Luc 4 - La tentation de Jésus-Christ
Luc 4 - La tentation de Jésus-Christ
« Jésus, rempli de l’Esprit Saint, revint du Jourdain et le Saint-Esprit le conduisit dans le désert où il fut tenté par le diable pendant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ils furent passés, il eut faim. Alors le diable lui dit : Si tu es le Fils de Dieu, ordonne donc à cette pierre de se changer en pain. Jésus lui répondit : Il est dit dans l’Écriture : L’homme ne vivra pas de pain seulement. Le diable l’entraîna sur une hauteur, lui montra en un instant tous les royaumes de la terre et lui dit : Je te donnerai la domination universelle ainsi que les richesses et la gloire de ces royaumes. Car tout cela a été remis entre mes mains et je le donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, tout cela sera à toi. Jésus lui répondit : Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et c’est à lui seul que tu rendras un culte. Le diable le conduisit ensuite à Jérusalem, le plaça tout en haut du Temple et lui dit : Si tu es le Fils de Dieu saute d’ici, lance-toi dans le vide, car il est écrit : Il donnera ordre à ses anges de veiller sur toi et encore : ils te porteront sur leurs mains pour que ton pied ne heurte aucune pierre. Jésus répondit : Il est aussi écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. Lorsque le diable eut achevé de le soumettre à toutes sortes de tentations, il s’éloigna de lui jusqu’à une autre occasion. »
Luc 4.1-13
La dernière demande du Notre Père, cette prière que Jésus-Christ a enseignée à ses disciples, concerne la tentation, plus exactement la délivrance que les croyants demandent à Dieu de leur apporter lorsqu’ils sont tentés : « Ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du Malin » (Mt 6.13). Cet article a pour sujet cette tentation et la manière dont s’y prend le Malin, alias Satan ou le tentateur, pour nous amener à désobéir au commandement de Dieu. Il essaie de cette manière de nous couper de notre Père céleste, en semant la division entre Dieu et nous. C’est son activité principale, et il semble qu’il n’y réussisse que trop bien.
Pourtant, la Bible nous accorde un exemple extraordinaire de résistance à la tentation de Satan, en la personne de Jésus-Christ, le Fils de Dieu, qui lui aussi a été tenté durant son existence terrestre. Les Évangiles nous rapportent le récit de cette tentation, et je citerai le début du chapitre quatre de l’Évangile selon Luc, qui relate cet épisode du ministère de Jésus. Mais pour bien comprendre la portée et la signification de ce récit, il nous faut aussi nous tourner vers l’Ancien Testament, car vous verrez sous peu que Jésus, dans sa lutte contre Satan, se réfère systématiquement à l’Ancien Testament comme Parole de Dieu. Il se réfère aux événements historiques qui ont marqué la vie du peuple de Dieu, et il se réfère aussi aux paroles de Dieu transmises par ses serviteurs. Commençons donc par lire le chapitre 8 du livre du Deutéronome, qui est le cinquième livre dans l’Ancien Testament. Puis, à la lumière de ce texte, nous lirons le récit de la tentation de Jésus dans le désert.
« Vous vous appliquerez à obéir à tous les commandements que je vous donne aujourd’hui afin que vous viviez, que vous deveniez nombreux et que vous puissiez entrer dans le pays que l’Éternel a promis par serment à vos ancêtres et en prendre possession. N’oublie jamais tout le chemin que l’Éternel ton Dieu t’a fait parcourir pendant ces quarante ans dans le désert afin de te faire connaître la pauvreté pour t’éprouver. Il a agi ainsi pour découvrir tes véritables dispositions intérieures et savoir si tu allais, ou non, obéir à ses commandements. Oui, il t’a fait connaître la pauvreté et la faim, et il t’a nourri avec cette manne que tu ne connaissais pas et que tes ancêtres n’avaient pas connue. De cette manière, il voulait t’apprendre que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de toute parole prononcée par l’Éternel. Le vêtement que tu portais ne s’est pas usé sur toi et tes pieds ne se sont pas enflés pendant ces quarante ans. Ainsi, en y réfléchissant, tu reconnaîtras que l’Éternel ton Dieu fait ton éducation comme un père éduque son enfant. Obéis donc à ses commandements, marche sur les chemins qu’il te prescrit et ainsi respecte-le. Car l’Éternel ton Dieu va te faire entrer dans un bon pays, un pays plein de cours d’eau, de sources et de nappes souterraines qui s’épandent dans la plaine et la montagne. C’est un pays où poussent le froment et l’orge, la vigne, les figuiers et les grenadiers, un pays d’oliviers, d’huile et de miel où tu ne mangeras pas parcimonieusement, un pays où tu ne manqueras de rien, dont les roches contiennent du fer, et où tu pourras extraire du cuivre des montagnes. Ainsi tu jouiras de ces biens, tu mangeras à satiété, et tu béniras l’Éternel ton Dieu pour le bon pays qu’il t’aura donné » (Dt 8.1-10).
Considérons maintenant le récit de la tentation de Jésus-Christ par Satan, au désert. Jésus-Christ commence son ministère terrestre par une première victoire sur Satan dans une guerre qui aujourd’hui n’est pas encore terminée. Cette victoire a lieu sur un champ de bataille bien particulier : une région désertique de Judée, quelque part dans les environs du fleuve Jourdain, en Palestine. Pourquoi s’agit-il d’un champ de bataille très particulier? Parce que, comme nous le lisons au huitième chapitre du livre du Deutéronome, le désert est aussi l’endroit où Israël a été testé durant quarante ans après sa délivrance de l’esclavage qu’il subissait en Égypte. Les quarante jours durant lesquels Jésus est tenté par Satan sont en quelque sorte une réplique des quarante années passées par Israël dans le désert. Mais il y a néanmoins une grande différence : Jésus, qui représente le nouvel Israël, sort vainqueur de ce champ de bataille. On ne peut pas dire de lui ce que le prophète Ésaïe écrivait plusieurs siècles auparavant sur Israël :
« Il avait dit : Oui, les Israélites, ils sont mon peuple, ce sont des fils qui ne décevront pas. Et il les a sauvés. Dans toutes leurs détresses, il a été lui-même dans la détresse, et l’ange qui se tient en sa présence les a sauvés. Dans son amour et dans sa compassion, il les a libérés, il les a soutenus et il les a portés tous les jours d’autrefois. Mais eux, ils se sont rebellés et ils ont attristé son Esprit Saint. Dès lors, il s’est changé pour eux en ennemi, et les a combattus » (És 63.8-10).
En contraste avec cette attitude décevante d’Israël, Jésus, rempli du Saint-Esprit, utilise la meilleure arme existante dans son combat contre Satan : il utilise la Parole de Dieu. Lui, dont il est écrit au début de l’Évangile selon Jean qu’il est la Parole de Dieu faite homme, ne peut utiliser cette arme qu’en vainqueur. Pourtant, il est vrai que ce premier champ de bataille n’est pas le seul dans cette guerre entre Jésus-Christ et Satan. Le second champ de bataille, central, se situe sur la croix où Jésus a été crucifié. En effet, Satan ne s’avoue pas vaincu après sa première défaite. Il reviendra à la charge. C’est justement ce que nous avons lu à la fin du passage de Luc sur la tentation de Jésus : « Lorsque le diable eut achevé de le soumettre à toutes sortes de tentations, il s’éloigna de lui jusqu’à une autre occasion. » Cela veut dire qu’il attendait un moment opportun pour revenir à la charge.
Or, nous lisons au chapitre 23 du même Évangile selon Luc ce que les chefs du peuple d’Israël ont dit lorsque Jésus agonisait sur la croix : « Lui qui a sauvé les autres, qu’il se sauve donc lui-même s’il est le Messie, l’Élu de Dieu! » (Lc 23.35). Reconnaissez-vous ici la voix de Satan? « Si tu es le Fils de Dieu, prouve-le donc, et fais ce que je t’incite à faire! » Voilà comment Jésus se trouve de nouveau mis à l’épreuve par le diable. Il doit prouver qu’il est le Fils de Dieu en utilisant sa puissance divine, mais non pour accomplir la volonté de Dieu son Père; bien plutôt pour accomplir la volonté de l’ennemi de Dieu… Et pourtant, Jésus remportera ici aussi la victoire sur Satan. Il mourra volontairement et activement sur la croix, car c’est là la volonté de son Père, et la raison de sa venue sur terre. Jésus sait très bien que, s’il y a une chose que Satan ne veut pas, c’est justement qu’il meure sur la croix pour le salut des hommes.
Et voyez maintenant comment Dieu gouverne le cours des événements : il semble que Satan soit maître de la situation en cette heure sombre. Il a joint ensemble tous les ennemis de Jésus dans une conspiration destinée à le faire mourir, et pourtant… Et pourtant, Satan ne peut échapper à son sort : il reste un instrument entre les mains de Dieu pour que s’accomplisse cette crucifixion qui représente le salut des croyants. Le plan divin sera exécuté. Les chefs du peuple se sont tant moqués de cette crucifixion, le comble de l’humiliation et de la défaite, leur semble-t-il. Ils ont pensé que cette croix représentait tout sauf une délivrance ou une rédemption : « Lui qui a sauvé les autres, qu’il se sauve donc lui-même s’il est le Messie, l’Élu de Dieu! » Or, c’est justement cette croix qui deviendra l’instrument du salut des croyants… En dépit des puissances obscures à l’œuvre en cette heure sombre, c’est Satan qui est lié, enchaîné : il ne peut qu’accomplir le plan de Dieu, même si c’est contre sa volonté.
Mais une troisième victoire attend Jésus-Christ, pendant que la bataille fait encore rage sur la terre : lorsque Jésus reviendra, Satan sera enchaîné devant tous et jeté dans l’étang de feu et de soufre. Une troisième victoire qui achèvera le combat de manière parfaite. Il y a pour les croyants un merveilleux message d’espoir et de joie dans cette triple victoire. Et combien en avons-nous besoin! Car sur ce troisième champ de bataille, les croyants, ceux que la Parole de Dieu appelle « le corps du Christ », puisque par la foi ils sont greffés sur leur Sauveur, sont aussi exposés à la tentation par Satan. Il essaie de les séparer de Dieu, comme il l’a fait avec Jésus au désert. Mais par la foi, les croyants qui sont greffés en Jésus-Christ le vainqueur résisteront à cette tentation. Satan ne réussira pas à les détacher de Dieu. L’apôtre Paul l’exprime de cette manière au chapitre huit de sa lettre aux chrétiens de Rome : « Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus, notre Sauveur » (Rm 8.39).
Voyons maintenant quelle est l’utilité pour les croyants de savoir comment Jésus a été tenté, et revenons plus en détail sur chacune des trois tentations qui nous sont rapportées dans l’Évangile selon Luc.
Le but de Jésus-Christ, selon la volonté de son Père, était de mourir sur cette croix afin que tous ceux qui croiraient en lui soient sauvés de l’enfer. Or l’enfer consiste à être totalement abandonné de Dieu, et c’est précisément ce que Jésus-Christ a ressenti au moment de sa crucifixion : il a été abandonné à la fois par les hommes et par Dieu son Père. Certes, la tentation était grande d’utiliser son pouvoir divin afin de se libérer des chaînes de la mort en cet instant de ténèbres. Pourtant, Jésus y résistera et mourra volontairement, activement, en sacrifice d’expiation, afin de réconcilier Dieu avec des hommes et des femmes autrement perdus et voués à la mort éternelle.
Mais un troisième champ de bataille subsiste : c’est celui sur lequel les croyants sont exposés à la tentation, jusqu’au retour de Jésus-Christ en vainqueur final de Satan et en juge de l’univers. Les croyants sont-ils exposés à la tentation sans aucune aide, sans aucun recours? Pas du tout. Tous ceux qui, par la foi en Jésus-Christ, sont greffés en lui, sont mis au bénéfice de sa victoire et peuvent donc résister à la tentation. Tous ensemble, sans distinction de race, de sexe, de classe sociale ou de niveau d’éducation, ils forment le corps de Jésus-Christ, son Église. C’est pourquoi il est utile de revenir sur le récit de la tentation de Jésus tel que nous l’avons lu dans l’Évangile selon Luc, au chapitre 4, car il nous apporte quelques enseignements de taille pour notre propre combat contre l’adversaire.
Quelle est donc aujourd’hui l’utilité pour nous de savoir comment Jésus a été tenté dans le désert? Cette utilité est triple. D’abord, nous voyons mieux comment Jésus a accompli la loi de l’Ancien Testament, lorsque nous comparons son attitude avec celle d’Israël durant les quarante années passées dans le désert. Rappelez-vous des paroles du livre du Deutéronome, chapitre 8, que nous avons déjà citées :
« Vous vous appliquerez à obéir à tous les commandements que je vous donne aujourd’hui afin que vous viviez, que vous deveniez nombreux et que vous puissiez entrer dans le pays que l’Éternel a promis par serment à vos ancêtres et en prendre possession. »
C’est ce que fait Jésus : il obéit aux commandements de Dieu et accomplit sa volonté, comme nous l’avons vu. En particulier, il respecte le premier commandement qui dit : « Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi. » Toujours au livre du Deutéronome, nous lisons :
« Vous ne vous rallierez pas à d’autres dieux, ces dieux des peuples qui vous entoureront, car l’Éternel votre Dieu, qui est au milieu de vous, est un dieu qui ne tolère aucun rival : il se mettrait en colère contre vous et vous ferait disparaître de la surface de la terre » (Dt 6.14-15).
Sur ce point, Jésus répond à Satan de la manière suivante, lorsque celui-ci cherche à lui faire enfreindre le premier commandement : « Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et c’est à lui seul que tu rendras un culte » (Lc 4.8).
En second lieu, nous comprenons mieux quelle est la stratégie de Satan, et quelles armes il utilise pour nous faire chanceler. Enfin, en troisième lieu, il nous faut tout autant connaître la stratégie de Jésus-Christ dans son combat contre Satan. Car si nous devons le suivre en tant que nouvelles créatures greffées en lui, et nous aussi être victorieux de l’adversaire, alors il nous faudra employer les mêmes armes. Reprenons donc une à une les trois tentations que subit Jésus dans le désert, mais en commençant par la dernière et en remontant jusqu’à la première.
Avec la troisième tentation, il est tout de suite clair que Satan sait lui aussi citer la Parole de Dieu, essayant ainsi de mettre l’autorité de Dieu de son côté.
« Le diable le conduisit ensuite à Jérusalem, le plaça tout en haut du Temple et lui dit : Si tu es le Fils de Dieu saute d’ici, lance-toi dans le vide, car il est écrit : Il donnera ordre à ses anges de veiller sur toi et encore : ils te porteront sur leurs mains pour que ton pied ne heurte aucune pierre » (Lc 4.9-11).
Satan cite donc la Parole de Dieu pour tenter Jésus. C’est du reste ce qu’il a fait au début de l’histoire humaine, lorsqu’il a dit à Ève : « Dieu a-t-il vraiment dit : vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin? » (Gn 3.1). Nous savons tous quels ont été les effets désastreux de cette citation faussée. Mais Jésus utilise la Parole de Dieu à la fois comme bouclier et comme épée. La fin de ce combat est que Satan le laissera jusqu’à ce qu’une autre occasion de le tenter se présente.
Satan, le père du mensonge, essaie d’utiliser la Parole de Dieu avec autorité. Cependant, comme il n’est pas rempli du Saint-Esprit, mais d’un esprit de fraude et de mensonge, il ne peut gagner cette lutte. Ceci nous montre que nous ne devons jamais cesser d’employer la Parole de Dieu à la fois comme bouclier et comme épée, car si nous le faisons en toute humilité et obéissance, alors, remplis du Saint-Esprit, nous gagnerons toujours la bataille. Le grand réformateur français du 16e siècle, Jean Calvin, a écrit sur ce passage le commentaire suivant, qui reste des plus actuels :
« Gardons-nous de ressembler à certains qui ont le cerveau à l’envers. Voyant que le diable corrompt l’Écriture, ces gens la rejettent comme si elle était incertaine et pouvait être tournée dans tous les sens. Si on suit cette logique, alors il faudrait aussi s’abstenir totalement de nourriture pour éviter tout danger d’empoisonnement. Satan profane la Parole de Dieu et s’efforce de la tourner pour notre ruine; mais puisque Dieu l’a destinée à notre salut, le décret de Dieu accomplira ses effets en nous; simplement, nous ne devons pas détruire l’usage salutaire de cette Parole par notre paresse et notre lâcheté. Je n’ai pas besoin d’insister. Regardons seulement ce que Christ nous montre par son exemple; c’est celui que nous devons suivre comme une règle très sûre. Abandonne-t-il sa position en voyant que Satan détourne méchamment le sens de l’Écriture? Accepte-t-il qu’on lui fasse lâcher ou qu’on lui arrache l’Écriture, qu’il avait lui-même prise pour sa défense? Non! Mais au contraire, il s’appuie encore sur l’Écriture, pour repousser vaillamment la méchante calomnie de Satan. »
Lorsque Satan n’utilise pas la Parole de Dieu pour la détourner de son sens, il profère purement et simplement des mensonges, comme nous le voyons avec la seconde tentation :
« Le diable l’entraîna sur une hauteur, lui montra en un instant tous les royaumes de la terre et lui dit : Je te donnerai la domination universelle ainsi que les richesses et la gloire de ces royaumes. Car tout cela a été remis entre mes mains et je le donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, tout cela sera à toi » (Lc 4.5-7).
Est-il exact que toutes les richesses et la gloire des royaumes ont été remises entre les mains de Satan? N’est-ce pas plutôt l’apparence des choses seulement?
Prenons un exemple, tiré du récit de la comparution de Jésus-Christ devant le procurateur romain Ponce Pilate, durant le procès qui devait aboutir à sa crucifixion. Jésus se tient silencieux devant Pilate, et le procurateur, étonné, lui lance : « Ne me réponds-tu pas? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te relâcher, et que j’ai le pouvoir de te crucifier? » (Jn 19.10). Jésus lui répond alors : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut » (Jn 19.11). Voyez-vous, Satan fait croire à Pilate que celui-ci peut disposer à son gré de la personne de Jésus. Par là, il veut aussi nous faire croire que c’est lui qui détient le pouvoir, à travers son instrument, Ponce Pilate. Si Pilate se laisse convaincre qu’il en est ainsi et qu’il peut à son gré relâcher ou faire crucifier Jésus, et si nous croyons aussi que Satan est vraiment en contrôle de la situation, car tout semble perdu, alors en effet Satan a créé l’illusion qu’il a gagné. Il a convaincu des hommes qu’ils détiennent le pouvoir sans que le Dieu souverain ait à y voir quoi que ce soit. Il les contrôle et les manipule à son gré par-derrière.
C’est d’ailleurs précisément ce qu’il a fait avec Adam et Ève à l’aube de l’humanité : il a suscité en eux une illusion de pouvoir et de majesté lorsqu’il leur a dit, par rapport à l’arbre de la connaissance du bien et du mal : « Vous ne mourrez pas du tout! Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal » (Gn 3.4-5). Mais la véritable question est la suivante : Satan croit-il lui aussi en ses propres mensonges? Ne sait-il pas plutôt que ses jours sont comptés? Quant à eux, les croyants peuvent se reposer sur les mots de leur Seigneur victorieux, lorsque celui-ci dit à ses disciples, après sa résurrection : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre » (Mt 28.18). Sur la croix, Jésus a remporté la victoire sur Satan et il exerce désormais son autorité universelle à la droite de Dieu le Père, depuis les cieux.
Nous avons déjà vu, avec la troisième tentation, que Satan sait comment citer, avec des intentions fausses, la Parole de Dieu pour se parer de l’autorité divine. Mais n’étant pas rempli d’Esprit Saint, comme l’est Jésus-Christ, il ne saurait remporter la bataille contre le Messie de Dieu. Celui-ci, utilisant la Parole de son Père à la fois comme bouclier et comme épée contre Satan, la cite avec une véritable autorité. Satan peut aussi vouloir créer l’impression qu’il est le maître du monde, et s’attribuer des pouvoirs qu’il ne possède pas, comme c’est le cas avec la seconde tentation. Seule son aptitude au mensonge peut créer l’illusion d’un tel pouvoir. Ceux qui se laissent décevoir par le père du mensonge se mettent finalement sous sa coupe.
Mais Satan peut aussi utiliser les circonstances pour nous tenter, comme il l’a fait avec Jésus lors de la première tentation : faim, abandon, situations extrêmement difficiles : « Dieu ne s’occupe pas de moi, Dieu m’a oublié; Dieu reste sourd à mes prières; Dieu est indifférent à ma souffrance. » La réponse de Jésus au tentateur, qui devrait aussi être la nôtre, est une réponse qui provient de la foi : reposez-vous sur les promesses de Dieu, faites-lui confiance, ne faites pas des plans qui ne le prennent pas en considération, comme si vous pouviez accomplir quoi que ce soit par vos propres forces. Souvenez-vous : au moyen de l’épreuve, Dieu opère en vous une croissance spirituelle, même s’il s’agit d’une croissance pénible. Dieu vous met à l’épreuve, comme il l’a fait avec le peuple d’Israël dans le désert au temps de Moïse. C’est ce que nous avons vu au livre du Deutéronome, chapitre 8. Il en est ainsi : l’homme ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Comme la citation du Deutéronome l’indique, cette Parole est plus que la Bible comme livre. Il s’agit en fait de la providence toute puissante de Dieu, par laquelle il soutient le monde entier, sa création.
Ce qui est merveilleux, c’est de savoir que notre existence, comme celle du monde entier, est soutenue par Jésus-Christ lui-même, dont il est écrit au début de la lettre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament : « Il soutient toutes choses par sa parole puissante et, après avoir accompli la purification des péchés, il siège dans les cieux à la droite du Dieu suprême » (Hé 1.3). La Bible nous enseigne donc que Jésus, qui en tant qu’homme a été tenté, connaît toutes les tentations que nous subissons, car lui aussi est passé par là. Ce même Jésus-Christ est la Parole éternelle de Dieu qui soutient toutes choses.
Ne prendra-t-il pas soin de nous? Ne transmettra-t-il pas nos prières à son Père dans les cieux? Restera-t-il indifférent à nos souffrances, lui qui a souffert l’abandon total par Dieu sur la croix afin que les croyants ne soient jamais abandonnés de Dieu? Lorsque nous sommes mis à l’épreuve, considérons le but de Dieu à notre égard et suivons l’exemple de Jésus-Christ : retournons à la Parole de Dieu. Ne permettons pas que Satan utilise ce test pour nous séparer de l’amour de Dieu. Le mandat qui nous est confié est de persévérer dans l’obéissance aux commandements divins, afin de rendre gloire à son nom. C’est par ce chemin étroit que Dieu nous conduit vers un pays nouveau où nous ne manquerons jamais de rien.
Je vous propose de continuer et conclure cette méditation sur la tentation de Jésus-Christ en citant quelques extraits du commentaire que Jean Calvin écrivait il y a quelque 450 ans sur cet épisode du ministère terrestre du Messie. Comme le français de Calvin est celui d’une autre époque, je l’adapte légèrement pour vous rendre ses paroles plus compréhensibles :
« D’abord, il nous faut voir d’une manière générale pourquoi Dieu a voulu que son Fils soit tenté. Les évangélistes nous rapportent qu’il a été conduit par le Saint-Esprit dans le désert; ce qui ressort de cela, c’est qu’il est entré dans ce combat par la décision et la providence sûre de Dieu. Il n’y a pas de doute qu’en la personne de son Fils, Dieu a voulu nous montrer clairement, comme dans un miroir, que Satan est l’ennemi principal et enragé du salut des hommes. Car pourquoi vient-il attaquer Christ plus rudement, et déployer toutes ses forces contre lui de la manière dont le rapportent ici les évangélistes, si ce n’est parce qu’il voit que Christ, par le commandement du Père, se prépare à travailler à la rédemption des hommes? Satan a donc combattu contre notre salut en la personne de Christ, tout comme il fait tous les jours la guerre à ceux qui prêchent cette même rédemption dont Christ est l’auteur. Mais il nous faut noter en même temps que le Fils de Dieu s’est volontairement présenté pour soutenir les tentations dont il est parlé ici, et qu’il a combattu en face, et a lutté contre le diable afin de nous acquérir le triomphe par sa victoire.
Donc, chaque fois que Satan nous attaque, souvenons-nous qu’il est impossible de faire face et repousser ses efforts si nous ne mettons pas ce bouclier en avant. Le Fils de Dieu a souffert d’être tenté, afin que nous le trouvions toujours devant nous quand Satan nous menace par la tentation. Voilà pourquoi il n’est pas dit qu’il a été tenté quand il vivait de manière privée à la maison sans exercer un ministère public; mais quand il a entrepris d’accomplir ce ministère de Sauveur, alors il est entré sur le champ de bataille au nom de toute son Église. Et puisque Christ a été tenté en la personne de tous les fidèles, sachons que les tentations qui nous adviennent n’arrivent pas par hasard, ou selon le désir de Satan, sans la permission de Dieu. Au contraire, l’Esprit de Dieu préside à nos combats, et le but c’est que notre foi soit exercée par ce moyen. Il faut par conséquent avoir l’assurance certaine que Dieu, qui est le surintendant, le souverain conducteur du combat, ne nous oubliera pas, mais qu’il nous assistera dans les détresses, dont il voit que nous ne pourrons pas nous démêler par nous-mêmes. […] Plus on est exercé aux combats spirituels, plus Dieu permet aussi qu’on soit plus violemment attaqué. Apprenons donc à ne jamais nous lasser, jusqu’à ce qu’ayant achevé le cours de notre guerre, nous soyons parvenus au but. »
À propos de la première tentation (les pierres changées en pain), Calvin écrit :
« Ainsi donc, le sens des mots de Satan est le suivant : puisque tu vois que tu es abandonné par Dieu, tu es bien obligé de pourvoir à tes besoins. Cherche donc quelque aliment pour te nourrir, puisque Dieu ne t’en envoie pas. Pour déguiser sa méchanceté, Satan met en avant la puissance divine de Christ par laquelle les pierres seront changées en pain. Mais son seul but c’est que Christ, en s’éloignant de la Parole de Dieu, suive tout ce qu’une voie infidèle suggérera. C’est donc bien à propos que Jésus répond que l’homme ne vit pas de pain seulement. C’est comme s’il disait : tu veux m’inciter à chercher un moyen quelconque pour subvenir à mes besoins autrement que Dieu ne le permet, mais cela serait n’avoir pas confiance en Dieu, et je n’ai aucune raison de le faire tant qu’il me promet d’être mon nourricier. Toi, Satan, tu veux me faire croire que sa grâce est attachée au pain; mais lui au contraire déclare que sa bénédiction seule est suffisante pour nous nourrir, quand même tous les aliments du monde feraient défaut. Nous comprenons maintenant de quelle sorte de tentation il s’agit : c’est la même par laquelle Satan nous attaque tous les jours. Car le Fils de Dieu n’a pas voulu entrer dans un combat étranger ou propre à lui, mais il a voulu soutenir les mêmes assauts que nous sentons en nous, afin qu’étant munis des mêmes armes qu’il a employées pour se défendre, nous ne doutions pas que nous avons la victoire en main. […] Christ donc met l’Écriture au-devant comme un bouclier pour se défendre. Car c’est la vraie façon de batailler, si nous voulons emporter la victoire. Et ceux qui quittent volontairement cette armure, et ne s’exercent pas assidûment en l’école de Dieu, méritent bien que Satan les étrangle d’heure en heure, puisqu’ils se présentent ainsi devant lui dénués de leurs armes. En fait, il n’y a pas d’autre raison pour laquelle Satan tyrannise si cruellement le monde. Dieu punit par ce moyen la nonchalance des hommes, et le mépris de sa Parole qui règne parmi eux. »
Et Calvin conclut ce passage de son commentaire par les paroles suivantes :
« Bien que nous vivions de pain, il ne faut pas attribuer notre vie aux qualités du pain en soi, mais à la grâce secrète que Dieu met dans le pain pour nous nourrir. Il en découle un autre point, à savoir que Dieu, qui se sert maintenant du pain pour nous nourrir, nous fera bien vivre par un autre moyen quand il lui plaira. Donc cette parole du Deutéronome est là pour condamner la stupidité de ceux qui pensent que leur vie consiste à se rassasier et à avoir des réserves matérielles. Elle sert aussi à corriger le manque de confiance et l’inquiétude désordonnée qui nous poussent à chercher des moyens qui ne sont pas permis. C’est à quoi tend la réponse de Christ : il faut que nous ayons une telle confiance en Dieu en ce qui concerne notre nourriture et les autres besoins courants de la vie, qu’aucun de nous ne doit tenter de passer les limites que Dieu a déterminées. Et si Christ ne s’est pas permis de transformer des pierres en pain, sans le commandement de Dieu, il nous sera encore moins permis de pourchasser la nourriture au moyen de la fraude, de vols, de la violence ou du meurtre. »