hommes le compromet, car il est leur Dieu et ils portent son nom. Il faut qu’ils le sanctifient et, lorsqu’ils s’y dérobent, il est jaloux d’eux à cause de son nom.
La vision de la sainteté divine est le fondement de notre service chrétien. D’ordinaire, nous cherchons le fondement de notre mission dans les besoins des hommes. La Bible, elle, indique que, selon le message prophétique, Dieu déclare ce qu’il veut. C’est lui qui envoie, lui le saint (És 6.3,8-9). Le grand ordre missionnaire est issu de l’appel du Christ, de sa conviction qu’il est le Seigneur universel (Mt 18.18-20). L’apôtre Paul prêche l’Évangile parce qu’il veut plaire à Dieu (Ga 1.16). Cet Évangile est une révélation dont la puissance est telle qu’il a été terrassé par elle sur le chemin de Damas.
Enfin, la sainteté de Dieu devra régler et informer notre culte. Nous nous approchons du Dieu saint et majestueux. Notre culte ne peut être assimilé à une banale pratique religieuse. Nous l’approcherons avec respect, « en tremblant devant lui », même si nous osons nous présenter devant le trône de grâce (Hé 10.22). Rappelons-nous que ce qui est essentiel, c’est l’esprit dans lequel nous nous approchons de sa sainte majesté. Certes, il est notre Père, mais il reste notre Père qui est aux cieux.