L'heure de la prière
L'heure de la prière
L’heure est à la prière, mes amis. De la prière de louange; celle de l’invocation aussi; de la prière-requête, mais surtout de la prière-combat.
Là où on a tant démoli, il nous faut sans tarder reconstruire. Or, si nous prions, nous deviendrons les agents vrais et fermes de toute reconstruction morale. Sans la prière, nous ne pourrions entreprendre quoi que ce soit. Nous ajouterions pierre sur pierre et brique sur brique sans consolider l’édifice que nous aurons entrepris de bâtir; nous signerions des traités sans jamais parvenir à un accord profond et durable. Mais pour poser une pierre sur une autre et élever des murs de briques, il faut un élément de consolidation solide; pour rapprocher les esprits et pour mieux souder les âmes, il faut une cohésion autre que celle des conventions de routine. Il faut la prière qui vivifie le cœur, qui rafraîchit l’âme, crée la bonne disposition et fait rayonner l’affection, opère la solidarité. La prière peut même transporter les montagnes dressées devant nos peurs et paralysies.
Si nous prions dans ces temps d’incertitude et de trouble généralisé, nous serons les semeurs de la paix et les ouvriers de la réconciliation. Face à une humanité déchirée en mille factions hostiles, face à des classes sociales qui se livrent des luttes sans merci, en présence de groupes et groupuscules dont la vocation semble n’être que semailles de violence afin de récolter des moissons de terreur, notre prière redonnera le sens à la vie et empêchera que tout ne sombre définitivement dans la barbarie. Nous désirons tous ardemment changer la situation internationale, transformer les conditions sociales, améliorer les rapports humains; devenons donc des soldats du seul combat qui vaille la peine d’être mené : celui de la transformation radicale en vue du salut de l’homme, notre prochain. Le salut de l’homme exige que nous devenions soldats de la prière. Dieu nous le demande.
Choisissons cependant notre manière de prier. Le bon sentiment ne suffirait pas. Ne prions pas n’importe comment. Comme une machine à prier qui marmonne indistinctement et sourdement des mots mort-nés. Ne nous prêtons pas à la comédie de la prière routine; ne nous installons pas dans l’insignifiance de la prière mécanique. Ne prions surtout pas poussés par la peur, mais inspirés par la foi.
L’heure est celle de la prière. De la vraie. Celle qui se met en communication avec le monde qui nous transcende et qui communie avec Dieu; qui s’adresse au Christ, source unique et seul chef de toutes les puissances bienfaitrices, unique tête de l’humanité. Il est le délégué du Père sur terre, lequel, depuis son siège éternel et immuable, régit d’une main ferme et autorisée l’univers entier et tout ce qu’il contient.
Mortels et fragiles, nous prierons celui qui, infini et éternel, abaisse son regard vers nous. Mortels au souffle passager, nous communierons avec l’Esprit régénérateur, source de vie. Enveloppés de ténèbres et tâtonnant dans l’obscurité, nous nous laisserons éclairer par les rayons de la lumière qui descend d’en haut et qui jette sa clarté sur nos sentiers tracés dans la nuit. Notre chant de louange ou nos soupirs de faiblesse, nous les lèverons vers le Soleil de nos âmes. C’est dans l’océan de toutes ses perfections divines que nous tremperons nos cœurs, que nous prendrons le bain purificateur.
L’heure est à la prière, mes amis. Faisons donc taire en nous toute autre voix que la sienne. Pour entendre les notes rassurantes de sa bonté suprême, pour percevoir les traits de sa beauté parfaite, pour écouter les accents de sa sagesse insondable, il nous faut nous recueillir, nous imposer le silence.
Notre prière sera celle du dialogue. Du dialogue avec Dieu. Du Dieu vrai, celui des cieux et de la terre. Non celui de notre imaginaire. Nous ne voulons pas dialoguer avec n’importe quel dieu, le dieu néant de l’Extrême-Orient spiritualiste, ou le dieu despotique d’un Moyen-Orient se réclamant monothéiste…
Nous refuserons les contrefaçons de Dieu. Afin de nous lier au Dieu devenu chair de notre chair, qui s’est fait homme en Christ Jésus, celui qui a compati à nos misères et les a secourues, qui s’est ému devant nos larmes et qui les a aussi essuyées. Le Dieu qui a gravi le Calvaire pour porter la croix, mais qui, à ce prix, devint le Sauveur. Nous prierons le Dieu de l’humanité déchue qu’il appelle à la résurrection et qu’il destine à la restauration.
C’est notre grandeur que de nous adresser à lui, le seul grand. C’est notre privilège que de communier avec celui qui est la fontaine intarissable de toute grâce excellente. C’est notre chance que de l’invoquer au bon comme au mauvais jour, et quelle occasion inespérée de le faire à l’heure de la détresse!
Dieu est notre Père aux cieux qui nous entend, notre Créateur qui connaît et compatit à toutes nos misères. Il tend l’oreille et n’a pas honte d’entendre nos gémissements. Cependant, il ne veut pas de simples balbutiements, lui qui est la Parole organisatrice de toute communication vraie. Son bras tout-puissant s’étend jusqu’à nous afin de saisir notre main tendue et tremblante. Ses bras qui soutiennent la création et donnent vie et mouvement à tout ce qui existe nous saisissent avec une paternelle sollicitude.
Autour de nous, combien d’hommes et de femmes, peut-être parmi nos proches et nos intimes, qui pleurent sur leurs deuils, qui désespèrent devant tant de ruines amoncelées, qui se lamentent en l’absence d’un être arraché à leur affection; dont les larmes ont peut-être tari à force de pleurer; dont l’âme a été écrasée sous le poids de leurs désillusions. Tournons-nous vers eux pour leur dire : Ami, ne saviez-vous donc point que c’est l’heure de la prière? L’angélus a sonné et l’angélus de la prière sonne à n’importe quelle heure! Vous pouvez donc invoquer le Tout-Puissant. Vous mettre au bénéfice du privilège du dialogue. Vivre dans la lumière d’une béatitude que le Dieu de toute consolation accorde à celui qui pleure. « Invoque-moi », dit-il par la plume de son serviteur, qu’il a inspiré. « Invoque-moi au jour de la détresse; je te délivrerai, et tu me glorifieras » (Ps 50.15).
Prenons garde à ne pas prier ce Dieu n’importe comment. Car il n’exauce pas toutes les prières ou prétendues telles. Il ne répond pas à toute requête comme s’il fût notre obligé. Il n’entend même pas celle de l’inique, et il fait la sourde oreille au méchant. Il sait que les prières sur des lèvres impures ne sont que des baisers de trahisons… Il n’exaucera pas nos appels à la vengeance. Il n’accueillera pas nos vœux de malédiction contre l’ennemi. Car il est amour; il ne désire point la mort du pécheur, mais qu’il se repente et qu’il vive.
Lorsque des adversaires haineux et une populace déchaînée l’ont cloué sur la croix, n’a-t-il pas prié, lui, le Fils de Dieu? « Père, pardonne leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23.34).
Admettons qu’il existe des prières franchement iniques. Et d’autres, carrément inutiles. Celles qui n’ont ni l’expression de la foi ni même son expérience. Elles agitent des lèvres, mais le cœur, lui, demeure figé. Vagues et molles, elles n’adressent ni la supplique ni expriment la louange. Ce sont de vaines parades, des simulacres d’oraison, des contrefaçons de ce qu’il y a de plus sacré.
L’heure de la prière sonne le combat de l’engagement du soldat décidé à gagner la partie. La partie engagée contre les forces du mal qui nous assaillent dans notre propre cœur, au sein de la communauté internationale, à l’intérieur de la nation, entre chrétiens eux-mêmes… Gagner la partie contre l’adversaire nous engage à lui opposer des armes acérées et non pas des points de paille. L’oraison vraie ne s’élève pas d’une âme irrésolue; mais elle doit sonner la trompette d’une guerre sainte.
Ce n’est que par la foi que nous pouvons prier. La foi est ce bouclier dont saint Paul écrivait qu’il éteint tous les traits enflammés du Malin (Ép 6.16). L’arme dont le Malin n’a jamais pu parer les coups. La foi sera le laser qui fera s’écrouler irrésistiblement l’ennemi, nivelant les échafaudages arrogants et dispersant les légions conduites par le prince de ce monde. La foi, déclarait Jésus dans son langage imagé et pourtant réaliste, transporte les montagnes!
La foi au Christ, bien entendu, le Chef de tous les bataillons célestes, le Général de l’armée des saints, la Tête de son Église militante, celui qui détient triomphalement tout pouvoir dans les cieux et sur la terre. L’intercesseur de ses pauvres disciples, qu’il encourage : « Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera » (Jn 15.16).
En son nom, car son nom est le plus grand de tous les noms. Dieu le lui a donné sur terre parmi les hommes et les armées célestes. Son nom signifie toute son autorité, incontestable et illimitée.
Celui qui le sert et l’invoque, celui qui est persuadé que Jésus, le Christ, est l’homme parfait comme il est vrai Dieu, celui-là a, auprès de Dieu, un blanc-seing.
« J’ai vaincu le monde », déclarait Jésus la veille de sa crucifixion (Jn 16.33). L’adversaire le sait et il tremble. Nous le savons aussi et nous nous en réjouissons. « La victoire qui vainc le monde c’est notre foi » (1 Jn 5.4). Ami, c’est l’heure de la prière!